Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 12 octobre 2022 à 15h00
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Rapport annexé

Gérald Darmanin :

Ce point est très important. Dans la suite du débat sur cet article, nous irons sans doute plus vite pour le traiter, mais je tiens d’abord, monsieur le sénateur, à ce que vous compreniez bien pourquoi nous prévoyons cette mesure.

Aujourd’hui, les policiers – pour les gendarmes, le fonctionnement est différent – qui sortent de l’école de police ne peuvent pas passer, même lorsqu’ils souhaitent rejoindre la filière investigation, le bloc OPJ. Ils doivent attendre au moins trois ans. C’est cette disposition du code de procédure pénale que nous voulons modifier, car elle nous paraît inepte. En effet, on n’exige pas la même chose des magistrats qui sortent de l’École nationale de la magistrature, lesquels peuvent devenir facilement – si je puis dire – substitut du procureur. Or les policiers ne sont pas plus bêtes, me semble-t-il, que les magistrats…

Le problème est surtout, dans le système actuel, que l’on ne prête pas attention à la qualité ou au nombre des diplômes dont sont titulaires des policiers qui ont passé un concours de la police parce qu’ils avaient envie de changer de vie. Je connais ainsi beaucoup de gens qui ont une licence, une maîtrise, voire un master de droit, et qui présentent les épreuves du concours de gardien de la paix ; il y en a plein dans les écoles de police…

Il nous a semblé que la seule condition d’ancienneté à partir de la sortie de l’école de police, actuellement requise pour passer le bloc OPJ, n’était pas satisfaisante et qu’il fallait considérer la qualification personnelle du candidat qui souhaite passer ces épreuves.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, lorsqu’un policier reçoit son affectation à la sortie de l’école de police, il met rarement sa vie professionnelle et sa vie personnelle entre parenthèses pour passer un concours – c’est tout le problème des personnes qui passent des concours internes de la fonction publique. Il lui faut parfois davantage de temps pour s’inscrire dans la vie professionnelle qu’il a choisie, surtout s’il est affecté dans une autre ville que la sienne et s’il est un « célibataire géographique ». Un policier ne passe donc pas automatiquement le concours d’OPJ au bout de trois ans d’exercice ; il peut se dire qu’il l’envisagera dans cinq, dix ou quinze ans.

De ce fait, il nous manque en tout 5 000 OPJ, et vous devez sûrement le constater dans votre territoire. Vous êtes en effet nombreux à m’écrire pour me dire qu’il manque des OPJ dans vos commissariats.

Or la difficulté, monsieur le sénateur, c’est que le ministre de l’intérieur que je suis ne peut pas affecter des OPJ dans les commissariats de façon – si j’ose dire – militaire. La seule chose que je puisse faire est d’ouvrir des postes. Et si aucun candidat ne se présente pour occuper un poste ouvert, je ne peux forcer personne à y aller.

Le ministre de l’intérieur ne peut obliger à rejoindre des postes uniquement les policiers qui sortent de l’école de police. Puisqu’aucun policier sortant de l’école de police ne pouvait, jusqu’à présent, passer le concours d’OPJ, je ne pouvais pas affecter dans les commissariats des policiers sortis de l’école ayant la qualification d’OPJ. CQFD !

Demain, en revanche, si vous votez cette disposition qui me paraît de bon sens, je pourrai affecter directement des OPJ dans les commissariats, car je disposerai de deux types d’élèves gardiens de la paix : ceux qui n’ont pas obtenu le concours d’OPJ et ceux qui l’ont réussi.

Enfin, je terminerai ce propos, en complétant les propos de M. le rapporteur, par un point très important.

Nous avons essayé d’avoir de la suite dans les idées. Vous avez voté l’année dernière la disposition faisant passer de huit à douze mois la formation de gardien de la paix. Dans ce délai de quatre mois de formation supplémentaire, les gardiens de la paix passeront le bloc OPJ. Cela ne signifie pas que tous les réussiront. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », comme disait l’autre…

Pour ceux qui ne réussiront pas les épreuves du bloc OPJ, ce n’est pas très grave : ils auront suivi des cours de droit supplémentaires, ce qui ne fait de mal à personne, et surtout pas à un futur policier.

Quant à ceux qui les ont réussies – nonobstant d’ailleurs les trente mois de probation, soit pas loin de trois ans si l’on fait le calcul –, non seulement ils auront passé un concours dont les épreuves, inchangées, sont toujours rédigées, corrigées et présidées par des magistrats, mais ils auront obtenu leur qualification à la fin.

Telle n’est pas la démonstration que vous avez faite, monsieur le sénateur. J’avoue que cette histoire d’OPJ est un peu complexe. Je le répète, j’ai moi-même, après ma nomination en tant que ministre de l’intérieur, découvert que je ne pouvais pas affecter directement des OPJ. C’est le mal dont souffre aujourd’hui la police nationale : beaucoup d’agents procèdent à des interpellations, et peu font des enquêtes.

Je crois donc que vous devriez retirer votre amendement, car cette disposition est de bon sens, et les participants au Beauvau de la sécurité peuvent en témoigner.

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