Nous sommes vraiment là dans le détail ! Nous proposons quelques cas supplémentaires, et le débat fera sans doute naître d’autres propositions, par exemple à l’Assemblée nationale. En passant à une vingtaine d’AFD, on ne peut pas dire qu’on généralise ! Nous procédons plutôt à une non-généralisation !
La grande question est la suivante : ces AFD fonctionnent-elles ? La réponse est « oui » pour ce qui concerne la sécurité routière. Plus un seul policier ou gendarme ne voudrait revenir à la situation antérieure aux AFD en la matière ! Elles fonctionnent également dans le domaine de la consommation de stupéfiants, avec 260 000 AFD infligées chaque année.
Ces AFD fonctionnent différemment selon le type d’infraction. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. le rapporteur Loïc Hervé, l’AFD que vous avez prévue dans le cadre de la loi de réforme de la justice défendue par Mme Belloubet, pour ce qui concerne l’occupation illicite d’un terrain par un certain nombre de véhicules motorisés – je ne veux pas citer uniquement les gens du voyage, qui étaient visés par le législateur –, fonctionne très moyennement, dans la mesure où il faut reconnaître l’infraction. Or il est rare que la personne qui installe un campement illégal le reconnaisse.
Que dit le policier ou le gendarme : « Si vous ne reconnaissez pas l’infraction, nous vous présenterons devant le procureur de la République. » C’est complètement différent de la situation suivante : « Vous ne reconnaissez pas l’infraction, je ne peux rien faire, et je me tourne vers les élus en leur disant qu’ils devront prendre leur mal en patience ou bien engager une longue procédure, à moins que les caravanes n’aient entre-temps quitté les lieux. »
L’AFD est un outil permettant le contradictoire, ainsi qu’une amende pénale s’inscrivant au TAJ, le traitement d’antécédents judiciaires, ce qui peut permettre de découvrir un certain nombre de choses. Par exemple, pour ce qui concerne la consommation de cannabis ou de cocaïne, le nombre des AFD peut permettre de constater que la personne souffre d’une addiction particulière et n’est pas un simple consommateur. Le juge peut ainsi estimer que celle-ci doit engager des soins.
Je relève également un manque de connaissance du fonctionnement de l’AFD. Après son adoption, nous demanderons à l’Antai, l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, de la mettre en place. Si les policiers constatent que vous exploitez illégalement un taxi et que vous reconnaissez l’infraction, vous préférerez, le plus souvent, payer l’amende plutôt que d’aller 24 heures ou 48 heures en garde à vue. Vous pourrez bien évidemment contester cette amende.
Surtout, il existe un deuxième contrôle. Nous avons construit l’AFD en fonction de la procédure pénale du procureur du territoire, qui peut d’ailleurs la territorialiser en fonction du danger. Il est certain que l’exercice illégal de l’activité de chauffeur de taxi, sans vouloir entrer dans la politique pénale des procureurs de la République, est plus grave à Paris qu’il ne l’est à Tourcoing ! Car on ne peut pas dire que la filouterie à l’exercice illégal de l’activité de taxi soit le danger premier de la délinquance tourquennoise. Une telle territorialisation me paraît constituer une politique pénale intelligente.
Par ailleurs, le procureur de la République de Rennes, qui reçoit toutes les AFD envoyées par les forces de l’ordre, vérifie que ces dernières sont conformes à la circulaire et à la volonté du législateur. Par conséquent, un certain nombre d’AFD « sautent », une fois transmises au parquet numérique de Rennes.
Ainsi, contrairement à d’autres procédures, deux procureurs vérifient ce qui se passe : celui qui fait la circulaire pénale et celui qui vérifie que les policiers et les gendarmes ont respecté le cadre de l’amende, dans le respect des règles de l’art.
Toutes vos critiques sur les AFD, selon moi, ne tiennent pas. En revanche, on peut constater, comme je vais le faire dans le cadre d’un amendement que je m’apprête à présenter, que tel ou tel délit ne doit pas entrer dans ce champ, parce que vous considérez soit qu’il n’est pas facilement objectivable, ce que l’on peut entendre, soit qu’il ne faut pas passer en amende forfaitaire quelque chose relevant de la réponse pénale classique.
M. le rapporteur et moi-même avons débattu de la question suivante : convient-il d’intégrer le port d’armes blanches, de couteaux, aux amendes pénales ? On le sait tous, les couteaux pullulent aujourd’hui, mais il est bien évidemment impossible d’en interdire – ce qui serait absurde – la vente. Faut-il, pour permettre aux policiers et aux gendarmes de réguler le nombre de couteaux circulant sur la voie publique, intégrer son port aux amendes délictuelles ou bien faire traiter les cas par un OPJ et un enquêteur, même si, il faut bien l’avouer, il y a très peu de réponses pénales concernant les porteurs de couteaux n’ayant commis aucun acte ? On peut avoir oublié de ranger son couteau de cuisine quand on se balade dans la rue !
Ce n’est pas trahir un secret, monsieur le rapporteur, que de dire que vous n’étiez pas très favorable à ce que nous vous proposions une AFD en la matière. C’est un débat intéressant ! Car c’est non pas l’outil AFD qu’il faut combattre, mais les différents délits.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la présidente, j’émets un avis défavorable sur ces quatre amendements. Nous pourrons ensuite entrer dans le vif du sujet, à savoir la liste des délits pouvant faire l’objet d’une AFD – je vous renvoie à l’amendement n° 233 du Gouvernement.