La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’invite chacun à observer deux principes cardinaux au Sénat : le respect des uns et des autres et le respect, plus mathématique, du temps de parole.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la Première ministre, nous nous sommes rencontrés pour la première fois, sur votre demande, le 27 juillet dernier. Je vous avais alors fait part de ma grande préoccupation quant à la situation sociale de la rentrée de septembre et vous avais proposé une revalorisation significative du Smic ainsi que l’organisation d’une grande conférence salariale, afin d’anticiper les difficultés financières prévisibles pour l’immense majorité de nos concitoyens. Vous m’aviez répondu que tel ne serait pas votre choix et que vous privilégieriez la solution des accords de branche.
Aujourd’hui, le désordre s’installe, la colère gronde et les premières victimes de cette situation sont les salariés obligés d’utiliser leur voiture. La crise des carburants que traverse notre pays constitue le premier étage d’une crise sociale généralisée installée sur son pas de tir. Les inégalités se creusent et ce n’est qu’un début…
Faire preuve d’autoritarisme en réquisitionnant les salariés sans responsabiliser les employeurs ne permettra pas de revenir à la paix sociale à laquelle nous aspirons tous. Aucune prime, même dite « Macron », limitée dans le temps et dans l’espace, ne remplacera une revalorisation durable des salaires.
Vous n’anticipez plus. Vous ne faites plus que corriger, et mal, au moyen de rustines extrêmement coûteuses pour la solidarité nationale, que vous convoquez pour mieux exonérer les plus aisés de nos concitoyens.
Les pompes à essence s’assèchent, le pouvoir d’achat est siphonné par l’inflation, mais les dividendes, eux, continuent de ruisseler.
Madame la Première ministre, cette situation est absurde : certaines entreprises peuvent tripler leurs bénéfices en profitant de la crise actuelle, sans pour autant augmenter leurs salariés, sans contribuer à l’effort national.
Ma question est donc simple : face à cette aberration, allez-vous choisir le camp de la résignation ou celui du combat pour la justice sociale ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je vous remercie, monsieur le président Kanner, de vos propos parfaitement équilibrés et modérés…
Sourires sur quelques travées.
En ce qui concerne les profits exceptionnels, j’ai le plaisir de vous indiquer que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, vous aurez à vous prononcer sur une disposition permettant de taxer les profits exceptionnels, notamment ceux des compagnies pétrolières.
Ah ! sur les travées du groupe SER et applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – Mme Monique de Marco applaudit également.
Par ailleurs, je vous précise que, moi aussi, j’échange régulièrement avec des salariés ou des fonctionnaires, avec les Français qui travaillent, de même qu’avec les organisations syndicales et des chefs d’entreprise. Or tous me disent la même chose : les Français veulent vivre de leur travail. Cette conviction, c’est aussi la mienne et c’est celle de mon gouvernement ; le travail, c’est la dignité, c’est l’émancipation.
Et c’est bien pour protéger le pouvoir d’achat des Français que nous avons pris des mesures fortes. Je pense notamment au bouclier tarifaire, mesure la plus protectrice d’Europe.
En outre, depuis plus de cinq ans, nous agissons pour que le travail paye toujours mieux. Je pense notamment à la suppression de certaines cotisations sociales ou à l’augmentation de la prime d’activité.
J’y viens, messieurs les sénateurs.
De plus, nous avons pris, l’été dernier, des mesures supplémentaires, en revalorisant la prime d’activité, en créant la prime de partage de la valeur et en facilitant le déblocage de l’épargne salariale. Au travers de ces dispositifs, entreprises et salariés avancent ensemble et ces derniers bénéficient des richesses qu’ils contribuent à créer.
Vous me parlez de salaire, monsieur le président Kanner. Or, je vous le rappelle, nous avons, en France, à l’échelon interprofessionnel, le dispositif de salaire minimal le plus protecteur et, à la suite des hausses automatiques, le Smic a été revalorisé, en un an, de 8 %, avec une inflation de 6 % ; or, sauf erreur de ma part, 8 %, c’est plus que 6 %.
Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.
Naturellement, cette revalorisation automatique du Smic doit conduire les branches professionnelles à revoir leur grille salariale. Depuis le début de l’année, plus de 500 accords de branche sur les salaires ont ainsi été signés, alors qu’il n’y en avait eu que 418 sur toute l’année 2019.
Par ailleurs, le Parlement a adopté l’été dernier, je le rappelle également, une disposition accélérant les négociations dans les branches dont les minima sont inférieurs au Smic.
Ainsi, la dynamique est là. Elle doit sans doute se prolonger, car, je suis d’accord, toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires, a fortiori dans la période d’inflation que nous connaissons.
Néanmoins, vous le savez, monsieur Kanner, c’est du dialogue social que viendra la réponse. Pour ma part, j’y crois profondément, mais cela exige de se mettre autour d’une table, de respecter les accords majoritaires et de chercher des compromis, cela ne consiste pas à bloquer le pays.
Donc, oui, mon gouvernement croit au dialogue social, il prend ses responsabilités pour que celui-ci puisse exister et pour que ses résultats soient respectés.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, du RDSE et sur des travées du groupe UC.
D’abord, madame la Première ministre, vous le savez très bien, pour les ménages les plus modestes, l’inflation n’est pas de 6 %, elle est de 13 % ou 14 %, eu égard à la composition de leur panier moyen.
Ensuite, vous me parlez de dialogue social, mais comment voulez-vous faire comprendre à des salariés de TotalEnergies qui demandent une revalorisation de 10 % – 7 % pour tenir compte de l’inflation et 3 % pour tenir compte des profits de l’entreprise – que leur patron, M. Pouyanné, a augmenté de 52 % son salaire en 2021 afin d’atteindre 500 000 euros par mois ?
Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly, ainsi que MM. Vincent Éblé et Victorin Lurel, applaudissent.
Voilà ce qui est injuste et que vous ne combattez pas ! Vous êtes faible avec les forts et forte avec les faibles !
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le ministre, les Français vivent depuis maintenant plus de deux ans dans un contexte particulièrement anxiogène, enchaînant crise sanitaire, crise économique, guerre en Europe et inflation générale, tout cela avec une remarquable capacité de résilience, qu’il est important de souligner.
La pénurie de carburant, s’expliquant par les grèves dans les raffineries, mais également par une augmentation mal anticipée de la consommation liée aux remises à la pompe, est venue donner le coup de grâce à une partie de la population, qui ressent particulièrement la fracture sociale et territoriale : ceux des Français qui n’ont aucun accès aux transports en commun et qui n’ont d’autre moyen de locomotion que la voiture.
Bien sûr, il y a eu des comportements irresponsables de la part de certains usagers, qui se sont rués sur les stocks d’essence pour remplir leurs jerricans après avoir rempli leur réservoir ; ce sont sans doute les mêmes qui, naguère, avaient épuisé les stocks de papier toilette, de farine ou de moutarde… Toutefois, la réalité est là et c’est avec elle que l’État doit composer : les stations-service sont prises d’assaut, les Français sont confrontés à des difficultés pour se déplacer et des professionnels ne peuvent plus travailler correctement, y compris dans les services essentiels à la population.
Je sais que ce n’est pas au Gouvernement de discuter des salaires des grévistes – en tout cas, il n’est pas l’acteur principal de ces négociations –, mais il s’agit ici d’évoquer les problèmes d’approvisionnement relatifs à un bien stratégique qui pourraient potentiellement paralyser jusqu’aux services de santé et de sécurité de notre pays. L’État a donc l’obligation de s’en mêler.
Après avoir pris quelques mesures, malheureusement insuffisantes, vous avez annoncé hier que les préfectures pourraient réquisitionner les salariés de certaines raffineries en grève. Pouvez-vous nous préciser comment cette réquisition se déroulera ? Ne craignez-vous pas que la justice vous oppose la liberté fondamentale du droit de grève, comme cela s’est déjà produit en 2010 ? Si tel était le cas, quelles autres pistes pourriez-vous envisager, tout en évitant d’importer davantage de gazole russe, afin de répondre à la demande ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Gold. Vous l’avez dit, le Gouvernement agit là où il le peut et là où il le doit, depuis le début de cette crise sociale, qui conduit à des situations de tension réelle dans de nombreux départements de notre pays et qui pénalise des millions de nos concitoyens pour se rendre à leur travail, faire leurs courses, amener leurs enfants à l’école, voire, vous l’avez dit vous-même, se soigner.
Nous avons d’abord suppléé le carburant qui ne pouvait pas sortir des centres de dépôt en important massivement, notamment depuis la Belgique, du carburant à destination de la région des Hauts-de-France. Nous avons également puisé dans nos réserves stratégiques de carburant et multiplié le recours à des camions-citernes dans une noria organisée de manière à remédier aux difficultés rencontrées par de nombreuses stations-service.
Néanmoins, nous avons conscience que cela ne suffit pas à régler le problème. Aussi, ce que souhaite ardemment Mme la Première ministre depuis le premier jour, c’est que le dialogue social ait lieu dans de bonnes conditions et aboutisse, afin que les blocages cessent.
Il y a deux cas de figure.
Premier cas de figure : le groupe ExxonMobil, qui a notamment des centres de dépôt de carburant situés en Normandie. La CFDT et d’autres syndicats réformistes de ce groupe ont signé avec leur employeur un accord majoritaire. Cet accord n’a pas été respecté ni soutenu par la CGT, qui a annoncé souhaiter continuer le blocage. L’État prend alors ses responsabilités en demandant au préfet de prendre, dans les plus brefs délais, des arrêtés de réquisition, qui devraient être opérationnels aujourd’hui, de manière à débloquer l’accès au dépôt de carburant de Port-Jérôme et à améliorer la situation dans les jours qui viennent.
Second cas de figure : le groupe TotalEnergies, qui a annoncé l’ouverture de négociations et de discussions sur les salaires. La CGT…
… et FO, en effet, semblent avoir décidé de participer aux premières réunions. Nous restons extrêmement attentifs à l’évolution de ces discussions et aux décisions d’arrêt du blocage, que nous appelons de nos vœux. En l’absence d’une telle décision, là encore – Mme la Première ministre l’a annoncé –, l’État prendra ses responsabilités et décidera des réquisitions nécessaires pour que chacun puisse retrouver un quotidien normal.
Cela prendra évidemment du temps, plusieurs jours, car chacun peut imaginer le temps nécessaire pour rouvrir une raffinerie et extraire le carburant des dépôts, mais la situation s’améliorera de façon visible dans les jours qui viennent.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.
Madame la ministre, dans un peu plus d’un mois commencera la XXIIe Coupe du monde de football, au Qatar.
Sans préjuger de la sélection finale, il faut admettre que, cette année, nous avons une équipe de très haut niveau ; cette Coupe du monde aurait donc dû être une très belle fête pour la France.
Pourtant, on le voit, un malaise, pour ne pas dire du dégoût, est en train de grandir, y compris chez certains des plus fervents supporters des Bleus. En réalité, nous sommes face à un dilemme : une troisième étoile sur le maillot bleu vaut-elle toutes les compromissions ? Car, des compromissions, il y en a eu et il y en a encore.
En 2010, Kylian Mbappé n’avait que 12 ans, mais, à cette époque, Nicolas Sarkozy œuvrait déjà avec succès pour que la monarchie qatarie se voie attribuer l’organisation de l’événement. Douze ans plus tard, on s’apprête à jouer la plus grande compétition de football sur les cadavres de 6 500 travailleurs qui ont participé à la construction de stades climatisés. Douze ans plus tard, les droits humains n’ont pas progressé au Qatar, les minorités sexuelles sont toujours persécutées, les femmes ne sont pas libres et l’esclavage continue. Douze ans plus tard, le climat prend la trajectoire d’un chaos global et on continue d’organiser de grands événements sportifs dans le déni climatique, en dépit de toutes les alertes, de toutes les catastrophes, de tous les emballements, de tous les drames qui surviennent.
Vous me direz sans doute, madame la ministre, que vous n’êtes pas comptable des compromissions passées, mais la France s’apprête à exporter, demain, son savoir-faire en matière de sécurité, en mettant au service de la dictature qatarie 220 gendarmes et agents de la sécurité civile, tous des hommes, bien entendu, pour ne pas choquer le rigorisme religieux des émirs…
Pourtant, au-delà du rayonnement de nos équipes nationales, le sport français devrait être un réel vecteur d’engagement en faveur des droits humains et du climat.
Ma question est donc la même que celle que je posais à votre prédécesseur voilà quelques mois, à l’occasion des jeux Olympiques au pays du génocide ouïghour : si nos joueurs n’ont pas à assumer les choix politiques de la France, allez-vous, de votre côté, au moins boycotter diplomatiquement cette Coupe du monde de la honte et de la compromission ? Allez-vous enfin engager votre ministère dans une réelle diplomatie sportive au service du climat et des droits humains ?
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.
La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Dossus, en préambule, je rappelle que la décision de la Fédération internationale de football association (Fifa) d’attribuer la Coupe du monde de 2022 au Qatar a été prise il y a douze ans, dans un tout autre contexte.
Aujourd’hui, l’urgence écologique est, bien entendu, plus prégnante que jamais et nous souhaitons que le Qatar fasse tout ce qu’il doit faire pour tenir l’objectif de neutralité carbone qu’il a affiché pour ce Mondial.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.
Au-delà de cela, nous voulons évidemment, sur ce chemin vers le Mondial, encourager le Qatar à poursuivre son engagement afin de mettre pleinement en œuvre l’accord de Paris et réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes d’ailleurs engagés dans des coopérations techniques visant à accélérer les efforts de ce pays dans cette direction.
Nous espérons que le Qatar pourra, dans le cadre de la COP27 de Charm el-Cheikh, soumettre une contribution nationale rehaussée et une stratégie de long terme davantage alignée sur l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1, 5 degré.
Pour ce qui concerne les droits humains, notre pays porte ce combat très haut, dans un cadre tant bilatéral que multilatéral, dans l’enceinte de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou avec les organisations non gouvernementales, dont Human Rights Watch et Amnesty International. Le Qatar a fait de premiers progrès en 2018 et en 2020, au travers d’une évolution de sa législation, mais ces progrès sont tout à fait insuffisants. Nous veillons donc, lors de chacune de nos interactions avec ce pays, à promouvoir le respect de l’ensemble des droits humains.
Cela étant, vous avez raison, derrière votre question se trouvent bien posées la question du modèle que nous voulons pour les futurs grands événements sportifs internationaux…
… et celle des critères devant présider à leur choix, à leur localisation, à leur cahier des charges.
Je veux faire part de deux espoirs allant dans ce sens.
D’une part, la Fifa appelle de ses vœux le renforcement des critères environnementaux dans les appels d’offres pour les futurs événements…
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. … et, d’autre part, nous avons pris l’engagement de faire de nos jeux Olympiques et Paralympiques les jeux les plus écologiques de l’histoire.
Exclamations sur diverses travées pour signifier à l ’ oratrice que son temps de parole est épuisé.
Nous tiendrons cet engagement, de la même façon que, dans la foulée du plan de sobriété énergétique porté par la…
M. le président coupe le micro de l ’ oratrice.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.
Monsieur le ministre de la santé, une autre pénurie menace la France : celle des médicaments.
L’alerte lancée récemment à ce sujet par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé concerne les traitements les plus courants du diabète de type 2, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Depuis janvier dernier, les ruptures d’approvisionnement des officines augmentent de manière constante et sont en passe d’être multipliées par deux. Au-delà des antidiabétiques, les médicaments de lutte contre l’hypertension ou anticancéreux sont également concernés par ces tensions, mais cela touche de plus en plus de médicaments.
De manière plus générale, ce sont les princeps ou les médicaments qui n’ont pas de solution thérapeutique de substitution qui connaissent ces difficultés. Les témoignages émanant du terrain sont clairs : il manque de plus en plus de molécules chez les pharmaciens.
En 2018, déjà, notre collègue Jean-Pierre Decool avait soulevé ce problème à l’occasion d’une mission d’information demandée par le groupe Les Indépendants. Des pistes d’amélioration de notre système avaient été proposées.
Les causes de ces pénuries sont multiples et l’aggravation de la situation est due, en partie, aux fortes tensions déclenchées par la pandémie de covid-19 et, plus récemment, par la guerre en Ukraine.
Beaucoup de nos médicaments proviennent d’Asie. Les matières premières pour les fabriquer sont quasiment toutes hors de l’Union européenne. Nos chaînes de distribution ne sont pas assez efficaces.
C’est un problème de souveraineté pour la France et pour l’Europe ; nous devons produire nos médicaments. Les ruptures de stock et les tensions sur les approvisionnements nous fragilisent. Nous risquons des drames humains. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Monsieur le ministre, quelles réponses conjoncturelles et surtout structurelles comptez-vous apporter pour lutter contre ces pénuries ? L’échelon européen n’est-il pas incontournable ?
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Mélot, le médicament est un secteur stratégique, essentiel pour notre pays, qui répond à plusieurs enjeux : renforcer notre capacité d’innovation, développer nos capacités de production en attirant des industries étrangères dans notre pays. En outre, vous l’avez dit, c’est un enjeu de souveraineté nationale et au sein de l’Europe ; il s’agit de garantir un meilleur accès de nos concitoyens aux médicaments, un meilleur approvisionnement, en évitant de telles pénuries.
Le Gouvernement est fortement engagé, derrière le Président de la République, dans le soutien à l’industrie du médicament. À titre d’exemple, des investissements forts en faveur de l’innovation ont été, vous le savez, engagés pour maintenir l’innovation, notamment d’un point de vue financier, avec l’engagement de 10 milliards d’euros dans le cadre, entre autres, du plan France 2030, afin de favoriser l’accès de nos concitoyens aux médicaments très innovants.
Nous respectons, ce faisant, les engagements du Président de la République vis-à-vis de l’industrie du médicament, secteur en forte croissance, et nous allons même au-delà, puisque, l’année prochaine, 800 millions d’euros supplémentaires seront investis dans cette industrie par la sécurité sociale.
Tout cela n’est pas incompatible avec les efforts justes et proportionnés que nous demandons à cette industrie. En effet, si nous devons, en responsabilité, favoriser son développement, c’est bien le budget de la sécurité sociale, c’est-à-dire l’argent des Français, qui paye cette industrie. Or le Gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter les impôts et à ne pas diminuer les droits de nos concitoyens.
Cela étant, nous avons entendu les remontées fortes provenant de ce secteur et nous travaillons avec ses acteurs à sa restructuration et aux meilleurs moyens de passer l’année 2023.
Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adressait à Mme la Première ministre, mais c’est, je crois, M. le ministre chargé de l’industrie qui va me répondre.
Monsieur le ministre, mon collègue Serge Babary et moi-même souhaitons vous parler au nom des chefs d’entreprise, issus de tous nos territoires, qui nous ont saisis et qui sont tétanisés par l’explosion des coûts de l’énergie.
Dans la situation dans laquelle nous nous trouvons désormais, il est devenu préférable, pour nombre d’entreprises, de cesser de produire, voire de fermer ses portes, plutôt que de continuer de créer de la richesse, car produire fait perdre de l’argent !
Certaines entreprises ferment leurs usines pendant deux, trois ou quatre mois ; d’autres réduisent leur production de 25 % à 30 %, plaçant leurs salariés en activité partielle. Là encore, c’est notre souveraineté industrielle, économique et même alimentaire qui est en danger. Tous les secteurs sont frappés, de même que toutes les tailles d’entreprises.
Les entreprises sont confrontées à cette alternative folle, les menant dans l’impasse : soit elles signent un contrat à des tarifs non soutenables économiquement, soit elles ne signent rien avant fin octobre, comme le leur a suggéré le Président de la République en septembre dernier, et elles risquent alors de se retrouver sans contrat, c’est-à-dire sans énergie, donc sans activité, au 1er janvier prochain.
En effet, sur le marché, les contrats à terme sont devenus inexistants. Les offres, quand elles existent, ne sont valables que quelques heures et ne sont pas économiquement accessibles. Le marché, sans repères, est devenu imprévisible et personne – personne ! – ne semble vouloir saisir la bride de ce cheval devenu fou…
Les chefs d’entreprise sont seuls. L’un d’eux m’a écrit hier : « Mais qu’attendent-ils ? Nous mourons et nous mourons de mort subite… »
Sans doute, un premier bouclier a été mis en place pour les entreprises électro-intensives et les TPE, mais, vous le savez comme nous, je n’en doute pas, son dimensionnement n’est pas adapté, ses critères d’éligibilité sont trop stricts. Les boulangers qui n’ont pas le bon compteur et dont le four est trop puissant sont en train de fermer…
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour apporter une solution simple, massive et extrêmement rapide en soutien de nos entreprises ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la sénatrice Primas, les alertes que vous recevez, je les entends également. Je suis régulièrement sur le terrain et j’ai, moi aussi, rencontré des entreprises, dont certaines, vous les avez évoquées, envisagent effectivement de mettre en place – voire l’ont déjà fait – une activité partielle pour faire face aux hausses explosives du prix de l’énergie.
Je ne sais pas s’il me revient de dompter le cheval, mais je participe, avec mes collègues Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, à l’élaboration de solutions, que nous souhaitons mettre en œuvre dans les jours qui viennent, car on parle non plus de mois ni de semaines, mais de jours.
Ces solutions se déclinent aux échelons européen et national, mais également local.
À l’échelon européen, nous tâchons de découpler les prix du gaz et de l’énergie, …
… y compris en intervenant sur les marchés de produits dérivés, de manière à faire baisser les prix du gaz et d’électricité en 2022 et 2023. Nous nous employons également à simplifier, prolonger et amplifier le dispositif d’aide dit « Ukraine », qui a été utile pour certaines d’entreprises, mais dont, vous l’avez dit, l’ampleur est insuffisante et les critères trop complexes. Nous y travaillons avec nos partenaires européens, car c’est l’échelon pertinent.
À l’échelon local, j’ai demandé aux fonctionnaires présents dans les territoires, les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, d’agir au plus près de ces dernières afin de les aider à négocier avec leur fournisseur d’énergie, car, vous avez raison, il est hors de question que des entreprises ne se voient proposer aucune offre. Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher, Olivia Grégoire et moi-même avons signé une charte avec les fournisseurs d’énergie, lesquels se sont engagés à proposer des offres compétitives à leurs clients si ceux-ci leur en font la demande et à les accompagner dans la durée, dans le cadre de leur devoir de conseil sur la meilleure manière de « dessiner » leur contrat.
Nous intervenons donc à tous les échelons.
Je profite de cette occasion pour en appeler à la solidarité des filières, parce que nous devons tous contribuer à l’appui à notre industrie, qui, je vous rejoins, ne doit pas être la victime collatérale de cette guerre.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Tout le monde – distributeurs, grands groupes – doit appuyer les filières, afin que l’industrie sorte gagnante de cette crise.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Je plante un deuxième clou dans le cercueil, après la question de Sophie Primas, en plaidant en faveur de la filière agricole, lourdement frappée par la crise énergétique, avec l’augmentation du coût des intrants et la rupture de contrats d’approvisionnement d’énergie, notamment des fournisseurs alternatifs.
Ce secteur semble oublié, comparativement à d’autres, et les agriculteurs ressentent douloureusement cette injustice.
C’est le cas par exemple de la coopérative Biocer, qui compte 280 adhérents dans l’Eure et 26 dans l’Orne, et dont la facture énergétique passerait, si rien n’est fait, de 285 000 euros à plus de 1 million d’euros. C’est insoutenable, Sophie Primas l’a très bien expliqué.
Il en va de même pour la filière équine, chère au président Larcher, et pour les jeunes agriculteurs récemment installés, qui ne peuvent bénéficier des dispositifs en place, mal adaptés à leur situation. N’oublions pas les suicides d’agriculteurs et les nombreux drames personnels !
Notre souveraineté alimentaire, dont vous êtes chargé, monsieur le ministre, est menacée. Quelles mesures allez-vous prendre ou avez-vous déjà prises pour soutenir les agriculteurs dans cette période extrêmement difficile ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Goulet, cette question fait écho à celle de Mme Sophie Primas, mais pour le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Ce secteur présente toutefois deux spécificités, sur lesquelles je reviendrai : sa saisonnalité et l’impossibilité de rompre la chaîne de production.
La situation a été décrite, je n’y reviens pas.
Nous avons travaillé avec vous, madame la sénatrice, sur l’entreprise Biocer, afin de trouver des solutions.
Je vais néanmoins présenter quelques éléments globaux.
À court terme, mon collègue Lescure l’a indiqué, les opérateurs ont signé une charte les engageant à proposer obligatoirement une offre, à conseiller leurs clients et à assurer une certaine modération des tarifs.
Ensuite, à l’échelon européen, nous attendons des réponses, dans les jours qui viennent, sur la décorrélation des prix du gaz et de l’électricité, qui est un levier puissant.
Enfin, nous simplifions l’aide aux entreprises énergo-intensives en l’adaptant mieux à ce qu’est leur réalité, notamment la saisonnalité de l’industrie agroalimentaire. Je pense par exemple à la filière de la betterave, qui a besoin de plus d’électricité ou d’énergie à certaines périodes qu’à d’autres, ce dont le dispositif tenait mal compte. C’est pourquoi nous l’avons ajusté.
Nous avons également massifié le dispositif en doublant le montant alloué à chaque catégorie d’entreprise : de 2 millions d’euros à 4 millions, de 25 millions d’euros à 50 millions et de 50 millions d’euros à 100 millions.
Enfin, madame la sénatrice, sur le moyen et le long terme, comme vous l’avez souligné, nous avons besoin de travailler à réduire notre dépendance à l’égard d’un certain nombre de facteurs de production. Je pense bien évidemment au secteur de l’énergie, et notamment aux intrants azotés. L’Europe s’est mise dans une situation de dépendance telle que nous avons besoin de reconquérir notre souveraineté.
Nous mettons donc en place des mesures de court terme et des mesures d’accompagnement de moyen et de long terme pour l’ensemble des filières agricoles et agroalimentaires. Comme vous le savez, madame la sénatrice, le Gouvernement est pleinement mobilisé, sous l’autorité de Mme la Première ministre. Le ministère de l’agriculture l’est quotidiennement pour essayer de répondre aux besoins de chacune des filières.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC.
Monsieur le ministre, il faudrait mettre en place, dans chaque région, un guichet unique à destination des entreprises regroupant l’ensemble des acteurs – élus, Banque publique d’investissement (BPI), Mutualité sociale agricole (MSA)… De même, il faut prendre toutes les mesures d’urgence qui s’imposent, notamment pour assurer la protection des individus.
La taxe sur les superprofits, annoncée par Mme la Première ministre, est la bienvenue. Son produit permettra d’améliorer les dispositifs d’indemnisation et, à tout le moins, de soutenir cette filière.
Sachez que nous sommes extrêmement mobilisés. Il y a urgence, notamment à venir en aide aux jeunes agriculteurs, qui ne peuvent, faute d’ancienneté suffisante, bénéficier des boucliers actuellement mis en place.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis un certain temps, nos compatriotes regardent avec effarement tourner le compteur des pompes à essence. Et dans le même temps, les actionnaires regardent grimper les chiffres des dividendes avec ravissement.
Les prix des carburants s’emballent, la spéculation sévit et TotalEnergies s’enrichit, y compris grâce à l’argent public du bouclier tarifaire. L’entreprise a enregistré plus de 10 milliards d’euros de bénéfice net au premier semestre de cette année, ce qui valut aux actionnaires, le 28 septembre dernier, de bénéficier d’un dividende exceptionnel de 2, 6 milliards d’euros. TotalEnergies deviendra demain TotalBénéfices !
Les salariés des groupes pétroliers demandent légitimement leur part de cette « réussite » et revendiquent une hausse de leurs salaires. La satisfaction des revendications de ses salariés représenterait, pour TotalEnergies, une somme de 140 millions d’euros, soit 1, 4 % des profits du seul premier semestre !
Monsieur le ministre, je pense qu’il est temps de faire pression sur les directions des groupes TotalEnergies et ExxonMobil. À l’évidence, leur demander aimablement « un geste de bonne volonté » ne suffit pas. Cela est d’autant plus nécessaire que, face aux salariés, le Gouvernement brandit la menace inacceptable de la réquisition.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER – Mme Esther Benbassa applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le sénateur Bocquet, de par votre appartenance politique, de par les combats que vous avez menés, je vous sais plus attaché que quiconque ici…
M. Olivier Véran, ministre délégué. … à la qualité du dialogue social et au respect des accords obtenus à travers ce même dialogue social.
Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, je vous invite à considérer une situation dans laquelle, d’une part, des syndicats majoritaires obtiennent un accord majoritaire avec un employeur sur une hausse des salaires et, d’autre part, un syndicat non-signataire…
Il me semble non seulement que le dialogue social, c’est le fait majoritaire, mais aussi que les communistes ont toujours respecté cette logique, tout comme le Gouvernement.
Ces deux syndicats minoritaires ont donc décidé non seulement de contester cet accord, mais aussi de bloquer l’outil de travail, c’est-à-dire celui des salariés qui se sont engagés, à travers un accord majoritaire, en faveur de cette hausse des salaires.
Je vous invite à envisager cette situation pour ce qu’elle a d’inhabituel, de non conforme au droit du travail et au droit social. Du point de vue du Gouvernement, cela justifie le recours à des réquisitions, qui n’ont rien d’abusif, mais qui sont nécessaires pour permettre à l’outil de travail, à l’outil productif, de retrouver ses pleines fonctions et ses pleines missions.
La Première ministre a d’ailleurs fait le distinguo avec la situation d’un autre groupe au sein duquel aucun accord n’a encore été trouvé.
Croyez en l’engagement du Gouvernement pour faire en sorte que tout le monde se mette autour de la table et discute des conditions d’un accord qui nous permettrait de sortir de cette crise.
Permettez-moi d’insister, monsieur le sénateur : il ne vous est encore jamais arrivé, en tant que parlementaire ou élu local, d’aller contester un accord signé en bonne et due forme par des syndicats majoritaires – et ce dernier mot est important.
Les salariés des groupes concernés ne demandent pas une hausse de 52 % de leurs revenus, à l’image de celle que le PDG de TotalEnergies s’est octroyée. Ils demandent leur part légitime.
En cette rentrée de forte inflation, la question du pouvoir d’achat est devenue la première préoccupation de nos concitoyens. Comment pourrait-on s’étonner de leurs revendications ?
Vous allez déposer deux amendements au projet de loi de finances visant à dégager, nous dit-on, 200 millions d’euros : c’est très, très loin du compte. Il faut taxer fortement les superprofits pour aider les salariés, les retraités, les entreprises et les collectivités.
Le ministre Bruno Le Maire a déclaré, la semaine dernière, préférer le ciblage au saupoudrage. Sachez que, de ce côté de l’hémicycle, nous préférons le partage au bricolage !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur de s travées des groupes GEST et SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
M. le président. Avant de donner la parole à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, je souhaiterais saluer les élus polynésiens présents dans notre tribune d’honneur.
Applaudissements.
Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement pour son action, et en particulier le ministre Jean-François Carenco, non seulement pour avoir reçu avec bienveillance la délégation des élus de Wallis-et-Futuna cette semaine à Paris, mais aussi pour l’impulsion qu’il a donnée à la reprise des travaux du quai de Leava, véritable poumon de l’île de Futuna, en réponse à ma demande de juillet dernier.
Je voudrais aussi profiter de cette période de consultations générales pour attirer votre attention sur la situation sanitaire à Wallis-et-Futuna.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, depuis 2005, aucune politique de prévention n’a été mise en place par l’Agence de santé, ce qui a permis à des maladies telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires de se développer sur le terrain.
Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2019 avait pourtant préconisé de mettre l’accent sur la prévention. Mais ce rapport est resté très officieux, et ce au détriment de notre population.
Je souhaite ici m’assurer que la conférence de santé se tiendra au premier semestre 2023 à Wallis-et-Futuna et qu’elle associera toutes les instances locales et l’ensemble de la population.
Par ailleurs, monsieur le ministre, le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR-santé) doit aussi être l’occasion de restaurer le lien de confiance rompu entre la population et l’Agence de santé. Nos sensibilités locales ne sont pas entendues ; les professionnels de santé fuient le territoire.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur deux autres situations prioritaires.
Premièrement, celle des dialysés, qui ont besoin du renouvellement des huit générateurs d’hémodialyse devenus obsolètes et d’un véhicule adapté pour leur transport.
Deuxièmement, celle de la concrétisation du projet d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans le cadre d’un copilotage État-territoire.
Monsieur le ministre, au regard de ces éléments, comment le Gouvernement entend-il aider Wallis-et-Futuna à se doter d’un système de santé et d’une organisation des soins adaptée aux besoins de la population ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Kulimoetoke, dès mon arrivée à la tête de ce ministère, j’ai rappelé mon attachement, que je partage avec Jean-François Carenco, aux territoires ultramarins.
Nous suivons de près les problématiques de l’ensemble des systèmes de santé des territoires d’outre-mer. Bien évidemment, la collectivité Wallis-et-Futuna ne sera pas laissée pour compte dans ces préoccupations.
Les problèmes sont sur le terrain ; j’ai coutume de dire que les solutions s’y trouvent aussi. Dans ce cadre, le volet santé du Conseil national de la refondation, qui a démarré la semaine dernière, aura pleinement son rôle à jouer sur le territoire de Wallis-et-Futuna en associant élus, citoyens et professionnels de santé, sous l’égide de l’Agence de santé. Bien entendu, la conférence de santé trouve sa place dans le cadre de ce CNR-santé.
Vous savez toute l’importance que j’accorde à la politique de prévention. En tant que ministre de la santé et de la prévention, mais aussi en tant que médecin, je ne peux accepter une situation où le manque de prévention ne permet pas de répondre aux besoins de santé de la population : quatre cancers et huit maladies cardiovasculaires sur dix pourraient être évités en s’efforçant de rester en bonne santé, c’est-à-dire en mangeant et respirant correctement et en faisant de l’exercice physique. C’est ce à quoi nous devons aboutir sur l’ensemble du territoire national et, bien évidemment, dans les outre-mer.
En ce qui concerne le rapport de l’Igas de 2019, sachez que nous avons commencé à mettre en place un pôle santé publique et prévention au sein de l’agence, que des personnels ont été recrutés et que les travaux vont enfin démarrer pour mener une politique de prévention plus ambitieuse.
Je vais examiner de plus près la problématique de l’hémodialyse que vous avez évoquée. La construction du centre d’hémodialyse de Futuna a débuté. Elle devrait s’achever à la fin de 2023, ce qui nous permettra d’éviter les évacuations sanitaires entre Futuna et Wallis.
Les problèmes sont sur le terrain ; je suis persuadé que les solutions s’y trouvent aussi, en concertation avec l’ensemble des citoyens et des élus.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, production de pommes divisée par deux, explosion des importations de poulets polonais et de tomates marocaines, chute des surfaces de blé, recul du cheptel laitier faute d’un revenu suffisant pour les éleveurs… C’est incontestable, la ferme France produit de moins en moins.
Depuis 2017, vous prônez la montée en gamme dans tous les secteurs, avec plus de contraintes et de charges, quitte à importer davantage. Depuis le discours de Rungis du Président de la République, voilà quelle est votre politique !
Vous faites fausse route, monsieur le ministre. Vous mettez en danger notre souveraineté alimentaire en condamnant certains de nos concitoyens à n’acheter que des produits importés. On marche sur la tête !
Notre manque de compétitivité est à la racine de nos maux : coût de la main-d’œuvre, surtransposition, suradministration, manque d’investissements, signature d’accords de libre-échange qui condamnent nos agriculteurs au lieu de les protéger. Tout cela sans parler du climat politico-médiatique délétère avec son flot de critiques : voilà le mal français !
Monsieur le ministre, vous devez enfin agir. Que comptez-vous faire pour inverser cette tendance ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Françoise Férat applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l ’ agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Duplomb, je voudrais tout d’abord saluer la qualité du rapport d’information que vous avez rendu, avec deux de vos collègues, et qui pose un certain nombre de diagnostics sur les trente-deux dernières années, qui ont vu six présidents de la République et dix-sept ministres de l’agriculture se succéder. Le sujet de la souveraineté est manifestement sur la table depuis longtemps.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous soulevez plusieurs questions. Je vais m’efforcer de répondre à certaines d’entre elles, à commencer par celle de la rémunération. Depuis 2017, nous avons essayé, au travers de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim 1, corrigée ensuite par la loi Égalim 2, de porter le débat sur la rémunération des agriculteurs. Ces dispositions avaient porté leurs fruits jusqu’à l’arrivée de la crise ukrainienne : pour la première fois en dix ans, la rémunération, qui est la base de la souveraineté alimentaire, en ce qu’elle permet au monde agricole de se maintenir, avait augmenté.
Depuis 2017, nous avons investi massivement. Tout d’abord dans le cadre du plan France Relance, qui touche à son terme : 1, 5 milliard d’euros auront été ainsi quasiment intégralement consommés, après la reventilation des dernières enveloppes à laquelle je viens de procéder, pour moderniser l’outil de production. De même, le plan France 2030 consacre près de 3 milliards d’euros à l’innovation, à la recherche et à l’adaptation de l’agriculture.
Monsieur le sénateur, la souveraineté alimentaire passe aussi par la question de l’eau, que vous connaissez bien. Le Varenne de l’eau a mis l’accent sur trois points, à savoir la solidification du système assurantiel, sur laquelle le Sénat a particulièrement travaillé, l’adaptation des pratiques et l’accès à l’eau. Il faut désormais déployer ces projets sur le terrain, car sans eau, il n’y a pas d’agriculture.
Enfin, il nous faut travailler sur deux sujets complémentaires : l’adaptation au dérèglement climatique, qui peut avoir des conséquences sur notre souveraineté, nos modèles de production ayant été singulièrement chahutés l’été dernier ; et le renouvellement des générations, sans lequel il ne saurait y avoir de souveraineté, en offrant de nouvelles perspectives aux jeunes agriculteurs.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Tout cela, monsieur le ministre, ce sont des mots, et l’on ne voit que bien peu d’action.
Ce qui nous arrive aujourd’hui pour l’énergie nous arrivera bientôt pour l’alimentation. Je ne suis pas énarque, juste paysan. Comme beaucoup de Français, j’en ai marre de cette technocratie abrutissante qui finira, afin de résoudre notre problème de souveraineté, par nous condamner à ne manger qu’un jour par semaine ! Plutôt que la décroissance, il nous faut un vrai choc de compétitivité !
Madame la Première ministre, après le théâtre Guignol du col roulé et de la doudoune, enfilez enfin vos bottes pour comprendre la situation préoccupante de notre agriculture.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le ministre de l’intérieur, la commission des lois du Sénat a décidé la création d’une mission d’information pour examiner l’opportunité de la réorganisation de la police judiciaire (PJ).
On aurait pu imaginer que cette initiative, qui a inspiré l’Assemblée nationale, vous permette de recréer les conditions d’un dialogue serein. Que constate-t-on un mois après ?
La mobilisation de la PJ, que le directeur général de la police nationale (DGPN) a minorée, ne faiblit pas. Fâché par une vidéo, ce dernier a d’ailleurs limogé le patron de la PJ marseillaise. Résultat : la contestation s’étend et devient visible dans la rue.
Vous citez des rapports parlementaires et des ministres pour justifier votre réforme. Mais aucun de ces rapports ni aucun de vos prédécesseurs n’était parvenu à inquiéter l’ensemble de la PJ. Même la PJ parisienne, dont vous rappelez qu’elle n’est pas concernée, soutient le mouvement.
Vous incriminez la proximité des élections syndicales pour justifier ce climat, tout en affirmant que l’ensemble des syndicats soutient votre réforme…
Hier, même les très discrets procureurs généraux ont renouvelé leur opposition à cette réforme, considérant que ce projet constitue une « remise en cause de la place accordée à l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle dans un État de droit ».
Monsieur le ministre, n’est-ce pas le moment de revoir votre copie ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, le Sénat examine en ce moment même, dans un esprit constructif, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Nous avons déjà eu de longs débats sur cette question, mais il me semble important de revenir sur la réforme nécessaire de la police nationale, souhaitée depuis plus de trente-cinq ans par au moins sept rapports sénatoriaux, de toutes tendances politiques, et engagée sur l’initiative du ministre Joxe.
Le 26 novembre 1990, ce dernier déclarait devant le Sénat – je cite le compte rendu des débats : « Le fait de nommer […] des directeurs départementaux de la police nationale a été accueilli avec curiosité, parfois avec inquiétude, y compris chez certains fonctionnaires de la police nationale, notamment les commissaires.
« Cette expérience ne porte en rien atteinte au principe fondamental selon lequel la police judiciaire est à la disposition de la justice et travaille sous le contrôle du Parquet ou sur les instructions d’une commission rogatoire délivrée par un juge.
« Aujourd’hui, les services de la police judiciaire sont placés sous l’autorité des chefs de service régionaux de police judiciaire et du directeur central de la police judiciaire. Le préfet, en tant que chef de l’ensemble des services de l’État et parfois des services du ministère de l’intérieur dans le département, aura autorité sur eux, dans l’exacte mesure où il peut avoir autorité sur des services de fonctionnaires, jusqu’au moment précis où ces derniers se trouvent placés, de par la loi, sous l’autorité de la justice. À cet égard, rien ne sera modifié. »
Il est vrai que c’est M. Pasqua qui a mis fin à cette excellente réforme…
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le ministre, vous me renvoyez à ce qui s’est passé voilà trente ans ; je vous parle d’aujourd’hui.
Notre mission sénatoriale se prononcera au fond, mais, a minima, il y a un problème de méthode. Les policiers ne réagissent pas par corporatisme. Ce qui est en jeu, c’est la séparation des pouvoirs et le modèle français d’enquête.
Placer la police judiciaire sous l’autorité du préfet, c’est courir le risque d’abandonner les enquêtes complexes, la lutte contre la criminalité organisée, devant le flux inexorable du quotidien.
Monsieur Darmanin, nous connaissons votre grand talent. Mais aujourd’hui, à part vous, personne ne semble soutenir cette réforme.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le 13 juillet dernier, je vous interrogeais en commission de la culture sur mes vives inquiétudes concernant votre ministère et la situation de l’école en France après votre nomination. Je vous demandais de nous rassurer ; trois mois plus tard, mes inquiétudes demeurent.
Le Président de la République a décidé de lancer lui-même l’année scolaire en réunissant les recteurs d’académie. Pensez-vous que l’élan pour transformer l’école doit être si puissant qu’il ne puisse venir que du chef de l’État ? Cette verticalité interroge sur votre rôle et vos marges de manœuvre, tout en posant de nouveau la question : rupture ou continuité après votre prédécesseur ?
Monsieur le ministre, les faits et les réalités vous rattrapent. La rentrée scolaire n’a pas été à la hauteur : il n’y avait pas un enseignant devant chaque classe et d’aucuns étaient même formés en quatre jours.
Les difficultés de terrain se multiplient : désenchantement général des enseignants et hausse des signalements pour atteintes à la laïcité. Votre communication prudente est, là encore, insuffisante.
La communauté éducative a besoin de directives claires, d’une volonté politique ferme et de soutien.
Vos récents propos tenus à l’étranger m’ont également inquiété. Monsieur le ministre, vous avez pensé pouvoir affirmer à New York qu’il y avait des traces d’anti-américanisme dans le discours politique français. Vous avez suggéré l’impossibilité d’évoquer avec nuances les inégalités raciales dans notre pays.
Non, monsieur le ministre, la France n’est pas raciste. Nous sommes, nous aussi, sensibles aux questions d’inégalités. N’abîmez pas à l’étranger nos principes fondateurs. Cessez de vous positionner comme universitaire militant, ne tentez pas de nous imposer un « wokisme de salon », cher à notre président Retailleau, incompatible avec vos responsabilités politiques. Soyez ministre !
Je vous poserai enfin les seules questions qui s’imposent : quelle est votre vision de l’école ? Où voulez-vous emmener les enseignants et nos enfants ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Grosperrin, vous m’aviez déjà interrogé devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et je veux bien répondre de nouveau, mais il est difficile de développer une réflexion en deux minutes, ce qui est toujours préférable aux citations approximatives que j’ai vues circuler ici et là.
J’ai déjà dit que j’étais moi-même un enfant de la République et que je devais à peu près tout à l’école publique. À cet égard, je lui demeure profondément reconnaissant.
Je suis aussi de ceux qui estiment que la lutte contre les différentes formes de discrimination, contre le racisme, contre l’antisémitisme et la haine anti-LGBT n’affaiblit pas la République, mais la renforce.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST et SER. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Esther Benbassa et Nassimah Dindar applaudissent également.
C’est une manière d’exprimer concrètement notre attachement aux valeurs qui sont les nôtres, celles de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.
Je tiens à la laïcité et la loi de 2004 est et sera respectée fermement et avec transparence.
J’ai aussi dit mon attachement à une République fidèle à ses valeurs, celles des droits humains, et qui, non contente d’inscrire ses principes au frontispice de ses bâtiments, les met en œuvre.
Mme Esther Benbassa applaudit.
M. Pap Ndiaye, ministre. Monsieur le sénateur, ne voyez ici point de « wokisme de salon », mais mon seul attachement, en tant que citoyen, en tant que ministre, aux valeurs universelles de la République.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.
M. Jacques Grosperrin . Monsieur le ministre, nous sommes tous ici des enfants de la République.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous n’avez pas répondu sur votre vision de l’école. Or les Français attendent encore de la connaître. Vous n’aviez sans doute pas le temps de la développer en quelques minutes, mais cela fait déjà quelques mois que vous avez été choisi par le Président de la République.
Vos mots ne répondent ni à l’effondrement des connaissances et à la crise de la transmission ni aux immenses défis posés à l’école. Monsieur le ministre, apportez à votre ministère, apportez aux Français la sérénité dont nous avons tous besoin !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Madame la ministre, nombreux sont les maires confrontés au fléau des déserts médicaux. Or la transformation du numerus clausus en numerus apertus n’est pas près de produire ses effets.
Face à cette situation, les maires cherchent désespérément des médecins français ou européens pour leurs administrés. Mais devant les échecs à répétition, ils se mettent finalement en quête de médecins hors Union européenne, quand ils ne sont pas sollicités par ces mêmes médecins.
Ceux d’entre eux qui ont des pistes pour faire venir un médecin étranger francophone abandonnent souvent leurs démarches, lassés des difficultés administratives. C’est à se demander si tout n’est pas fait pour décourager la venue de ces médecins en asphyxiant les maires par des démarches complexes, dont ils n’arrivent souvent pas à voir l’issue.
Pour ne pas paraître autocentré sur mon département, bien qu’il soit tout autant concerné, je vais prendre l’exemple de la commune de Latour-de-France, dans les Pyrénées-Orientales – mes collègues Jean Sol et François Calvet connaissent très certainement cette histoire.
Cette ville n’a plus de médecin généraliste depuis le 22 octobre 2021, situation devenue malheureusement banale dans nos territoires ruraux. Le maire a réussi à trouver un médecin pour sa commune, mais celui-ci est Libanais et exerce actuellement à Beyrouth. Le docteur en question, qui a trente ans d’expérience et qui a effectué une partie de ses études à Lyon, est prêt à quitter le Liban pour s’installer à Latour-de-France. Seulement, depuis le début de l’année, le ministère de la santé bloque son dossier, laissant le maire dans l’incompréhension. Cet exemple n’est, hélas, pas isolé et c’est bien l’ensemble de nos territoires ruraux qui sont confrontés à ces difficultés.
Compte tenu de la tension qui règne en France en matière d’accès aux soins, ne devrions-nous pas songer à favoriser l’implantation de ces médecins non communautaires, en facilitant, de façon dérogatoire, les procédures administratives ? Cela permettrait d’apporter une réponse, même partielle, à la crise des déserts médicaux.
Pourquoi, par exemple, ne pas organiser cinq à dix concours d’évaluation des connaissances et compétences par an, au lieu de un à deux actuellement ?
Répondre à la pénurie de médecins passera forcément par de multiples dispositifs. Celui-ci en est un parmi tant d’autres. Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer ce que compte faire le Gouvernement en la matière ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Levi, la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite OTSS, a posé les bases d’un nouveau dispositif de reconnaissance des praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue).
La première procédure, dite du « stock », concerne les praticiens qui exerçaient dans nos établissements de santé avant 2019, et parfois depuis très longtemps. Il s’agit d’une procédure de régularisation pour s’assurer de leur compétence.
La seconde procédure concerne le « flux », c’est-à-dire les praticiens souhaitant venir depuis 2019. Elle consiste en une épreuve de vérification des connaissances, avec un parcours de consolidation de la pratique.
La crise sanitaire a malheureusement empêché l’organisation des commissions d’autorisation en raison de la forte mobilisation des membres des jurys, qui sont des professionnels de santé, et des candidats eux-mêmes, dans les établissements de santé, ce dont on ne peut que se féliciter.
Le 1er octobre dernier, 2 400 dossiers restaient à traiter selon la procédure stock. À la demande du Gouvernement, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et le centre national de gestion (CNG), que je remercie, se sont engagés à renforcer les effectifs afin de traiter le plus grand nombre de dossiers avant la date butoir du 31 décembre 2022 posée dans la loi OTSS.
Malheureusement, nous savons que ces 2 400 dossiers ne pourront être traités, raison pour laquelle le Gouvernement a déposé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement visant à prolonger jusqu’au 31 mars 2023 la gestion de ce stock.
En ce qui concerne la procédure du flux, nous serons vigilants. La première session a eu lieu en 2022. Les retours d’expérience nous permettront, en lien avec les ARS, le CNOM, le CNG et le syndicat des Padhue, de répondre à cette gestion du flux, qu’il nous faut améliorer.
MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Un brin de cohérence et de bon sens n’a jamais nui, encore moins à un gouvernement.
Alors que la défiance populaire envers la parole publique atteint des sommets, mieux vaut une République exemplaire. Permettez-moi donc de m’interroger sur une contradiction de votre gouvernance : une règle, certes informelle, mais inlassablement répétée depuis vingt-cinq ans, veut qu’un ministre abandonne ses mandats exécutifs locaux pour se consacrer entièrement à sa mission gouvernementale.
L’immense majorité des membres de votre gouvernement s’est pliée à cette règle, rejoignant ainsi les parlementaires, dont le non-cumul ne fait pas l’objet d’une règle informelle, mais d’une loi que le précédent gouvernement, auquel vous apparteniez, a refusé d’assouplir.
Toutefois, il reste quelques récalcitrants : maires, présidents d’assemblées ultramarines, présidents d’agglomération et même, dans le cas du ministre des armées, président d’un département.
Y aurait-il donc des ministres privilégiés, de fortes têtes capricieuses, un problème d’autorité de votre part ? Madame la Première ministre, comptez-vous enfin faire appliquer la règle que le chef de l’État lui-même avait rappelée en 2017 ? Allez-vous demander aux ministres concernés de démissionner de leurs mandats locaux ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Exclamations amusées.
Les braconniers étant les meilleurs gardes-chasses, Mme la Première ministre m’a demandé de répondre à votre question, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, je veux vous dire, au nom du Gouvernement et de Mme la Première ministre, que les règles seront respectées. Plusieurs ministres ont déjà démissionné de leurs fonctions exécutives. Ils disposent de quelques semaines, conformément au vœu de Mme la Première ministre, pour convoquer leur assemblée délibérante, afin de démissionner de leur mandat exécutif, tout en restant, bien évidemment, conseiller municipal, conseiller départemental ou conseiller régional.
J’espère que vous ne blâmez pas le Gouvernement, auquel vous reprochez parfois d’être un peu distant du terrain, de comporter des élus. Il ne faudrait pas non plus que cela devienne une tare ! Vérité ici, mensonge au-delà.
Monsieur le sénateur, j’ai compris que votre question comportait également un volet départemental. Je pense à un ministre de votre département, avec lequel vous avez partagé un moment de sympathie lors du congrès de l’Union des maires de l’Oise qui s’est tenu samedi dernier.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quant à M. François Baroin, il a longtemps été maire de Troyes, alors même qu’il était ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Je vous le rappelle, la règle que je viens d’évoquer est informelle et a toujours connu des exceptions. M. Jean-Yves Le Drian a été ministre de la défense tout en assurant la présidence de la région Bretagne. Il me semble également que M. Sarkozy a été très longuement ministre de l’intérieur, tout en étant maire de Neuilly-sur-Seine, puis président du conseil départemental des Hauts-de-Seine. §
M. Paccaud a évoqué une règle que les moins de 25 ans ne peuvent pas connaître ! Mais nous avons le même compagnonnage, et il a oublié un certain nombre de dispositions qui lui déplaisent.
Applaudissements sur les mêmes travées.
Madame la Première ministre, je félicite le « bon élève », l’ancien maire de Tourcoing, d’avoir répondu. Nous en avons pris note, les ministres rebelles démissionneront bientôt.
Res non verba ! Nous voulons non pas des paroles, mais des actes, comme le méritent nos concitoyens et nos territoires. La question de l’autorité et de l’exemplarité est la clé du problème. Comment voulez-vous, madame la Première ministre, être « obéie » des Français, alors qu’un ministre bafoue effrontément la règle ? Quel comble de voir l’armée, où le sens de la hiérarchie et la discipline sont des valeurs cardinales, dirigée par un ministre rebelle à la règle commune ! L’exemplarité ne se proclame pas, elle se pratique !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Face à l’internationalisation du conflit en Ukraine et à sa dramatique densification, quelles sont les initiatives, les actions, que compte mener la France ? Allons-nous continuer à rechercher une issue diplomatique ? Allons-nous décider d’augmenter notre contribution humanitaire, financière ou militaire ? Cela en prend le chemin, puisque la France vient d’annoncer qu’elle renforçait sa présence militaire en Roumanie dans le cadre de l’Otan. Allons-nous tenter de peser sur le G7 ? Mais que peut décider le G7, réuni en urgence, sinon réitérer un affichage de solidarité ? Allons-nous faire la promotion de nouvelles sanctions ?
Je partage les mots du Président de la République : nous assistons à un changement profond de la nature de cette guerre, dans la mesure où le Bélarus s’apprête à véritablement devenir la base armée et le fer de lance de la politique russe dans la gradation du conflit.
« Ils seraient bien avisés de ne pas entrer dans la guerre. » Ce sont vos propres mots, madame la ministre. Minsk, ce n’est pas seulement le nom d’accords qui n’ont pas abouti, c’est surtout la capitale d’un pays martyr, dans l’angle mort de nos actualités, alors que s’y joue la vie de plusieurs centaines de prisonniers politiques, dont je veux faire résonner le nom et saluer le courage.
Madame la ministre, à l’aune d’un conflit qui nous concerne tous, à l’échelle internationale, comment apprécier le fléchissement de la politique du Bélarus ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Muriel Jourda, vous avez raison, depuis lundi, la Russie a lancé une série de frappes sur le territoire ukrainien, qui visent principalement les infrastructures civiles et qui ont sans doute pour objectif d’atteindre le moral de la population ukrainienne.
La France l’a réaffirmé, son soutien à l’Ukraine se poursuivra et s’intensifiera. Nous aidons l’Ukraine dans sa résistance militaire, mais aussi dans sa résilience civile, sa capacité à tenir, notamment à l’approche de l’hiver. Notre soutien concerne tous les domaines, qu’ils soient économique, à hauteur de 2 milliards d’euros, humanitaire, à hauteur de 200 millions d’euros, militaire – de nouvelles décisions ont été annoncées par le ministre des armées –, mais aussi politique et diplomatique, car il y a un agresseur et un agressé.
Hier, les dirigeants du G7 ont condamné les dernières attaques russes, qu’ils ont qualifiées de crimes de guerre. Ils ont déclaré que leurs responsables devront rendre des comptes. Ce soir même ou dans la nuit, l’Assemblée générale des Nations unies se prononcera sans ambiguïté sur l’annexion illégale du territoire ukrainien par la Russie, ce qui montrera une fois de plus l’isolement de cette dernière.
J’ai répondu indirectement, madame la sénatrice, à votre question sur le Bélarus, lequel, en effet, ne doit pas s’engager davantage dans son soutien à l’opération illégale menée par la Russie.
En outre, je le rappelle, l’Union européenne a mobilisé déjà plus de 9 milliards d’euros. Elle a porté la Facilité européenne pour la paix à 2, 5 milliards d’euros et a adopté huit séries de sanctions, pour peser sur l’effort de guerre russe. Je vous le dis, il y aura, si nécessaire, d’autres sanctions.
Ce soutien s’inscrira dans la durée, pour que l’Ukraine retrouve sa souveraineté. Après le Président de la République et la Première ministre, je vous le redis, madame la sénatrice, nous serons aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.
Mme Gisèle Jourda. Madame la ministre, n’oublions pas qu’il faut absolument stopper cette guerre, en sortant du conflit. Et n’oublions pas de retrouver des perspectives de paix, en poursuivant le dialogue.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, l’inclusion des élèves en situation de handicap à l’école est une priorité. C’est aussi un défi pour lequel nous sommes tous mobilisés depuis la loi de 2005.
Pourtant, cette rentrée scolaire ne s’est pas déroulée, pour beaucoup de ces enfants, comme toutes les autres.
En effet, depuis septembre, à la suite d’une décision de justice sollicitée et obtenue par votre prédécesseur, l’État s’est désengagé du suivi et de la prise en charge de ces enfants à besoins particuliers sur le temps périscolaire et celui de la cantine.
S’il s’agit, une fois encore, d’un transfert de charges de l’État vers les collectivités, sans compensation, la question financière n’est pas, de très loin, le problème principal.
Le plus important est le transfert de responsabilité et l’étrange vision selon laquelle le suivi d’un enfant ne serait plus centré ni sur cet enfant ni sur ses besoins, mais sur le temps pendant lequel il est exercé, à savoir le temps scolaire ou périscolaire.
Monsieur le ministre, probablement faudra-t-il revoir en profondeur la politique d’inclusion des enfants et adolescents en situation de handicap, dont le nombre a plus que quadruplé en vingt ans, pour atteindre 430 000 enfants à cette rentrée, soit environ 3, 5 % des effectifs totaux, soit un élève en moyenne par classe !
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à vous engager à mettre en place des conventions de mise à disposition d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps de midi, signées entre votre ministère et les maires, ce qui favoriserait leur recrutement et leur formation et permettrait un suivi de qualité des enfants concernés ?
Le Conseil d’État recommande cette solution, la loi la permet, les maires de France la réclament, Jean-Michel Blanquer l’avait promise ! Pourtant, votre administration refuse de la mettre en place !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
De fait, depuis la rentrée, des enfants ne sont pas accompagnés, les familles sont inquiètes, les équipes éducatives sont déstabilisées.
Monsieur le ministre, le plus grand handicap, c’est d’être absents là où notre présence est utile.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Cédric Vial, vous avez raison, l’école inclusive est l’une des grandes réussites du système scolaire, avec l’inclusion de plus de 430 000 élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire, avec une augmentation de plus de 25 % depuis 2017.
Pour les accueillir, nous avons notamment recruté un grand nombre d’AESH – ils sont désormais au nombre de 130 000 –, avec un rythme de recrutement de 4 000 personnes par an. Ils seront donc 4 000 de plus l’année prochaine, si vous approuvez le projet de loi de finances pour 2023.
Nous avons des difficultés en la matière, liées notamment au fait que les notifications par les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, peuvent survenir très tard, jusqu’à la dernière minute avant la rentrée. Nous devons donc en quelque sorte courir derrière une marée de notifications, ce qui crée des difficultés pour les familles et les élèves, je le reconnais volontiers.
Vous faites allusion à une question particulière, qui est celle de la pause méridienne. Vous avez eu raison de mentionner l’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020, qui nous enjoint de rémunérer les AESH sur le temps scolaire et non pas sur le temps périscolaire.
La solution permettant d’assurer la continuité est complexe d’un point de vue juridique. Si elle n’a pas encore été trouvée, cela ne relève en aucune manière d’une mauvaise volonté de la part de nos services.
M. Fabien Genet s ’ exclame.
Nous reconnaissons bien évidemment l’intérêt qu’il y a à maintenir la continuité, particulièrement pour certains types de handicaps. Je pense ici aux enfants en situation autistique, qui représentent 11 % des enfants en situation de handicap et ont besoin de continuité.
Je m’engage donc, monsieur le sénateur, à ce que les services juridiques concernés, en collaboration avec les collectivités, trouvent la solution adéquate. §Nous sommes sur le point d’y arriver, de manière à assurer la meilleure solution pour les enfants en situation de handicap.
M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Monsieur le ministre, la France connaît aujourd’hui des grèves. Parmi les grévistes figurent les aiguilleurs du rail, notamment ceux des Hauts-de-France. Les aiguilleurs du rail d’Occitanie les ont précédés au printemps. Leur doléance est simple : ils réclament des embauches parce que notre système est totalement obsolète. Il faut encore des personnes physiques pour assurer l’aiguillage des trains.
Sur ce sujet de modernisation du rail, nous avons quarante ans de retard. Moderniser notre rail, c’est mettre en place de nouveaux systèmes de signalisation, à commencer par le Système européen de gestion du trafic ferroviaire. C’est aussi regrouper la gestion des 2 200 aiguillages dans seize postes de commande centralisés du réseau digitalisé. C’est enfin numériser le système de gestion de transport.
Pour combler cette lacune, un énorme effort d’investissement doit être consenti aujourd’hui.
Aujourd’hui correspond au pire moment, puisque la flambée du coût de l’électricité plombe les dépenses de fonctionnement des autorités organisatrices de transports. À titre d’exemple, en Île-de-France, ce surcoût représente 950 millions d’euros pour boucler le budget de 2023.
L’essentiel de cette somme n’étant pas financé, le spectre récemment agité d’un passe Navigo augmenté à 100 euros inquiète. Je le dis ici, car je sais que nous partageons tous ce point de vue, il n’est évidemment pas question de pénaliser davantage les usagers.
Dans ces conditions, il est légitime de craindre un effet de vases communicants entre les choix d’investissement et de fonctionnement, ces derniers phagocytant les premiers.
Ce faisant, il s’agit également d’une remise en cause de notre chemin vers la neutralité carbone, car le report modal sur le train est un axe clé de la stratégie gouvernementale.
Aussi, monsieur le ministre, avez-vous identifié une telle menace et comment comptez-vous y répondre d’un point de vue budgétaire ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Daphné Ract-Madoux, vous avez raison de souligner ces deux points, qui sont extrêmement importants et que je veux néanmoins bien distinguer, même si vous avez noté les effets de contagion ou de « vases communicants », pour reprendre vos propres termes.
Ces derniers n’existent pas, j’insiste sur ce point, pour ce qui concerne le réseau. Nous avons rappelé, depuis la formation du Gouvernement, sous l’autorité de Mme la Première ministre, l’importance de notre investissement pour la modernisation et la régénération du réseau.
Ce point est en effet essentiel, car il est vrai que la France, en la matière, a un réseau en moyenne plus vieux que celui des grands pays européens qui nous entourent. C’est la raison pour laquelle, depuis maintenant plusieurs années, nous effectuons un effort budgétaire extrêmement important à cet égard. En effet, voilà cinq ans, l’investissement dans le réseau ferroviaire représentait 2, 5 milliards d’euros par an. Or, dans le nouveau contrat de performance, nous sommes désormais à 2, 9 milliards d’euros par an sur dix ans.
Faut-il accélérer et aller plus loin ? Nous examinerons la question, dans le cadre des travaux du Comité d’orientation des infrastructures. Quoi qu’il en soit, la priorité est très claire.
Ce point doit être bien distingué de l’offre de transport et du fonctionnement, affecté, dans certains cas, par les coûts de l’énergie.
Parce que le sujet est grave et important, nous devons être très clairs vis-à-vis de nos concitoyens sur les responsabilités, pour ne pas être dans un jeu de postures. Qui est responsable de l’organisation des transports dans la région Île-de-France, comme dans les autres régions ? C’est Île-de-France mobilité, c’est-à-dire la région elle-même. Celle-ci a-t-elle été soutenue par l’État ces dernières années ? Oui, plus qu’aucune autre en France, à hauteur de 2 milliards d’euros de subventions et d’avances remboursables ! C’était sans doute légitime et indispensable, je ne le conteste pas. Il s’agit simplement de le rappeler, dans la mesure où cet aspect a été parfois oublié lors du débat public de ces derniers jours.
Très concrètement, le prix du passe Navigo ne dépend pas de l’État, contrairement à ce qui peut parfois être dit. Chacun doit assumer ses responsabilités. Quoi qu’il en soit, je l’ai dit à la présidente de la région, Valérie Pécresse, je ne jouerai aucun jeu de renvoi de la responsabilité. Il est en effet de notre responsabilité commune de faire fonctionner, dans les semaines et mois qui viennent, pour les jeux Olympiques et Paralympiques, et bien au-delà, nos réseaux franciliens. Nous aurons un contrat de plan État-région ; nous investirons ; et l’État sera encore au rendez-vous, dans la clarté.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 19 octobre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.
L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (projet n° 876 [2021-2022], texte de la commission n° 20, rapport n° 19, avis n° 9).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion du texte de la commission, nous reprenons, au sein du titre Ier, l’examen du rapport annexé à l’article 1er.
TITRE Ier
OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
Le rapport annexé sur la modernisation du ministère de l’intérieur est approuvé.
INTRODUCTION
Transformer l’institution pour être à la hauteur des attentes des citoyens : telle est l’ambition qui fédère l’ensemble des agents et forces du ministère de l’intérieur pour les cinq prochaines années. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) fixe une trajectoire à cette ambition jusqu’en 2027 grâce à des moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels inédits.
Ce texte est d’abord une loi de transformation numérique, qui saisit toutes les opportunités offertes par les nouvelles technologies pour améliorer le service rendu au citoyen, grâce à des démarches simples, pratiques et accessibles à tous, quel que soit leur lieu de vie. Cette modernisation ne sera possible qu’en offrant aux agents du ministère de l’intérieur les outils numériques et la formation pour en tirer pleinement profit. Travailler en mobilité, accéder depuis le terrain aux ressources utiles, aller vers les citoyens – notamment les plus fragiles –, mener à bien les grands projets numériques qui simplifieront la vie de tous les agents du ministère et des citoyens ne sera plus l’exception, mais le quotidien.
Le cyber constitue en outre un nouvel espace à investir : non seulement les menaces de « la vie réelle » trouvent, pour la plupart, leur prolongement dans le cyberespace, mais le numérique est de surcroît le théâtre de l’émergence de risques nouveaux. Au sein d’un ministère de l’intérieur chef de file en matière de lutte contre la cybercriminalité, les forces de sécurité intérieure seront ainsi davantage présentes dans l’espace cyber, pour protéger les Français et les institutions des menaces nouvelles. Ces actions contribueront à répondre à la première des attentes des citoyens, à savoir des résultats à la fois rapides et visibles de l’action de l’État.
Efficacité et proximité seront au cœur de la mission de sécurité pour ces cinq prochaines années. Pour affirmer cette présence, de nouvelles implantations du ministère mailleront le territoire, relais de ces forces présentes au plus près des citoyens et relais de l’État au cœur des départements. Préfets et sous-préfets à la tête des services de l’État local devront continuer à travailler avec les forces vives des territoires, au premier rang desquels les élus et les collectivités, les entreprises, les associations, les services publics afin de construire des projets de développement au plus près du terrain et d’affermir le continuum de sécurité. Articulation approfondie avec le réseau France Services, fonds d’ingénierie locale et moyens renforcés pour affronter plus facilement les crises graves renforceront l’action du réseau préfectoral au service des Français.
Policiers et gendarmes seront davantage sur le terrain et verront leur présence doublée sur la voie publique d’ici 2030. Face à la délinquance et aux menaces persistantes – violences liées au trafic de drogue, violences intrafamiliales et sexuelles, atteintes aux biens, etc. – l’insécurité ne peut reculer que grâce à des policiers et des gendarmes présents là où il faut et quand il le faut, dotés de nouveaux outils juridiques et numériques (utilisation de logiciels de retranscription, de nouveaux outils numériques pendant l’enquête, etc.) pour prévenir, enquêter et confondre les délinquants. Le travail en mobilité permettra aux policiers et aux gendarmes de passer moins de temps au commissariat ou à la caserne et davantage sur la voie publique.
Cette action résolue va de pair avec un effort sans précédent pour mieux accueillir et accompagner les victimes. Mais cette ambition de proximité serait incomplète si nos policiers et gendarmes n’étaient pas demain davantage à l’image de la population française qu’ils ne le sont aujourd’hui. Mieux formés, exemplaires, ils donneront envie aux jeunes de rejoindre le ministère de l’intérieur de demain, qui s’ouvrira davantage sur la société.
Transformation numérique, efficacité et proximité permettront au ministère de l’intérieur de mieux faire face aux crises et menaces d’aujourd’hui et de demain, au cœur d’une société rendue plus résiliente. Les défis sont nombreux tandis que les crises s’enchaînent : les crises sanitaires, climatiques, d’ordre public pourraient être suivies demain, sans pour autant disparaître, de crises cyber, NRBC ou mélangeant l’ensemble de ces dimensions. Si notre modèle de gestion de crise a fait ses preuves, il sera renforcé à tous les échelons par des moyens humains et technologiques pour faire de la France une référence européenne, et structuré par des responsabilités mieux définies pour lui donner une véritable capacité d’anticipation. Cette mutation est d’autant plus nécessaire dans la perspective des grands événements (Coupe du monde de rugby, Jeux olympiques et paralympiques) qu’accueille la France et qui vont concentrer sur notre pays l’attention du monde entier.
Au-delà des crises, notre société devra également être plus robuste dans sa réponse à toutes les formes de délinquance et de criminalité, du terrorisme et de la criminalité organisée jusqu’aux actes de « petite délinquance ». La présence renforcée sur la voie publique des policiers et des gendarmes va de pair avec des moyens d’investigation renforcés et une procédure pénale drastiquement simplifiée, afin de mettre hors d’état de nuire les délinquants. La hauteur des attentes envers nos policiers et gendarmes se traduira, pour eux, par une formation et un accompagnement au quotidien renforcés ainsi que par une revalorisation ciblée sur les missions les plus difficiles ou exposées. Les citoyens ont eux aussi envie de s’engager et de contribuer à la protection de notre Nation, notamment par l’intermédiaire des réserves ou du volontariat. Cette loi saisit pleinement cette chance pour fédérer autour de causes qui réunissent nos concitoyens.
La loi prévoit des moyens sans précédent pour concrétiser cette ambition : le budget du ministère de l’intérieur sera augmenté de 15 milliards d’euros sur la période 2023-2027 pour la mise en œuvre de ces mesures nouvelles.
Une réforme de la gouvernance des investissements sera mise en œuvre. Un comité ministériel des investissements, présidé par le ministre de l’intérieur, sera institué pour examiner, pour chaque projet d’investissement majeur, la satisfaction du besoin opérationnel, la stratégie de maîtrise des risques, le coût global de l’investissement, intégrant en particulier les coûts d’exploitation et de maintenance, ainsi que la faisabilité financière d’ensemble. Le comité ministériel pourra s’appuyer, s’agissant des principaux projets d’investissement, sur l’avis d’un comité financier interministériel associant le ministère chargé du budget qui procédera à un examen contradictoire de la soutenabilité financière desdits projets de même que, chaque année, de la programmation pluriannuelle. Le renforcement du pilotage des investissements doit notamment permettre, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, d’assurer la cohérence d’ensemble des décisions ministérielles en matière d’investissement, de maîtriser les coûts, les délais et les spécifications des projets d’investissement majeurs mais aussi de favoriser la recherche de mutualisations et de partenariats.
1 - Une révolution numérique profonde
L’élan numérique à horizon 2030 doit permettre de remettre le numérique au cœur de l’activité du ministère de l’intérieur.
Cette impulsion vise d’abord à répondre aux menaces cyber, nouveau territoire de délinquance de masse, où les victimes ne savent pas vers qui se tourner ni comment se protéger. Les investissements permettront d’améliorer significativement la qualité du service rendu par l’administration aux citoyens dans ce domaine, mais aussi de transformer le service public rendu par l’ensemble du ministère pour une plus grande efficacité dans la lutte contre la cyberdélinquance.
Il s’agit par ailleurs de créer les conditions favorables à une plus grande ouverture des données au profit des citoyens et acteurs économiques afin de stimuler la création, par la société civile ou le tissu industriel, de nouveaux services et d’activités créatrices de valeur.
Dans son organisation, le ministère devra rendre plus lisible la production de services numériques pour les forces de l’ordre, avec une agence du numérique des forces de sécurité intérieure. Le policier et le gendarme de demain seront « augmentés » grâce à des outils numériques mobiles tant pour la procédure pénale que pour leurs missions de sécurité.
L’utilisation des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité ne peut faire l’économie d’une acceptation de la société civile. La loi d’orientation et de programmation est donc l’occasion de poser les bases de la nouvelle relation que le ministère souhaite construire avec la société civile sur ces sujets et de mettre en place les instances de gouvernance ou de discussion adéquates.
La transformation numérique irrigue également tous les champs de la relation aux citoyens ; chaque procédure administrative devra être accessible en ligne tout en conservant un contact humain personnalisé pour ceux qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies.
1.1 - Un ministère chef de file de la lutte contre la cybercriminalité
La cyberdélinquance est en constante augmentation depuis plusieurs années, avec des taux de progression des faits constatés allant de 10 % à 20 % d’une année sur l’autre selon le type d’infraction.
Par ailleurs, aujourd’hui, plus de deux tiers des escroqueries trouvent leur origine ou sont facilitées par Internet. En 2019, la moitié des individus de 15 ans ou plus déclaraient avoir connu des problèmes de cybercriminalité au cours de l’année précédente (notamment renvoi vers un site frauduleux). En 2020, une entreprise sur cinq déclare avoir subi au moins une attaque par rançongiciel au cours de l’année et 58 % des cyberattaques ont eu des conséquences avérées sur l’activité économique, avec des perturbations sur la production dans 27 % des cas (Données Opinion Way pour le Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique, Dec ’20 – Jan 21).
Le ministère de l’intérieur a un rôle clé à jouer sur le sujet de la cybercriminalité. Les volets anticipation/prévention et réponse opérationnelle doivent constituer le cœur de l’action du ministère. De fait, le risque d’une crise systémique existe : après la crise sanitaire, la prochaine crise de grande ampleur pourrait être d’origine numérique. Le niveau de dépendance à la technologie en laisse deviner l’impact (La réponse à ce constat sera traitée dans le 3e axe consacré à la gestion de crise). Parallèlement, se révèle une opportunité pour le développement et la consolidation d’un nouveau marché aux leviers de croissance très importants. Il s’agit avant tout de développer une autonomie stratégique française afin de ne pas dépendre des seules technologies étrangères.
1.1.1 - Sensibiliser et prévenir
Afin d’apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu, l’objectif doit être de sensibiliser 100 % des entreprises et des institutions aux risques que représente la cybercriminalité. Sur l’ensemble des actions de sensibilisation ou de prévention cyber réalisées auprès des entreprises et institutions, le ministère de l’intérieur proposera de mettre à disposition son maillage pour venir en appui de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). La présence du ministère de l’intérieur dans l’ensemble des territoires permettra ainsi la diffusion des messages de sensibilisation et des bonnes pratiques. Les équipes préfectorales seront également formées au cyber dans cette perspective.
Parallèlement, et aux fins de casser le modèle économique des cyber-délinquants, les clauses de remboursement des rançons par les assurances cyber seront mieux encadrées et les paiements de rançons devront être déclarés aux forces de sécurité ou à l’autorité judiciaire, afin que les services compétents disposent des informations nécessaires pour poursuivre les auteurs de l’infraction. Ainsi, une clause assurantielle visant à couvrir un tel risque ne pourrait être mise en œuvre que dans la mesure où les forces de sécurité ou l’autorité judiciaire ont été informées par un dépôt de plainte. Cette stratégie consiste à attaquer le modèle de rentabilité de l’écosystème cybercriminel afin de décourager les cyber-attaquants. En effet, si la position des services compétents a toujours été de recommander le non-paiement des rançons, la dégradation rapide de la situation appelle à une action publique plus déterminée afin de s’assurer, que dans les cas où une rançon a été payée, les autorités compétentes disposent des informations nécessaires pour poursuivre les auteurs de l’infraction. La régulation de la couverture assurantielle du paiement de rançons apparaît ainsi comme nécessaire.
1.1.2 - Adapter la réponse opérationnelle
Le cyber constitue désormais un nouveau territoire de délinquance de masse qui impose au ministère de l’intérieur d’opérer une « révolution copernicienne » sur le sujet.
Dans ce contexte, se développent également de véritables mafias cybercriminelles qui se structurent en sous-groupes spécialisés et s’articulent de manière très agile pour organiser des cyberattaques contre des grandes entreprises ou des institutions ainsi que de la grande délinquance financière sur internet.
Si des succès opérationnels récents ont mis fin à une longue période d’impunité, il est nécessaire de renforcer la réponse opérationnelle face à la cybercriminalité. Le travail de renseignement devra être accru sur ces organisations qui peuvent toucher les intérêts fondamentaux de la Nation ou entraîner des dégâts systémiques sur son fonctionnement, en lien avec le travail interministériel réalisé en format C4, entité présidée au nom du Premier ministre par le SGDSN, au sein de laquelle la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) siège pour le compte du ministère de l’intérieur, aux côtés de l’ANSSI, qui en assure le secrétariat, de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) et de COMCYBER (Commandement de la cyberdéfense). De nouveaux pans du renseignement criminel seront développés au sein des services spécialisés du ministère de l’intérieur pour mener une politique d’entrave systématique des cyber-attaquants sur le territoire national, en lien étroit avec l’ensemble des services partenaires, notamment européens.
Pour concrétiser cette ambition, un plan d’investissement technologique mais également de formation et de recrutement ambitieux au sein des forces de sécurité intérieure sera mis en place, pour aller chercher les meilleurs profils issus de la société civile, notamment les cyber-réservistes. Pour renforcer l’efficience du ministère dans la lutte contre la menace cyber, une coopération plus étroite entre les services concernés sera structurée. Celle-ci se traduira notamment par une mutualisation plus importante des investissements techniques et humains à venir, ainsi que par le développement de capacités et d’outils en propre, de nature à garantir la souveraineté des opérations techniques effectuées par les services.
Parallèlement, un regroupement des capacités techniques et d’analyse du ministère de l’intérieur en matière cyber auprès du pôle régalien de cyberdéfense implanté à Rennes sera étudié, afin d’améliorer les synergies au sein de l’écosystème interministériel cyber.
Une école de formation cyber interne au ministère de l’intérieur sera mise en place afin de garantir un haut niveau de compétences des policiers et gendarmes dans la durée. La très rapide évolution des chemins d’attaque utilisés et des objets technologiques en jeu (comme les cryptomonnaies) nécessite une formation continue pour l’ensemble des services d’enquête. Cette école de formation du ministère de l’intérieur dédiée à la lutte contre la cybercriminalité, et faisant intervenir enquêteurs et formateurs extérieurs, permettra à la fois d’augmenter significativement le nombre d’enquêteurs formés et de garantir le niveau de connaissance dans le temps.
Par ailleurs, les mêmes conditions de saisie seront appliquées aux avoirs crypto-actifs (cryptomonnaies par exemple) que pour les comptes bancaires : trop souvent, les criminels convertissent le fruit de leurs malversations en crypto-actifs, qui peuvent être plus facilement dispersés et donc dissimulés.
1.1.3 - Créer un équivalent numérique de « l’appel 17 » et recruter 1 500 cyber-patrouilleurs supplémentaires
Les victimes de cette nouvelle délinquance ne sont pas préparées à ce risque et ne savent pas vers qui se tourner, du fait notamment du caractère inédit de cette menace et de la multiplicité des acteurs.
Un équivalent numérique de « l’appel 17 » sera donc mis en place afin que chaque citoyen puisse signaler en direct une attaque cyber et être mis immédiatement en relation avec un opérateur spécialisé. Ce « 17 cyber » sera construit en s’appuyant sur les outils existants, qu’il s’agisse de la plateforme numérique d’assistance aux victimes (cybermalveillance.gouv.fr) qui permet notamment la mise en relation des victimes avec des prestataires d’accompagnement, des centres de réponse à incidents régionaux, en cours de création, des dispositifs PHAROS et Perceval ainsi que de l’ANSSI. Le « 17 cyber » permettra ainsi d’éviter aux citoyens d’avoir à s’orienter dans ce dispositif de réponse à incidents : au contraire, ils seront pris en charge et bénéficieront de conseils immédiats et rassurants.
En outre, 1 500 nouveaux cyber-patrouilleurs seront formés et déployés pour mieux lutter contre la cybercriminalité. Ils pourront notamment être recrutés parmi les réservistes.
1.2 - Enrichir « l’identité numérique » des citoyens
L’identité numérique du citoyen, développée depuis 2017, constitue désormais le pivot de nouvelles perspectives au sein du ministère de l’intérieur, et plus largement pour le développement de services à l’usager qui réclament un haut niveau de confiance.
1.2.1 - Le numérique au service des citoyens
L’effort de dématérialisation et d’accessibilité des démarches dématérialisées sera poursuivi avec, comme illustration, la dématérialisation de la procuration de vote, qui permettra de supprimer le nécessaire passage devant une autorité habilitée (officier de police judiciaire ou adjoint de police judiciaire). L’usager n’aura plus à se déplacer en commissariat de police, en brigade de gendarmerie ou dans un tiers lieu autorisé par arrêté du préfet pour établir sa procuration. La demande en ligne, possible depuis le 6 avril 2021, date de la mise en service de la téléprocédure Maprocuration suffira.
Cette mesure s’appuie sur le déploiement d’une identité numérique régalienne de niveau élevé, portée par le programme France Identité Numérique, qui s’appuie sur l’outil France Connect.
Le développement de ces nouveaux outils et services numériques au sein du ministère de l’intérieur va de pair avec le renforcement de la politique de cyberdéfense du ministère afin de garantir un haut niveau de sécurité.
1.2.2 - Un contact humain pour chaque procédure dématérialisée
Afin d’améliorer l’accompagnement des usagers lors de leurs démarches en ligne et de réduire la fracture numérique, chaque téléprocédure devra être dotée d’un moyen d’accompagnement effectif et adapté à tous les usagers.
Le recours croissant aux téléprocédures et la suppression des démarches en présentiel à un guichet ne supprime pas le besoin d’accompagnement des usagers. L’accompagnement physique, par exemple dans les espaces France Services au sein desquels le ministère de l’intérieur est engagé, restera donc la solution privilégiée pour les populations les plus fragiles en difficulté avec les outils numériques ou la langue française ou les moins bien renseignées sur les possibilités de contact à distance. Le présentiel constitue pour de nombreuses personnes le mode de contact le plus sûr, qui leur garantit que l’agent en face d’elles pourra les aider et prendre en compte leur demande. Le réseau des points d’accueil numérique (PAN) des préfectures et sous-préfectures sera ainsi consolidé, par le déploiement de PAN+ qui accompagneront l’usager sur l’ensemble des démarches des préfectures. L’accompagnement par téléphone ou par « chatbot » directement sur les sites des téléprocédures permettra de rassurer immédiatement l’usager et d’échanger avec lui en temps réel, à la différence d’un échange par courriel avec des réponses souvent différées. Les agents mobilisés dans ces services seront formés à l’accueil et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, quelle que soit leur situation de handicap.
1.3 - Doter nos forces de sécurité d’un équipement à la pointe du numérique
L’équipement numérique offre de réelles opportunités aux policiers et gendarmes pour gagner en efficacité et, donc, mieux réaliser leurs missions au service des Français. La mise à disposition de ces nouvelles technologies a déjà largement été initiée depuis 2017, avec notamment le déploiement des caméras-piétons. Celle-ci doit s’accélérer, tout en tenant compte du risque que l’addition de l’ensemble des matériels et systèmes se fasse sans cohérence, multipliant à la fois le poids et les interactions homme-machine. Le défi consiste donc à bâtir un véritable modèle cohérent de policier, gendarme ou pompier « augmenté » par le recours à des technologies de pointe.
Par ailleurs, comme pour la technologie cyber, un écosystème français « souverain » est prêt à produire ces matériels et doit être soutenu.
1.3.1 - Une agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure
Afin de porter cette orientation stratégique de forces de sécurité « augmentées », l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure, constituée des divers services existants et mise en place pour porter l’ensemble de ces projets, nouera des partenariats avec le secteur industriel pour permettre l’émergence d’un écosystème français.
L’agence sera placée sous contrôle des deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales – qui seront donc responsables de chaque euro investi – et budgétairement alimentée par leurs programmes. En lien avec le nouveau secrétaire général adjoint du ministère de l’intérieur chargé de la transformation numérique (cf. partie 1.4), elle sera chargée de faire converger les visions du numérique entre les deux directions générales et d’étudier systématiquement, pour chaque nouveau projet mené par l’une ou l’autre des directions générales, la possibilité d’en faire un projet commun.
Irriguée par des ingénieurs et des représentants des deux forces, formés à haut niveau sur le numérique et la conduite de projets, l’agence développera des outils numériques au service du terrain et de l’opérationnel. Cette agence devra particulièrement réfléchir à l’« exosquelette » du policier et du gendarme de demain, ainsi qu’à la parfaite interconnexion de l’ensemble des systèmes d’information mobilisés. Une démarche capacitaire commune sera consolidée entre cette agence et la direction générale de la sécurité intérieure, chargée de développer les capacités opérationnelles de très haut niveau dans l’espace numérique et les capacités classifiées de défense, afin de rationaliser et de mutualiser les travaux conduits de part et d’autre.
Au sein de l’agence, une cellule d’innovation et un laboratoire de recherche et développement (R&D) sur l’utilisation des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité permettront de dédier une partie de ses ressources à l’innovation.
1.3.2 - Policier, gendarme, pompier et agent « augmentés »
Engagé sur des interventions du quotidien, le policier ou le gendarme agit dans un environnement marqué par une menace physique variée qui nécessite une interconnexion avec de nombreux systèmes d’information et de communication. Il doit, tout à la fois, faire face à la menace, exploiter ses systèmes d’information et de communication et réaliser ses missions de sécurité au contact de la population. Aujourd’hui, « l’augmentation » du gendarme ou du policier consiste en l’adjonction de systèmes et d’équipements autour de son corps, multipliant le poids et les interactions homme-machine, ce qui n’est pas satisfaisant.
À l’horizon 2030, l’objectif est d’intégrer les moyens de protection, d’actions et d’interactions dans un ensemble cohérent, adaptés à la morphologie du policier ou du gendarme et facilitant son engagement. La protection pourra être optimisée et assurée grâce à de nouvelles technologies (textiles intelligents capables de mieux résister et de thermoréguler, casque allégé, bio-capteurs sur l’état physiologique). De même, les capacités pourront être « augmentées » grâce à un « exosquelette » ou répartiteur de charge, interconnecté avec les moyens numériques présents et à venir (moyens radio, NEO, PC Storm, camera piéton, etc.) et grâce à l’emport d’une capacité d’énergie. Enfin, les développements auront pour objectif l’amélioration de l’ergonomie et la simplification d’emploi des outils (commande vocale, alerte automatique via des capteurs).
Les principales acquisitions à venir dans ce domaine portent sur la généralisation annoncée des nouvelles caméras-piétons et l’équipement dès 2023 des véhicules des forces de sécurité intérieure en caméras embarquées, ainsi que les postes mobiles (par exemple pour la prise de plainte à domicile actuellement expérimentée), les terminaux numériques type Néo et le réseau radio de pointe (RRF). L’équipement en caméras-piétons et en caméras embarquées répond à l’impératif de transparence dans l’action des forces de sécurité, de pacification des interventions sur la voie publique, de dissuasion et d’amélioration de l’efficacité des missions de police, notamment par le recueil d’informations utiles aux procédures.
Cette réflexion ne concerne pas uniquement les forces de sécurité intérieure mais aussi l’ensemble des autres agents du ministère de l’intérieur. Autrefois cantonné à l’ordinateur fixe et aux logiciels bureautiques, l’environnement numérique de travail doit aujourd’hui s’entendre comme un écosystème faisant l’interface entre l’agent et les systèmes d’informations. Les nouvelles capacités de mobilité, les nouveaux outils collaboratifs, le traitement automatisé du langage permettent une transformation forte de cet environnement et une augmentation tout aussi forte de l’efficience de l’agent, y compris en mobilité sur le terrain. Les nouveaux moyens numériques devront aussi permettre une meilleure interaction avec l’usager, et surtout transformer nos relations vers les usagers en offrant un service proactif. Dans le même esprit, l’analyse des données permise par l’intelligence artificielle permet un usage renforcé et plus intelligent des données.
Au travers du pacte capacitaire entre l’État et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), l’État accompagnera également les investissements innovants visant l’utilisation de nouvelles technologies au bénéfice opérationnel des sapeurs-pompiers, permettant de mieux anticiper et agir sur les situations de crise. La collaboration du ministère avec les SDIS sera également renforcée et structurée en matière d’innovations technologiques, pour développer les réflexions stratégiques et prospectives, grâce notamment à la mise en réseau de référents sur les territoires.
Ces efforts supposent aussi de développer une politique d’achat davantage orientée vers l’innovation en favorisant l’acculturation des services du ministère aux enjeux de l’innovation et en favorisant l’émergence d’un réseau de partenaires extérieurs, dans le respect des règles de la commande publique. Cet élan est donc l’occasion de définir la feuille de route ministérielle pour la mise en œuvre des actions visant à transformer la fonction achat du ministère de l’intérieur afin qu’elle devienne un vecteur d’innovation autour de plusieurs axes stratégiques, dont la mesure de la performance opérationnelle et économique de l’innovation au sein du ministère, ou encore la mise à disposition d’ingénieurs de l’armement au sein de la Direction de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de l’immobilier (DEPAFI).
1.3.3 - Réseau radio du futur
Le programme Réseau radio du futur (RRF) répond au triple objectif d’assurer la sécurité de nos concitoyens, d’offrir un système commun à l’ensemble des forces et de moderniser les équipements radio en dotant les forces d’un unique équipement individuel de communication, multifonctions. Ce programme vise à doter l’ensemble des services en charge de la protection de nos concitoyens d’un système de communication mobile très haut débit (4G puis 5G), multimédia, interopérable, prioritaire, résilient et sécurisé. Il constituera le continuum de sécurité et de secours.
Le réseau radio du futur devra remplacer les réseaux radio bas débit (INPT et RUBIS) vieillissants n’offrant plus des fonctionnalités alignées avec les outils numériques actuels. À terme, le RRF prévoit d’équiper 300 000 abonnés en charge des missions de protection des populations et de gestion des crises et catastrophes issus de plus de 30 entités utilisatrices différentes réparties entre plusieurs ministères et instances publiques et privées (OIV et associations agrées de sécurité civile). La loi modifie le code des postes et des communications électroniques pour la mise en œuvre de ce réseau.
Cette mesure concerne la police nationale, la gendarmerie nationale, la sécurité civile et l’administration territoriale de l’État, notamment les préfectures (gestion de crise, suivi et gestion des troubles à l’ordre public).
1.3.4 - Assurer le déploiement de l’outil mutualisé de gestion des alertes des services d’incendie et de secours
Le projet en cours de développement par l’agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) permettra la mutualisation et l’interopérabilité de la gestion des alertes et des opérations de l’ensemble des services d’incendie et de secours.
Le projet est cofinancé par les services d’incendie et de secours et par le ministère de l’intérieur. Il permettra en effet un pilotage plus efficace des secours par les préfets de départements, et une coordination plus rapide par les préfets de zone et par la DGSCGC. Il permettra le développement d’un système de collecte et de routage intelligent des communications (SECOURIR) d’urgence (18 et 112), par décloisonnement des plaques de communication (communication en réseau plus agile et réactive), et limitera les risques de congestion et de panne, exportable des SDIS vers l’ensemble des acteurs de la sécurité et du secours.
La construction d’un centre de service à l’ANSC permettra aux utilisateurs des services de bénéficier d’un support utilisateur, réactif et d’une supervision dédiée cohérente avec les contraintes opérationnelles.
1.4 - Ériger la fonction numérique au rang de priorité stratégique au sein du ministère de l’intérieur
Toutes les opportunités offertes par le numérique ne sont pas pleinement exploitées au ministère de l’intérieur, alors que celles-ci pourraient faciliter considérablement l’exercice de ses missions : analyse de données, open data, intelligence artificielle ou encore blockchains.
La conduite de grands projets numériques constitue l’un des principaux défis pour le ministère de l’intérieur. Il n’est plus envisageable d’engager des projets numériques d’ampleur qui ne seraient pas conduits à leur terme, du fait de problèmes de gouvernance, de conception du projet ou de manque de ressources humaines. Par ailleurs, les directions générales métiers sont trop peu responsabilisées sur les sujets numériques, alors même que de leur implication dépend le succès des projets.
Cette ambition de livrer plus rapidement les projets numériques et de transformer les métiers pour une plus grande efficacité d’action dans l’application des missions va de pair avec l’objectif d’ouverture des données du ministère de l’intérieur.
1.4.1 - Faire du numérique une fonction stratégique en repensant son organisation
Le numérique sera désormais confié à un secrétaire général adjoint du ministère de l’intérieur, afin que cet enjeu soit incarné au plus haut niveau et bénéficie de tous les leviers permettant une réelle transformation des métiers. Il s’agit de repenser le modèle pour améliorer la capacité à créer, innover et opérer dans la durée.
En lien avec l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure, ce nouvel acteur aura pour mission de mettre en place une organisation moderne, agile et intégrée tournée vers l’innovation. Cette démarche nécessite d’impliquer très fortement les métiers, de développer des pôles de compétences (data, intelligence artificielle) pour des projets modernes, et de faire prendre en compte les phases « projet » et « exploitation » par une même équipe maîtrisant parfaitement les applications d’une sphère métier.
Les équipes du secrétaire général adjoint chargé du numérique auront aussi une activité d’appui et de conseil pour venir en soutien des projets structurels du ministère et favoriser la transformation numérique. Elles inciteront au passage à une approche par service ou par produit afin de garantir l’évolution et la modernisation des services plutôt que leur changement au fil des cycles, ce qui nécessite de mettre en place l’organisation permettant le passage du « mode projet » au « mode produit ».
Par ailleurs, une activité d’audit des grands projets numériques sera créée afin de contrôler dans la durée la bonne exécution des projets structurants du ministère et anticiper les risques projets.
1.4.2 - Attirer, recruter et former
Afin de faire émerger de véritables filières numériques professionnalisées au ministère de l’intérieur, des fonctionnaires et contractuels de haut niveau seront recrutés pour ré-internaliser les compétences techniques nécessaires à la conduite de projets. Cela permettra de moins dépendre des prestataires extérieurs et de travailler de concert avec les directions métier sur les projets les plus importants du ministère.
Cet effort est estimé à 300 équivalents temps plein (ETP) – plus 100 ETP pour l’agence du numérique – et requiert un plan de formation et de mentorat, ainsi que l’assouplissement de règles permettant d’assurer une plus grande attractivité des métiers du numérique au ministère de l’intérieur pour les contractuels.
Attirer les talents du numérique nécessite de proposer des conditions de travail attractives (matériel, télétravail) et des mécanismes managériaux adaptés à ces profils (libération des énergies, capacité à créer, à proposer, à développer), tout en proposant des parcours interministériels de carrière attractifs en vue d’une fidélisation des meilleurs. La diversification des filières de recrutement (écoles, alternance, éditeurs de logiciels) gagne à être renforcée par des partenariats avec les écoles d’ingénieurs.
La formation au numérique devra concerner à la fois ces nouveaux recrutements, les experts numériques du ministère de l’intérieur, les directeurs et l’ensemble des autres agents du ministère. Devront être mis en place des plans de formation et de mentorat ambitieux et leurs suivis : plan de formation continue pour les profils en tension, mentorats dédiés aux cadres supérieurs et directeurs généraux, opérations d’acculturation au numérique des managers des directions métiers et parcours de formation pour permettre des passerelles vers le numérique. Au sein de la sphère sécurité intérieure, il s’agira de mutualiser les parcours de formation au numérique afin de créer une culture commune et de diversifier les filières de recrutement de la police nationale en augmentant la proportion d’ingénieurs pour irriguer l’agence du numérique sur les sujets techniques et liés à l’exploitation des données.
1.4.3 - De nouvelles interfaces avec la société civile, le tissu industriel et le monde académique
Le ministère de l’intérieur et la société civile doivent entretenir une relation apaisée sur l’utilisation de la technologie au sein du ministère. À cette fin, la société civile joue un rôle dans le suivi et le contrôle des technologies employées, grâce notamment à l’ouverture des codes sources et algorithmes utilisés. L’agence du numérique pilotera ainsi une politique d’ouverture des données et des sources par défaut, qui favorise la création de nouveaux services et d’activités créatrices de valeur au profit des citoyens et des entreprises.
De surcroît, une attention particulière sera portée sur les solutions de protection de la vie privée dès la conception (privacy by design), qui consistent à proposer des outils numériques nativement protecteurs des libertés individuelles. L’agence du numérique a donc vocation à intégrer des compétences juridiques et des compétences spécialisées dans le privacy by design, potentiellement alimentées par des chercheurs, afin de développer des solutions répondant parfaitement aux besoins opérationnels tout en préservant les libertés individuelles et en le prouvant.
En matière de partenariats industriels, le ministère devra s’investir dans la construction de relations étroites avec les industriels français de confiance et tirer profit de leurs centres de formation spécialisée sur les sujets technologiques de pointe. Cela peut se traduire par des mobilités croisées, voire la mise en place d’un mécanisme de réserve inversée, consistant dans le cadre de la formation continue à envoyer les équipes techniques du ministère de l’intérieur rejoindre les grands industriels français pendant une période donnée pour s’inspirer de leurs méthodes et outils de travail et monter en compétences sur des sujets techniques. Sont également envisageables des laboratoires communs de recherche et développement avec des industriels, des académiques et des juristes, sur des projets technologiques de pointe. L’approche sous forme de laboratoire permettra en outre de s’assurer de la parfaite adaptation de ces technologies aux besoins opérationnels des forces. En cohérence avec les efforts internes au ministère de l’intérieur, il s’agit en outre d’inciter les industriels français à avancer sur le privacy by design et à en faire un élément différenciant dans leur stratégie commerciale.
Le ministère devra aussi nouer des partenariats privilégiés avec le monde académique en s’investissant notamment dans des travaux de thèses, de post-doctorat ou en s’associant à des chaires. L’effort portera en matière de recherche et développement sur l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité, mais aussi dans le champ des sciences sociales.
Focus : tirer pleinement parti des opportunités offertes par le numérique outre-mer
Le numérique est un enjeu essentiel pour les territoires ultramarins, de par les opportunités offertes en matière de rapprochement entre les services de l’État et la population ou encore de besoins opérationnels des services du ministère dans ces territoires particulièrement exposés. En même temps, la mise en place d’outils numériques performants et adaptés est un défi majeur, dans des régions parfois difficiles d’accès du fait de l’insularité, de l’immensité du territoire ou du caractère enclavé de certaines régions.
Un effort de remise à niveau de l’architecture des réseaux outre-mer sera engagé avec, comme objectif, la numérisation des réseaux tactiques communs aux forces visant à renforcer leur capacité opérationnelle, en substitution des réseaux anciens devenus obsolètes. Le déploiement du projet « Réseau radio du futur » s’inscrit dans cet effort. Sont plus particulièrement concernées la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française et la Guyane qui n’ont pas pu bénéficier du passage à l’état de l’art technologique comme l’ont fait ces dernières années les Antilles, La Réunion et Mayotte.
D’autre part, les chantiers numériques de proximité, visant à rapprocher l’administration du citoyen et à doter les agents du ministère de l’intérieur d’outils performants, seront déployés de manière adaptée et rapide outre-mer. Les possibilités offertes sont particulièrement adaptées à ces territoires ultramarins, où les enjeux d’accès aux services publics sont prégnants : téléprocédures permettant de mener ses démarches depuis chez soi ou en mobilité ; application unique « Ma sécurité » permettant la prise de plainte en ligne, le suivi de celle-ci et l’échange direct avec des policiers ou gendarmes ; audition ou prise de plainte en visioconférence, ou à domicile ; équipement des policiers et gendarmes en matériels de pointe (caméras-piétons, caméras embarquées, tablettes Néo, ordinateurs portables etc.).
Le déploiement des projets numériques du ministère outre-mer fera l’objet d’une feuille de route et d’un suivi spécifique.
2 - Plus de proximité, de transparence et d’exemplarité
En 2030, la présence des policiers et gendarmes sur le terrain sera doublée grâce à la transformation numérique, à une meilleure gestion des effectifs et du temps de travail, à la suppression des tâches périphériques et à la simplification des procédures.
Cet effort de proximité portera d’abord sur les zones éloignées des services publics. De nouvelles brigades de gendarmerie seront créées dans les territoires ruraux et périurbains ; les sous-préfectures seront, en articulation avec le réseau France Services, les lieux des démarches du quotidien pour les citoyens. La présence renforcée des policiers et gendarmes sur la voie publique donnera de nouvelles marges de manœuvre opérationnelles, qui seront mises à profit grâce à un commandement présent de manière continue sur le terrain et à une réorganisation de la police nationale par filières.
La répartition territoriale entre police et gendarmerie sera adaptée selon des critères qualitatifs, afin de mieux correspondre à la réalité des territoires et à la nécessité d’améliorer le service rendu à la population. Cette adaptation sera réalisée après un processus de concertation avec les représentants des acteurs de chaque territoire, en particulier les associations départementales de maires et les conseils départementaux.
Dans chaque département est signé par les responsables locaux de la police et de la gendarmerie nationales, sous l’égide des préfets et après consultation des élus locaux, un protocole de coopération opérationnelle entre les deux forces visant à améliorer leur coordination dans une logique de continuité territoriale de zones contiguës, à réagir aux situations urgentes et exceptionnelles, à identifier et combattre des phénomènes de délinquance communs et à optimiser l’emploi de services ou de capacités spécifiques.
La proximité passe aussi par une amélioration qualitative du contact avec les forces de sécurité. Le parcours des victimes sera amélioré, avec un traitement plus efficace et transparent des plaintes. L’accueil des usagers sera modernisé : rénovation immobilière, mais surtout adaptation aux besoins des usagers, simplification et numérisation des démarches tout en gardant systématiquement un accompagnement physique. Cette attention portera en particulier sur les plus fragiles, notamment les victimes des violences intrafamiliales et sexuelles : fichier de prévention des violences intrafamiliales, doublement des effectifs dédiés (4 000 contre 2 000 en 2022), densification du maillage territorial en accueils spécialisés, création de postes d’intervenants sociaux en police et gendarmerie, triplement de l’amende pour outrage sexiste.
Les citoyens pourront ainsi compter sur des forces de l’ordre plus présentes et plus accessibles, mais qui doivent aussi leur ressembler : si les agents du ministère de l’intérieur sont représentatifs de tous les milieux sociaux, il n’en est pas de même de la diversité de la population. Des dispositifs de recrutement seront mieux ciblés sur les quartiers populaires, les concours du ministère de l’intérieur seront refondus pour élargir le recrutement. De meilleures possibilités de promotion interne seront ouvertes aux agents les plus méritants.
La transparence et l’exemplarité de l’action des policiers et gendarmes seront mieux garanties. Le travail des inspections sera conforté et rendu plus lisible pour les citoyens. Lorsque des agents du ministère se seront rendus coupables de comportements inacceptables, les sanctions seront alourdies.
Le ministère de l’intérieur contribuera à la redynamisation des territoires ruraux et des villes moyennes en y installant certains services relevant de l’administration centrale.
Le ministère de l’intérieur s’ouvrira à de nouveaux partenariats de sécurité animés par la nouvelle direction unique du continuum de sécurité. Ces partenariats s’appuient sur des moyens renforcés, avec le triplement des crédits dédiés au cofinancement des projets de vidéo-protection des collectivités. Le ministère de l’intérieur s’ouvrira également au monde de la recherche et de l’innovation (think tanks, universités) tout en renforçant sa capacité propre de prospective, pour anticiper les enjeux et menaces de demain.
Enfin, des moyens nouveaux seront dévolus aux forces de sécurité intérieure, qu’il s’agisse de nouveaux matériels plus performants (véhicules, tenues, armements, équipement de protection) mais aussi innovants (caméras-piétons, caméras embarquées, drones, robots d’intervention de déminage) ou encore d’un immobilier à même de leur permettre d’accomplir leurs missions dans de bonnes conditions, de répondre aux besoins de formations et de mieux accueillir les usagers.
2.1 - Faire du renforcement de la présence dans la ruralité une nouvelle politique à part entière
2.1.1 - Le maillage territorial des forces de sécurité sera renforcé en priorité dans les territoires ruraux et périurbains
Jusqu’en 2017, les quinquennats précédents ont été marqués par le recul de l’État dans les territoires, avec la disparition de nombre d’implantations de services publics : 500 brigades de gendarmerie fermées en 15 ans, 20 commissariats fermés depuis 2008, 10 arrondissements supprimés et 9 jumelés depuis 2014. Ce recul s’est également traduit par la fermeture de guichets (préfectures et sous-préfectures), alors qu’en parallèle, les procédures de délivrance de titres ont été largement dématérialisées. Si cette dématérialisation des procédures a constitué un progrès pour nombre de citoyens, qui peuvent désormais réaliser nombre de démarches sans se déplacer, les personnes éloignées du numérique conservent le besoin d’un accompagnement humain.
Les dernières années démontrent aussi que le besoin de sécurité n’est pas l’apanage des métropoles : les territoires périurbains et ruraux connaissent une augmentation des violences aux personnes – principalement des violences non crapuleuses, des violences sexuelles et des violences intrafamiliales.
Partant de ce constat, l’État a inversé cette dynamique de recul des services publics et renforcé sa présence. Plus de 2 000 espaces France Services ont été créés depuis 2018, dans tous les départements, pour permettre aux citoyens de réaliser leurs démarches de proximité et de bénéficier d’un accompagnement physique personnalisé. La diminution des effectifs des services locaux de l’État a été stoppée, et le niveau départemental, celui de la proximité, a été revalorisé. Enfin, les effectifs des forces de sécurité ont été augmentés : chaque département compte aujourd’hui davantage de policiers et de gendarmes qu’il y a cinq ans. Les services de l’État vont continuer de renforcer leur présence et leur efficacité dans les cinq années à venir, en particulier dans les zones périurbaines et rurales et notamment celles connaissant une importante dynamique démographique.
Deux cents brigades de gendarmerie nouvelles seront créées, sous la forme d’implantations nouvelles ou de brigades mobiles. Les brigades mobiles consistent, pour les gendarmes, à « aller vers » les citoyens, notamment ceux qui sont les moins enclins à se déplacer dans une brigade de gendarmerie (jeunes, victimes de violences intrafamiliales, personnes âgées, isolées, etc.). Ces unités seront équipées de postes mobiles avancés – par exemple des véhicules de grande capacité – qui permettront grâce aux outils numériques de mobilité (tablettes NEO, ordinateurs portables) d’apporter des réponses aux citoyens. Les départements ayant expérimenté ces nouvelles brigades ont plébiscité ce dispositif qui rapproche les gendarmes de la population, dans des territoires où l’empreinte des services publics est faible ou insuffisante.
Le choix des territoires d’implantation de ces nouvelles brigades sera effectué selon des critères objectifs liés à la population, aux flux, aux risques locaux, à la délinquance et délais d’intervention, à l’issue d’un diagnostic partagé avec les autorités administratives et judiciaires ainsi que les élus.
Dans la police nationale, un effort particulier sera fait pour renforcer les unités généralistes de police secours : les effectifs supplémentaires seront dirigés en priorité vers ces fonctions de terrain, notamment effectifs de « polices secours » et les personnels travaillant de nuit, qui verront leur rémunération revalorisée.
2.1.2 - Le pilotage des services de l’État sera renforcé au plus près des territoires et de leurs besoins
En plus des 2 055 espaces France Services existants en février 2022, de nouvelles sous-préfectures seront labellisées France Services.
Le pilotage unifié et cohérent de ces moyens renforcés est confié aux préfets. Afin que ce pilotage se fasse au plus près des territoires et en tenant compte de leurs enjeux spécifiques, le réseau préfectoral sera affermi, pour mieux prendre en charge le besoin de proximité et d’appui territorial des communes péri-urbaines ou rurales de l’arrondissement chef-lieu. Préfectures et sous-préfectures seront plus ouvertes qu’avant à nos concitoyens et aux entreprises, avec des points d’accueil numérique (PAN) « augmentés », les PAN+, pour aider les citoyens à réaliser leurs démarches, des guichets uniques pour les acteurs économiques permettant de réunir plusieurs services, d’expliquer les réformes prioritaires du Gouvernement et de veiller à ce qu’elles bénéficient à chacun. Les préfets et sous-préfets verront rappeler les spécificités de leur métier dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique.
Parallèlement, dans le cadre de la poursuite de la dématérialisation des démarches et des titres, le ministère de l’intérieur veillera à maintenir un contact physique de proximité pour chaque procédure numérique, afin d’accompagner les usagers qui ne sont pas à l’aise avec le numérique, mais aussi de celles dont le cas particulier ne peut être résolu par la voie numérique.
2.2 - Relocaliser certains services de l’administration centrale du ministère de l’intérieur au bénéfice des territoires ruraux et des villes moyennes
L’ancrage territorial du ministère de l’intérieur sera aussi renforcé à travers la relocalisation de certains services de l’administration centrale dans des villes moyennes et des territoires ruraux.
Ce mouvement concernera plus de 1 400 fonctionnaires issus de l’ensemble des grandes directions du ministère de l’intérieur. Il a deux objectifs principaux : d’une part renforcer la présence de services publics au plus près des usagers et, d’autre part, améliorer les conditions de vie au travail des agents.
Le choix de ces nouvelles implantations est le fruit d’un appel à candidatures ouvert à l’ensemble des territoires, hors Île-de-France et grandes métropoles régionales, intéressées à accueillir ces services.
Ces relocalisations permettront de nouvelles synergies entre les différents services du réseau territorial du ministère de l’intérieur (préfectures et sous-préfectures, directions départementales interministérielles, services de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale).
L’installation de services à vocation nationale sur l’ensemble du territoire exploitera pleinement les opportunités offertes par le travail à distance au bénéfice des services centraux et territoriaux du ministère.
Elle permettra également de dynamiser la politique immobilière de l’État dans les villes concernées au bénéfice du développement et de l’attractivité des territoires concernés.
2.3 - Doubler la présence de nos forces de l’ordre sur le terrain d’ici 2030
Les citoyens attendent des forces de sécurité qu’elles soient plus présentes et visibles sur le terrain, avec un effet rassurant pour la population et dissuasif pour les délinquants. Mais si le quinquennat écoulé a permis la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires, leur présence sur la voie publique demeure insuffisante : policiers et gendarmes ne passent que 37 % de leur temps sur la voie publique, du fait de la lourdeur de la procédure pénale, d’outils numériques insuffisamment performants et de tâches administratives chronophages.
Le doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique en 10 ans annoncé par le Président de la République implique donc une transformation profonde : faire de la présence sur la voie publique la règle et la présence en commissariat ou en brigade l’exception.
2.3.1 - L’objectif de doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique impose d’activer un ensemble de leviers complémentaires
Deux réformes importantes ont d’ores et déjà été actées : la suppression des cycles horaires chronophages des unités de voie publique, effective au 1er février 2022, ainsi que la réforme des modalités d’affectation des effectifs de police au 1er janvier 2023, pour pouvoir positionner plus facilement les effectifs là où sont les besoins.
Les policiers et gendarmes seront de plus en plus « nomades », grâce à l’équipement numérique mobile qui leur permettra de réaliser le maximum de tâches en extérieur lors des patrouilles. Les tablettes « Néo » ont déjà permis d’importants gains de temps et d’efficacité, qui seront amplifiés avec le déploiement en cours de la deuxième génération de tablettes, ainsi qu’avec une dotation massive en ordinateurs portables. Ces outils permettent l’accès à l’ensemble des ressources utiles en mobilité, que ce soit pour mieux renseigner les usagers, appréhender les situations d’intervention avec un maximum d’informations (profil des parties prenantes, position des autres patrouilles grâce à un outil de cartographie), recueillir de l’information (consultation de fichiers, prélèvements biométriques) ou encore gagner du temps (outil de retranscription écrite de la parole, procédure pénale numérique – cf. ci-après) et réduire les déplacements sans plus-value opérationnelle par la rédaction des procédures en mobilité ou la réalisation de prélèvements directement sur le terrain. D’importants investissements seront consentis pour mettre au niveau les réseaux de télécommunications afin de supporter ces nouveaux outils technologiques et de permettre une disponibilité optimale des applications, ainsi que pour la maintenance de ces nouveaux outils.
Le recours aux réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police sera accru, puisqu’elles passeront en 5 ans de 30 000 aujourd’hui à 50 000 réservistes pour la gendarmerie nationale et de 6 000 à 30 000 réservistes pour la police nationale. Afin de maintenir l’engagement et la motivation des réservistes, une cible minimale d’emploi de 25 jours par an et par réserviste est fixée. Ce renforcement de la réserve opérationnelle permettra à des jeunes de se former et de s’ancrer dans la vie professionnelle par un service – rémunéré – au profit de la Nation. Des passerelles avec l’Éducation nationale et le service national universel seront créées.
La compensation financière des heures supplémentaires sera privilégiée plutôt que le retour sous forme de récupérations, qui affaiblit la présence des policiers sur la voie publique. Le Président de la République a par ailleurs demandé l’ouverture d’une discussion sociale sur l’augmentation du temps de travail au sein des forces de sécurité intérieure.
Les forces de sécurité seront recentrées sur le cœur de leur mission de sécurité, par la substitution de personnels actifs par des personnels administratifs, par la mise en place de la fonction d’« assistant d’enquête de police et de gendarmerie » et par l’abandon des tâches périphériques. Le mouvement de substitution des personnels actifs par des personnels administratifs sera relancé, notamment pour les missions de contrôle aux frontières (couplé à l’automatisation) ou pour certaines missions relatives au fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA). Les futurs assistants d’enquête de police et de gendarmerie se verront ainsi confier des tâches actuellement exercées par les personnels actifs, afin de permettre à ces derniers de se concentrer sur leur cœur de mission, notamment les enquêteurs.
Les policiers et les gendarmes n’assureront plus de missions périphériques : les extractions judiciaires devront finir d’être transférées au ministère de la justice, les policiers et gendarmes devront être libérés de la police des audiences ou encore de la garde des détenus hospitalisés. Les missions d’escorte ou de garde de bâtiments officiels seront réétudiées et externalisées lorsque leur exercice peut être assuré par d’autres que les policiers ou les gendarmes. La télécommunication audiovisuelle sera privilégiée pour certains actes d’enquête (exemple : prise de plainte) ou pour les auditions (exemple : pour les auditions par le juge de la liberté et de la détention des étrangers placés en CRA afin d’éviter les transferts et gardes chronophages).
La procédure pénale sera simplifiée (cf. infra).
Pour mesurer l’effectivité de l’ensemble de ces mesures, un suivi statistique de l’effort sera réalisé, avec un rendu compte annuel. Afin d’atteindre l’objectif de doublement de la présence de voie publique en 10 ans, l’effort sur 2023-2027 devra représenter une hausse de 50 % du nombre d’heures de présence sur la voie publique des policiers et des gendarmes, par rapport à l’année de référence 2021. Ces gains quantitatifs de présence sur la voie publique donneront de nouvelles marges de manœuvre opérationnelle, au service de priorités fixées au plus près du terrain.
2.3.2 - La police nationale réformera son organisation pour un pilotage de proximité plus efficace
La mise en place d’un commandement opérationnel des forces 24/24 et 7/7 permettra un meilleur pilotage des effectifs présents sur le terrain, en fonction des priorités définies, et visera à pallier les difficultés pouvant être observées sur certaines interventions délicates.
Au niveau départemental, le pilotage en fonction des priorités sera affirmé par la généralisation des directions uniques de la police nationale, appelées directions départementales de la police nationale (DDPN), sous réserve des spécificités de la police judiciaire. Le directeur unique de la police pourra allouer les forces en fonction des priorités opérationnelles : sécurité du quotidien, démantèlement des trafics, lutte contre l’immigration clandestine. L’état-major mutualisé qui en découle facilitera les rationalisations d’organisation et le renforcement de la présence sur la voie publique. Une organisation en filières au niveau local concentrera ainsi sous l’autorité du préfet et du procureur de la République des fonctions jusqu’ici trop éclatées, et sera plus lisible pour les partenaires de la police nationale participant du continuum de sécurité.
Cette réforme de l’échelon territorial s’accompagne par une réforme de l’administration centrale, qui décloisonnera son fonctionnement en passant d’une organisation en « tuyaux d’orgue » à une direction générale fondée sur des filières métiers (sécurité et ordre public ; police judiciaire ; renseignement territorial ; frontières et immigration irrégulière) et une fonction soutien consolidée. Cette intégration se traduira par un site unique de la direction générale de la police nationale à l’horizon des 5 prochaines années.
2.4 - Mettre la victime au centre de l’attention
Le parcours pour les victimes sera refondu, depuis l’accueil jusqu’au suivi de la plainte. L’application mobile commune à la police et à la gendarmerie « Ma sécurité », qui est déployée depuis le premier trimestre 2022, donne accès à de nombreux télé-services : au-delà de la pré-plainte en ligne déjà disponible, l’application permettra à partir de 2023 de déposer plainte en ligne, mais également à terme d’effectuer le suivi de cette plainte. Aujourd’hui, plaignants et victimes ne sont pas suffisamment bien informés de l’évolution du traitement de leur plainte, et se rendent dans les commissariats ou les brigades pour demander où en est leur affaire. Avec « Ma sécurité », le citoyen pourra déposer une plainte en ligne, puis suivre le traitement de cette plainte en temps réel, en étant informé de certains « moments-clés » des suites données. L’application « Ma sécurité » permettra aussi d’effectuer des actes de signalement ou d’interagir par tchat avec des policiers ou gendarmes formés au numérique. Cet outil numérique, vecteur de rapprochement entre population et forces de l’ordre de proximité, permettra la diffusion d’informations et de notifications et sera accessible pour toutes les personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, les spécificités des situations des victimes seront mieux prises en compte. Grâce aux postes informatiques mobiles dont le nombre sera doublé dès 2022, de plus en plus de démarches seront possibles hors les murs des services de police et gendarmerie (auditions, plaintes). La prise de plainte hors les murs, déjà expérimentée dans plusieurs territoires, sera généralisée. Elle sera notamment proposée aux femmes victimes de violence et aux élus victimes de violences ou de menaces.
Cette logique d’« aller vers » va de pair avec un effort particulier en faveur de dispositifs plus adaptés au sein des unités : la création de 19 nouvelles maisons de confiance et de protection de la famille d’ici la fin 2023 permettra de généraliser ce dispositif à l’ensemble du territoire (cf. infra).
Le traitement rapide de la plainte est ainsi indissociable de l’amélioration de l’accueil de la victime, qu’il s’agisse de priorisation du traitement des plaintes pour les faits les plus graves, comme par exemple les violences intrafamiliales et sexuelles, ou à l’inverse d’une orientation de la plainte vers une médiation pour les incivilités du quotidien qui minent la vie de nos concitoyens.
Les accueils physiques des brigades et des commissariats seront modernisés : la brigade et le commissariat de 2030 ne ressembleront en rien à ceux d’aujourd’hui, ce qui vaut en particulier pour les espaces d’accueil. Un effort conséquent en termes de confidentialité et d’ergonomie dans les accueils des brigades et casernes sera réalisé. Mais au-delà des efforts nécessaires en termes immobiliers, il s’agira de généraliser la prise de rendez-vous en ligne, d’accentuer le déploiement de bornes d’accueil, la diffusion vidéo de contenus pour optimiser les temps d’attente. L’utilisation d’un robot d’accueil va même être expérimentée dans certains territoires. Plus systématiquement qu’aujourd’hui, la pratique dite du « mystery shopping » ou « usager mystère » sera développée afin de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue.
Il faut également que les victimes bénéficient d’un suivi de leur affaire : un ensemble de propositions émises par le ministère de la justice permettra d’améliorer l’information de la victime tout au long de sa procédure.
Dans la prise en charge des victimes, une attention particulière sera portée aux enfants, dans le cadre des procédures les impliquant directement, en tant que victimes (violences, et notamment sexuelles) ou indirectement (violences intrafamiliales par exemple). Le maillage des salles Mélanie, implantées dans les services de police et de gendarmerie, et permettant de faciliter le recueil de la parole de l’enfant dans le respect des obligations légales et réglementaires (enregistrement audiovisuel) doit continuer à se développer sur l’ensemble du territoire en métropole comme en outre-mer. Ce dispositif de proximité est complémentaire des unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger qui permettent une prise en charge globale judiciaire, médicale et médico-légale des enfants pour les situations les plus graves et complexes et dont le développement doit être également soutenu.
Par ailleurs, les brigades de protection des familles de la police nationale et les maisons de protection des familles de la gendarmerie (créées en 2021) doivent poursuivre leur montée en puissance (à la fois en nombre et en effectif) pour une meilleure prise en charge de ce contentieux de masse. Les policiers et gendarmes de ces services spécialisés, mais également les enquêteurs à l’accueil des commissariats et des brigades doivent bénéficier de formations adaptées à ces publics vulnérables. Enfin, des policiers et gendarmes spécialement formés interviendront également en milieu scolaire pour des actions de prévention contre les violences sexuelles et sexistes, le harcèlement (notamment en ligne), les usages numériques à risque, etc.
2.5 - Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexuelles
2.5.1 - Les moyens de lutte contre les violences intrafamiliales seront encore renforcés
Grande cause du quinquennat, la lutte contre les violences faites aux femmes demeure un enjeu majeur : sous l’effet notamment de la libération de la parole, les violences intrafamiliales sont devenues un contentieux de masse, qui représente 45 interventions par heure pour les services de police ou de gendarmerie.
La lutte contre ces violences demeure une priorité constante du ministère de l’intérieur : 298 unités spécialisées et maisons de confiance et de protection des familles ont été mises en place et continuent de se déployer (cf. supra) ; les services de police et de gendarmerie comptent 1 973 enquêteurs dédiés et 2 562 référents violences intrafamiliales, désignés à l’été 2021, au sein des commissariats et brigades ; 90 000 policiers et gendarmes, ainsi que la totalité des élèves policiers et gendarmes, ont été formés depuis le Grenelle des violences conjugales.
Les victimes de violences sexuelles et intrafamiliales sont au cœur de la refonte du « parcours victime », et la montée en puissance des moyens se prolongera dans la présente loi d’orientation et de programmation. Le nombre d’enquêteurs dédiés à la lutte contre les violences intrafamiliales au sein des unités spécialisées sera doublé sur les 5 prochaines années, passant de 2 000 à 4 000 enquêteurs dédiés. Un financement pérenne sera prévu pour 200 postes d’intervenants sociaux supplémentaires en police et gendarmerie, dispositif qui dépend aujourd’hui de financements croisés de l’État et des collectivités, avec des niveaux d’effort malheureusement disparates selon les territoires. Passant de 400 à 600, ces intervenants apporteront un meilleur accompagnement des victimes partout sur le territoire. Une attention particulière sera portée aux femmes en situation de handicap, notamment dans la formation des agents et l’accompagnement des victimes.
Un fichier de prévention des violences intrafamiliales sera créé, afin d’empêcher la réitération de faits de violence, de prendre en compte les signaux de dangerosité et de sécuriser les interventions des policiers et gendarmes.
Les associations pourront accompagner plus efficacement les femmes victimes de violences, en organisant le dépôt de plainte dans leurs locaux et en signalant les faits dont elles ont connaissance aux forces de l’ordre.
2.5.2 - Les violences sexuelles et sexistes seront mieux détectées et plus sévèrement réprimées
Notamment en matière de violences sexuelles, le cadre d’enquête sera modifié afin de doter les enquêteurs d’outils procéduraux plus adaptés à des infractions présentant par nature un caractère de particulière complexité : les techniques spéciales d’enquête et le recours à la garde à vue dérogatoire seront ainsi étendues aux homicides et viols sériels. Cela permettra de doter les enquêteurs d’outils adaptés à la poursuite d’infractions.
En matière d’outrage sexiste, la France a été pionnière en pénalisant cette infraction. Mais la persistance de tels faits, notamment dans l’espace public, incite à aggraver cette pénalisation, en qualifiant l’outrage sexiste de délit et en prévoyant que l’amende forfaitaire délictuelle lui sera applicable.
Par ailleurs, les effectifs des forces de sécurité intérieure dans les transports en commun seront doublés, en particulier aux horaires où ces agressions sont le plus souvent constatées. En effet les femmes y sont encore trop souvent victimes d’agressions, notamment dans leurs trajets domicile-travail.
2.6. - S’assurer que le ministère de l’intérieur ressemble davantage aux Français, notamment à la jeunesse
L’image de nos forces de sécurité est aujourd’hui dégradée auprès des jeunes (La confiance police-population en 2021 : le décrochage des 18-24 ans, Cevipof), quand elles disposent parallèlement d’un très fort soutien parmi les autres classes d’âge. La ressemblance fait partie des leviers qui peuvent permettre de créer la confiance : or, si les agents du ministère de l’intérieur sont relativement jeunes et représentatifs de tous les milieux sociaux, ils ne reflètent pas pour autant la diversité de la population française. Il existe pourtant un chemin pour offrir aux jeunes des quartiers des perspectives de réussite républicaine, via l’incorporation parmi les personnels du ministère de l’intérieur, et expérimenter ainsi une approche inédite pour le rapprocher de la population.
Il est donc nécessaire de renforcer le lien de confiance entre la police et la population, en particulier dans les quartiers populaires ou qui ont une population jeune. Le ministère doit être lui-même un exemple « d’ascenseur social ».
Cent « classes de reconquête républicaine » seront créées dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR) et dans les quartiers politique de la ville (QPV), destinées prioritairement aux élèves décrocheurs, pour préparer aux concours de la fonction publique et du ministère en particulier (policier, gendarme, pompier, administratif) ou inciter les jeunes à s’engager dans les réserves opérationnelles.
Cet effort sera complété par la mise en place d’actions ciblées de recrutement dans les territoires prioritaires, relayées par les préfets à l’égalité des chances, afin d’encourager les recrutements de policiers adjoints, gendarmes adjoints volontaires ou de sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Les partenariats avec les établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE) et les écoles de la deuxième chance seront renforcés. Les partenariats avec les plates-formes d’insertion des conseils départementaux seront développés.
En complément, pour donner toute sa place à la méritocratie, les concours du ministère de l’intérieur seront réformés pour neutraliser les biais de recrutement.
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur amplifiera le plan « 10 000 jeunes » mis en place en 2021, qui a permis de proposer 10 000 stages, apprentissages et alternances à de jeunes actifs. Le fort succès enregistré (95 % de l’objectif sur 2 ans atteint en moins d’un an) incite à reconduire et amplifier le dispositif pour les années à venir. Des modules d’immersion en services seront proposés aux élèves de 3e scolarisés dans des établissements en QRR.
Le ministère prendra également toute sa place dans la réinsertion des jeunes délinquants, en fléchant prioritairement ses dispositifs vers des jeunes ayant pu commettre des actes de petite délinquance.
Au-delà de l’intégration dans les effectifs du ministère de l’intérieur, il s’agit enfin de proposer aux agents du ministère de l’intérieur des perspectives d’évolution en interne ; des cours du soir (« classes Beauvau ») destinés aux agents volontaires seront proposés pour faciliter l’ascension sociale des personnels.
Enfin, l’extension des réserves du ministère de l’intérieur (gendarmerie / police), la consolidation du modèle du volontariat chez les sapeurs-pompiers et la création de la réserve préfectorale devront s’accompagner de la possibilité de servir des « causes » au sein même du ministère (environnement, violences intrafamiliales, etc.), car celles-ci constituent aujourd’hui les principales sources d’engagement de la population française, et singulièrement de sa jeunesse.
Afin d’améliorer l’attractivité des métiers de la police et de la gendarmerie, une grande campagne conjointe de recrutement sera lancée sur les 5 années à venir, particulièrement ciblée sur les plus jeunes.
La volonté d’attractivité du ministère se matérialise à différents niveaux d’âge et de scolarité : parcours d’engagement citoyen au sein de la gendarmerie nationale dès 11 ans ; jeunes réservistes citoyens pour les 18-25 ans ; amélioration du statut des cadets de la République, renommés « apprentis policiers » puisque les candidats pourront bénéficier dès 18 ans de la formation pour préparer le concours de gardien de la paix et verront leur rémunération alignée sur celle des policiers adjoints ; développement de la filière professionnelle « métiers de la sécurité intérieure » dans les lycées, en lien avec l’Éducation nationale ; possibilité d’effectuer des missions de soutien, et non uniquement opérationnelles, en tant que réservistes.
Le recrutement initial sera élargi pour rechercher les compétences dont manquent les forces de l’ordre : profils scientifiques (ingénieurs) et non exclusivement juridiques, titulaires de doctorats ou contractuels aux ressources rares. Dans le cadre de la réforme actuelle de la haute fonction publique, la venue d’autres fonctionnaires par la voie du détachement sur les postes d’encadrement sera facilitée. Des voies d’accès basées sur les acquis de l’expérience seront créées et les concours seront réformés pour intégrer de nouvelles options permettant d’élargir le vivier de recrutement.
2.7 - Garantir la transparence et l’exemplarité de l’action des forces de l’ordre
Les modes d’action des forces de l’ordre font régulièrement l’actualité, avec la montée des enjeux autour des questions de maintien de l’ordre et l’intérêt pour les interventions de police qui « tournent mal ». Parallèlement, la demande sociale d’exemplarité dans le comportement des forces de sécurité s’accroît, et s’exprime à travers une revendication d’indépendance et de transparence de la manière dont celles-ci sont contrôlées. Des mesures fortes prises lors du Beauvau de la sécurité sont déjà en cours de mise en œuvre, comme la publication des rapports des inspections, le renforcement de la formation en matière de déontologie des policiers et gendarmes ou encore l’instauration au sein de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) d’un comité d’évaluation de la déontologie de la police nationale, incluant des représentants de la société civile.
Afin de garantir la transparence et l’exemplarité de l’action des forces de l’ordre, il s’agira de dissiper tout doute sur la légitimité du travail des inspections, de mieux contrôler l’action des forces de l’ordre en sanctionnant fermement les dérives éventuelles et d’ouvrir davantage le ministère sur l’extérieur pour agir en transparence et combler son déficit d’image.
Comité d ’ éthique
Un comité d’éthique sera créé auprès du ministre de l’intérieur, composé de personnalités qualifiées indiscutables, qui pourra être saisi – et se saisir – de sujets sensibles. Il sera structuré en collèges thématiques (ex. technologies, interventions des forces de l’ordre, rétention, etc.).
Suivi des signalements effectués auprès des inspections générales
Les plateformes de signalements gérées par l’IGPN et l’IGGN (inspection générale de la gendarmerie nationale) seront modernisées afin de favoriser les signalements, notamment en temps réel, et de permettre leur usage en mobilité (sur téléphone portable et tablette). Pour l’IGPN, ces investissements devraient également permettre de disposer d’un outil offrant un meilleur suivi des dossiers soumis. La direction générale de la police nationale (DGPN) et la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) vont par ailleurs se doter d’un outil de suivi des sanctions.
L’inspection générale de l’administration sera co-saisie plus fréquemment dans le cadre des missions d’inspection des forces (IGGN et IGPN) afin d’apporter une expertise complémentaire.
Sanctionner sévèrement les fonctionnaires de police et gendarmes condamnés pour certains faits
Les fonctionnaires de police et gendarmes condamnés définitivement à une peine d’emprisonnement pour des faits de violences intrafamiliales, d’infractions à la législation sur les stupéfiants ou des faits de racisme ou de discrimination feront l’objet d’une exclusion définitive.
Évaluation des cadres
L’évaluation des cadres de la police nationale sera renforcée par des évaluations dites « à 360° » comme elles se pratiquent pour les emplois préfectoraux via le Conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE).
2.8 - Mieux piloter le continuum de sécurité
Les forces de sécurité intérieure ne peuvent couvrir seules efficacement l’intégralité du spectre de la délinquance, qui va de l’incivilité aux crimes les plus graves. Il existe donc un besoin de partenariats plus poussés aux niveaux local et central, avec l’ensemble des acteurs publics et privés du continuum tout comme la nécessité de rendre plus lisibles les instances et les outils correspondants, notamment les contrats de sécurité intégrés qui constituent un cadre de pilotage important des politiques de sécurité pour les maires, les préfets et les procureurs de la République.
De nombreuses compétences ont été récemment ouvertes aux polices municipales dans de précédentes lois (loi pour une sécurité globale préservant les libertés du 25 mai 2021, loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure). Les polices municipales jouent un rôle essentiel, aux côtés des forces de sécurité intérieure, pour la sécurité des citoyens.
Toutefois, une expansion supplémentaire des pouvoirs des polices municipales connaît désormais une limite de nature constitutionnelle.
Pour mieux couvrir l’ensemble du spectre de l’insécurité, en s’appuyant sur des partenaires renforcés et plus mobilisés, l’animation des partenariats se structurera davantage.
Une direction unique des partenariats chargée de l’animation du continuum de sécurité et du pilotage des partenariats avec les polices municipales, la sécurité privée, les professions exposées à des menaces particulières de délinquance, les industriels fournisseurs de moyens et l’ensemble des acteurs qui concourent à la coproduction de sécurité sera créée au ministère de l’intérieur. Elle unifiera sous l’autorité du ministre de l’intérieur la politique de l’État en direction de ces acteurs, coordonnera leur action dans le cadre de conventions nationales, dont elle assurera le suivi et l’évaluation en lien avec les échelons locaux.
Les crédits dédiés au financement d’équipements de sécurité présentent un puissant effet de levier pour accélérer les projets des collectivités en la matière. Ainsi, les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) consacrés à la vidéo-protection seront triplés sur les 5 années à venir et viendront cofinancer les projets portés par les collectivités, notamment des audits des failles de sécurité éventuelles présentes dans les caméras déjà installées.
2.9 - Ouvrir davantage le ministère de l’intérieur sur la société
Malgré les rationalisations engagées récemment, la fonction prospective et anticipation est insuffisamment structurée au sein du ministère de l’intérieur, alors que l’anticipation des crises, des enjeux de sécurité et la connaissance de notre environnement donnent pourtant à ces réflexions une importance vitale. En outre, la fonction internationale demeure scindée en deux au sein du ministère de l’intérieur, ne permettant pas de tirer suffisamment parti du réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI), alors même que les politiques de sécurité ne peuvent se mener aujourd’hui sans considérer le cadre européen et mondial.
Le ministère de l’intérieur s’ouvre encore trop peu au monde extérieur et notamment à celui de la recherche, alors que ses ressources pourraient permettre de mieux mesurer le sentiment de sécurité sur le temps long, d’analyser les ressorts de la relation police-population, d’outiller les décideurs publics sur les politiques de sécurité et de mieux tirer toutes les conséquences de ce que peuvent nous apprendre les sciences comportementales. Avoir un temps d’avance sur les criminels, mieux anticiper les crises, donner une dimension plus stratégique à la coopération européenne et internationale sont des objectifs prioritaires des prochaines années.
2.9.1 - Unifier le pilotage de l’action européenne et internationale au sein du ministère
La présente loi d’orientation et de programmation sera l’occasion d’unifier le pilotage de l’action européenne et internationale du ministère au sein d’une direction, la direction des affaires européennes et internationales, notamment pour ce qui concerne la promotion et l’influence françaises, la coordination des activités de coopération non opérationnelles (les activités opérationnelles restant du ressort de la direction de la coopération internationale de sécurité – DCIS – et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s’agissant de la sécurité civile), la défense des intérêts industriels français et la recherche de financements européens et internationaux. L’importance toujours croissante des enjeux européens et internationaux pour les politiques exercées par le ministère de l’intérieur commande en effet ce pilotage unifié, qui permettra de mobiliser dans une vision plus stratégique les réseaux du ministère, qu’il s’agisse des experts nationaux détachés ou des attachés de sécurité intérieure.
2.9.2 - Ouvrir le ministère sur le monde de la recherche
Les partenariats avec le monde de la recherche sont plus ou moins actifs au sein du ministère. S’ils sont très nourris au sein de la gendarmerie nationale, ils sont conçus d’une manière plus limitée au sein de la police nationale, où ils sont portés par l’École nationale supérieure de police (ENSP), qui dispose de deux structures de recherche. De nouveaux partenariats seront donc développés entre la police nationale et la recherche, sous l’égide de la future Académie de police. Afin de mieux organiser la demande de recherche, celle-ci disposera d’un conseil scientifique, qui validera les appels à projets, et son numéro 2 sera un chercheur. Le ministère fidélisera un certain nombre de chercheurs autour des thématiques de sécurité, en finançant des travaux de court ou plus long terme et en les cadençant de sorte à pouvoir nourrir la politique publique des résultats. Une politique d’ouverture des données (cf. supra), facteur clé de succès pour multiplier les travaux, sera menée. Les financements du ministère permettront de lancer des projets de recherche et de financer des thèses et des post-doctorants (jusqu’à 50).
Le collège des experts de la sécurité civile, largement ouvert au monde universitaire, complétera la capacité d’analyse et de projection dans le temps long du ministère, notamment pour adapter les outils de la résilience collective face aux conséquences des évolutions climatiques.
2.9.3 - Structurer la fonction prospective et anticipation
Il s’agit enfin de structurer de manière explicite une véritable fonction prospective et anticipation, qui sera portée par l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur (IHEMI). Pour cela, la priorité sera mise sur les champs de sécurité, la gestion de crise et la résilience d’une part, sur la société, les institutions et territoires d’autre part. L’offre de service sera étoffée pour être plus rapidement mobilisable par l’autorité ministérielle. De nouveaux partenariats autour de la prospective seront développés, dans le domaine de la recherche (avec une communauté d’experts de la prospective), mais aussi avec des partenaires privés et la société civile.
2.10 - Matériel du quotidien
Pour assurer leurs missions sur le terrain, policiers et gendarmes seront dotés sur la durée de la loi de programmation de matériels performants et modernisés.
Premier acheteur civil de l’État avec près de 4 milliards d’euros de dépenses par an, faisant travailler près de 70 000 fournisseurs, le ministère de l’intérieur se doit d’être exemplaire dans son utilisation de la commande publique. Tous les leviers en sa possession seront ainsi mobilisés afin de mettre en œuvre une politique d’achat responsable et orientée vers les productions françaises, dans le strict respect des règles de la commande publique, afin de conjuguer satisfaction des besoins des services et accessibilité des entreprises françaises : meilleure information des entreprises du tissu local, utilisation des marchés réservés aux structures de l’économie sociale et solidaire, application de clauses sociales et environnementales, allotissement, etc. L’ensemble des matériels seront acquis dans une démarche d’achat responsable à travers la labellisation « Relations Fournisseurs & Achats Responsables » (conforme à l’ISO 20400) qui doit aboutir à l’été 2022. Les matériels acquis seront ensuite mieux contrôlés, grâce à la mobilisation du Centre de recherche et d’expertise de la logistique (CREL) du ministère de l’intérieur dont les moyens seront renforcés pour en faire un laboratoire de pointe pour le ministère.
2.10.1 - Des véhicules « augmentés »
La modernisation des moyens mobiles des forces de sécurité intérieure a été largement engagée : entre 2017 et 2022, la moitié des véhicules ont été renouvelés. Cet effort se poursuivra durant toute la durée de la loi de programmation, avec un objectif cible de renouvellement annuel de 10 % de la flotte, dans une logique de verdissement de la flotte. Des véhicules supplémentaires seront acquis pour remettre à niveau les services spécialisés en maintien de l’ordre, en intervention ainsi que nautiques (renforcement des moyens nautiques et réaménagement de la brigade fluviale de la préfecture de police de Paris).
Les structures de maintenance seront remises à niveau et la maintenance préventive sera développée, grâce à l’analyse des données recueillies dans les véhicules et par des missions mobiles sous forme de « camions-ateliers » qui se rendront directement auprès des forces.
2.10.2 - Des tenues modernisées
Donnant suite à une demande des policiers et de leurs représentants, la modification de l’habillement des policiers a été actée dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Plusieurs écoles de mode et de design ont travaillé sur une nouvelle tenue pour la police nationale, composée d’un calot, d’un nouveau polo et d’un nouvel uniforme. Les premières tenues seront déployées dès le début de l’année 2022 dans les unités. L’habillement et l’équipement de certains effectifs spécialisés de la police feront également l’objet d’un effort budgétaire. Des tenues plus adaptées et protectrices seront attribuées en dotation initiale à certaines unités de la gendarmerie – gendarmes mobiles, peloton de surveillance et d’intervention, brigades territoriales, unités de sécurité routière.
2.10.3 - Des matériels renouvelés
L’accent dans le renouvellement des armements et matériels de la police et de la gendarmerie sera mis sur certaines catégories de matériel. Les gendarmes seront notamment dotés sur 5 ans de nouvelles armes lourdes, de packs de vision nocturne, de moyens en intervention spécialisée ainsi que d’équipements de protection balistique. Les policiers seront dotés en nouveaux armements (exemple : pistolets à impulsion électriques ou PIE) et en équipements de protection modernisés, en housses tactiques modulaires, en nouveaux matériels d’analyse et de détection (kits stupéfiants) et en équipements lourds de police technique et scientifique.
2.10.4 - Drones
L’espace aérien est un domaine très réglementé et qui nécessite une grande technicité pour le couvrir efficacement. Les moyens aériens du ministère de l’intérieur (hélicoptères, avions) demeurent incontournables dans les missions de secours à personne, de lutte contre les feux de forêt, de sécurité publique, de lutte contre l’immigration irrégulière et de transports de personnes ou de matériels (cf. 3). Si l’émergence de nouveaux matériels, tels que les drones, fait naître des menaces nouvelles qui nécessitent d’adapter la réponse opérationnelle (lutte anti-drones, cf. 3.), leur utilisation par les forces de sécurité ouvre également de nouvelles opportunités, notamment dans l’appui opérationnel aux missions de sécurité publique et de sécurité civile, ainsi que dans le recueil de renseignement (ordre public, surveillance des frontières, etc.).
Un programme d’acquisition de drones sera lancé afin d’équiper les forces de sécurité et de secours. Ces matériels seront adaptés aux missions différentes qu’ils seront amenés à remplir mais feront l’objet d’un achat puis d’une maintenance et d’une formation des pilotes mutualisées entre les différentes forces du ministère – police, gendarmerie, sapeurs-pompiers.
2.11 - Une politique immobilière à la hauteur des projets et des besoins quotidiens du réseau
L’immobilier du ministère de l’intérieur représente des millions de m2 de bâti et plus de 20 000 implantations dans toute la France, ce qui en fait un acteur foncier incontournable.
La création d’une structure dédiée à la gestion et à l’entretien de ce patrimoine constituera une réforme d’ampleur qui répond à un triple objectif de mise à niveau de l’immobilier du ministère, de professionnalisation de la gestion et de qualité dans la durée de l’entretien courant et de la maintenance. Il s’agit également de rendre possible la recherche de recettes nouvelles et innovantes à consacrer à l’immobilier, en déléguant la gestion à un organisme dédié.
Cette structure permettra en outre d’organiser l’atteinte d’objectifs ambitieux de réduction de la consommation d’énergie au sein du ministère de l’intérieur à horizon 2030 grâce à une rénovation énergétique d’ampleur.
Cette réforme implique également, et sans attendre, de professionnaliser la fonction immobilière au sein du ministère de l’intérieur grâce des outils de gouvernance et à un suivi RH renforcé des agents chargés de ces missions. La professionnalisation implique également de fixer des objectifs de performance aux services de ce ministère en ce qui concerne l’exhaustivité des informations permettant de connaître le parc immobilier.
Il sera nécessaire de déterminer et présenter un tendanciel de dépenses d’investissement sur les projets immobiliers structurants du ministère de l’intérieur. Cette mesure permettra l’établissement d’une vision d’ensemble des projets majeurs à venir et en assurera le financement à court et moyen terme. Elle favorisera la prévision des dépenses immobilières d’investissement du ministère au profit d’une meilleure programmation et conduite des opérations. Elle permettra de donner un cadre pluriannuel partagé pour les principales opérations immobilières du ministère, favorisant la lisibilité des autorisations annuelles de crédits décidées en lois de finances.
Pour la gendarmerie nationale en particulier, il est indispensable de fournir aux gendarmes et à leurs familles des conditions de logement décentes et conformes aux normes actuelles. À cette fin, un montant annuel de 200 millions d’euros sera dédié à la reconstruction de casernes et aux réhabilitations et restructurations de grande envergure et un montant annuel de 100 millions d’euros aux travaux de maintenance.
Par ailleurs, le ministère continue de programmer la restructuration des ensembles immobiliers de son administration centrale afin de rationaliser les surfaces occupées. L’installation des services « support » du ministère de l’intérieur dans une implantation domaniale dédiée, à horizon de fin 2026, permettra de mettre fin à un bail coûteux (33 M€/an actuellement). Il convient également de préparer, accompagner et tirer les conséquences sur le parc central des relocalisations de services hors de l’Île-de-France et des grandes métropoles régionales (1 500 postes concernés). La combinaison de ces deux projets doit permettre d’optimiser les occupations de sites centraux, et de concentrer les moyens sur l’entretien du patrimoine qui restera occupé et densifié.
Le regroupement de l’ensemble des services centraux de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sur un site unique constitue également une transformation majeure à l’appui des missions de ce service en matière de lutte contre le terrorisme et de défense des intérêts fondamentaux de la Nation. En dehors d’un gain immédiat d’espace et du renforcement des conditions de sécurité pour les agents, le nouveau site permettra de satisfaire de manière durable les besoins immobiliers de la DGSI, en intégrant les évolutions humaines et techniques à venir.
Focus : des moyens innovants pour protéger les territoires d’outre-mer
Les territoires d’outre-mer sont confrontés à des menaces, extérieures et intérieures, à des degrés divers : immigration clandestine, notamment à Mayotte ou en Guyane ; trafics divers, et notamment de stupéfiants, à Mayotte, aux Antilles, à La Réunion ou en Guyane ; enjeux de criminalité et de délinquance dans tous les territoires ultramarins. La présente loi devra permettre d’investir dans des moyens, tant matériels qu’humains, pour faire face à ces menaces.
Pour faire face aux menaces extérieures, l’émergence de « frontières intelligentes » est un enjeu majeur.
Seront ainsi déployés aux frontières des outre-mer de nouveaux outils technologiques pour lutter contre les trafics ou encore l’immigration irrégulière : des bagages X pour mieux lutter contre le trafic de stupéfiants et les flux financiers illégaux ; du matériel d’observation et de surveillance (jumelles à visée nocturne, caméras longue distance) ; des moyens nautiques supplémentaires ; des scanners à conteneurs dans les grands ports maritimes, ou des scanners portatifs dans les gares maritimes ; des radars de surveillance, des scanners corporels (adaptés au phénomène des « mules » et des équipes cynotechniques) contribueront à une lutte plus efficace contre le trafic de stupéfiants. Le recours aux drones de surveillance sera développé.
En matière de lutte contre la délinquance, les territoires d’outre-mer bénéficieront de l’augmentation des effectifs de réservistes, des cadets de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans les outre-mer, qui correspond à l’objectif de doublement de la présence des policiers et gendarmes sur la voie publique d’ici 2030. En matière de moyens financiers, le triplement des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) permettra de soutenir plus massivement l’effort d’équipement des communes pour leurs polices municipales, et en dispositifs de vidéo-protection.
En matière d’ordre public, la création de 11 nouvelles unités de forces mobiles renforcera la capacité à projeter des forces localement, mais aussi des matériels adaptés (blindés) pour faire face à des événements d’importance, notamment en matière d’ordre public.
3 - Mieux prévenir les menaces et les crises futures
La loi d’orientation et de programmation dote les forces d’un cadre juridique et des outils numériques qui leur permettent de se concentrer sur l’essentiel de leurs missions, avec une fonction investigation revalorisée pour apporter des réponses plus rapides à nos concitoyens victimes et pour sanctionner plus efficacement les délinquants, grâce à la création d’assistants d’enquête de police et gendarmerie, à des moyens mis sur l’aboutissement d’une procédure numérique et à la remise à niveau des équipements de la police technique et scientifique.
Affronter les crises à venir oblige à informer nos concitoyens sur les risques et les moyens d’y faire face et développer leur culture du risque. Il s’agit aussi de replacer le ministère de l’intérieur comme l’organisateur incontournable de la gestion de crise au sein d’une CIC « augmentée ». S’agissant des moyens, l’ambition consiste à remettre à niveau les capacités (« plan COD », pacte capacitaire des services d’incendie et de secours prenant en compte une meilleure répartition des moyens proportionnés aux risques par un maillage territorial et des capacités équilibrés, communication de proximité par les préfectures, logistique de crise), renforcer les moyens nationaux (flotte aérienne, réseau radio du futur, formations militaires de la sécurité civile, service du déminage) et revaloriser le volontariat via la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) des sapeurs-pompiers volontaires, se doter des cadres juridiques et technologiques permettant de faire face aux grands événements à venir (coupe du monde de rugby et Jeux olympiques) et renforcer notre réponse opérationnelle aux subversions violentes par la création d’unités très mobiles rapidement projetables en tout point du territoire.
Pour atteindre ces objectifs, les outils de formation des forces, comme annoncé dans le cadre du Beauvau de la sécurité, seront remis à niveau : augmenter la formation initiale, la renforcer sur le volet judiciaire, augmenter le temps de formation continue, créer une véritable Académie de police. Mais également accompagner les policiers et gendarmes, pour mieux tenir compte de la difficulté des conditions d’exercice du métier, renforcer l’attractivité et les réseaux de soutien.
3.1 - Pour faire face à la délinquance du quotidien, renforcer la fonction investigation
La réponse pénale constitue une attente forte des Français. Or la qualité des enquêtes incombe aux agents du ministère de l’intérieur. La filière investigation connaît par ailleurs une forte désaffection malgré un besoin croissant, en particulier dans la police : le nombre d’officiers de police judiciaire (OPJ) en police en poste aujourd’hui est de 17 000 contre un besoin estimé à 22 000 exerçants. Cette désaffectation s’explique notamment par la complexification de la procédure pénale, la crainte d’une mise en cause personnelle en cas de défaillance sur une procédure médiatique, etc. Des premières réponses ont été apportées pour rendre la filière plus attractive : les OPJ bénéficieront d’une accélération de carrière, la prime qui leur est versée a été revalorisée de 20 % (de 1 080 euros à 1 296 euros par an) et elle sera réservée à compter de décembre 2022 à ceux qui sont sur un poste OPJ exerçant pour en renforcer l’incitation. La simplification de la procédure pénale reste un enjeu majeur pour l’attractivité et la performance de la filière investigation judiciaire. Alors que tous les acteurs de la chaîne pénale font le constat commun d’une crise de la filière judiciaire qui doit faire face non seulement à une judiciarisation et à des contentieux de masse croissants, mais aussi à une attente légitime de célérité et de qualité, et dans l’objectif de démultiplier le nombre d’OPJ sur le terrain, pour traiter mieux et plus rapidement les procédures, il nous faut mieux former, simplifier la procédure pénale et concentrer le temps des policiers et gendarmes sur le cœur du métier d’investigation.
3.1.1 - Former plus d’officiers de police judiciaire (OPJ)
L’ensemble des nouveaux policiers et gendarmes seront formés aux fonctions d’OPJ, en intégrant un socle commun à la formation initiale et en prévoyant le passage de l’examen à l’issue de la scolarité et de la période de stage (et non plus après trois ans). L’objectif est de disposer de 2 800 OPJ en 2023 – année de mise en place du nouveau dispositif – contre 1 200 sur l’année 2021. Cette formation élèvera le niveau juridique de l’ensemble des nouveaux policiers et gendarmes et valorisera ces fonctions qui souffrent aujourd’hui d’un déficit d’image.
Pour cela, l’article 16 du code de procédure pénale évoluera de sorte à permettre aux jeunes policiers et gendarmes sortant d’école et ayant achevé leurs stages de passer immédiatement l’examen d’OPJ, sans attendre les trois années d’exercice prévues actuellement.
Enfin, le recours à la réserve opérationnelle sera également utilisé pour les services d’enquête avec les OPJ retraités.
3.1.2 - Alléger le formalisme procédural et simplifier la procédure pénale
Le développement des logiciels de retranscription (de type speech to text) permettra d’alléger le formalisme écrit de la procédure pénale et ainsi opérer un gain de temps sur la retranscription d’actes tels que constatations, perquisitions, exploitations vidéos.
Le recours à la télécommunication audiovisuelle mérite d’être développé pour certains actes d’enquête, dont les auditions des victimes dans des dossiers ciblés (atteintes aux personnes exclues), avec pour double objectif d’offrir un accueil numérique personnalisé rapide à la victime et de permettre un gain de temps au profit des actes d’investigation. Plusieurs articles du code de procédure pénale doivent donc être modifiés.
Des assistants d’enquête de police et de gendarmerie seront créés afin de recentrer les OPJ sur leur cœur de métier. Au total, sur 10 ans, 3 273 assistants d’enquête pour la gendarmerie et 4 387 pour la police, avec pour objectif d’absorber 50 % du temps d’OPJ consacré à la procédure. Ces assistants d’enquête (qui ne seront pas un corps nouveau mais des agents de catégorie B habilités devant l’autorité judiciaire) assureront les tâches administratives liées aux investigations : ils pourront consulter les fichiers de police, réaliser les « avis » (avis avocat, avis famille, avis consulat, etc.), effectuer des convocations, rédiger certains actes comme des réquisitions auprès des opérateurs téléphoniques, sous le contrôle des OPJ et APJ. Pour ces missions, des articles du code de procédure pénale seront modifiés. D’autres missions leur seront confiées sans habilitation judiciaire particulière : gestion administrative et orientation des dossiers, gestion administrative du déroulé des gardes à vue, gestion des scellés, traitement des procédures étrangers avec les préfectures, etc.
En complément, les moyens de la police technique et scientifique (PTS) sont renforcés : développer les outils permettant d’intégrer immédiatement des éléments de procédure en mobilité, moderniser les laboratoires (industrialisation des process analytiques simples, renouvellement permanent du parc analytique « industriel » à hauteur de 10 % par an, sanctuarisation du projet SMARTLAB 2022), adopter une démarche de système de management de la qualité et créer un nouveau laboratoire de police scientifique.
Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) sont étendues. Des travaux sont en cours pour qu’en cas de non-paiement de l’amende, en sus des méthodes de recouvrement aujourd’hui mises en œuvre, le ministère des comptes publics puisse saisir les sommes dues sur les revenus des personnes concernées.
Pour accompagner ces dispositions législatives, des moyens nouveaux pour l’agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) sont nécessaires afin de déployer sur les cinq années ces nouvelles amendes.
D’autres mesures de simplification, plus techniques, sont nécessaires pour rendre plus efficace le travail des OPJ au quotidien :
- Supprimer la réquisition des services de police technique scientifique par les services de la police nationale ;
- Créer une disposition légale prévoyant la présomption d’habilitation des agents à accéder aux fichiers de police ;
- Appliquer les techniques spéciales d’enquête au délit d’abus de faiblesse en bande organisée, afin de faciliter le travail des enquêteurs dans la lutte contre les dérives sectaires ;
- Recourir aux techniques spéciales d’enquête pour les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée ;
- Étendre les autorisations générales de réquisitions.
Enfin, pour simplifier le travail des enquêteurs, les cadres d’enquête seront repensés, en lien avec le ministère de la justice.
3.1.3 - Mieux intégrer le fonctionnement police-justice
Alors que la suppression du rappel à la loi par OPJ a été votée dans la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et que nous devons relever le défi de son efficace remplacement par des mesures alternatives, et en particulier par l’avertissement pénal probatoire par le procureur ou son délégué créé par cette même loi, il nous apparaîtrait particulièrement cohérent et efficace de positionner des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries, gage de célérité et de crédibilité de la réponse pénale aux incivilités du quotidien.
Il s’agit également de permettre de rapprocher le travail concret des magistrats et des forces de sécurité intérieure. Grâce à une expérimentation en cours en 2022, des délégués du procureur ont commencé à se rendre dans plusieurs commissariats. Ce travail conjoint de délégués du procureur mais aussi de magistrats en commissariat permettra d’apporter des réponses pénales plus rapides et de construire un partenariat plus étroit sur certains types de faits et délits.
Enfin, la modernisation et la transformation de l’organisation de la police judiciaire sont engagées avec notamment la création de l’Office anti-stupéfiants (OFAST) le 1er janvier 2020, adossé à un plan national de lutte contre les stupéfiants. Afin de continuer à conforter la plus-value apportée par les offices, il s’agit désormais de renforcer leur coordination ainsi que leur dimensionnement.
3.2 - Nous armer face aux crises de demain, hybrides et interministérielles
Les crises auxquelles nous ferons face dans les prochaines années seront de plus en plus inattendues (cyberattaques, perte d’alimentation électrique, crises majeures simultanées) et hybrides ; elles n’entreront plus dans les « cases » de la sécurité civile, de l’ordre public, etc. En particulier, la dépendance aux réseaux et aux nouvelles technologies renforce notre vulnérabilité collective. D’autre part le réchauffement climatique va multiplier les risques pour nos concitoyens ; les attentes de nos concitoyens concernant la prévision et la gestion de ces risques vont donc légitimement croître. Demain, nous devrons mieux anticiper les menaces et les crises ; mieux informer et préparer nos concitoyens, pour renforcer la culture du risque ; mieux protéger les Français des risques naturels, technologiques ou encore des attaques malveillantes.
Anticiper et prévenir les risques
Pour permettre au ministère de l’intérieur chargé de la gestion des crises de mieux piloter le « continuum de la sécurité (civile ou publique) » et d’influer sur les moyens d’agir en amont, pour réduire les risques à la source, l’anticipation des crises doit être étendue à l’ensemble des politiques de prévention face aux risques majeurs.
Pour ce faire, sera institutionnalisé un collège technique co-présidé par le ministère chargé de la gestion des crises et par le ministère chargé de la prévention des risques, sous l’égide du SGDSN et composé des ministères chargés de l’agriculture, de l’alimentation, de l’urbanisme, de l’environnement, de l’énergie et des transports, pour conduire les travaux d’étude d’impact en matière de gestion des crises sur les risques majeurs : réduction de la vulnérabilité, définition des dispositifs collectifs de protection, analyse de l’après-crise permettant d’identifier les conditions de la diminution du risque pour l’avenir dont le retour d’expérience permet de tirer les leçons d’une action et d’affiner la connaissance des phénomènes.
Une coopération plus structurée entre le ministère de l’intérieur et les opérateurs de l’État ayant un rôle dans la prévision des événements majeurs constitue également un axe de modernisation de la politique publique de la gestion des crises.
3.2.2 - Bâtir un centre interministériel de crise 2.0
Le ministre de l’intérieur est le ministre de la gestion des crises sur le territoire national. Conformément à la circulaire du Premier ministre n° 6095/SG du 1er juillet 2019 relative à l’organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures, le Premier ministre s’appuie sur un dispositif gouvernemental dénommé « cellule interministérielle de crise » (CIC) et confie en principe la conduite opérationnelle de la crise au ministre de l’intérieur lorsque la crise a lieu sur le territoire national.
Pour appuyer la gestion de crise, un nouveau centre interministériel de crise devra être créé ; plus grand, mieux équipé, avec une salle de situation intégrant l’ensemble des forces, armée en continu, et un directeur permanent du centre de crise. Le directeur du centre de crise aura pour mission, lorsque la CIC n’est pas activée, de planifier, de recruter et former les volontaires des ministères qui armeront les salles, de développer un outil intégré de gestion de crise des préfectures jusqu’à la CIC, d’organiser un pilotage des crises par la donnée. En appui, le développement d’outils et de réseaux à la pointe de la technologie, permettant des communications fluides entre ministères ainsi qu’avec les préfectures, nécessite des investissements continus et le développement d’applicatifs intégrés de gestion de crise, permettant d’associer tous les décideurs et de fournir une vision agglomérée des différents outils existants. Placé dans un bâtiment ad hoc, il doit comprendre les services qui y concourent dans leur diversité et pouvoir basculer en mode gestion de crise à tout moment.
La CIC doit en conséquence être dotée d’un état-major permanent auquel s’adossent les états-majors de toutes les forces de sécurité intérieure. Cette nouvelle posture nécessite la construction de la CIC de demain, plus grande, plus connectée, plus résiliente, conçue avec le SGDSN à la suite d’un travail interministériel et dotée d’un outil intégré de gestion des crises allant du poste communal de sauvegarde (PCS) des communes jusqu’à la CIC en passant par les centres opérationnels départementaux (COD) et de zone (COZ). Ce service de la direction des crises devra rassembler tous les états-majors de toutes les directions générales du ministère de l’intérieur et être localisé sur l’îlot Beauvau.
La gestion des crises de demain implique le recours accru à l’intelligence artificielle et aux outils numériques d’aide à la décision pour exploiter la multitude de données numériques collectées auprès de toutes les forces de sécurité intérieure (FSI), des périmètres ministériels, opérateurs privés, et réseaux sociaux. Cette approche intégrée de la gestion des données reste compatible avec le maintien d’une organisation en métier des forces de sécurité intérieure, opérateurs et périmètres ministériels.
3.2.3 - Professionnaliser et consolider la chaîne de la gestion des crises
La complexité des interactions, l’augmentation des menaces sur les systèmes d’information, les nouveaux risques liés au dérèglement climatique font craindre l’apparition de nouvelles crises plus graves, plus fréquentes, plus multiples et donc plus incertaines. Notre incapacité à y répondre de façon suffisamment efficace serait également facteur d’aggravation par l’enchaînement des phénomènes, la survenue de « crises dans la crise », menaçant l’ordre public et sapant l’autorité des pouvoirs publics. Cette situation serait alors susceptible de créer une crise de confiance du citoyen envers l’autorité en charge de le protéger entraînant le pays dans une crise démocratique aux conséquences incontrôlables.
Est ainsi à redouter la conjonction de phénomènes pouvant engendrer des crises plus graves, plus soudaines, plus complexes et plus systémiques nécessitant d’adapter la réponse des pouvoirs publics.
Cette aggravation des crises, dans leur intensité comme dans leur fréquence, nécessite l’adaptation de nos organisations existantes, en lien avec le SGDSN, autour de plusieurs principes d’action :
- Clarifier et renforcer les pouvoirs du préfet en cas de crise :
Acte positif du préfet de zone, décidé en anticipation ou en réaction à un phénomène d’une particulière gravité et affectant la sécurité des populations, l’autorisation donnée au représentant de l’État dans le département lui permet d’affirmer immédiatement l’unité de commandement sur l’ensemble des services et établissements publics de l’État, et d’éviter la gestion de crises en silo, pour les affaires directement liées à la crise.
- Piloter les crises par la donnée :
Le pilotage de la crise par la donnée pourra également impliquer l’interopérabilité des données issues du maintien de l’ordre public, de la prévention des risques, des canaux d’alertes des différents ministères et opérateurs publics et privés, et des informations provenant des réseaux sociaux.
- Mettre à disposition de la CIC une plateforme de services assurés par le ministère de l’intérieur :
Ces services reposeraient sur une logistique de crise (chaîne interministérielle cohérente de logistique de crise avec stockage stratégique, manœuvre de ventilation sur le territoire national, distribution « au dernier kilomètre » permettant d’atteindre tous les citoyens) ; la communication de crise, en lien étroit avec le service d’information du gouvernement (SIG) ; les outils numériques de la gestion des crises pilotés par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ainsi que la direction du numérique ; la formation des cadres dirigeants à la gestion des crises ; l’information du public en situation de phénomène majeur à travers la cellule interministérielle d’information du public et d’aide aux victimes (INFOPUBLIC) installée pour le compte du Premier ministre place Beauvau et qui relève de la DGSCGC pour sa gestion et son animation, avec l’appui du Secrétariat général du ministère de l’intérieur pour les fonctions support.
3.2.4 - Renforcer les préfets dans la gestion des crises
À la lumière des crises récentes, où l’autorité préfectorale a été en première ligne du fait de son expertise des situations exceptionnelles rencontrées, de sa capacité à incarner l’unité de l’action de l’État et du lien opérationnel avec les collectivités territoriales, il importe de renforcer le pilotage de la gestion des crises autour des préfets dans les territoires pour assurer une coordination pleine et entière de la gestion de crise : mise en sécurité des biens et des personnes, organisation des moyens de secours, fonctionnement des institutions et continuité des services publics, préservation de l’environnement.
Pouvoirs des préfets
En l’état, les dispositions relatives aux pouvoirs des préfets en période de crise dans l’ordonnancement juridique actuel sont peu mobilisées ou diversement interprétées. Une disposition générale au sein du code de la sécurité intérieure prévoit une autorité élargie du préfet sur l’ensemble des services déconcentrés des administrations civiles de l’État et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial.
Rénovation des Centres opérationnels départementaux (COD) des préfectures
Le centre opérationnel départemental (COD) constitue l’équipement immobilier support de référence pour la gestion locale de crise. Compte tenu de la vétusté de nombreux centres de crise départementaux et de leur inadaptation physique et technologique, une rénovation complète de l’ensemble des centres opérationnels départementaux de préfecture permettra de disposer de tous les atouts pour faire face à des situations de crise de toute nature. Cette mise à niveau implique des travaux de rénovation de grande ampleur (avec le cas échéant des relocalisations) et/ou des travaux d’équipement. D’après une enquête réalisée au second trimestre 2021, plus d’une cinquantaine de départements sont concernés, à des degrés divers. Les départements accueillant des épreuves des jeux olympiques seront traités en priorité. Le coût moyen de rénovation d’un COD est estimé à 400 000 €. La DGSCGC assurera une prestation de conseil sur les équipements et les outils.
Renforcer les services communication des préfets
La diffusion d’informations, fondées ou non, est devenue instantanée avec le développement des réseaux sociaux. Les analyses développées par les décideurs, les décisions prises, voire les moyens déployés sont immédiatement discutés et critiqués. Il convient donc d’être en mesure d’apporter une parole à la fois rapide et d’un haut niveau de technicité et pour cela :
- renforcer les services de communication des préfectures ;
- attirer des experts de la communication à même d’assurer le porte-parolat du préfet, doter les services d’un budget propre et d’un bon niveau d’équipement technique ;
- renforcer drastiquement le plan de formation et le rendre obligatoire (y compris le recyclage) pour les préfets, les sous-préfets, les chargés de communication et les cadres du cabinet ou d’astreinte : prise en main et veille des réseaux sociaux, réflexes durant les astreintes, attitude à tenir en situation de crise.
Colonnes de renforts préfectorales
Pour bénéficier d’un appui immédiat dans la gestion de crises, des colonnes de renfort pourront être envoyées en préfecture, composées de différentes compétences en fonction des besoins : veille et communication, logistique, réserve préfectorale. Composée d’agents expérimentés (préfets et sous-préfets en retraite) et de cadres de l’administration territoriale de l’État volontaires, cette réserve préfectorale permet de préserver la réactivité d’équipes préfectorales par un renfort temporaire, et de progresser de front sur plusieurs thématiques distinctes ou complémentaires dans une phase sensible.
3.2.5 - Penser la gestion de l’après-crise
Au-delà de la protection des personnes et des biens, le ministère de l’intérieur se doit d’être présent sur l’ensemble du continuum de la crise et de gérer les suites immédiates de l’événement pour accélérer le retour à la normale. La prise en charge des situations immédiatement « post crise » a pour objectif le rétablissement des fonctions fondamentales pour les territoires (circulation, réseaux, etc.) et l’acheminement de moyens de première nécessité pour rétablir la situation (moyens zonaux et nationaux, chaîne logistique). À ce stade de la gestion de crise, le ministère de l’intérieur devra toujours disposer de la capacité d’agréger l’ensemble des compétences et des expertises. Il doit, au niveau des moyens nationaux, étendre la panoplie des outils et réponses à disposition pouvant être projetés (gestion des plans de secours, tentes, groupes électrogènes, moyens aériens renforcés, bâches, hôpital de campagne, engins de travaux publics, etc.).
Dans le droit fil de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras (qui conçoit le préfet comme directeur des opérations et non uniquement directeur des opérations de secours), les préfets disposeront de moyens opérationnels et pourront recourir aux personnels d’administrations (y compris agences, opérateurs, et services qui ne sont pas en temps normal sous l’autorité du préfet, hors armée) et d’entreprises privées grâce au pouvoir de réquisition à leur disposition.
Des modalités de préfinancement par des fonds ad hoc de l’État, plus souples en première instance, seront proposées. La création d’un fonds de concours permanent, doté de fonds de l’État ou d’opérateurs d’assurances, pourrait être étudiée à cet effet pour assurer le paiement des prestations aux entreprises réquisitionnées, les premiers secours aux sinistrés ou le financement exceptionnel des moyens de l’État.
3.2.6 - Développer la culture du risque chez nos concitoyens
Trop souvent le citoyen n’a pas connaissance du champ et de la nature des mesures de prévention et d’anticipation ou le rôle des autorités intervenantes. Or, « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile » (article L. 721-1 du code de la sécurité intérieure). Pour donner corps à ce principe, l’information sur les risques sera renforcée par une politique d’exercices réguliers, associant non seulement les élus locaux mais aussi, au maximum, la population. Le développement d’un citoyen acteur de sa mise en sécurité et de la protection d’autrui se comprend dans la complémentarité d’un volet formation à la prévention des risques et aux comportements en cas d’événement et d’un volet d’une journée nationale de sensibilisation et de prise de conscience collective des enjeux. Ces deux volets doivent à terme permettre une gestion plus efficace de la crise par des comportements adaptés de la population
Afin de renforcer cette culture de la prévention, conformément à la stratégie nationale de résilience, une « journée nationale » dédiée aux risques majeurs et aux gestes qui sauvent, sur le modèle déjà pratiqué au Japon, sera instaurée chaque année. L’ensemble de la population participera ainsi à un exercice grandeur nature de prévention d’une catastrophe naturelle ou technologique d’ampleur. Cette démarche va de pair avec une information sur les postures à adopter en cas de crise et les gestes qui sauvent, pour toute la population sans exception et dans tous les milieux (scolaires, professionnels, médico-social). Tous les jeunes et tous les actifs devront être formés aux gestes de premier secours en 10 ans, avec une formation continue tout au long de la vie pour conserver les bons réflexes.
Les actions d’information prévues dans les administrations publiques, les établissements et entreprises privés ou les établissements d’enseignement intégreront notamment des exercices et seront organisées dans toute la mesure du possible à la date de la journée annuelle de la résilience prévue le 13 octobre.
Au-delà de cette information, il s’agira de renforcer le volontariat dans les associations agréées de sécurité civile, chez les sapeurs-pompiers et au travers des réserves communales de sécurité civile en multipliant les initiatives et les appels aux volontaires, grâce notamment au « brevet de secourisme » destiné aux jeunes et aux actifs.
Le déploiement du réseau FR-Alert, totalement opérationnel fin 2022, permet aussi de doter le ministère de l’intérieur d’un outil puissant de gestion de crise, qui viendra porter à haut niveau les moyens dont disposent les préfets pour alerter, informer et protéger les populations. FR-Alert représente une des ruptures technologiques majeures en matière de gestion et de communication de crise. Désormais, sans intermédiaire, la puissance publique peut s’adresser immédiatement et directement aux citoyens.
3.2.7 - Renouveler la flotte d’hélicoptères, compléter la flotte aérienne pour plus de polyvalence
Le ministère de l’intérieur dispose de moyens aériens indispensables à la conduite de ses missions du quotidien et de l’exceptionnel. Il renforcera la cohérence de ces flottes ministérielles et le niveau de mutualisation. Elle sera permise par une plus grande cohérence des gammes des machines achetées s’agissant des hélicoptères, et devra viser une maintenance complètement mutualisée, des formations communes et une meilleure prise en compte des enjeux de sécurité aérienne. Un comité stratégique des moyens aériens permettra de traiter de manière transverse ces sujets et de s’assurer de la polyvalence des nouveaux achats envisagés. L’efficacité de ce comité sera évaluée à mi-LOPMI pour évaluer la nécessité de pousser plus loin la mutualisation des dispositifs.
S’agissant des moyens héliportés, le renouvellement des flottes sera conduit dans le respect des missions de sécurité civile d’une part et de sécurité publique d’autre part, mais avec l’objectif d’une convergence des nouvelles machines, socle de l’interopérabilité et de la maintenance commune des flottes du ministère. Ainsi, les hélicoptères vieillissants des flottes du ministère seront remplacés sur les cinq prochaines années et au-delà, ce qui représente un effort d’investissement considérable (36 machines sur cinq ans). Ils seront complétés par les dix hélicoptères de transports lourds (H 160), dont la livraison s’échelonnera jusqu’en 2026, destinés au transport des unités d’intervention spécialisées des forces de sécurité intérieure.
S’agissant des avions, la cible de la flotte d’avions bombardiers d’eau de type CL515 « Canadair » se situe à 16 appareils. Ainsi, l’achat et le renouvellement de la flotte des 12 avions CL415 « Canadair » par 16 avions bombardier d’eau amphibie (ABE) du même type doivent être programmés pour faire face à ces enjeux. Parmi ces 16 ABE, 2 seront financés à 90 % dans le cadre du programme RescUE pour la création d’une flotte européenne. L’augmentation de la flotte par l’acquisition de 4 aéronefs supplémentaires devra s’accompagner de la création de poste de pilotes et copilotes constituant les équipages, et d’un travail de fond sur les conditions d’exercice de ce métier et l’attractivité des postes au sein de la sécurité civile. Ainsi 12 postes de personnels navigants devront être créés pour accompagner la mesure.
3.2.8 - Bâtir le hub européen de sécurité civile à Nîmes
Parallèlement, alors que le réchauffement climatique accroît l’intensité du risque de feu de forêt et l’élargit à de nombreux territoires européens, il convient désormais d’envisager la flotte d’avions comme un outil à vocation nationale et le fer de lance d’une réponse européenne. L’Europe de la sécurité civile est une réalité opérationnelle. La France a montré et son volontarisme et sa compétence en la matière. Ainsi, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile, la France arme 18 des 118 modules européens. Être à la fois capable d’aller porter assistance et de recevoir, le cas échéant, une assistance de nos voisins européens constituait un défi désormais relevé. Mais l’approfondissement de ce mécanisme, auquel la DGSCGC continuera d’apporter toute son énergie, est un impératif face à l’intensification des crises, leur multiplication et leur caractère transfrontalier.
Ainsi, la base aérienne de Nîmes-Garons doit changer de dimension et devenir un pôle européen de sécurité civile. Dans ce cadre, elle peut devenir un véritable hub de sécurité civile permettant de rassembler, en un seul lieu, une partie des moyens existants et d’ériger un pôle de référence agrégeant les différentes fonctions aériennes et logistiques. À terme, Nîmes-Garons pourrait ainsi :
- accueillir les avions et le groupement hélicoptères de la DGSCGC ;
- héberger une part des réserves nationales ;
- regrouper l’ESCRIM (élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée) actuellement basé au sein de l’UIISC 7 de Brignoles et du SDIS du Gard, en lien avec la métropole de Nîmes ;
- accueillir, à terme, une unité militaire de la sécurité civile ;
- agréger, dans une logique de cluster économique, des entreprises et des start-ups innovantes dans le domaine de la sécurité civile.
Cette « centralité nîmoise » viendra consolider un réseau territorial adossé à la fois à des bases hélicoptères permanentes rénovées et des pélicandromes capables, sur tout le territoire national et en tant que de besoin, de soutenir la projection des moyens de lutte contre les feux d’espaces naturels sur l’ensemble du territoire. Le volet européen, prioritairement orienté sur la lutte contre les feux de forêts, doit déboucher sur l’obtention d’importants crédits européens dans cette perspective. Des études de faisabilité devront être réalisées en ce sens.
3.2.9 - Prépositionner des moyens outre-mer
Ce souci de cohérence territoriale, pour que chaque Français puisse être effectivement protégé, impose de positionner l’État comme le garant de la protection civile des territoires ultra-marins. Les Outre-mer constituent en effet un point de focalisation opérationnelle particulier en raison de leur exposition à des risques spécifiques (cyclones) et des risques extrêmes (sismique) et à d’importants défis logistiques. La question du pré-positionnement des moyens de la réserve nationale, sur la plaque Antilles-Guyane comme dans l’océan Indien, doit permettre aux autorités locales, en cas de crise majeure, de disposer des moyens de première réponse avant l’arrivée de secours nationaux ou internationaux (cf. focus ci-après).
Préparer cette réponse en identifiant les risques et planifiant les procédures, prépositionner du matériel et des hommes, anticiper la projection de massifs moyens de secours en cas de catastrophes sont parmi les priorités de la DGSCGC pour les territoires ultra-marins.
Les moyens zonaux, rattachés à d’autres ministères, pourraient aussi être formés et mobilisés en cas d’événement extrême, tels que les effectifs du ministère des armées. Dans le cas d’aléas qui affecteraient les sites de positionnement de moyens nationaux (de la sécurité civile et/ou d’autres acteurs français de la sécurité-défense), le stationnement temporaire de ces contingents sur des territoires localisés dans la région, français ou sous souveraineté d’autres États pourrait apparaître comme une solution. Cette disposition entraînerait la signature d’accords bilatéraux ou multilatéraux, et impliquerait des dynamiques interministérielles (ministère de l’intérieur, ministère de l’Europe et des affaires étrangères et ministère des armées).
3.2..10 - Co-financer les pactes capacitaires des SDIS
La qualité de la couverture territoriale de la sécurité civile passe par l’affirmation du pacte capacitaire et l’enracinement des états-majors interministériels de zone qui permettront à l’État d’impulser une stratégie de rationalisation, de mutualisation et d’interopérabilité efficiente entre services nationaux et services d’incendie et de secours, dotés de moyens homogènes adaptés aux risques des territoires.
Le pacte capacitaire sera l’outil pour couvrir l’ensemble des départements, quelle que soit la surface de leur SDIS, avec des moyens technologiques optimisés, armés par des personnels formés et entraînés. Articulée autour des états-majors interministériels de zone consolidés, coordonnée par des systèmes d’information performants, la réponse de sécurité civile se fera ainsi plus souple et plus réactive. Le pacte capacitaire constitue ainsi un outil majeur de modernisation de la réponse opérationnelle de la sécurité civile ainsi que la garantie d’une couverture territoriale plus complète et plus efficiente.
Dans ce but, l’impulsion financière de l’État est cruciale et doit être ciblée sur des projets d’investissements stratégiques au sein des zones de défense et de sécurité. Des financements dédiés sont ainsi prévus pour créer un effet levier et participer à l’effort de mutualisation des moyens exceptionnels entre SDIS, effort porteur d’économies collectives.
3.3 - Renforcer notre réponse opérationnelle face à la subversion violente
La mise en œuvre, à partir de 2007, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) a conduit la DGPN et la DGGN à faire porter sur les unités de force mobile (UFM) l’effort des réductions d’effectifs demandé : pour la police nationale, en a résulté la réduction de l’effectif de chaque unité de compagnies républicaines de sécurité (CRS) (- 1 500 ETP entre 2007 et 2014) sans diminuer le nombre des unités (60) ; pour la gendarmerie nationale, la diminution du nombre des escadrons de gendarmerie mobile (de 123 à 108 entre 2007 et 2015) et la réduction de l’effectif de chaque unité (- 2 300 ETP entre 2007 et 2015), avec en parallèle une diminution des missions extérieures. Or depuis quelques années le maintien de l’ordre évolue face aux nouvelles subversions violentes : il ne s’agit plus seulement d’encadrer des manifestations revendicatives mais d’être en capacité de stopper des casseurs, d’intervenir pour mettre fin à des affrontements violents entre bandes ou communautés, dans des temps très brefs et sous le regard des médias et des smartphones. À compter de 2017, le potentiel des deux forces a été progressivement renforcé (+ 600 ETP), mais les forces disponibles ne sont pas toujours suffisantes pour intervenir très rapidement en tout point du territoire.
3.3.1 - Création de 11 nouvelles unités de forces mobiles
Onze nouvelles unités de forces mobiles (UFM) seront créées à brève échéance, pour venir renforcer les dispositifs liés aux grands événements des années à venir (Coupe du Monde de rugby de 2023, Jeux Olympiques de 2024). Rapidement projetables, sur le modèle de la CRS 8 pour la police nationale et du dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie nationale (DIAG), y compris outre-mer, elles pourront faire face à des affrontements violents dans un temps très court, avec des moyens spécifiques. Ces nouvelles UFM permettront d’assurer les besoins en formation et une meilleure disponibilité opérationnelle pour couvrir l’ensemble des besoins sur le territoire.
3.3.2 - Un investissement massif dans la formation des forces au maintien de l’ordre
Les effectifs chargés du maintien de l’ordre seront mieux formés : un centre de formation spécialisé en maintien de l’ordre en milieu urbain sera créé en région parisienne et, parallèlement, le centre d’entraînement des forces de Saint-Astier (Dordogne) sera rénové, en créant de nouveaux espaces d’entraînement et en se mettant en capacité d’accueillir davantage de stagiaires.
3.3.3 - Des moyens exceptionnels pour organiser la sécurité des Jeux Olympiques
Vingt-cinq millions d’euros ont d’ores et déjà été prévus dans le cadre du plan de relance afin de financer des expérimentations technologiques de sécurité en vue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et de la coupe du monde de rugby de 2023. Plus largement, quatre types d’investissements doivent être réalisés dans la perspective des Jeux olympiques :
- un plan cybersécurité, pour augmenter la résilience des services du ministère ;
- des moyens de lutte anti-drones pour Paris (cérémonie d’ouverture et épreuves) et les villes accueillant des épreuves. Il s’agit d’acquérir des équipements permettant la détection, le brouillage et la neutralisation des drones malveillants et de bâtir la capacité de mise en œuvre tout en s’assurant de leur parfaite intégration dans les dispositifs de protection et de sécurité aérienne mis en œuvre par les armées ;
- des moyens pour les centres de commandement de la préfecture de police et de la coordination nationale pour la sécurité des Jeux olympiques (CNSJ) ;
- d’autres équipements, de nature diverse, permettant aux forces d’être parées à tous les risques dans la perspective de cet événement majeur.
3.4 - Mieux sécuriser nos frontières
L’espace frontalier doit faire l’objet d’une gestion plus intégrée et mieux coordonnée, qui tire tous les bénéfices des moyens innovants de contrôle et de surveillance.
Permettre l ’ intervention des garde-frontières de FRONTEX
Une véritable intégration du corps des garde-frontières de FRONTEX à la gestion des frontières extérieures de la France nécessite de les doter de prérogatives alignées sur celles de la police aux frontières. L’article 82 du règlement UE 2019/1896 (Frontex) prévoit explicitement la possibilité pour un État membre « hôte » d’accueillir le déploiement de garde-frontières européens à ses frontières extérieures et de les faire bénéficier d’un port d’arme, de recourir à la force conformément au droit national et de leur laisser consulter ses bases de données nationales aux fins de surveillance des frontières.
Moyens innovants pour la surveillance des frontières
Les policiers seront dotés de moyens innovants pour opérer la surveillance des frontières :
- généralisation des drones de surveillance, dotés de matériels spécifiques (vision nocturne, dispositifs de détection thermique) ;
- caméras infra-rouges et thermiques ;
- mise en place de systèmes de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI) sur les points de passage frontaliers afin de lutter contre les filières organisées ;
- moyens mobiles adaptés à l’environnement (motoneiges, buggys) ;
- généralisation des postes mobiles sous forme de véhicules équipés d’aubettes (moyens de contrôle documentaires et de détection de fraudes, actuellement expérimentés à la frontière belge).
La mission de contrôle aux frontières et certaines missions des CRA seront confiées à d’autres agents publics que des policiers. Les policiers ainsi libérés seraient redéployés dans des compagnies interdépartementales projetables aux frontières pour assurer les missions de surveillance humaines et éviter le recours aux forces mobiles non spécialisées.
Frontières fluides
Afin de rendre les contrôles aux frontières plus fluides, des outils modernes sont financés :
- recours systématique au sas PARAFE (système de passage automatisé aux frontières extérieures) ;
- généralisation des titres de voyage biométriques, avec reconnaissance mutuelle dans toute l’UE et capacité de contrôle des données biométriques associées ;
- mise en œuvre du règlement européen instaurant le système entrée-sortie (contrôle des ressortissants de pays-tiers en court-séjour), avec prise systématique de biométrie et enregistrement du franchissement de frontière alimentant le fichier européen entrées / sorties (EES) ;
- utilisation de lunettes ou casques de réalité « augmentée » pour l’interrogation des fichiers.
Coopération européenne
Enfin, l’engagement dans la coopération européenne aux frontières sera concrétisé par :
- la création de nouvelles brigades mixtes de lutte contre l’immigration irrégulière (qui existent avec l’Allemagne et l’Italie) avec les policiers d’États frontaliers, appuyées par les technologiques innovantes ;
- la mise à niveau de l’architecture des systèmes d’information français, afin de les rendre interopérables sur le modèle européen pour mettre en œuvre les règlements européens, tout en assurant la confidentialité des données et en veillant à leur ergonomie pour les forces (mission de la direction du numérique) ;
- la formation des agents de police étrangers en France dans la future Académie de police ;
- la création d’un centre technique pluridisciplinaire en charge de la recherche & développement, piloté par les forces de sécurité intérieure et par la délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité (DPSIS), tout en s’appuyant sur les directions du ministère.
3.5 - Mieux former nos forces
Le système de formation des forces doit évoluer avec la complexité des enjeux, le développement de nouveaux outils et le regard que la société porte sur elles. En effet le temps de formation initiale est aujourd’hui trop bref pour former complétement les policiers et gendarmes à ce qui les attend sur le terrain. Les outils de formation sont datés et peu mutualisés entre forces ; or aujourd’hui rien ne s’oppose à ce que des modules de formation continue soient ouverts à l’ensemble des forces. Le renforcement de la formation initiale et continue des policiers et des gendarmes nécessite de repenser les parcours des formations, de les rendre plus accessibles et de remettre à niveau les capacités de formation, en mutualisant les outils de la police et de la gendarmerie.
S’agissant des sapeurs-pompiers professionnels, la cohérence et le maillage du dispositif de formation coproduit entre l’État et les collectivités territoriales sera renforcée, d’une part, par le développement d’une plateforme numérique permettant de dématérialiser et fluidifier les processus administratifs, de mutualiser l’ingénierie pédagogique et de faire converger les outils de simulation et d’autre part, par des investissements structurants et mutualisés au niveau supra-départemental. Au plan national, est prévue la mise en place d’un pôle d’excellence agrégeant les différentes forces de sécurité civile, intégré au réseau européen et délivrant des formations de haut niveau au sein du Réseau des écoles de service public (RESP) ou de l’Institut national du service public (INSP).
3.5.1 - Renforcer la formation initiale
Doublement du temps de formation initiale
La formation initiale des élèves policiers et gendarmes augmente de 4 mois, passant de 8 à 12 mois. Certaines thématiques seront approfondies au cours de la formation : déontologie, relation police/population, aspect rédactionnel des missions. Dans les deux forces cela permettra de s’assurer que les compétences nécessaires soient acquises, soit par construction de nouveaux modules de formation, soit en densifiant ceux qui existent (maintien de l’ordre, déontologie par exemple).
Par ailleurs, l’incorporation des élèves titulaires du concours d’entrée dans la police ou dans la gendarmerie se fera dans les 6 mois suivant le résultat du concours, afin d’éviter des délais d’incorporation trop longs qui entraînent la perte de certains titulaires du concours qui se réorientent.
Création de nouvelles écoles
- École de formation cyber, présentée dans la première partie du présent rapport ;
- Pour tirer la formation vers le haut, une Académie de police sera installée, pour coordonner la formation des policiers, renforcer les outils de formation des nouvelles filières. Elle comprendra un pôle d’excellence pour l’investigation ;
- Un centre de formation au maintien de l’ordre en conditions urbaines sera créé en Île-de-France, pour former les forces mobiles ;
- Une école de la police scientifique, dans le cadre de la consolidation d’une filière commune à la police et à la gendarmerie nationales, avec une capacité d’accueil d’une centaine de stagiaires. La structure ad hoc remettra à plat la scolarité – formation initiale et continue – pour correspondre aux besoins en matière de PTS ;
- Une école de police sera créée en Île-de-France pour tenir compte des besoins liés aux campagnes de recrutement ;
- Une nouvelle offre de formation interservices spécialisée en matière de renseignement est proposée à ses partenaires par la DGSI, ayant vocation à bénéficier aux personnels affectés à la DGSI, au service central du renseignement territorial (SCRT) de la DGPN, à la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) et à la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la DGGN. Elle permettra de partager les compétences et d’harmoniser les pratiques professionnelles entre tous les agents quels que soient leurs statuts (policiers, agents contractuels, gendarmes, agents administratifs) concourant à la mission de renseignement. Cette offre de formation sera construite par la DGSI et les services bénéficiaires concernés pour répondre à leurs besoins opérationnels. Elle fera l’objet d’échanges avec la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) et l’Académie du renseignement. Elle pourra en outre bénéficier au service national du renseignement pénitentiaire (SNRP).
3.5.2 - Mieux former tout au long de la carrière
Formation continue augmentée de 50 %
La formation continue sera augmentée de 50 % pour préserver l’adéquation entre les compétences et les missions tout au long de la carrière ; elle pourra avoir lieu dans des centres régionaux, mutualisés entre policiers et gendarmes pour ce qui concerne les formations techniques ou juridiques. La montée en puissance de la formation continue suppose de mettre à niveau la capacité de formation du ministère, qu’il s’agisse des formateurs, de l’immobilier, des équipements spécifiques (stands de tir) ou encore des outils de formation numérique, permettant de proposer aussi des modules en « distanciel ».
Les personnels administratifs, techniques et scientifiques bénéficieront pleinement de cet effort de formation, notamment sur le volet des formations techniques obligatoires. Les officiers supérieurs de la gendarmerie ayant vocation à occuper des responsabilités départementales suivront une scolarité de type « cycle d’étude supérieur », destinée à tous ceux ayant réussi le concours de l’École de Guerre.
Dans une optique de rapprochement des forces et de rationalisation, les outils de formation continue seront mutualisés.
Création de centres régionaux de formation
L’effort de rehaussement de la formation se traduira par la création de 13 centres régionaux de formation et de centres spécialisés pour les gendarmes et les policiers, afin de faire face à la montée en puissance de la formation initiale et aux besoins augmentés de formation continue.
Les compagnies-écoles existantes seront rénovées et monteront en puissance : 2 compagnies supplémentaires à l’école de Fontainebleau, restructuration du camp de Frileuse-Beynes et densification des compagnies de Dijon, Rochefort, Tulle et Châteaulin.
Recrutement de formateurs
Au total, 1 500 formateurs seront recrutés sur cinq ans :
- la gendarmerie nationale créera 15 compagnies d’instruction, armées par 255 ETP pour l’encadrement pédagogique et le soutien ;
- 266 formateurs seront recrutés dans les centres régionaux de formation de la gendarmerie nationale ;
- la police nationale recrutera 182 formateurs pour les écoles et 708 formateurs, ainsi que 77 moniteurs de tir et 21 psychologues.
Plan stands de tir
Pour répondre au besoin de formation accru des policiers et gendarmes en matière de tir, ainsi que des futurs réservistes, de nouveaux stands de tir seront adossés aux centres régionaux d’instruction. Des simulateurs de tir eux aussi partagés avec les policiers viendront compléter cette capacité accrue.
S ’ ouvrir vers l ’ international
L’excellence des policiers et gendarmes passe aussi par une meilleure capacité à communiquer en langue étrangère et à s’insérer dans les dispositifs de coopération européenne.
Le programme POLARIS (Gendarmerie avec Espagne depuis 2018 – à ouvrir : Portugal, Allemagne) sera poursuivi et l’école nationale supérieure de police (ENSP) développera des stages à l’étranger pour les élèves, ainsi que le développement du réseau de formation dispensée aux cadres de police étrangers intégrés dans les promotions.
L’enseignement des langues sera également renforcé en formation initiale et continue, avec des outils de traduction instantanée, le développement de l’offre de formation à vocation régionale, le développement des plateformes de e-formation en vue des grands événements internationaux à venir. L’offre de formation en anglais sera densifiée visant notamment une excellente capacité d’expression orale professionnelle à destination des cadres supérieurs, et plus généralement des cadres susceptibles d’être retenus pour des affectations à l’international, assortie d’une sélection dans le cadre de la gestion prévisionnelle des compétences parmi un vivier identifié
3.6 - Des policiers et des gendarmes mieux accompagnés
L’action sociale constitue un levier majeur dans l’accompagnement des forces de sécurité intérieure dans l’exercice de leurs missions et dans leur fidélisation. Elle doit être une contrepartie à la modération salariale. La difficulté des conditions d’exercice du métier nécessite de disposer d’un accompagnement renforcé au quotidien et pas seulement en circonstances de crise. Les forces de l’ordre se voient assigner des objectifs ambitieux de présence sur la voie publique, de développement du contact avec leur environnement et de traitement des menaces et crises. Outre des conditions matérielles améliorées et une formation renforcée, l’accompagnement et la protection des fonctionnaires et militaires est au cœur de la mission du ministère de l’intérieur. Mieux soutenir nos policiers et gendarmes dans leur santé physique et psychologique, notamment pour certaines catégories de personnels exposés, et mieux accompagner les familles, suppose un effort important pour la garde des enfants, la gestion des horaires atypiques ou encore la gestion des contraintes liées aux mobilités géographiques.
3.6.1 - Une refonte profonde de la fonction RH dans la police nationale
La rénovation de la politique des ressources humaines des policiers se fera autour de trois grands principes : la valorisation des compétences professionnelles au service des déroulements de carrière, l’affirmation de l’exigence managériale pour l’ensemble des niveaux de l’encadrement, la recherche d’une meilleure articulation entre gestion individualisée des personnels et besoins des services. Elle doit avoir pour ligne de conduite de tourner la fonction RH vers l’agent, alors que les rôles d’explication, de conseil ou d’accompagnement sont aujourd’hui insuffisamment investis par l’administration. L’organisation de la fonction RH de la police nationale, aux niveaux centraux et déconcentrés, sera refondue.
La gestion des ressources humaines sera davantage déconcentrée, en positionnant un échelon de ressources humaines accessible pour tous les agents au niveau zonal, avec des fonctions d’accompagnement et de conseil, ainsi qu’en déléguant au niveau zonal les décisions administratives (actes de gestion).
Les carrières seront plus variées : approche de la carrière par le développement des compétences et de filières professionnelles attractives (exemple de l’investigation), mobilité externe exigée pour l’accès à certaines fonctions (commissaires et officiers), ouverture du corps des commissaires à des profils scientifiques, etc.
Un SIRH rénové, de même que l’instauration d’une politique de maîtrise des risques RH et de contrôle de qualité, amélioreront le pilotage des effectifs et des schémas d’emploi, tout en donnant davantage de transparence sur les besoins, les postes disponibles et les compétences attendues. Un nouveau portail agent donnera à chaque agent, où qu’il soit, un accès aux ressources utiles à son déroulé de carrière.
3.6.2 - Action sociale
Pour faciliter l’installation et le logement des fonctionnaires du ministère, un effort financier pour la réservation de logements auprès des bailleurs sociaux sera consenti : développement du stock de logements accessibles, utilisation accrue du parc de logement à disposition de l’État (qui sera prévue dans les contrats de sécurité intégrée passés entre État et collectivités), création d’une offre de colocation. Cet effort porte tout particulièrement sur les zones les plus tendues, notamment l’Île-de-France, les grandes métropoles et les départements frontaliers.
L’augmentation de l’offre de garde d’enfants concourt également à l’objectif de mieux concilier vie privée et professionnelle : 200 nouvelles places en crèche seront réservées. L’offre de garde d’enfants en horaires atypiques sera développée dans de nouveaux territoires et bénéficiera notamment aux fonctionnaires travaillant de nuit.
3.6.3 - Agir sur la qualité de vie au travail
Une action résolue doit également se déployer en faveur de la qualité de vie au travail, du soutien et du soin aux policiers et gendarmes.
Un réseau de nouveaux psychologues du travail, positionnés au niveau zonal, sera mis en place sur 5 ans. Formés à intervenir sur le fonctionnement des collectifs de travail, assistés de 20 réservistes expérimentés pour former des binômes, ils pourront effectuer des audits dans des services aux conditions de travail dégradées.
L’amélioration des conditions de restauration pour les policiers passera par l’harmonisation à la hausse des subventions ministérielles à la restauration administrative, par le développement d’une offre de restauration plus accessible pour les fonctionnaires en horaires atypiques et par la création, la rénovation ou l’équipement d’espaces sociaux de restauration.
Des budgets dédiés seront dégagés pour organiser des actions de cohésion et de prévention (séminaires de service, action de santé et bien-être, équipements sportifs, rencontres entre familles, etc.). Pour la gendarmerie, dans cette même logique de cohésion, les subventions aux cercles mixtes et à la dotation de fonctionnement des unités élémentaires augmenteront.
Les réservistes blessés en service seront indemnisés plus rapidement par les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI), afin d’éviter des délais pouvant induire des situations sociales difficiles.
Le service de soutien psychologique opérationnel chargé du soutien individuel et d’actions de débriefing collectives sera renforcé, avec 29 postes supplémentaires dans tout le territoire aux niveaux central et zonal. Il en ira de même avec la médecine statutaire, qui sera renforcé de 10 postes pour assumer la montée en charge de la réserve opérationnelle, ainsi qu’avec la médecine du travail (13 postes supplémentaires). Pour améliorer le suivi des fonctionnaires travaillant de nuit, un complément de traitement sera instauré pour les personnels médicaux intervenant en horaires atypiques.
Un budget consacré à des actions de prévention des addictions sera programmé.
Les moyens dédiés à l’accompagnement à l’emploi des conjoints soumis à une obligation de mobilité seront renforcés à hauteur de 1 million d’euros.
Focus : améliorer la résilience des outre-mer exposés à des risques naturels spécifiques
Les territoires ultramarins sont exposés à l’ensemble des risques naturels majeurs, à l’exception du risque avalanche.
La surveillance des risques spécifiques aux territoires, ainsi que la prévention en direction des populations, sont primordiales. Ainsi, la conduite de démarches interministérielles similaires à celles du plan séisme Antilles dans d’autres territoires d’outre-mer sera étudiée. Une telle démarche, qui devra être adaptée au contexte de risque local, aura pour objectif notamment le renforcement de la résilience des bâtiments de l’État et la qualité du suivi des points d’importance vitaux. La mise en œuvre d’une journée obligatoire de prévention des risques (« journée japonaise ») sera en outre particulièrement pertinente en outre-mer, sur des territoires surexposés aux risques naturels. Enfin, la création d’un partenariat entre service militaire adapté (SMA) et sécurité civile sera actée, pour renforcer la résilience des populations ultramarines confrontées à des événements extrêmes.
La capacité locale de gestion de crise dans les territoires ultramarins sera renforcée. Des moyens nationaux de sécurité civile, notamment aérotransportables, seront pré-positionnés outre-mer, afin de fournir aux autorités locales des moyens de première réponse à la crise, avant l’arrivée de secours nationaux ou internationaux. Seront ainsi pré-positionnés des détachements des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) en zone Antilles et dans l’océan Indien. De nouveaux sites de la réserve nationale seront créés à Mayotte, à La Réunion et en Guyane. Enfin, de nouveaux moyens en matière de planification, de formation et d’équipement des services d’incendie et de secours (SIS) seront alloués.
En matière d’ordre public, la création de 11 nouvelles unités de forces mobiles renforcera la capacité à projeter des forces localement, mais aussi des matériels adaptés (blindés) pour faire face à des événements d’importance, notamment en matière d’ordre public.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 182, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 185 à 191
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’amendement n° 182 est retiré.
L’amendement n° 134, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 187 et 188
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
La police municipale est chargée de la mise en œuvre des pouvoirs de police du maire. Le conseil municipal peut cependant autoriser le maire à signer avec l’État une convention de partenariat dont la durée ne peut excéder celle de son mandat. Cette convention qui précisera le cadre de cette coopération.
II. – Alinéa 190
Après les mots :
partenariats avec les polices municipales
insérer les mots :
dans le cadre d’une convention de partenariat mentionnée à l’alinéa précédent et préalablement signée entre l’État et la collectivité locale
La parole est à M. Guy Benarroche.
C’est à mon collègue Daniel Breuiller que revient l’initiative de cet amendement.
La mission première de la police municipale est de mettre en œuvre les pouvoirs de police du maire. La présence de la police municipale ne doit pas être prétexte pour l’État à se désengager de ses missions régaliennes, y compris la police de proximité.
Toutefois, dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, l’assemblée délibérante peut autoriser le maire à signer avec l’État, pour une durée n’excédant pas celle du mandat de cette assemblée, une convention de partenariat entre la police municipale et la police nationale.
L’amendement n° 184, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 190, première phrase
Supprimer les mots :
, la sécurité privée
La parole est à Mme Éliane Assassi.
La montée en puissance de la sécurité privée dissimule la marchandisation de la sécurité publique et la délégation des missions de service public à des entreprises qui ont pour unique finalité la recherche de la rente. Il y a là un manque de cohérence des politiques publiques, que nous avions déjà dénoncé, en 2021, lors de l’examen de la proposition de loi dite pour une sécurité globale.
Je veux bien que l’on en discute in aeternum, mais ces débats ont déjà eu lieu dans cet hémicycle, lors de l’examen de la proposition de loi Sécurité globale, et ont été tranchés. Le continuum de sécurité a été précisé ; les relations avec les collectivités locales, d’une part, et le cadre d’intervention de la sécurité privée, d’autre part, ont été codifiés.
Vos propositions sont superfétatoires, mes chers collègues, parce que tout figure déjà dans la loi. Avis défavorable.
Superfétatoire, notre amendement l’est peut-être pour M. le rapporteur, mais pas pour nous.
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est peut-être un détail pour lui, mais pour vous ça veut dire beaucoup…
Sourires.
Cette discussion est l’occasion pour nous de rappeler que nous étions fortement opposés à la loi dite pour une sécurité globale. Nous le soulignerons de nouveau en présentant d’autres amendements, en écho à diverses propositions de loi déposées par nos soins et qui, dans un passé récent, ont été examinées et rejetées par le Sénat.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 198, après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Au sein de cette académie, des heures de cours dispensées par des chercheurs en criminologie, en sociologie et dans toutes les branches des sciences humaines et sociales intéressées par les questions de sécurité seront prévues pour les futurs policiers.
II. – Après l’alinéa 198
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Si les travaux de recherche menés peuvent servir à améliorer l’action du ministère, ceux-ci doivent en revanche être menés en toute indépendance, dans le respect des libertés académiques, et pas uniquement au service d’une politique de résultat. Par ailleurs et dans un esprit de réciprocité, c’est également le ministère de l’Intérieur qui doit se mettre au service du monde de la recherche en mettant à sa disposition tous les éléments, documents et données dont les chercheurs auront besoin pour mener à bien les travaux de leur choix. Ce qu’il faut ici bâtir c’est une relation de confiance, basée sur la sincérité et mutuellement profitable.
La parole est à M. Thomas Dossus.
Dans le rapport annexé, le lien avec le monde de la recherche est très souvent mentionné. Si le ministère vante ici une volonté d’ouverture de sa part qui ne peut être que saluée, il nous faut aussi nous assurer de la réalité de cette intention.
En effet, en lisant entre les lignes, on s’aperçoit que cette politique d’ouverture est souvent mise au service d’une autre politique, celle du résultat, la première étant censée donner à la seconde une justification académique. Or cela ne peut ni ne doit être la base d’une relation saine et constructive entre ces deux mondes.
Nous rappelons ainsi que le monde de la recherche ne saurait être au service du ministère, et ce en vertu d’un principe, celui des libertés académiques, principe fondamental reconnu par les lois de la République rappelé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.
Si les travaux de recherche peuvent enrichir l’action du ministère, c’est aussi et avant tout le ministère qui doit s’ouvrir et permettre aux chercheurs de s’intéresser aux sujets de leur choix parmi ceux de son domaine d’action, en leur fournissant tous les documents nécessaires à la réalisation de leurs travaux.
Nous considérons aussi que cette ouverture doit se faire jusqu’au cœur des institutions. C’est pourquoi nous vous proposons qu’au sein de la future académie de police prévue dans le rapport des heures de cours soient dispensées aux policiers en formation par des chercheurs en sociologie ou en toute autre branche des sciences humaines et sociales ayant rapport avec les questions de sécurité.
L’ouverture au monde de la recherche est salutaire, mais les conditions dans lesquelles celle-ci s’opère doivent être précisées.
Il vaut mieux se répéter que se contredire, j’en donne acte à Mme Assassi et à MM. Dossus et Benarroche.
Cet amendement vise à préciser le contenu des cours de l’académie de police. M. le ministre va vous en dire davantage, mais plaider pour l’ouverture des données par le ministère et rappeler le principe de la liberté de la recherche, c’est, sinon superfétatoire, du moins superflu !
Le rapport annexé n’a pas vocation à aller à l’encontre des grands principes qui régissent la recherche et la politique de l’État est déjà une politique d’ouverture des données, sous réserve qu’il ne s’agisse pas de données sensibles. Avis défavorable.
Je réponds à l’invitation de M. le rapporteur.
Il est prévu qu’une formation dite continue, à bien distinguer de la formation initiale, soit ouverte à l’ensemble des policiers, quel que soit leur grade, y compris les personnels administratifs, grâce à cette académie de police implantée dans l’agglomération de Montpellier.
Je rappelle que, dans cette académie, interviendront non seulement des policiers et des gendarmes, pour faire passer des épreuves sportives ou former au tir ou à la déontologie, mais aussi des magistrats, des chercheurs, des associations. Ce sont d’ailleurs des associations qui assurent désormais, par exemple, les formations obligatoires organisées sur les violences intrafamiliales. Le ministre ou son cabinet n’interviennent pas dans le contenu de la formation et des cours. Et les sujets d’examen – je pense notamment au « bloc OPJ » que l’on passe pour devenir officier de police judiciaire – sont rédigés et corrigés par des magistrats, et non par des fonctionnaires du ministère de l’intérieur.
Il n’y a donc aucune question à se poser sur l’influence du ministère sur les cours dispensés dans cette académie de police.
Par ailleurs, merci de l’avoir souligné, monsieur le sénateur – il ne faut pas voir le mal en tout –, pour la première fois, nous ouvrons le ministère de l’intérieur au monde de la recherche, et c’est une excellente chose. Ce n’est pas nous qui allons sélectionner les chercheurs ; mais permettez-moi de vous dire que ce n’est pas vous non plus…
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 148, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 212 à 214
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Thomas Dossus.
Avec vous, monsieur le ministre, dès qu’il est question de sécurité dans un projet de loi, immanquablement la question des drones fait son retour, qu’il s’agisse de la loi Sécurité globale ou de textes plus récents. Peu importent les rappels du Conseil constitutionnel quant au nécessaire encadrement des technologies intrusives : le Gouvernement ne manque pas de revenir à la charge de manière purement dogmatique.
En l’espèce, il est question non pas du principe d’utilisation, mais du plan d’achat. Il est prévu qu’un programme d’acquisition soit lancé pour des appareils qui serviront entre autres au recueil de renseignement dans le cadre de manifestations ainsi qu’à la surveillance des frontières.
Nous nous opposons très fortement à l’usage desdits appareils dans ces conditions, qui n’offrent aucune garantie en matière de respect de la vie privée et des libertés publiques. En l’absence de telles garanties, il est hors de question de cautionner ces plans d’achat. C’est pourquoi nous proposons la suppression pure et simple de ces alinéas.
Cent fois sur le métier nous remettons notre ouvrage… Nous avons eu ce débat en examinant la proposition de loi Sécurité globale, et de nouveau dans un autre texte. Loïc Hervé, ici présent, a passé énormément de temps à faire en sorte que l’utilisation des drones, qui ne l’était pas, soit encadrée conformément aux exigences du Conseil constitutionnel.
Le mode d’emploi des drones figure donc actuellement dans notre droit. Et il est tout à fait légitime que M. le ministre, dans son plan de développement et de numérisation, utilise les drones dans ce cadre légal et réglementaire.
Avis défavorable.
Ce point très important nous a beaucoup occupés lors des débats sur la loi Sécurité globale. Attention : en l’espèce, les évidences sont trompeuses…
Lorsque nous avons proposé de légiférer sur les drones, à la demande du Parlement, je vous rappelle que le Conseil d’État et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) nous ont empêchés de les faire voler. S’ensuivit une situation paradoxale qui fut résumée d’une formule tout à fait exacte, quoique un peu facile : tout le monde en France pouvait faire voler des drones, sauf les policiers.
Nous avons accepté, bien sûr, de discuter avec le Parlement ; puisqu’il y avait bel et bien une difficulté, le drone n’étant pas une caméra qui vole – les dispositions techniques ne sont pas les mêmes, je vous passe le débat que nous avons eu à propos de la loi Sécurité globale –, et puisque le Conseil d’État et la Cnil s’étaient interrogés sur le respect des libertés publiques, notamment individuelles, nous avons tous conclu qu’il valait mieux soumettre les vols de drones à l’autorisation d’un juge plutôt que d’une autorité administrative, en l’occurrence préfectorale, dans le cadre de missions de renseignement.
Patatras ! le juge constitutionnel, qui a par définition toujours raison, a considéré qu’il fallait faire voler les drones non pas sous le contrôle d’un juge, mais bien sous le contrôle du préfet. J’en conclus que le Conseil constitutionnel juge que, dans certains cas, et pour ce qui est notamment de l’utilisation d’images issues de caméras de vidéoprotection ou de drones, les préfets sont plus protecteurs que les juges.
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 104, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 214
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le traitement des images recueillies par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement vise à exclure explicitement le traitement des images issues de captations de drones par des logiciels de reconnaissance faciale, ces derniers faisant craindre des risques de surveillance massive de la population.
Là encore, nous sommes bien conscients de l’absence de portée normative du rapport. Mais il s’agit bien d’un rapport d’orientation, et notre groupe trouve plus que nécessaire d’y inscrire cette interdiction.
Les débats suscités par cette technologie ne font que grandir : en janvier 2020, dans la prépublication de son livre blanc sur l’intelligence artificielle, la Commission européenne envisageait la mise en place d’une interdiction temporaire des technologies de reconnaissance faciale dans divers secteurs.
Le présent amendement est directement inspiré des travaux de notre collègue députée Paula Forteza et du groupe écologiste de l’Assemblée nationale, qui souhaitaient un moratoire sur l’usage de la reconnaissance faciale à des fins d’identification des individus sans le consentement préalable et éclairé des intéressés, et ce jusqu’à ce que des garanties suffisantes soient établies en matière de sécurité et de libertés fondamentales.
Les données faciales sont des données biométriques sensibles et constituent des informations irrévocables, à l’inverse de nos mots de passe ou adresses mail. Elles sont par définition uniques et inchangeables en cas de vol ou de compromission. Une protection accrue de ces données doit être mise en place, notamment quant aux personnes ayant accès à ces données. Cela soulève donc des enjeux cruciaux en matière de libertés publiques, d’éthique et de consentement.
Les interrogations, les doutes et les peurs découlent en partie de la non-maîtrise de cette technologie et de certains usages débridés de la part d’entités privées et publiques. D’une part, la reconnaissance faciale n’est pas à ce jour une technologie totalement mûre et possède encore de nombreux défauts techniques ; il existe notamment des biais lorsqu’il s’agit de minorités ethniques, de femmes et de jeunes. D’autre part, cette technologie peut engendrer des dérives mettant en danger nos libertés et notre démocratie, comme le démontrent les cas de la répression des manifestations à Hong Kong ou de la surveillance de la minorité ouïghoure par la Chine.
Le déploiement d’un système général de reconnaissance faciale pourrait mettre fin à toute possibilité d’anonymat, ce qui irait à l’encontre de notre conception des libertés de circulation et d’expression.
Je redis les choses : la reconnaissance faciale est actuellement interdite en France. M. le ministre s’est exprimé hier sur le sujet sans aucune ambiguïté.
L’amendement est donc satisfait. Les données biométriques sont des données sensibles au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD). Un texte législatif serait nécessaire pour rendre possible leur traitement algorithmique ; or un tel texte n’existe pas, excepté pour ce qui concerne le traitement des antécédents judiciaires, et encore, de manière très encadrée.
Puisque M. Benarroche lit avec intérêt des rapports, je l’invite à lire celui de la mission d’information de MM. Durain, de Belenet et Daubresse, qui ont beaucoup travaillé sur cette question…
Y sont exposées les lignes rouges qu’il faut tracer en la matière et les conditions dans lesquelles certains algorithmes pourraient être utilisés via une loi d’expérimentation, des mesures de transparence et le contrôle d’une autorité indépendante.
M. le ministre nous a dit que le jour venu nous aurions à traiter de ce sujet, soit dans un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques soit dans une proposition de loi spécifique. Vous pourrez présenter vos amendements dans ce cadre et, de nouveau, la commission des lois vous dira son intention de rédiger sous forme juridique ce que nous avons écrit dans ce rapport d’information.
D’ici là, cet amendement est sans objet. Avis défavorable.
La Cnil, le Gouvernement et le Contrôleur européen de la protection des données avaient appelé à un débat à la hauteur des enjeux ; il n’y a rien, pourtant, sur ce point, dans le programme du flambant neuf Conseil national de la refondation.
On pourrait envisager d’organiser par exemple, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat, une convention citoyenne sur la place des nouvelles technologies dans notre société, à condition que celle-ci soit suivie d’effets. Ainsi pourrait-on mieux cerner les attentes de l’ensemble de la société civile en matière de numérique, nouer une relation de confiance avec les forces de sécurité, coconstruire un cadre normatif approprié et mener une analyse d’impact rigoureuse de la reconnaissance faciale.
J’ajoute, à l’attention de notre rapporteur, que des amendements similaires avaient déjà été déposés par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires lors du débat sur la loi Sécurité globale, et qu’ils avaient à l’époque recueilli un avis défavorable de la part du Gouvernement. Lors de son audition du mois de septembre, néanmoins, le ministre qui défend ce projet déclarait lui-même – il nous l’a rappelé hier : « Je suis opposé à la reconnaissance faciale. »
Nous sommes en train d’écrire une feuille de route, qui a vocation à déboucher sur un certain nombre de mesures. Puisque M. le ministre de l’intérieur a exprimé son opposition à la reconnaissance faciale, pourquoi ne pas l’inscrire dans la feuille de route programmatique du ministère de l’intérieur ? De nombreuses autres dispositions sans valeur normative y figurent… Ce sujet compte ceux sur lesquels nos concitoyens se posent des questions ; il n’est donc pas idiot de le faire figurer dans cette feuille de route, comme il n’est pas idiot qu’un amendement déposé par des sénateurs qui réfléchissent un peu soit adopté par le Sénat…
Notre groupe ne s’est pas exprimé globalement sur ces questions de nouvelles technologies. Et notre approche a évolué au fil des mois et des années.
À cet égard, notre première position, assez naturelle, a été d’inquiétude et de défiance ; mais on voit – en cela je rejoins notre collègue Benarroche, mais Marc-Philippe Daubresse n’a pas dit autre chose – qu’il va falloir passer à l’étage normatif.
On parle beaucoup de ces technologies, des rapports ont été écrits – Marc-Philippe Daubresse évoquait le travail que nous avons fait avec Arnaud de Belenet au nom de la commission des lois. Il faut maintenant figer les choses dans le droit. Va-t-on continuer longtemps à s’interroger : faut-il ? ne faut-il pas ?
Je partage avec les membres de mon groupe quelques convictions simples : les nouvelles technologies sont là et bien là, et ce souvent contre nous. Il est beaucoup question, dans le texte qui nous est proposé, de cybersécurité et de cybercriminalité ; ceux qui sont en face de nous utilisent ces technologies. Un usage proportionné de ces outils est donc nécessaire, et il est temps que la loi dise ce qui est possible, ce qui est souhaitable, ce qui est autorisé, ce qui ne l’est pas – et nous arrêterons de débattre dans le vide.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mme Havet, M. Théophile et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéa 225
Après les mots :
à La Réunion ou en Guyane ;
insérer les mots
orpaillage illégal en Guyane ; pêche illicite non-déclarée et non-réglementée (INN) en Guyane ;
La parole est à M. Georges Patient.
Parmi les nombreuses menaces qui pèsent sur les régions et territoires d’outre-mer, la Guyane a le triste privilège d’avoir à en affronter qui lui sont spécifiques, comme l’orpaillage illégal et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).
C’est une véritable atteinte à la souveraineté de notre pays que commettent les garimpeiros brésiliens et les pêcheurs surinamais, guyaniens ou brésiliens : ils profitent de l’immensité du territoire et de la faible présence des forces de sécurité pour venir piller ces ressources.
En outre, par la pollution que causent les orpailleurs clandestins et par l’épuisement des écosystèmes sous-marins que provoquent les bateaux de pêche INN, cette criminalité porte une atteinte grave à l’environnement qui, à terme, pourrait être irréversible.
Enfin, les filières d’approvisionnement des sites d’orpaillage clandestin font appel à des réseaux criminels qui volent et parfois violentent la population guyanaise. Quant aux pêcheurs illégaux, ils n’hésitent plus à s’attaquer en pleine mer aux pêcheurs guyanais et à leur voler leur matériel, voire leur pêche. C’est toute la filière économique guyanaise de la pêche qui s’en trouve fragilisée.
Dès lors, il semble indispensable que la lutte contre ces deux fléaux fasse partie des priorités des autorités en matière de lutte contre la criminalité pour les prochaines années.
Je donnerai l’avis de la commission sur cet amendement ainsi que sur les deux suivants, les amendements n° 218 rectifié et 219 rectifié de M. Patient.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 218 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 227, première phrase
1° Après le mot :
trafics
insérer les mots :
, la pêche INN
2° Avant le mot :
jumelles
insérer les mots :
radars HF à ondes de surface,
J’appelle également en discussion l’amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Patient et Buis, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 229
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En matière de recrutement des forces de police dans les territoires d’outre-mer et pour faire face aux problématiques de stabilités des effectifs et d’attractivité de ces territoires, la majorité des postes ouverts au recrutement sera pourvue par l’intermédiaire de concours déconcentrés dans chacun des territoires concernés. Pour s’assurer que suffisamment de candidats postuleront, les liens entre la population et les forces de police doivent être renforcés. Pour cela, tous les programmes développés dans ce but (classes de reconquête républicaine, plan 10 000 jeunes, etc.) devront être déployés dans chacun de ces territoires.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
Compte tenu de ce qui vient d’être dit, la demande de précision formulée par notre collègue est tout à fait compréhensible : la mention expresse de l’orpaillage illégal et de la pêche illicite en tant que menaces affectant de manière très importante les territoires ultramarins nous semble légitime. L’avis de la commission est donc favorable sur l’amendement n° 217 rectifié.
Si nous adoptions l’amendement n° 218 rectifié ainsi rédigé, en revanche, la phrase incriminée ne voudrait plus dire grand-chose ; quant à l’amendement n° 219 rectifié, il apparaît superfétatoire. Je demande donc à M. Patient de bien vouloir retirer ces deux amendements.
Même avis : favorable sur l’amendement n° 217 rectifié, défavorable sur les deux suivants.
Il faut évidemment lutter, monsieur le sénateur, contre ces deux phénomènes qui touchent profondément votre beau territoire, la Guyane, indépendamment de la criminalité « de droit commun », à savoir l’orpaillage et la pêche illégale.
Sur la pêche illégale, une précision est effectivement nécessaire. Vous savez que la police et la gendarmerie ne peuvent seules intervenir : ce sujet très délicat, sur lequel il est nécessaire que l’État se réveille, concerne aussi le ministre des armées et le ministre de l’environnement. On compte au bas mot des dizaines de bateaux, notamment surinamais, dans les eaux de la Guyane, pillant les ressources naturelles et portant un préjudice considérable aux pêcheurs guyanais.
Pour ce qui est de la lutte contre l’orpaillage illégal, l’opération Harpie est menée conjointement par les forces du ministère de l’intérieur et celles du ministère des armées. Je l’ai dit en Guyane, le Président de la République et moi-même réfléchissons à remodeler ce dispositif en une opération Harpie II se déployant y compris à Cayenne et ailleurs, contre la grande délinquance de bandes surinamaises, guyaniennes et surtout brésiliennes.
Sur ces deux sujets, je veux bien que le rapport soit complété dans les termes proposés.
Un mot sur l’amendement n° 219 rectifié : M. Patient évoque l’idée de concours régionalisés. Il serait contraire aux principes mêmes de la police de la République, me semble-t-il, d’organiser de tels concours régionaux territoire par territoire. Je comprends la volonté de rapprochement exprimée par les lauréats guyanais du concours qui souhaitent revenir sur le territoire de leur enfance – nous y serons attentifs. Mais nous en sommes déjà à plus de 70 % de policiers de la police nationale guyanais en Guyane : on ne peut pas dire que le ministère de l’intérieur ignore cette question, mais il est toujours possible de poursuivre les efforts engagés…
Monsieur Patient, les amendements n° 218 rectifié et 219 rectifié sont-ils maintenus ?
Non, je vais les retirer, monsieur le président.
Je tiens à dire toutefois – M. le ministre l’a précisé – que l’amendement n° 219 rectifié n’est pas de même nature que les précédents : il porte sur les concours déconcentrés. Je reviendrai plus tard sur ce point, que je considère comme l’une des principales solutions susceptibles de résoudre nos problèmes d’effectifs dans les outre-mer.
Les amendements n° 218 rectifié et 219 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 217 rectifié.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 185, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 231
Supprimer les mots :
à la création d’assistants d’enquête de police et gendarmerie, à des moyens mis sur l’aboutissement d’une procédure numérique et
La parole est à Mme Éliane Assassi.
La création d’assistants d’enquête de police et gendarmerie, prévue à l’alinéa 231 du rapport annexé et que nous retrouverons à l’article 10 du projet de loi, pas plus qu’une procédure numérique, ne saurait satisfaire nos concitoyens victimes ni les personnes ayant commis un délit.
En effet, les assistants d’enquête seront des profanes en matière de procédure pénale et de gestion des prévenus dans un commissariat, ce qui risque fortement d’entacher la procédure de nullité.
De surcroît, la numérisation de la procédure pénale permet certes une réponse rapide, mais impersonnelle et non individualisée. Or le présent projet de loi ne contient aucune disposition garantissant que la procédure pénale numérisée ne sera pas traitée par un algorithme décidant ou non du classement sans suite.
Cette création d’assistants d’enquête vise en réalité, selon nous, à pallier un déficit de formation ; en la matière, nous proposons, quant à nous, un triplement du budget.
La réflexion de Mme Assassi avait toute sa pertinence au début de l’examen de ce texte : il existait bel et bien une faille. Le Conseil d’État avait en effet pointé la nécessité que les transcriptions d’enregistrement restent entièrement sous la responsabilité des OPJ ou des agents de police judiciaire (APJ). Mais, entre-temps, M. Richard a déposé un amendement très pertinent qui a été adopté par la commission et intégré à son texte.
Toutes les appréhensions liées aux modalités d’exercice de leurs tâches par les assistants d’enquête n’ont donc plus d’objet grâce au texte de la commission.
Par ailleurs, il n’y a aucune raison qu’un algorithme intervienne à la place d’un agent. Nous avons travaillé sur cette question avec MM. Durain et de Belenet : quand la police utilise ces algorithmes, une intervention humaine est toujours requise. Jamais un algorithme n’est utilisé de manière mécanique, sans contrôle humain.
Les appréhensions de Mme Assassi n’ayant plus lieu d’être, l’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 124, présenté par MM. Kanner et Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 233
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tirant le constat du nouveau contrat opérationnel auquel sont confrontés les sapeurs-pompiers comme principaux acteurs de la sécurité civile, la modernisation nécessaire de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera engagée.
La parole est à M. Patrick Kanner.
Dans le rapport annexé, l’accent est mis sur l’objectif consistant à replacer le ministère de l’intérieur dans le rôle d’organisateur incontournable de la gestion de crise, avec l’ambition, pour y parvenir, de remettre à niveau ses capacités – nous y sommes favorables, naturellement.
Cet amendement s’inscrit pleinement dans cette démarche : nous proposons d’inscrire dans le rapport annexé le renforcement de la formation des sapeurs-pompiers. Je précise que cette demande émane d’un ancien président du plus important service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de France.
À cette fin, nous proposons d’introduire dans le rapport annexé, donc dans la loi, une référence expresse à la nécessaire modernisation de la formation dispensée à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp), qui pourrait s’orienter dans plusieurs directions.
Première direction : nous plaidons pour un repositionnement de l’école comme établissement pilote de la formation des sapeurs-pompiers, ce qui suppose de trancher entre le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’Ensosp.
Deuxième direction : nous souhaitons le maintien du chef-de-filât permanent de l’État dans la gouvernance de l’établissement, qui devrait être subordonné au renforcement des moyens humains de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et à sa transformation en véritable animatrice, aux côtés des élus, du réseau des Sdis.
On pourrait envisager, en troisième lieu, la mutation de cet établissement en un institut national de la protection civile et des situations d’urgence chargé notamment de l’innovation, pôle d’excellence européen qui serait rattaché à l’Institut national du service public, qui a remplacé l’École nationale d’administration (Ena).
M. Kanner ayant beaucoup travaillé sur ces sujets avec notre ancienne vice-présidente Catherine Troendlé, j’aurais tendance à le suivre. Mais la commission a souhaité recueillir préalablement l’avis du Gouvernement. Si cet avis était favorable, celui de la commission le serait également.
Avis favorable : le président Kanner a raison. Nous avons beaucoup d’ambition pour cette école. Un nouveau directeur, vous le savez, a été annoncé ; il connaît bien la profession de sapeur-pompier, mais aussi la gestion de crise.
La perspective que vous dessinez est en partie satisfaite, mais mérite d’être replacée dans un ensemble plus global. Les précisions proposées sont en tout état de cause les bienvenues.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 202, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le lendemain de chaque manifestation durant laquelle les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes, le traitement relatif au suivi de l’usage des armes (TSUA) sera rendu accessible au public.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements suivants n° 203 et 190, qui font l’objet d’une discussion commune avec les amendements n° 100 et 150.
En effet, ces trois amendements, qui se justifient par leur texte même, tendent à prévoir des mesures que nous avions développées dans notre proposition de loi visant à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD).
L’amendement n° 204, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport détaillé et documenté sur les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen, et sur les alternatives à mettre en œuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’amendement n° 204 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 203, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Interdire immédiatement l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre
L’amendement n° 190, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 323 et 324
Supprimer ces alinéas.
Ces deux amendements ont déjà été défendus.
L’amendement n° 100, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 324
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre de ces opérations de maintien de l’ordre, l’usage des lanceurs de balles de défense et des grenades de désencerclement est interdit.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Publié le 20 janvier 2021, le rapport de la commission d’enquête relatif au maintien de l’ordre, rédigé par le député Jean-Michel Fauvergue, préconise l’interdiction de l’usage des LBD.
L’ancienne adjointe du Défenseur des droits en charge de la déontologie, Mme Claudine Angeli-Troccaz, a expliqué la dangerosité d’une telle arme et les risques disproportionnés qu’elle fait courir dans le contexte des manifestations : « Dans une foule mouvante, cette arme imprécise n’atteint généralement pas sa cible et occasionne des blessures graves. Les utilisateurs disent eux-mêmes qu’elle est difficile à maîtriser et que sa marge d’incertitude est grande. »
Le ministère de l’intérieur a toujours été frileux quant à l’encadrement de cette technique, n’émettant le 23 janvier 2019 que des préconisations molles visant à doter « dans la mesure du possible » les tireurs équipés de LBD « d’une caméra-piéton à fixation ventrale de préférence ».
Le maintien de l’ordre doit s’inspirer de doctrines moins frontales. Si le schéma du maintien de l’ordre présenté en décembre 2021 l’évoque, la place réservée aux armes de force intermédiaire reste trop importante. En effet, au cours de l’année 2019, lors des manifestations des « gilets jaunes », de nombreuses personnes ont été mutilées par ces deux armes. Les risques d’infirmités permanentes sont très élevés.
Pour s’engager dans une réelle doctrine de désescalade de la violence, il convient également de prohiber, lors des opérations de maintien de l’ordre, l’usage des grenades de désencerclement, qui ont, elles aussi, été à l’origine de graves mutilations.
Au regard des objectifs du maintien de l’ordre, l’usage de ces armes au cours de manifestations s’avère donc totalement disproportionné.
Face à la multiplication des incidents, le présent amendement, inspiré des travaux de différents groupes parlementaires, vise à supprimer l’utilisation de telles armes lors d’opérations de maintien de l’ordre.
L’amendement n° 150, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 327
Remplacer les mots :
Un investissement massif dans la formation des forces au
par les mots :
Une refonte totale de la doctrine de
II. - Après l’alinéa 327
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La doctrine de maintien de l’ordre du ministère de l’intérieur sera entièrement refondée en suivant une logique de dialogue, d’apaisement et de désescalade. Pour faire évoluer cette doctrine, le ministère engagera une réflexion exigeante avec le monde universitaire. À ce titre, les lanceurs de balles de défense et les grenades de désencerclement ne seront plus utilisés par les forces de l’ordre, ainsi que les techniques dites de « nassage ».
La parole est à M. Thomas Dossus.
Nous souhaitons améliorer significativement les rapports entre la police et la population, même si l’on a compris que, pour vous, monsieur le ministre, tout allait bien… Pour ce faire, nous souhaitons que le rapport évoque non seulement les moyens employés, mais également les finalités et l’efficacité du maintien de l’ordre.
La priorité est non pas l’investissement massif dans la formation, mais plutôt une refonte totale de la doctrine du maintien de l’ordre. Il n’est ni supportable ni acceptable que les forces de l’ordre fassent régulièrement la « une » des journaux nationaux, et désormais internationaux, du fait de la répression violente et inadaptée d’événements en tous genres.
Qu’il s’agisse d’un afflux de supporters anglais pacifiques au Stade de France, des rassemblements de « gilets jaunes », des manifestations – voire des rassemblements – en soutien aux femmes iraniennes, la doctrine est toujours la même et tient en quelques mots : lacrymogènes, grenades de désencerclement, matraques et nasses. Ces méthodes, inefficaces, ont atteint leur limite.
Il est devenu très compliqué de manifester dans ce pays. La doctrine de maintien de l’ordre, qui consiste à considérer les manifestants comme des éléments hostiles, d’où qu’ils viennent, n’aboutit qu’à une montée en tension et au désordre. L’expérience du Stade de France a été éclairante sur l’inefficacité de cette doctrine.
Il est temps d’en finir avec cette militarisation à outrance du maintien de l’ordre et de concevoir des stratégies de désescalade et de dialogue. Si de tels événements se sont produits au Stade de France, que se passera-t-il lors des jeux Olympiques de 2024, quand le monde aura le regard braqué sur nous ?
Il est urgent de changer la doctrine non seulement pour la sécurité des manifestants et des participants aux rassemblements, mais aussi pour les policiers et gendarmes qui subissent cette montée en tension permanente.
Concernant l’amendement n° 202 présenté par Mme Assassi, je l’ai déjà dit hier, il existe des inspections chargées du contrôle de l’activité des services. L’adoption de cet amendement entraînerait des conséquences disproportionnées.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Pour ce qui est des amendements suivants, je l’ai également indiqué hier et le rappellerai ultérieurement si nécessaire, la doctrine de la commission est la suivante. La mission d’information sur les moyens d’action et les méthodes d’intervention de la police et de la gendarmerie dont les rapporteurs sont Maryse Carrère et Catherine Di Folco, qui traite en particulier des doctrines de maintien de l’ordre, procède actuellement à des auditions et remettra un rapport. Nous émettrons un avis défavorable sur tous les amendements ayant un lien avec les sujets relevant de cette mission tant qu’elle n’aura pas remis ses conclusions.
L’avis est donc défavorable sur les amendements n° 203, 190, 100 et 150.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 187, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 235
1° Quatrième et sixième phrases
Supprimer ces phrases.
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
, simplifier la procédure pénale
La parole est à M. Fabien Gay.
Le présent amendement vise à supprimer dans le rapport annexé la description des règles de la procédure pénale comme autant de tâches détachées du cœur de métier de l’investigation. La lourdeur de ces règles est présentée dans ce projet de loi comme la cause principale de la désaffection dont souffre la filière investigation.
Selon nous, la simplification de la procédure pénale telle qu’elle est exposée dans ce texte ne permet pas d’améliorer la qualité des enquêtes. Elle conduit à faire passer aux agents encore plus de temps sur la voie publique, ce qui contredit l’objectif de renforcement de l’attractivité de la filière.
Nous avons déjà eu ce débat hier soir. Comme nous nous sommes efforcés de le démontrer, on peut parfaitement alléger la procédure pénale sans affaiblir la protection des libertés et des droits des citoyens.
Mme Assassi et son groupe ont le mérite de la cohérence, mais nous l’avons aussi : l’avis est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 186, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 236 à 239
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
Nous considérons que la suppression de la condition d’ancienneté de trois ans d’exercice actuellement requise pour passer le concours d’officier de police judiciaire (OPJ) représente un abaissement, non souhaitable, des exigences en termes de recrutement.
Un officier de police judiciaire dispose de pouvoirs coercitifs dont ne dispose pas un agent de police judiciaire (APJ). C’est notamment lui qui prend la décision de recourir à une mesure de garde à vue, sous l’autorité du ministère public, et qui se transporte au domicile du mis en cause en cas de flagrance.
De telles décisions nécessitent mesure et maturité. Il n’est donc en aucun cas judicieux d’abaisser les seuils d’exigence et de trop faciliter l’accès à cette profession de très grande responsabilité.
Lorsque nous les avons auditionnés, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale nous ont indiqué que le niveau du concours ne changerait pas, et que les candidats n’ayant pas le niveau requis ne réussiraient pas les épreuves.
Il faut en outre, pour devenir OPJ, effectuer trente mois de service, dont au moins six mois en tant qu’APJ.
J’ajoute que les élèves qui sortent de l’École nationale de la magistrature, dont le temps de formation est peu près le même, sont tout aussi aptes à mettre en application la procédure pénale que les policiers.
L’avis est défavorable.
Ce point est très important. Dans la suite du débat sur cet article, nous irons sans doute plus vite pour le traiter, mais je tiens d’abord, monsieur le sénateur, à ce que vous compreniez bien pourquoi nous prévoyons cette mesure.
Aujourd’hui, les policiers – pour les gendarmes, le fonctionnement est différent – qui sortent de l’école de police ne peuvent pas passer, même lorsqu’ils souhaitent rejoindre la filière investigation, le bloc OPJ. Ils doivent attendre au moins trois ans. C’est cette disposition du code de procédure pénale que nous voulons modifier, car elle nous paraît inepte. En effet, on n’exige pas la même chose des magistrats qui sortent de l’École nationale de la magistrature, lesquels peuvent devenir facilement – si je puis dire – substitut du procureur. Or les policiers ne sont pas plus bêtes, me semble-t-il, que les magistrats…
Le problème est surtout, dans le système actuel, que l’on ne prête pas attention à la qualité ou au nombre des diplômes dont sont titulaires des policiers qui ont passé un concours de la police parce qu’ils avaient envie de changer de vie. Je connais ainsi beaucoup de gens qui ont une licence, une maîtrise, voire un master de droit, et qui présentent les épreuves du concours de gardien de la paix ; il y en a plein dans les écoles de police…
Il nous a semblé que la seule condition d’ancienneté à partir de la sortie de l’école de police, actuellement requise pour passer le bloc OPJ, n’était pas satisfaisante et qu’il fallait considérer la qualification personnelle du candidat qui souhaite passer ces épreuves.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, lorsqu’un policier reçoit son affectation à la sortie de l’école de police, il met rarement sa vie professionnelle et sa vie personnelle entre parenthèses pour passer un concours – c’est tout le problème des personnes qui passent des concours internes de la fonction publique. Il lui faut parfois davantage de temps pour s’inscrire dans la vie professionnelle qu’il a choisie, surtout s’il est affecté dans une autre ville que la sienne et s’il est un « célibataire géographique ». Un policier ne passe donc pas automatiquement le concours d’OPJ au bout de trois ans d’exercice ; il peut se dire qu’il l’envisagera dans cinq, dix ou quinze ans.
De ce fait, il nous manque en tout 5 000 OPJ, et vous devez sûrement le constater dans votre territoire. Vous êtes en effet nombreux à m’écrire pour me dire qu’il manque des OPJ dans vos commissariats.
Or la difficulté, monsieur le sénateur, c’est que le ministre de l’intérieur que je suis ne peut pas affecter des OPJ dans les commissariats de façon – si j’ose dire – militaire. La seule chose que je puisse faire est d’ouvrir des postes. Et si aucun candidat ne se présente pour occuper un poste ouvert, je ne peux forcer personne à y aller.
Le ministre de l’intérieur ne peut obliger à rejoindre des postes uniquement les policiers qui sortent de l’école de police. Puisqu’aucun policier sortant de l’école de police ne pouvait, jusqu’à présent, passer le concours d’OPJ, je ne pouvais pas affecter dans les commissariats des policiers sortis de l’école ayant la qualification d’OPJ. CQFD !
Demain, en revanche, si vous votez cette disposition qui me paraît de bon sens, je pourrai affecter directement des OPJ dans les commissariats, car je disposerai de deux types d’élèves gardiens de la paix : ceux qui n’ont pas obtenu le concours d’OPJ et ceux qui l’ont réussi.
Enfin, je terminerai ce propos, en complétant les propos de M. le rapporteur, par un point très important.
Nous avons essayé d’avoir de la suite dans les idées. Vous avez voté l’année dernière la disposition faisant passer de huit à douze mois la formation de gardien de la paix. Dans ce délai de quatre mois de formation supplémentaire, les gardiens de la paix passeront le bloc OPJ. Cela ne signifie pas que tous les réussiront. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », comme disait l’autre…
Pour ceux qui ne réussiront pas les épreuves du bloc OPJ, ce n’est pas très grave : ils auront suivi des cours de droit supplémentaires, ce qui ne fait de mal à personne, et surtout pas à un futur policier.
Quant à ceux qui les ont réussies – nonobstant d’ailleurs les trente mois de probation, soit pas loin de trois ans si l’on fait le calcul –, non seulement ils auront passé un concours dont les épreuves, inchangées, sont toujours rédigées, corrigées et présidées par des magistrats, mais ils auront obtenu leur qualification à la fin.
Telle n’est pas la démonstration que vous avez faite, monsieur le sénateur. J’avoue que cette histoire d’OPJ est un peu complexe. Je le répète, j’ai moi-même, après ma nomination en tant que ministre de l’intérieur, découvert que je ne pouvais pas affecter directement des OPJ. C’est le mal dont souffre aujourd’hui la police nationale : beaucoup d’agents procèdent à des interpellations, et peu font des enquêtes.
Je crois donc que vous devriez retirer votre amendement, car cette disposition est de bon sens, et les participants au Beauvau de la sécurité peuvent en témoigner.
M. le président. Monsieur Gay, après trois minutes quarante-cinq d’une intervention pleine de conviction de M. le ministre, auriez-vous la bonté d’âme de retirer l’amendement n° 186 ?
Sourires.
Monsieur le président, je me permets de faire état d’un certain malaise : depuis maintenant un très long temps, nous examinons sous forme d’amendements, dans le cadre d’une procédure législative, les dispositions générales d’un rapport qui n’a pas de caractère législatif. Il me semble donc qu’il y a eu une erreur de manœuvre de la commission, laquelle a consenti à ce que tout cela donne lieu à une sorte de procédure législative « en l’air ».
Dans le cas particulier, je trouve que l’amendement de nos collègues du groupe communiste manque un peu de la qualité habituelle de leurs propositions puisque nous allons examiner un article législatif qui portera exactement sur le même sujet. Nous en aurons donc parlé deux fois, donc l’une aura été rigoureusement inutile.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 240 à 253
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
Sourires.
Le présent amendement vise à supprimer dans le rapport annexé la sous-section intitulée « Alléger le formalisme procédural et simplifier la procédure pénale ».
Vous le savez, nous rejetons formellement l’allégement du formalisme procédural et la simplification de la procédure pénale, laquelle doit préserver un équilibre entre l’objectif de recherche, la poursuite des infractions, et la garantie de la liberté et des droits des citoyennes et des citoyens.
Nous refusons la dématérialisation du dépôt de plainte et de son suivi. La volonté d’aller vite s’entend, que ce soit pour les victimes ou pour les enquêteurs. Mais encore faut-il ne pas priver les victimes d’un accueil humain et physique ! Et quand bien même l’utilisation d’une telle dématérialisation servirait uniquement pour les atteintes aux biens, l’aspect cathartique pour la victime du déplacement au commissariat n’est, selon nous, pas à négliger.
L’amendement n° 226, présenté par MM. Daubresse et L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 242
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, la qualité d’agent de police judiciaire sera attribuée aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu’ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Les prérogatives des agents de police judiciaire seront par ailleurs renforcées afin qu’ils puissent mieux concourir aux investigations conduites par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle de ces derniers.
II. – Après l’alinéa 252
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- Étendre la liste des actes que les enquêteurs sont autorisés à accomplir, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, lors des enquêtes sous pseudonyme.
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 77, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 245
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle, qui fait l’objet de l’alinéa que nous souhaitons supprimer.
Selon le professeur de droit Olivier Cahn, « le recours à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle transfère aux forces de l’ordre non seulement la charge de la qualification de l’infraction mais l’opportunité de décider d’une répression minorée et accélérée, ce qui privera le parquet de la possibilité d’exercer son pouvoir d’opportunité des poursuites ».
La généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle va étendre l’application de mesures intrusives ou coercitives, prises sans contrôle préalable d’une autorité juridictionnelle, au mépris des dispositions de l’article 40-1 du code de procédure pénale, lequel prévoit qu’il revient au procureur d’apprécier l’opportunité des poursuites.
Nous parlions précédemment, monsieur le ministre, de disparités territoriales dans l’application de la politique pénale, qui dépend du procureur et des circulaires. Il ne vous aura pas échappé qu’il y a, dans ce cas précis, le risque d’une application disparate selon les juridictions.
Le Syndicat des avocats de France (SAF), de son côté, pointe un autre élément. Il se dit très inquiet quant aux difficultés de faire un recours contre ces amendes. Le recours n’est pas suspensif, et l’on ne prévient pas les intéressés qu’ils peuvent contester ces amendes devant le tribunal de police.
Selon le même syndicat, parce qu’ils n’étaient pas au courant de la possibilité de recours, des jeunes issus de certains quartiers défavorisés – disons le mot – auraient ainsi contracté plus de 10 000 euros de dettes avec ces amendes, qu’ils ne peuvent pas payer.
Par cette généralisation, nous assistons à une politique de contournement de la justice répressive, dont les potentielles dérives ne feront qu’accroître le sentiment de défiance des citoyens vis-à-vis de leur police. Or c’est un point que nous voulions mettre en avant lors de cette discussion.
Je voudrais, tout d’abord, dire à M. Richard que la commission n’a pas du tout commis d’erreur de manœuvre. Nous aurions effectivement pu dire : « Mesdames, messieurs les parlementaires, ce rapport d’orientation n’a de portée ni normative ni législative, et nous serons donc défavorables à tous les amendements ». Tel n’est pas l’usage au sein de la commission des lois, et ce n’est pas ce que m’a demandé de faire le président Buffet.
Au cours de ma longue vie de parlementaire, j’ai connu un ministre communiste qui avait inauguré le débat sur une loi très importante, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, en annonçant qu’il ne lirait pas les amendements de l’opposition, quels qu’ils soient, et qu’il les rejetterait. Je ne trouve pas cela correct. Nous sommes des parlementaires, et il est logique que chacun d’entre nous puisse s’exprimer et que nous puissions réitérer certains arguments. Depuis hier, M. le ministre passe beaucoup de temps à développer ses arguments et fait preuve d’une grande pédagogie. §On est d’accord ou pas avec ses propos, mais au moins obtient-on des explications importantes, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé, quels que soient les gouvernements…
Nous sommes, les uns et les autres, dans notre rôle. Ce n’est pas une erreur de manœuvre : nous avons voulu que le débat parlementaire se déroule en toute connaissance de cause !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Cela étant dit, l’avis est défavorable sur les amendements n° 188 et 77, qui sont presque des amendements de coordination par rapport aux positions prises préalablement par leurs auteurs, et sur lesquelles j’avais émis un avis défavorable.
Par coordination, là encore, j’émets donc un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 189, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 255
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Parallèlement au positionnement des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries, il conviendra d’introduire un agent de police judiciaire, extérieur à l’enquête, garant des droits et des libertés de la personne gardée à vue, ayant pour mission la vérification du respect des garanties procédurales pendant la garde à vue.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Nous considérons que l’idée d’introduire des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries est bonne, car cette mesure contribue à l’efficacité de l’enquête. Pour autant, elle n’est pas satisfaisante.
Pour renforcer les droits des gardés à vue, mais également des victimes, il convient d’introduire au sein des commissariats et des gendarmeries des agents de police judiciaire ne prenant pas part à l’enquête, et dont la mission serait de vérifier le respect des garanties procédurales tout au long de la garde à vue.
Nous considérons, en outre, qu’il est nécessaire d’aller dans le sens d’un renforcement de la procédure pénale et non d’une simplification. Les métiers de la sécurité intérieure doivent pouvoir être exercés sereinement ; c’est pourquoi l’instauration d’un agent de police judiciaire extérieur à l’enquête permettrait de prévenir tout vice de procédure et consoliderait celle-ci, en évinçant les causes de nullité susceptibles de l’entacher.
Ainsi, les agents de police judiciaire exerceraient leurs fonctions sans cette épée de Damoclès : voir une procédure annulée pour ne pas avoir respecté certaines obligations procédurales. Ces agents recevront une formation spéciale destinée à prévenir toute atteinte aux droits et libertés fondamentales des gardés à vue, notamment en termes de respect de leur dignité.
Soucieux de la pression subie par les agents de police judiciaire et des atteintes aux droits et libertés fondamentales susceptibles – je dis bien « susceptibles » – d’intervenir dans le cadre de la garde à vue au sein des commissariats et des gendarmeries, nous proposons au travers de cet amendement un encadrement de ladite garde à vue.
Il s’agit, là encore, d’un procès d’intention !
C’est le rôle des policiers et des gendarmes que de garantir le respect des procédures, et c’est aussi celui des délégués du procureur, quand il y en a. Il n’est donc pas utile d’ajouter un agent spécifique pour assurer cette mission. Toutes les garanties entourent la garde à vue et les avocats, qui sont présents lors de cette procédure, peuvent le vérifier.
L’avis est donc défavorable.
Je suis très étonné par cet amendement de Mme Assassi… D’une part, elle opère un contresens par rapport à la disposition qu’elle souhaite amender. D’autre part, ce n’est pas le rôle d’une personne extérieure que de regarder ce qui se passe dans un commissariat.
Je le rappelle, les OPJ, par définition, agissent sous l’autorité du procureur de la République, qui peut retirer leur habilitation.
Cet amendement aurait pu avoir un sens si l’avocat n’était pas présent dès la première heure de garde à vue. Car s’il y a une personne qui peut critiquer la façon d’appliquer la procédure de garde à vue, c’est bien l’avocat ! Si vous me permettez de le dire, voilà une proposition qui n’est pas du niveau des amendements habituels du groupe communiste…
Quant au délégué du procureur, il n’est pas du tout là pour vérifier le fonctionnement de la procédure. Si vous relisez bien le projet de loi, madame la présidente, vous verrez que son rôle sera d’améliorer la chaîne pénale entre police et justice.
Ainsi, le délégué du procureur – et non plus les policiers – fera les rappels à la loi, les rappels probatoires. Il y a un certain nombre de dispositions dont on attend aujourd’hui beaucoup en cours de procédure, comme le prononcé de « petites peines » par le procureur ou le substitut. Faire venir les procureurs, et donc leurs délégués, dans les commissariats permettra que la chaîne pénale soit rapide et efficace en termes de prononcé de la sanction.
C’est non plus le contrevenant qui se rendra devant le procureur, mais le procureur et son délégué qui viendront dans le commissariat pour prononcer des peines – celles qui sont acceptables dans cet objectif de rapidité de la sanction.
Il s’agit là d’une énorme simplification de la procédure pénale. Je dirai même, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est une révolution. Jusqu’à présent, on n’avait jamais fait venir de délégué du procureur pour tenir de petites audiences, en vue de prononcer plus vite les sanctions.
Votre amendement n’est donc pas conforme à l’esprit du présent texte, madame la présidente Assassi. Par ailleurs, il traduit une certaine distance par rapport au travail des policiers, que par ailleurs – je le sais – vous soutenez.
Sourires.
L’amendement n° 189 est retiré.
L’amendement n° 132, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 261
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Des mesures concrètes seront prises pour faire face à la crise climatique, face à laquelle les forces de l’ordre ont un rôle à jouer, notamment en renforçant leurs actions de prévention, contrôle et répression des atteintes à l’environnement, en augmentant leurs moyens financiers et effectifs dédiés, et en assurant une formation et sensibilisation transversale de toutes les forces de police sur ce sujet et ses enjeux.
La parole est à M. Guy Benarroche.
L’alinéa 259 du rapport évoque le réchauffement climatique comme un risque à venir, alors qu’il est bien réel et que nous le subissons déjà. Cet amendement vise donc à renforcer les mesures de police pour faire face à une délinquance qui contribue au réchauffement climatique.
On sait que la catastrophe climatique et le risque pesant sur la biodiversité sont des facteurs d’insécurité réels dans nos vies. Dans ce contexte, la délinquance environnementale est dangereuse. Elle se manifeste, vous le savez, au travers de pratiques condamnables contre lesquelles nos maires, surtout ceux des petites communes, ont énormément de mal à lutter. Pour certains, l’issue de cette lutte a même été fatale. Voilà pourquoi cet élément devrait occuper une place beaucoup plus importante dans le texte que nous examinons.
L’amendement tend donc à développer les mesures que les forces de l’ordre pourraient mettre en œuvre afin d’être formées sur les conséquences réelles du changement climatique, mais aussi afin de prévenir, contrôler et sanctionner les atteintes à l’environnement à une plus grande échelle, et de consacrer ainsi le rôle de protecteur de la nature de la police. Celle-ci a un réel rôle à jouer dans ce domaine : sensibiliser à la protection de notre environnement ; protéger notre propriété commune ; contrôler et sanctionner ceux et celles qui polluent en toute impunité. Ces mesures seront très utiles aux collectivités territoriales et à tous nos territoires.
Nous n’avons pas d’objection majeure à l’adoption de cet amendement, qui prévoit des « mesures concrètes ».
M. le ministre nous ayant dit, hier, qu’il avait écrit lui-même les 90 pages de son rapport, nous allons lui demander si, à son avis, ce paragraphe peut s’y intégrer… §S’il nous répond positivement, j’émettrai un avis favorable.
Nouveaux sourires.
Or, j’ai bien écrit ce texte, avec les voyelles en bleu et les consonnes en rouge ; c’est vous dire à quel point j’y ai mis du mien !
Je suis favorable à cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 149, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 298
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La gestion du risque nucléaire et radiologique devra prendre une place toute particulière dans cette politique nouvelle de gestion du risque. Les actions de sensibilisation et de formation aux gestes qui sauvent devront prendre en compte ces risques. À ce titre, le ministère s’assurera que les stocks stratégiques de pastille d’iode sont bien au niveau nécessaire et avec un maillage territorial suffisant pour couvrir les besoins de la population en cas de catastrophe nucléaire ou radiologique.
La parole est à M. Thomas Dossus.
Le rapport annexé annonce l’ambition de développer la culture du risque chez nos concitoyens via des actes de formation et de sensibilisation, avec la participation de la population – on parle de risques industriels, évidemment.
Cette politique doit être saluée, notamment lorsqu’elle témoigne, comme c’est le cas dans le rapport, d’une prise en compte des conséquences du dérèglement climatique qui touche déjà, et touchera encore plus fortement à l’avenir, les populations.
Cette prise de conscience salutaire des enjeux de résilience peut être encore améliorée si on lui adjoint un autre risque, dont on parle peu, mais qui, pourtant, est loin d’être nul au vu de la politique énergétique de notre pays : le risque nucléaire et radiologique.
Qu’ils soient militaires ou civils, volontaires ou accidentels, directs ou indirects, le risque nucléaire et radiologique est spécifique de par son impact potentiel et les dommages qu’il peut entraîner sur les biens et les populations.
Dans un pays qui compte parmi les puissances nucléaires et qui dispose de 56 réacteurs en activité, ou presque, ce risque doit faire l’objet d’une attention particulière. Et si nous avons perdu une partie de notre savoir-faire en matière d’entretien des centrales, il est temps de se réassurer que nous sommes capables de gérer une telle menace.
Nous souhaitons donc que la gestion de ce risque soit enseignée partout, avec les bons gestes, les bonnes pratiques et les exercices collectifs qui s’imposent.
Nous aimerions, parallèlement, que soit amorcée une réflexion sur l’évolution des seuils du plan particulier d’intervention des centrales nucléaires, aujourd’hui fixé à 20 kilomètres. Dans le cas de Lyon, la centrale du Bugey est à 30 kilomètres de la place Bellecour, donc trop éloignée pour participer à la commission locale d’information (CLI). Il est temps de revoir ces périmètres.
Outre l’évolution de ces seuils, nous souhaitons que le ministère s’assure que les pastilles d’iode qui protègent les organismes exposés aux radiations soient en quantité suffisante pour toute la population ; les réponses à nos questions sur ce point sont plutôt évasives du côté des services préfectoraux.
Au vu de la politique nucléaire, à la fois civile et militaire, de notre pays, l’ajout de ces risques au plan de sensibilisation prévu par le rapport nous semble relever du bon sens
Que le ministère de l’intérieur prévoie dans le rapport d’orientation, dans le cadre de la gestion de certains risques, de sensibiliser la population à l’éventualité d’une catastrophe de ce type, je suis d’accord ; mais cela est déjà écrit dans le rapport !
En revanche, le fait d’entrer dans les détails, comme vous le faites, par exemple en prévoyant le volume des stocks stratégiques de pastilles d’iode, cela doit relever du ministère de l’environnement ou prendre place dans une loi environnementale, tout comme le sujet des masques sanitaires pour se protéger du covid-19 relevait du ministère de la santé…
Une telle disposition n’ayant pas sa place dans ce texte, l’avis est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Kanner, Mme Harribey, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 320
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Dans cet objectif, il conviendra, à la lumière du retour d’expérience des événements climatiques extrêmes de l’année 2022, d’encourager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours là où le risque a évolué, et de créer des centres de première intervention dotés d’une réponse de proximité spécifique dans les massifs exposés au risque de feux de forêts et d’espaces naturels.
De même, s’agissant d’un service public essentiel, l’inscription dans la loi de la subordination de toute fermeture de centre d’incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège sera envisagée.
La parole est à M. Patrick Kanner.
Cet amendement porte sur la consolidation du maillage territorial des centres d’incendie et de secours. Je profite de cette prise de parole pour remercier les rapporteurs et la commission des lois d’avoir émis un avis favorable, dès la discussion en commission du rapport annexé, sur la question des pactes capacitaires des services d’incendie et de secours, pour aboutir à une répartition des moyens mieux proportionnée au risque.
Mais, car il y a un mais – et l’actualité nous oblige à évoquer ce point –, nous assistons depuis vingt ans à une baisse draconienne du nombre de centres d’incendie et de secours. Les chiffres sont les suivants : leur nombre est aujourd’hui de 6 154, soit 25 % de moins qu’il y a vingt ans – 2 544 centres ont ainsi disparu.
Cette situation est bien sûr liée à la départementalisation : celle-ci a eu de très bonnes conséquences en termes de moyens matériels, mais a abouti à une forme de rationalisation territoriale, qui peut aujourd’hui nous interpeller.
Nous sommes engagés auprès des sapeurs-pompiers, qui sont sollicités, à la fois, pour lutter contre les incendies – je pense notamment aux feux de forêt de cet été –, et pour porter secours aux personnes, un secteur d’intervention en forte expansion. La soutenabilité de cette situation pose question.
Nous proposons, par cet amendement, deux pistes.
Tout d’abord, envisager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours fermés, après une analyse circonstanciée.
Ensuite, subordonner toute fermeture de centre d’incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège – il s’agirait d’une simple consultation et non d’un avis qui serait opposable au département. Il serait en effet souhaitable d’associer les maires avant toute décision au regard de l’évolution des besoins de notre pays.
Nous sommes favorables à la deuxième partie de l’amendement.
Notre doctrine, qui s’applique à d’autres sujets connexes, est la suivante : le maire ou le conseil municipal, selon ce que prévoit la loi, est systématiquement consulté sur la fermeture éventuelle d’établissements, comme cela se fait, en matière scolaire, en cas de fermetures de classe.
Sur la première partie de l’amendement, nous comprenons très bien l’intention de M. Kanner. Néanmoins, s’il faut ouvrir des centres de secours, il nous semble que c’est aux services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) de le faire.
L’avis de la commission est toutefois favorable.
J’émets un avis de sagesse sur cet amendement.
Dès lors que l’on décentralise, nous devons accepter que ceux qui décident soient ceux qui sont en lien avec leur territoire, en l’occurrence le département et donc le Sdis. Vous êtes un expert des communes, monsieur Kanner : je ne vois pas pourquoi l’État devrait intervenir dans le fonctionnement de ces services, même si je comprends bien votre volonté.
Certes, mais ce sujet pourrait conduire à de petites anicroches avec les collectivités territoriales.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 93, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le pacte capacitaire doit également être déployé pour des investissements de renouvellement et pour des frais de fonctionnement.
La parole est à M. Guy Benarroche.
J’appelle donc en discussion les amendements n° 92, 110 et 91.
L’amendement n° 92, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La construction d’un pacte capacitaire national en mesure de répondre aux situations de crises doit conduire à poursuivre l’ambition d’atteindre un parc de 10 000 véhicules camions-citernes feux de forêts (CCFF) répartis sur l’ensemble du territoire, dans les dix ans à venir.
L’amendement n° 110, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 322
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans l’objectif d’alléger la charge financière pour les services d’incendie et de secours, le Gouvernement harmonisera les allégements de taxes dont bénéficient seulement à ce jour quelques types de véhicules.
L’amendement n° 91, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 322
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
Est créée dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction de la protection de la forêt chargée de mettre en œuvre la politique de l’État en matière de prévention des incendies.
Chaque département se dote d’un Plan départemental de Protection de la forêt contre l’incendie, dans l’objectif d’organiser des aménagements de défense de la forêt contre l’incendie nationalement normalisés et de simplifier les démarches administratives d’aménagement.
Le Gouvernement s’engage enfin à relancer et accroître significativement le fonds d’aide à l’investissement en matière de lutte contre les feux de forêt et d’espaces naturels.
Veuillez poursuivre, monsieur Benarroche.
Ces amendements, qui ont trait aux Sdis, sont pour la plupart issus de discussions que j’ai eues avec Grégory Allione.
Par l’amendement n° 93, nous souhaitons prévoir que le pacte capacitaire, qui pourrait éventuellement être modifié et augmenté, puisse servir à financer, au-delà de l’achat initial de véhicules, leur renouvellement et leurs frais de fonctionnement.
Nous savons que les besoins capacitaires de la sécurité civile doivent être réévalués. Le financement des frais de fonctionnement se complexifie, et le pacte capacitaire joue à cet égard un rôle de verrou. Je rappelle que ces véhicules peuvent être amenés à servir à plusieurs Sdis, dans divers endroits. Leur achat initial est financé par une mutualisation des moyens, qui ne vaut pas pour l’entretien. L’objet de cet amendement est donc d’étendre les capacités d’utilisation du pacte capacitaire.
Par ailleurs, l’ampleur du cofinancement envisagé par l’État nous semble insuffisamment documentée, alors que le fléchage budgétaire est indispensable pour participer à l’acquisition mutualisée de moyens exceptionnels entre les Sdis.
Les évolutions prévues nous semblent, de plus, sous-évaluées à la lumière des besoins capacitaires de la sécurité civile, et en particulier des Sdis, pour faire face à l’intensification en nombre, en ampleur et en périmètre des crises, qui sont la conséquence de l’inaction climatique.
Une intensification de la trajectoire pluriannuelle de la sécurité civile doit être envisagée pour accroître et moderniser les moyens matériels. Nous demandons donc au Gouvernement qu’il s’engage à construire un pacte capacitaire permettant de doter le parc de 10 000 véhicules de camions-citernes feux de forêt dans les dix années à venir, contre les 3 700 prévus. Tel est l’objet de l’amendement n° 92.
L’amendement n° 110 se fonde également sur les échanges que nous avons eus avec les acteurs de terrain – dont nous saluons l’engagement et le travail – au cours desquels nous avons pris la mesure de l’usure causée par les sinistres et donc de la nécessité du renouvellement de certains véhicules.
Selon ces acteurs, la taxation des véhicules lourds n’est pas la même selon la destination des véhicules : les citernes et véhicules porteurs d’eau ne sont pas taxés alors que les véhicules qui les accompagnent le sont. Prenons l’exemple de trois véhicules porteurs d’eau accompagnés d’un autre véhicule ; les économies réalisées par l’absence de taxation de ce quatrième véhicule permettraient d’acheter un véhicule supplémentaire.
La justification de la différence de taxation entre les différents véhicules ne leur semble pas cohérente : aussi l’objet de l’amendement est-il d’exonérer tous les types de véhicules de taxation.
J’en viens à l’amendement n° 91. D’ici à 2050, près de 50 % des forêts et des landes métropolitaines seront sujettes à un risque élevé d’aléa incendie : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a ainsi montré que les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 %.
Ces données obligent le Gouvernement à envisager, dans un plan de programmation, de renforcer les services de pilotage, de prévention et d’application des règles, afin d’améliorer la réponse préventive et opérationnelle des feux de forêt.
Du reste, les échelons locaux sont également essentiels dans cette réflexion.
Concernant les orientations budgétaires annoncées dans le rapport annexé, nous demandons une réponse forte du Gouvernement aux besoins capacitaires de la sécurité civile, et en particulier des Sdis. Les événements climatiques extrêmes auxquels la France a été confrontée en 2022 font apparaître la nécessité d’un renforcement de l’effort budgétaire, notamment pour lutter contre les feux de forêt.
En ce qui concerne l’amendement n° 93, même si je sais que cette remarque risque de hérisser M. Benarroche, il nous a semblé que la mention demandée était superfétatoire.
Sur l’amendement n° 92, pourquoi ce chiffre de 10 000 véhicules ? Le Gouvernement s’expliquera, mais je ne pense pas que cet objectif ait sa place dans un tel rapport.
L’amendement n° 110 est relatif à la taxation des véhicules : le sujet est intéressant, mais il ne peut – et ne doit – pas figurer dans un texte de ce type. Transmettons-le à la commission des finances pour qu’elle étudie le sujet, car ce n’est pas dans un texte d’orientation que l’on doit régler des problèmes de disparités de taxation.
La création de directions de la protection de la forêt et la mise en place de plans départementaux de protection de la forêt contre l’incendie, qui font l’objet de l’amendement n° 91, tendant à alourdir la gouvernance, alors qu’il faut, à l’inverse, la simplifier.
J’émets donc un avis défavorable sur les quatre amendements.
J’émets également un avis défavorable sur ces amendements, mais je voudrais apporter quelques précisions.
Tout d’abord, vous faites souvent remarquer, monsieur Benarroche, que les collectivités locales manquent de financements pour les Sdis. Je rappelle qu’un quart de leur financement est assuré par l’État.
Par ailleurs, la taxe spéciale sur les conventions d’assurances doit-elle être versée, en miroir, à 100 % aux Sdis ? Actuellement, ce n’est pas le cas, vous le savez tous ; les départements – je ne leur jette pas l’opprobre – ont d’autres problèmes. Peut-être que cette taxation ne serait de toute manière pas suffisante, eu égard au réchauffement climatique, pour couvrir les besoins capacitaires des Sdis.
Le Président de la République a annoncé qu’un travail sera mené sur cette question, qui intéresse particulièrement la Haute Assemblée. Lors de mon audition sur ce texte, le président de la commission des lois a fait intervenir Mme la rapporteure pour avis chargée des questions de sécurité civile dans le cadre de l’examen du budget.
Nous pourrons être associés à ces discussions, mais je ne suis pas certain que l’on puisse ainsi, « à la grosse », fixer un chiffre – 3 000, 5 000, 10 000 ou 20 000 véhicules. Je ne peux pas, monsieur le rapporteur, m’expliquer sur un chiffre que je ne connais pas assez. Il faudra mettre en rapport les capacités avec le réchauffement climatique que nous allons connaître. Nous ne pouvons pas fixer un nombre de camions sans connaître l’ampleur de ce changement climatique sur notre territoire national, y compris ultramarin.
Je rappelle par ailleurs que les directions de la protection des forêts que vous proposez, indépendamment de l’alourdissement de la gouvernance évoqué par M. le rapporteur qu’elles induiraient, dépendraient du ministre de la transition écologique. La gestion des forêts revient au ministère chargé de l’écologie ; la sécurité civile et la protection contre les incendies, au ministère de l’intérieur. Donc, là encore, si cette proposition est entendable, elle n’a pas sa place dans le texte du ministère de l’intérieur.
Enfin, la taxation que vous évoquez, monsieur Benarroche, outre le fait qu’elle dépende de la loi de finances – vous l’examinerez très bientôt –, ce sont en fait des malus écologiques. Ce que vous proposez est paradoxal pour un écologiste : il s’agit d’un allégement de fiscalité pour un camion qui pollue.
Alors peut-être ce camion pollue-t-il parce que nous ne savons pas produire d’équivalent non polluant – c’est une autre question –, mais je fais remarquer à la Haute Assemblée qu’il s’agit non pas d’une taxation pour le bien de l’État, mais bien d’un malus écologique. Doit-on contrôler certains secteurs plus que d’autres quand on est écologiste ? C’est une question intéressante à laquelle je vous laisse réfléchir avec votre groupe.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas très bien lorsque vous me dites que nous ne savons pas ce qui se passera dans les prochaines années en matière de réchauffement climatique. Sincèrement, on nous disait la même chose il y a dix, vingt ou trente ans alors que les chiffres étaient déjà connus et qu’ils sont avérés aujourd’hui…
Vous pouvez lire les rapports, notamment ceux du Giec, qui nous annoncent précisément ce qui va se passer, dans le meilleur des cas, au cours des prochaines décennies. Les éléments pour nous permettre de réfléchir, nous les avons !
Par ailleurs, je n’ai pas bien compris, monsieur le rapporteur, ce que vous trouviez superfétatoire concernant l’utilisation des pactes capacitaires. Il me paraît assez clair que nous ne pouvons actuellement les utiliser que pour l’achat initial de véhicules et non pour le renouvellement et l’entretien.
Nous demandons juste que cela soit permis ; je le redis, je ne vois pas ce qu’il y a de superfétatoire.
Ces amendements sont, d’une certaine manière, intéressants, car il est vrai que l’équipement est un problème important pour tous les Sdis. Les incendies de forêts, particulièrement dramatiques cette année, mais aussi les années antérieures, laissent entrevoir les besoins en moyens techniques, en plus des moyens humains – professionnels et volontaires – qui sont indispensables.
Je comprends ces amendements parce que les moyens humains, le mode de fonctionnement et la capacité d’investissement des Sdis et des centres de secours sont variables d’un département à l’autre.
De plus, les Sdis dépendent d’une double autorité – les préfets, d’un côté, et les présidents de conseils départementaux, de l’autre. Leur financement est tributaire de l’ensemble des collectivités territoriales, avec une participation importante des conseils départementaux, des intercommunalités et des communes, pour l’établissement de leurs budgets annuels.
Je me rallierai néanmoins à la position du rapporteur.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 89, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 326
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En dehors de ces événements particuliers, ces nouvelles unités ne pourront pas être déployées pour d’autres opérations de maintien de l’ordre, notamment pour l’encadrement de manifestations.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Le rapport annexé prévoit la création de 11 nouvelles unités de forces mobiles (UFM) censées venir renforcer – selon les termes employés – les dispositifs liés aux grands événements des années à venir : Coupe du monde de rugby de 2023 et jeux Olympiques de 2024.
Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, la discussion de ce rapport n’a pas fait apparaître une volonté de la part du ministre de l’intérieur de modifier la doctrine de maintien de l’ordre que mon collègue Thomas Dossus a décrite et que nous avons eu l’occasion d’étudier lors du travail mené par le Sénat sur les incidents survenus au Stade de France.
Nous nous interrogeons sur l’objectif de ces nouvelles forces mobiles au-delà des deux événements mentionnés. Il va falloir former, entraîner et utiliser ces forces avant ces échéances. Qu’en ferons-nous après ces événements sportifs, alors qu’elles sont destinées – on l’a dit, et c’est écrit – à faire face à des affrontements violents ?
Comment seront-elles déployées ? Seront-elles utilisées lors d’autres événements publics tels que des manifestations ? On ne recrute et on ne forme pas des agents seulement pour deux événements. Certaines de ces unités pourraient-elles être testées, dans le cadre d’exercices, à l’occasion de mouvements sociaux ? Car nous connaissons déjà les résultats de cette doctrine de maintien de l’ordre.
Nous souhaiterions donc obtenir de la part du ministre des précisions sur ces nouvelles unités. Pour notre part, nous proposons que celles-ci ne puissent pas être déployées pour d’autres opérations de maintien de l’ordre, notamment pour l’encadrement des manifestations.
Alors que le ministre a obtenu de haute lutte le financement de onze nouvelles unités mobiles – ce qui est une inversion de tendance par rapport à ce qui se passait jusqu’à présent –, il faudrait décider de ne les dédier qu’à la Coupe du monde de rugby et aux jeux Olympiques et à rien d’autre ?
Compte tenu de tout ce qui se passe dans notre pays, et des problèmes d’autorité et de maintien de l’ordre que nous rencontrons, ce serait une sacrée gestion des ressources humaines !
La commission émet un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 94, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 335 à 358
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Nous souhaitons supprimer les alinéas 335 à 358 parce que nous considérons que la politique migratoire et la politique d’asile doivent dépendre non plus du ministère de l’intérieur, mais d’un ministère dédié.
La politique migratoire concerne de nombreux domaines de politiques publiques et ne doit plus être envisagée sous le seul angle sécuritaire : elle n’a pas uniquement trait à l’admission sur le territoire, mais également à nos politiques en matière de travail et d’emploi, ainsi qu’à nos politiques sociales, de santé, de logement et d’éducation. Le défi majeur, qui doit être envisagé sous tous ces aspects, est l’intégration.
Aussi faut-il créer un ministère dédié à la politique d’immigration, d’accueil et d’intégration afin de cesser de considérer le phénomène des migrations comme un problème à régler. Il faut passer à une logique d’accompagnement dans l’intérêt des personnes migrantes comme du pays d’accueil.
L’amendement n° 95, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 335
Compléter cet alinéa par les mots :
grâce à une politique d’accueil digne, intégrée à l’échelon communautaire
II. – Alinéa 336
Remplacer les mots :
des moyens innovants de contrôle et de surveillance
par les mots :
du rétablissement plein et entier de l’Espace Schengen et d’une solidarité européenne renforcée en matière d’accueil
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement tend à renforcer la solidarité européenne en matière d’accueil.
Depuis 2015, la militarisation aux frontières s’intensifie : doublement d’effectifs en 2020, déploiement de l’opération Sentinelle, renforcement des contrôles, lutte contre le terrorisme… Ces effets d’annonce contribuent à criminaliser l’asile et à pointer l’immigration comme un problème de sécurité nationale. Mais pour quels résultats ?
Il s’agit d’une politique vaine, coûteuse, inefficace et dangereuse, qui détourne – nous l’avons évoqué à plusieurs reprises – les agents de la police aux frontières (PAF) de leur mission de base concernant le trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains.
Plus que toute surveillance renforcée grâce à des moyens technologiques de pointe, la sécurisation des frontières françaises ne saurait s’entendre que dans une perspective européenne…
… qui passe par le rétablissement de l’espace Schengen – nous aurons d’autres amendements sur ce sujet –, suspendu depuis 2015, et par une refonte totale de la politique d’accueil de l’Union européenne pour renforcer la solidarité entre ses États membres et favoriser un accueil digne des personnes exilées et réfugiées.
L’amendement n° 96, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 337 et 338
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
Œuvrer à la transformation de Frontex
La France soutiendra une refonte de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. Au lieu de participer à des refoulements aux frontières contraires au droit international de l’asile, d’opérer dans des pays tiers et de rapatrier des personnes migrantes en situation irrégulière, ses activités devront être recentrées sur le sauvetage en mer et les opérations humanitaires. Elles doivent contrôlées par le Parlement européen, en particulier dans le domaine du respect des droits humains, du droit international et de son devoir de vigilance et d’alerte concernant les refoulements illégaux de migrants.
La France plaidera donc pour le renforcement des actions humanitaires de recherche et d’assistance de Frontex en mer et le soutien des bateaux civils et d’ONG, conformément au droit maritime international.
La France portera les recommandations du groupe de contrôle de Frontex dans son rapport rendu le 21 juillet 2021 et notamment :
- la nomination de 40 officiers de protection des droits fondamentaux et la mise en place d’un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux ;
- la création d’un mécanisme efficace de signalement des incidents graves pour la surveillance des droits fondamentaux.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement porte sur la transformation de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).
Forte d’un effectif de 700 personnes et d’un budget de 544 millions d’euros en 2021, Frontex constitue la plus importante agence européenne. Elle devrait bénéficier, à l’horizon 2027, d’un contingent de plus de 10 000 agents opérationnels et d’un budget qui va frôler le milliard d’euros. Son développement exponentiel depuis 2015 pour faire face à l’immigration, notamment avec des agents armés, devrait se poursuivre dans une transparence exemplaire.
Depuis près de deux ans, Frontex fait face à de multiples accusations de la part d’ONG, de médias et de la Commission européenne. Ces attaques, additionnées au rapport de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), ont d’ailleurs poussé son directeur exécutif, M. Leggeri, à la démission le 28 avril dernier.
Ce rapport de l’Olaf, jamais intégralement publié, ferait ressortir plusieurs accusations, notamment un non-respect des procédures, des violations des droits fondamentaux, un manque de loyauté envers l’Union européenne et une mauvaise gestion du personnel de l’agence – rien que ça !
Les accusations d’implication de Frontex dans de mauvais traitements, au moins de manière indirecte, remontent à plusieurs années, et se sont intensifiées depuis 2019, date à partir de laquelle les moyens de l’agence ont été décuplés.
En 2019, plusieurs enquêtes menées par des médias d’investigation ont dénoncé la responsabilité de l’agence qui a toléré des maltraitances de la part de garde-frontières en Hongrie, en Grèce et en Bulgarie. Des accusations portaient également sur des agents de Frontex, lesquels auraient par exemple expulsé des mineurs non accompagnés. L’agence avait alors répondu ne pas avoir « autorité sur le comportement des polices aux frontières locales ».
En octobre 2020, une nouvelle enquête de plusieurs médias rapportait l’implication d’agents de Frontex dans des refoulements illégaux de personnes cherchant refuge en mer Égée. L’enquête révélait notamment qu’un avion de Frontex avait pris des photos montrant comment un navire des garde-côtes grecs repoussait un bateau dans les eaux territoriales turques.
Alors que les refoulements, pratiques illégales au regard du droit international, font désormais partie des stratégies d’éloignement de nombreux États européens – Chypre, Malte, Grèce, Lituanie, Pologne et Espagne –, l’implication de Frontex dans ces mauvais traitements est inacceptable.
La militarisation de nos frontières a tué plus de 44 000 personnes depuis 1993 : celles-ci se sont noyées en Méditerranée, ont été abattues aux frontières, se sont suicidées dans des centres de rétention, ont été torturées et tuées après avoir été expulsées… Cette politique tue.
Dans ce contexte, envisager une véritable intégration du corps des garde-frontières de Frontex à la gestion des frontières extérieures de la France est totalement déraisonnable. Au contraire, la France doit plaider pour une refonte complète de l’agence, qui met en œuvre une politique aussi meurtrière qu’inefficace.
L’amendement n° 97, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 339 à 346
Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :
Les policiers aux frontières seront dotés de moyens humains et matériels supplémentaires pour que les personnes étrangères arrivant aux frontières terrestres :
- puissent exercer leurs droits et ne fassent pas l’objet de procédures illégales ou de détournements de procédure ;
- soient correctement informées de leur situation, de la procédure applicable et de leurs droits, notamment en ce qui concerne le droit de demander l’asile ;
- puissent bénéficier de l’assistance d’un interprète professionnel et d’une assistance juridique effective à tout moment et dès le début de la procédure (grâce à la mise en place par l’État d’une permanence gratuite d’avocats) et la présence d’un administrateur ad hoc pour les mineurs isolés étrangers ;
- soient traitées dignement et ne fassent plus l’objet de pratiques arbitraires ni de violences ;
- ne soient plus privées de liberté pour des raisons liées au contrôle migratoire.
L’administration sera dotée de moyens humains et matériels supplémentaires pour :
- organiser le sauvetage des personnes en danger notamment en haute montagne et la prise en charge des personnes blessées et/ou malades ;
- étudier individuellement la situation de chaque personne se présentant aux frontières et le cas échéant, justifier en fait et en droit les refus d’entrée et les éventuelles mesures privatives de liberté prises à son encontre ;
- enregistrer les demandes d’asile des personnes exilées et former au respect de la procédure d’asile telle que définie par la loi ainsi que le principe de non-refoulement des demandeurs d’asile, valable y compris aux frontières internes ;
- prendre en charge les mineurs isolés étrangers sur le territoire ;
- permettre à la société civile et aux associations d’exercer réellement leur droit de regard dans les lieux privatifs de liberté conformément au droit européen.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Le durcissement croissant des politiques européennes et françaises pour lutter contre un prétendu afflux massif de personnes en situation irrégulière met toujours plus en danger les personnes exilées.
C’est la réalité depuis 2015 à la frontière franco-italienne. Les personnes exilées font ainsi quotidiennement l’objet de pratiques illégales de l’administration française, plusieurs fois condamnée. Ce faisant, cette dernière ne respecte pas la législation en vigueur, met en œuvre des procédures expéditives et viole les droits humains et les conventions internationales pourtant ratifiées par notre pays. Les personnes exilées sont pourchassées dans les montagnes ou sur les chemins de randonnée, sont traquées dans les bus et les trains par les forces de l’ordre.
Face à cette situation, des associations travaillent des deux côtés de la frontière franco-italienne pour faire vivre la solidarité et la fraternité et ainsi redonner aux personnes exilées un peu d’espoir et de dignité.
Nous devons donc réorienter notre politique migratoire et les moyens publics déployés doivent garantir le respect des droits humains fondamentaux.
L’amendement n° 98, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 347 à 352
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Réouvertures des frontières au sein de l’espace Schengen
En 2023, la France mettra fin aux contrôles aux frontières intérieures du pays, rétablissant ainsi le fonctionnement normal de l’espace Schengen.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
L’amendement n° 98 porte également sur l’espace Schengen. Les personnes étrangères font depuis longtemps l’objet de mesures de contrôle et de surveillance. Le fichage est devenu l’outil sans limite au service du contrôle aux frontières.
L’utilisation exponentielle des fichiers destinés à identifier, catégoriser, contrôler n’est en réalité qu’un moyen supplémentaire pour éloigner et exclure. Si le fichage est utilisé pour bloquer les personnes sur leur parcours migratoire, il est aussi de plus en plus utilisé pour entraver les déplacements à l’intérieur de l’Union et l’action de militants européens qui entendent apporter leur soutien aux personnes exilées.
Depuis plusieurs années, le nombre de fichiers de ce type s’est multiplié. Il en existe aujourd’hui près d’une trentaine. Leur complexité tient au fait qu’ils sont nombreux, mais également à leur superposition. De ce maillage opaque naît une certaine insécurité juridique pour les personnes visées.
Parallèlement à la multiplication des fichiers de tout type et de toute nature, ce sont désormais des questions liées à leur interconnexion et à leurs failles qui sont soulevées ainsi qu’aux abus dans leur utilisation, avec notamment des risques d’atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés publiques.
La justification est toujours de « protéger les citoyens européens du terrorisme international », mais il n’existe pas véritablement de données ou d’étude sur la manière dont les nouveaux registres de données biométriques et leur interconnexion peuvent contribuer à cet objectif.
L’amendement vise donc à supprimer ces nouveaux fichiers et à demander la réouverture complète des frontières françaises au sein de l’espace Schengen.
L’amendement n° 99, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 353 à 356
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
Coopération européenne renforcée en matière d’asile et d’immigration
La France ambitionne de cesser l’externalisation de la gestion des frontières extérieures de l’Union. Elle plaidera pour mettre un terme aux accords migratoires de sous-traitance avec des pays comme la Turquie et la Libye, maltraitant les personnes réfugiées.
Elle demandera l’abrogation du règlement dit Dublin III et, avec, la logique délétère de tri aux frontières de l’Union. Elle organisera un mécanisme de relocalisation des demandes d’asile entre États-membres en tenant compte des liens effectifs (liens familiaux élargis et linguistiques) et des aspirations des demandeurs et demandeuses d’asile
Elle renégociera l’accord migratoire avec le Royaume-Uni.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement tend à renforcer la coopération européenne en matière d’asile et d’immigration.
Parmi les différentes formes d’externalisation de la politique d’immigration et d’asile menée par l’Union européenne et ses États, la sous-traitance occupe une place de choix. Cette sous-traitance s’est principalement traduite par des accords – accords de réadmission, clauses de réadmission intégrées dans des accords ou traités commerciaux, économiques ou de coopération –, en contrepartie desquels les pays concernés se voient proposer une assistance financière via différents instruments de financement européens.
Depuis 2002, dix-sept accords ont été conclus entre l’Union européenne et des pays non européens, auxquels s’ajoutent de nombreux accords bilatéraux mis en place par des États membres.
Cette politique de sous-traitance permet à l’Union européenne et à ses États membres d’échapper à leurs obligations internationales en toute impunité et entraîne un risque d’atteinte forte au respect des droits fondamentaux, en particulier le droit d’asile.
Ces atteintes aux droits des personnes migrantes ont été largement documentées, ce qui a mis en lumière une accélération et une aggravation de ces faits depuis cinq ans.
Par ailleurs, le mécanisme de Dublin a montré depuis des années son inefficacité et les injustices qu’il fait peser sur les pays du sud de l’Europe. Ces derniers, parmi les moins prospères de l’Union, doivent assumer la quasi-intégralité de l’effort en matière de politique migratoire.
La France doit promouvoir auprès de ses partenaires européens une politique d’accueil beaucoup plus intégrée et solidaire, autrement dit un régime commun de l’asile européen.
Que le ministre de l’intérieur, dans une loi d’orientation et de programmation, nous explique comment il peut intégrer le corps des garde-frontières de Frontex à la gestion des frontières extérieures de la France, comment il déploie des matériels innovants basés sur les nouvelles technologies et quels outils de financement il peut utiliser : tout cela est cohérent.
En revanche, je me suis demandé, monsieur Gontard, pourquoi vous déposiez tous ces amendements. Je me suis dit que vous vous entraînez certainement à déposer des amendements pour la prochaine loi sur l’immigration.
Protestations sur les travées du groupe GEST.
Vous faites ce que le président Sarkozy appelait du training, mais, comme le disait mon professeur de philosophie, c’est totalement hors sujet ! Vous évoquerez Chypre, Dublin, et tout le reste lorsque la loi sur l’immigration sera en discussion au Parlement.
L’avis de la commission est défavorable sur ces six amendements, qui n’ont pas leur place dans ce texte.
J’émets un avis défavorable sur les six amendements. Je pense que ce n’est effectivement pas le sujet – nous aurons l’occasion d’en parler, longuement, semble-t-il, en temps voulu.
Monsieur Gontard, je suis une nouvelle fois choqué par les mots que vous avez utilisés : la police française ne « traque » pas les migrants, elle protège les personnes. Manifestement, vous n’aimez toujours pas la police.
Nouvelles protestations sur les travées du groupe GEST.
Je n’ai pas tellement l’impression d’être hors sujet. Au contraire, et vous l’avez même dit, monsieur le rapporteur, le lien avec la police aux frontières me paraît évident, et nous nous opposons à la politique migratoire qui est mise en œuvre. Il s’agit non pas de faire un entraînement, mais d’évoquer un sujet particulièrement sérieux : la sécurité de notre pays.
Quand on voit les problèmes aux frontières que j’ai évoqués, j’estime que l’orientation qui est donnée à la police aux frontières va à l’encontre de la sécurité dans notre pays. Ce sujet doit avoir sa place dans le présent débat.
C’est pour cela que nous avons déposé ces amendements, mais aussi pour montrer que la politique migratoire de la France n’est pas acceptable : nous devons avoir une politique complètement différente, tournée vers l’accueil et menée en lien avec les pays européens. Pour l’instant, nous ne voyons pas la France agir dans ce domaine.
Monsieur le ministre, je ne dis pas que la police traque…
J’ai dit que nous étions face à de vraies problématiques sur le terrain. Pour ma part, je n’ai jamais mis en cause ni un agent de la PAF ni un policier.
Je mets en cause la politique que vous menez, qui pousse certains agents à se retrouver dans des situations très complexes. J’ai d’ailleurs reçu un certain nombre de témoignages de la part d’agents de la PAF qui nous en ont fait part très clairement.
J’en profite pour dire – et cela fera le lien avec les discussions que nous avons eues hier soir – qu’il est temps d’arrêter d’utiliser en permanence certains mots : hier, on a entendu « folie », « dangereux », « haineux » ; aujourd’hui, cela continue.
Il faut en finir avec ce procédé : il n’y a pas, d’un côté, ceux qui aiment la police et, de l’autre, ceux qui ne l’aiment pas.
Non !
Nous sommes tous républicains ; en tout cas, le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires est républicain, et exigeant avec sa police, qui est le garant de nos libertés.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Gontard, j’ai bien entendu que vous disiez que la police et les policiers traquaient les migrants. Vous revenez manifestement sur vos propos, c’est une bonne chose. Nous pourrons donc avoir une discussion républicaine.
Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.
À mon tour, je veux dire mon hostilité à ces différents amendements, pour une raison très technique. Jean-Yves Leconte et moi-même sommes rapporteurs au nom de la commission des affaires européennes sur la thématique relative au pacte européen sur la migration et l’asile et à l’espace Schengen : nous menons ce travail depuis que la Commission européenne a décidé, l’année dernière, de proposer aux différents États membres et au Parlement européen une refonte totale de ce pacte européen. Il s’agit d’un sujet éminemment complexe : il est en effet extrêmement difficile de trouver un accord sur un nouveau pacte.
Force est de constater que la présidence française du Conseil de l’Union européenne a permis d’accomplir quelques progrès à cet égard, mais il en reste encore beaucoup à faire. Dans ces conditions, annoncer comme cela, au travers de six amendements, que la France se désolidarise complètement de ce qui se fait à l’heure actuelle concernant l’espace Schengen et des travaux qui ont lieu sur le pacte européen sur la migration et l’asile me paraît, à tout le moins, de mauvais aloi.
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je ne voterai pas ces amendements. Je pense que nous serons nombreux à nous prononcer en ce sens.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 49, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 360
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette démarche intégrera les formations relatives à la déontologie et à l’éthique, ainsi qu’à la remise en question de ses préjugés personnels à partir de cas pratiques permettant de raisonner sur la déontologie « en actes ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
Pour cet amendement, nous avons puisé dans les réflexions du Beauvau de la sécurité et dans les positions du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur les relations entre police et population afin de faire évoluer la formation initiale des écoles de police.
Le Beauvau de la sécurité a pointé deux éléments : d’une part, l’individualisation de la formation en fonction des parcours professionnels et des compétences, et les apprentissages partagés aux trois corps de la police ; d’autre part, la consolidation du socle de priorités et de valeurs communes – déontologie, accueil des victimes, lutte contre les discriminations…
Ce socle a été sensiblement renforcé ces dernières années. Sa consolidation et sa pérennisation sont fondamentales. Pour poursuivre dans cette voie, les interventions gagneraient à être articulées à la réflexion plus générale sur les aptitudes, les savoir-faire et les formations relatives à la relation entre les services de police et de gendarmerie et la population.
Les auteurs de cet amendement se sont inspirés d’un rapport récent de Terra Nova intitulé Recrutement et formation, enjeux cruciaux pour la qualité du service public de sécurité pour proposer la modification de l’alinéa 360 du rapport annexé au projet de loi.
Je comprends bien la préoccupation de Jérôme Durain, avec lequel nous avons déjà discuté de ce sujet.
Cet amendement est partiellement satisfait, puisque l’alinéa 364 du rapport annexé prévoit déjà des formations en matière de déontologie et de relation police-population.
Sur cet amendement et un grand nombre d’amendements suivants, j’en reste à la doctrine que j’ai déjà exposée : nos collègues Catherine Di Folco et Maryse Carrère travaillent sur les moyens utilisés par la police et la gendarmerie, ainsi que sur la formation de ces forces. En attendant les conclusions de leur mission, j’émettrai un avis défavorable sur tous les amendements relatifs à ces questions.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 128, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 364, deuxième phrase
1° Après le mot :
formation
insérer les mots :
qui comprendra des enseignements en sciences humaines et sociales et communication
2° Compléter cette phrase par les mots :
, éthique, fonctionnement de la justice, qui seront abordés en encourageant réflexion et sens critique
La parole est à M. Guy Benarroche.
L’alinéa 364 du rapport annexé prévoit l’allongement de la formation initiale des représentants des forces de l’ordre, de huit à douze mois, incluant un approfondissement de thématiques répondant aux enjeux clés de la police, en particulier les formations sur la déontologie et la relation police-population et des enseignements en sciences humaines et sociales.
Nous sommes favorables à ces dispositions, que nous souhaitons préciser et compléter. Je sais que le rapporteur émettra un avis défavorable au nom de la commission, puisque le rapport de la mission n’est pas encore paru. Mais nous avons déposé des amendements sur le rapport annexé au projet de loi puisque c’est bien celui-là, et non le futur rapport de la mission, que nous sommes en train d’examiner.
Thomas Dossus et moi-même avons déjà présenté un certain nombre d’amendements sur la formation initiale et continue de la police, car nous pensons que le malaise ou le mal-être qui peut exister au sein de la police et dont découlent un certain nombre de violences pourrait être évité par ces formations. Le ministre pense certainement la même chose que nous.
Je le répète, nous souhaitons approfondir la formation initiale par des enseignements axés sur certaines pratiques, qui ont d’ailleurs été recommandées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme : en sciences humaines et sociales, afin d’encourager une réflexion des policiers sur la nature de leur mission ; en communication, y compris en tactique de médiation, de gestion des tensions ou de gestion du stress d’autrui ; sur le fonctionnement de la justice, parce qu’il n’est pas inutile de connaître les alternatives à la détention ou le principe d’application et de personnalisation des peines ; dans le domaine de l’éthique, ce qui permet d’avoir un retour critique sur sa propre pratique, comme cela se fait dans beaucoup de métiers.
Ces formations, qui sont appliquées dans de nombreux métiers, nous paraissent encore plus indispensables aujourd’hui pour la police.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 48, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Leconte, Sueur et Marie, Mme Meunier, MM. Cozic et Gillé, Mmes Conconne, Carlotti et Artigalas, M. Jacquin, Mmes G. Jourda et Monier, M. Cardon, Mme Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Élargir le contenu des formations au-delà des seuls aspects métiers pour intégrer la sensibilisation aux enjeux sociaux et sociétaux auxquels les policiers et gendarmes sont directement ou indirectement confrontés dans l’exercice de leurs missions : formations à la gestion des tensions, à la réflexivité sur ses propres préjugés, aux relations entre police et confiance. Ces formations pourraient s’appuyer sur l’état des connaissances disponibles en sciences sociales, elles reposeraient d’abord et avant tout sur des mises en situation et des debriefings collectifs pour favoriser l’auto-évaluation et la réflexivité des agents. Les inspections seront chargées de rendre annuellement des données statistiques relatives aux actions de formation conduites au sein de la police et de la gendarmerie et sur une base régulière (tous les deux ou trois ans) et d’élaborer une analyse qualitative de ces actions.
La parole est à M. Jérôme Durain.
Dans le droit fil de l’amendement n° 49, cet amendement vise à étendre la réflexion sur la thématique de la formation aux inspections, de façon à aller jusqu’au bout de la logique de formation des nouveaux officiers de police et gendarmes.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 81, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour garantir l’aptitude des agents, la formation, les entraînements au tir et aux pratiques professionnelles en intervention, prévus chaque année, sont systématiquement maintenus.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement a pour objet la formation au tir et aux pratiques professionnelles en intervention.
Dans son avis du 11 février 2021, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a émis le constat que les entraînements obligatoires au tir et aux pratiques professionnelles en intervention, prévus chaque année pour garantir le niveau d’aptitude des agents, n’étaient dans la pratique pas systématiquement respectés.
Je ne reviens pas sur les cas que nous avons connus, dramatiques pour les policiers comme pour les victimes tuées lors de refus d’obtempérer. Toutefois, ces récents événements interrogent sur la présence dans l’espace public de policiers insuffisamment encadrés ou formés et sur un usage des armes dont on peut considérer qu’il devient quelquefois un peu trop important ou décomplexé – je ne veux pas utiliser de qualificatifs péjoratifs.
Par cet amendement, nous souhaitons sanctuariser l’effectivité de la formation continue, qui protégera tout d’abord le policier en lui permettant de maîtriser au mieux les outils que la société, par notre intermédiaire, se donne pour se protéger elle-même. Tous les policiers armés sont en droit d’utiliser cette arme dans certaines circonstances, personne ne peut dire le contraire.
Toutefois, il paraît impératif, notamment compte tenu de ces dernières affaires, d’opérer un contrôle strict et régulier, non pas sur les policiers, mais sur les formations continues dans ce domaine, puisqu’elles ne sont pas systématiquement appliquées et que l’on en connaît les conséquences, qui sont, on peut le dire, mortelles.
Le renforcement de la formation continue d’entraînement au tir est également une revendication d’un certain nombre de syndicats de policiers, notamment la CGT Police. Aujourd’hui, trois entraînements de tir par an sont prévus et de nombreux policiers considèrent que, pour professionnaliser leur métier de policier présent sur le terrain, c’est notoirement insuffisant.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les formations continues peuvent être dispensées par différents experts indépendants du ministère de l’intérieur : avocats, magistrats, sociologues, associations, ainsi que professeurs des universités.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement a trait aux formateurs.
La formation continue des représentants des forces de l’ordre ne doit pas être uniquement dispensée par des experts du ministère de l’intérieur.
Le Gouvernement affirme très clairement dans son texte d’orientation qu’il veut se rapprocher du monde de la recherche. Nous abondons totalement dans votre sens, monsieur le ministre : il faut ouvrir votre ministère à l’ensemble des champs de la recherche et des sciences. Ainsi, le conseil scientifique du Président de la République ne comprenait pas que des médecins ou des professionnels médicaux. En effet, une vision transverse, au travers de plusieurs grilles de lecture et d’expertises différentes, est toujours bénéfique.
Par cet amendement, nous appelons donc de nos vœux l’ouverture de ces formations à un certain nombre de professionnels qui pourraient les assurer – avocats, magistrats, sociologues, associations et professeurs d’université –, afin de diversifier l’apprentissage des agents présents sur le terrain, qui sont en contact permanent avec la population, et de les sensibiliser notamment aux problématiques de la délinquance des mineurs, aux problématiques économiques et sociales des habitants des quartiers et, plus généralement, aux droits humains et à la criminologie.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 151, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 377
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette mutualisation ne saurait se faire ni au détriment des besoins spécifiques des unités en fonction de leur finalité opérationnelle, ni au détriment du volume horaire de ces formations.
La parole est à M. Thomas Dossus.
Dans un souci d’économie budgétaire, le rapport annexé prévoit une mutualisation des outils de formation continue des forces de l’ordre. Le rapport ne nous permet pas d’évaluer ces mutualisations puisqu’elles ne sont pas énumérées. Il est donc difficile de discuter de leur principe même.
Toutefois, il nous semble important de poser un principe qui aura valeur de garde-fou : la mutualisation ne saurait se faire au détriment des besoins spécifiques des unités en fonction de leur finalité opérationnelle ou du volume horaire de ces formations. À titre d’exemple, il serait incompréhensible que les unités déployées sur le terrain comme la brigade anti-criminalité (BAC) disposent du même volume horaire de tir que les agents affectés à des tâches administratives, à moins qu’il ne soit prévu un alignement à la hausse des volumes et de la qualité des formations pour tous les personnels – mais ce n’est pas ce qui transparaît dans le rapport annexé.
Nous considérons, et cela relève du bon sens, que la mutualisation ne saurait être synonyme de nivellement par le bas.
Pour une fois, l’objet de l’amendement porte non pas sur le contenu ou les méthodes utilisées pour la formation, mais sur un problème de fond lié à la mutualisation. Inscrire cette précision semble utile.
La commission émet donc un avis favorable.
Le Gouvernement ne partage pas l’avis de la commission, mais il sait qu’il va être battu.
Par conséquent, c’est un non sans conviction.
L ’ amendement est adopté.
Sourires.
Nouveaux sourires.
L’amendement n° 152, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces nouveaux stands de tir permettront d’augmenter progressivement le volume horaire des séances de tir annuelles, avec un objectif de doublement du nombre de tirs effectués par les policiers. Les modules de formation au tir devront inclure l’ensemble des armements à la disposition de chaque unité (pistolets, fusils d’assauts, grenades) en accord avec leur utilisation sur le terrain. Ces exercices devront comprendre impérativement des mises en situation, mobilisant à la fois les capacités de tir des agents, mais également leur maîtrise du contexte et de l’environnement légal dans lesquels ceux-ci peuvent être effectués. L’accent sera mis particulièrement sur les situations de légitime défense.
La parole est à M. Thomas Dossus.
Le rapport annexé prévoit la création de nouveaux stands de tir, ce que nous saluons.
Toutefois, pour rompre avec un discours lancinant, j’indique que les agents que nous avons rencontrés trouvent que trois séances par an, c’est insuffisant, et même dérisoire.
Nous souhaitons que les agents maîtrisent correctement leurs armes, avec un volume de formation convenable. Le tir est une discipline exigeante, qui mobilise de nombreux savoir-faire dans la posture, les réflexes, la mémoire musculaire, en raison du caractère létal. Nous plaidons pour la refonte du contenu des entraînements et pour que ceux-ci soient développés dans l’intégralité de la panoplie des situations que les agents seraient amenés à rencontrer sur le terrain.
Cet amendement a donc pour objet de compléter la formation au tir des agents.
Il est de nouveau question du contenu des formations.
Par conséquent, sur cet amendement comme sur tous les amendements restant en discussion sur l’article 1er, la commission émet un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 153, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces nouveaux stands de tir seront ouverts aux policiers municipaux, avec l’objectif d’augmenter progressivement le volume horaire de leurs séances de tir annuelles pour atteindre celui des policiers nationaux. Ces exercices devront comprendre impérativement des mises en situation, mobilisant à la fois les capacités de tir des agents, mais également leur maîtrise du contexte et de l’environnement légal dans lesquels ceux-ci peuvent être effectués. L’accent sera mis particulièrement sur les situations de légitime défense.
La parole est à M. Thomas Dossus.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 154, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En complément de cette instruction au tir renforcée, sera également dispensé, tout au long de la carrière, un enseignement pratique aux techniques d’intervention opérationnelles rapprochées (TIOR), afin que l’utilisation de moyens létaux par les agents reste toujours un moyen de dernier recours. Cette formation devra mettre particulièrement l’accent sur le nécessaire évitement des techniques de combat et d’immobilisation touchant les organes vitaux et les voies respiratoires.
La parole est à M. Thomas Dossus.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 85, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 403
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les policiers et gendarmes occupant un poste de management et de commandement seront systématiquement et régulièrement formés aux questions de mal-être au travail et à la prévention des risques psycho-sociaux, afin d’être en mesure de prendre soin de la santé mentale, physique et sociale des personnels placés sous leur commandement, et d’améliorer leur quotidien au travail. Ces formations feront intervenir différents experts extérieurs au ministère de l’intérieur : sociologues, psychologues, médecins, associations.
La parole est à M. Guy Benarroche.
La dégradation de l’état moral, le mal-être et la souffrance des forces de l’ordre constituent le premier des constats effectués par la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure menée par le Sénat, c’est-à-dire par nous-mêmes, en 2018. Le taux de suicide anormalement élevé, supérieur de 36 % à celui de la population, constitue le révélateur de cette situation. Cet état des lieux inquiète l’ensemble des sénatrices et sénateurs, en particulier ceux de notre groupe.
La lutte contre cette situation de souffrance doit être une priorité du ministère de l’intérieur. Il apparaît que l’état moral des policiers et gendarmes ne saurait être amélioré sans le concours actif des cadres de management et de commandement des personnels. À cet égard, le rapport de la commission d’enquête du Sénat soulignait que le management au sein de la police nationale, jugée trop éloignée du terrain et peu à l’écoute des réalités et des difficultés des agents, contribue à la perte de sens du travail et à la démotivation des agents. Il indiquait également que les dispositifs de lutte contre les risques psychosociaux se révèlent toutefois peu efficaces si, parallèlement, les supérieurs hiérarchiques immédiats ne sont pas davantage à l’écoute de leurs subordonnés. C’est marqué au coin du bon sens dont fait toujours preuve le Sénat.
Monsieur le ministre, nous ne faisons qu’expliciter votre ambition, qui rejoint la nôtre : mieux accompagner les forces de l’ordre dans leurs conditions de travail. Cela passe par un encadrement à l’écoute du mal-être, avec des outils pour aider les agents.
La formation des personnels d’encadrement de la police et de la gendarmerie apparaît donc comme un levier essentiel de l’amélioration de l’état des personnels. Un supérieur hiérarchique direct en contact régulier avec ses subordonnés sera à même de les écouter et d’être attentif à leur état moral.
Monsieur le rapporteur, nous pensons que le rapport du Sénat sur le sujet ayant été publié et ses conclusions étant donc déjà connues, vous pourriez émettre un avis favorable sur cet amendement.
La question posée par cet amendement est très importante.
Le taux de suicide dans la police nationale et gendarmerie est certes très élevé – plus élevé que celui de la population –, mais il faudrait sans doute le comparer à celui des services de police d’autres pays ou à celui de personnes confrontées à la misère, aux difficultés et à la violence – dont vous n’avez pas parlé, monsieur le sénateur.
Il est tout à fait vrai que la hiérarchie, jusqu’au ministre de l’intérieur – je ne vais donc pas me dédire –, a une responsabilité dans cette situation.
Il est également tout à fait vrai que les formations peuvent améliorer les choses, mais personne ne peut ignorer que le travail très spécifique des policiers et des gendarmes peut aussi, dans des cas particuliers, les pousser à ces actes qui sont dommageables pour l’ensemble du corps social et qui ne se réduisent pas à des drames individuels.
Pour autant, monsieur le sénateur, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. En effet, ce qui manque, ce sont non pas les formations, mais des psychologues en nombre suffisant pour intervenir au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Je précise donc que, parmi les 8 500 postes que nous créons, de très nombreux psychologues sont recrutés – quarante dans la gendarmerie et quarante dans la police nationale dans le prochain exercice budgétaire. Vous le savez, nous avons aussi des difficultés à recruter ces professionnels dans la fonction publique.
Sur le fond, je pourrais détailler les formations imposées aux commissaires, aux officiers et aux gardiens de la paix par exemple. Monsieur le sénateur, votre amendement est en grande partie satisfait. Nous sommes d’accord sur le principe. Il s’agit davantage d’une question de moyens que de « description » des formations qui doivent être suivies.
Je m’aperçois que je me suis trompé, mais cette erreur va nous servir : j’ai en effet défendu l’amendement n° 86 et non l’amendement n° 85.
Or l’objet de l’amendement n° 85 correspond tout à fait aux propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre : vous avez créé un certain nombre de postes de psychologues, ce que nous trouvons très bien.
Le rapport annexé prévoit une augmentation souhaitable du nombre de psychologues opérationnels avec la création de 29 nouveaux postes.
En fait, quarante pour la police nationale et quarante pour la gendarmerie nationale !
Nous saluons cette mesure.
L’amendement n° 85, que je défends maintenant, avait pour objet de faciliter l’accès aux psychologues, y compris indépendants, afin de préserver dans certains cas la discrétion des agents concernés. Il allait donc, je le redis, dans le même sens que les propos que vous venez de tenir.
L’amendement n° 86, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 404
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout policier et tout gendarme doit pouvoir obtenir un entretien avec un psychologue, y compris indépendant, dans un délai raisonnable.
La commission et le Gouvernement se sont prononcés sur cet amendement, qui a déjà été défendu.
Quel est maintenant l’avis de la commission sur l’amendement n° 85 ?
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote sur l’article.
Je souhaite revenir brièvement sur les brigades vertes, en particulier les brigades équines, sujet essentiel que vous connaissez, monsieur le ministre.
Il faut prévoir pour la gendarmerie nationale des moyens en matériels, par exemple des vans, pour lui permettre d’intervenir à cheval dans nos forêts et dans les zones naturelles. Cela peut en effet être pratique.
Je voterai cet article.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pensez-vous vraiment que l’on n’a pas prévu les brigades équines, monsieur le sénateur ? Que n’hennit !
Sourires.
Je ne pouvais pas ne pas faire ce clin d’œil à M. le sénateur de l’Oise, qui connaît bien ce sujet.
Nous commençons à recréer des brigades équines, notamment à Deauville tout récemment, et nous réfléchissons déjà aux futures brigades.
Monsieur Bascher, si vous nous proposez des brigades entièrement équines dans l’Oise, nous serons à l’écoute des demandes des élus de votre département.
M. Jérôme Bascher s ’ exclame.
Je mets aux voix l’ensemble de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.
L ’ article 1 er et le rapport annexé sont adoptés.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
L’amendement n° 120, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés des dispositions de nature législative, réglementaire ainsi que les mesures de nature budgétaire et d’organisation prises par le Gouvernement de 2023 à 2027 pour atteindre les objectifs poursuivis par la présente loi et qui sont détaillés dans le rapport annexé mentionné à l’article 1er. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces dispositions et mesures.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il s’agit d’un amendement dont vous excuserez la grande candeur
Sourires.
Depuis le début de nos débats, il a beaucoup été question de la place du rapport annexé, qui n’a pas de valeur normative, mais que nous avons malgré tout amendé, sur lequel nous avons longuement débattu et qui nous a permis d’ailleurs d’évoquer des dispositions qui seront traitées dans la partie législative du projet de loi. Lors de la discussion générale, j’ai souligné que le rapport annexé était en quelque sorte le mode d’emploi de ce projet de loi, à tout le moins sa feuille de route.
Il ne nous semble pas incongru, dans une logique de programmation, de disposer, année après année, en tant que parlementaires, mais cela peut être utile aussi pour les agents du ministère et pour les citoyens, d’un état de l’avancement des priorités inscrites dans le rapport annexé pour la trajectoire budgétaire 2023-2027.
Monsieur le ministre, vous nous répondrez certainement qu’il suffit de s’en tenir à l’annualité budgétaire et à l’examen des projets de loi de finances. Toutefois, avoir cette vision globale et ce retour serait de bonne politique. On veut bien payer pour voir, mais si l’on peut voir c’est encore mieux !
Sourires.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Durain n’a pas prononcé le mot « rapport », mais c’est tout comme…
Sourires.
Par définition, le Parlement assure sa mission de contrôle, a fortiori quand il s’agit de lois de programmation. Il est informé de tous les textes législatifs et réglementaires, et il évalue et contrôle l’action du Gouvernement.
C’est notamment le rôle des rapporteurs, postérieurement à l’adoption d’un texte, de procéder à ce contrôle et à cette évaluation.
C’est la raison pour laquelle, sur le principe, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur, cela fait tout de même quelque temps que nous connaissons la vie du Parlement et que nous voyons se succéder les lois de programmation. Pour ma part, j’ai dû participer à un grand nombre de débats sur de nombreuses lois de programmation.
Les lois de programmation sont belles lorsqu’on les vote. Il arrive ensuite qu’elles se perdent dans les brumes et qu’au fil du temps plus personne ne s’en souvienne.
C’est pourquoi la préoccupation exprimée par M. Durain est importante.
Monsieur le président, vous le savez comme moi, il faut qu’on puisse voir chaque année où l’on en est par rapport à la loi de programmation, que ce soit au niveau des objectifs, des moyens, des financements. On pourrait certes nous répondre que nous n’avons qu’à regarder la loi de finances, mais ce serait tout de même une garantie.
J’ai été très sensible à l’avis de sagesse que vous avez émis, monsieur le ministre. Vous serez peut-être ministre de l’intérieur pendant les cinq années à venir ; si d’aventure, vous ne l’étiez plus, ce qui n’est pas le vœu que je formule, vous aimeriez que vos successeurs soient tenus par cette loi de programmation.
La sagesse du ministre devrait nous inspirer et nous conduire à voter cet amendement. M. le rapporteur pourrait être sensible à ces arguments…
Je ne suis pas d’accord ! Je comprends tout à fait que le ministre ait émis un avis de sagesse. Si j’avais été à sa place, j’aurais fait de même.
L’exécutif n’a pas à se mêler de l’organisation du législatif. J’ai été ministre chargé d’une loi de programmation et d’orientation, …
Sourires.
… et ce n’était pas au ministre d’aller donner les informations au Parlement !
Nous rédigeons des rapports ; la commission des finances prépare chaque année des rapports budgétaires ; nous nommons, à la fois, à la commission des finances et dans les commissions qui sont saisies pour avis des rapporteurs, dont le rôle est évidemment de demander au ministre, a fortiori pour une loi de programmation, toutes ces informations utiles : sinon, ils ne jouent pas leur rôle.
S’agissant de la loi de programmation pour la cohésion sociale, dite loi Borloo, dont j’ai eu à connaître, les rapporteurs de l’Assemblée nationale ont demandé et obtenu du ministre, pendant cinq ans, toutes les informations nécessaires.
Nous ne devons donc pas adopter des dispositions de ce type pour préserver notre liberté d’organisation : c’est le rôle des rapporteurs budgétaires et des rapporteurs des commissions saisies pour avis. C’est une question de principe, monsieur le président.
Mon avis est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les crédits de paiement du ministère de l’intérieur et les plafonds des taxes affectées à ce ministère, hors charges de pensions, évoluent sur la période 2023-2027 conformément au tableau suivant :
En millions d ’ euros
CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES hors compte d’affectation spéciale « Pensions »
2022 (pour mémoire)
Budget du ministère de l’intérieur (hors programme 232)
Le périmètre budgétaire concerné intègre :
1° La mission « Sécurités » : programmes « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » ;
2° La mission « Administration générale et territoriale de l’État » : programmes « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » et « Administration territoriale de l’État » ;
3° La mission « Immigration, asile et intégration » : programmes « Intégration et accès à la nationalité française » et « Immigration et asile » ;
4° Le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » : programmes « Structures et dispositifs de sécurité routière » et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » ;
5° Les taxes affectées à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).
Cet article concerne la programmation financière. En 2022, les moyens du ministère de l’intérieur représentent 20, 78 milliards d’euros ; en 2027, ils atteindraient 25, 29 milliards d’euros, soit une hausse de 5 milliards d’euros sur cinq ans.
Ces crédits, qui concernent plusieurs politiques publiques, couvrent différentes missions et programmes budgétaires, à commencer par les missions les plus importantes : la mission « Sécurités », avec les programmes « Police nationale » – 12 milliards d’euros en 2022 –, « Gendarmerie nationale » – près de 10 milliards d’euros – et « Sécurité civile » ; la mission « Administration générale et territoriale de l’État » ; la mission « Immigration, asile et intégration », à hauteur de 2 milliards d’euros ; sans oublier le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ou le programme « Structures et dispositifs de sécurité routière ».
Ces orientations budgétaires doivent toutefois être confirmées par les lois de finances annuelles et par la loi de programmation des finances publiques qui sera examinée très prochainement par le Sénat. Elles traduisent une augmentation des moyens, et un soutien aux forces de l’ordre.
Dans son rapport, la commission des lois évoque tout de même un contexte de crise et d’incertitudes, qui incite à une certaine prudence.
L’administration des douanes n’apparaît pas dans le texte, mais la commission des finances a donné un avis favorable au rapport d’information, particulièrement intéressant, de nos collègues Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, sur les moyens dont cette administration a besoin pour lutter contre les trafics de drogue.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité prendre la parole, car je n’ai pas pu déposer d’amendement sur cet article.
Les compagnies républicaines de sécurité (CRS) ont un rôle central dans la doctrine française de maintien de l’ordre. Elles sont des unités indispensables pour une sécurité optimale dans nos territoires, avec une mention particulière pour les CRS-MNS (maîtres-nageurs sauveteurs), qui sécurisent nos littoraux l’été.
Bordeaux est une métropole qui ne dispose pas d’une compagnie de CRS à demeure. L’explosion de l’insécurité et de la délinquance ainsi que la professionnalisation de certains réseaux vous ont conduit, monsieur le ministre, à affecter des moyens supplémentaires à la police nationale, mais il y a maintenant un certain temps que j’alerte sur l’absolue nécessité de doter Bordeaux d’une compagnie de CRS à demeure.
Vous avez décidé, face à cette demande, de déployer une demi-unité depuis octobre 2021, et je vous en remercie. Mais dès qu’il y a des absents ou que l’autre moitié de l’unité est déployée ailleurs, ces effectifs ne peuvent plus être présents sur notre territoire, ce qui nous laisse peu de jours avec la demi-unité de CRS. Pourtant, son savoir-faire adaptatif est complémentaire de celui de la police nationale, et conviendrait parfaitement pour couvrir les quartiers bordelais et leurs problématiques.
Il ne s’agit nullement d’effectuer un transfert en enlevant cette compagnie à un autre territoire, mais bien d’en créer une nouvelle, à demeure, et pérenne.
Monsieur le ministre, nous voterons l’augmentation proposée du budget du ministère de l’intérieur pour les cinq ans à venir, parce qu’elle nous paraît indispensable et nécessaire, qu’il s’agisse d’appliquer votre plan de programmation ou une autre politique du ministère de l’intérieur.
Comme vous l’avez constaté, nous défendons une tout autre politique, qui commanderait une affectation différente des moyens. Mais l’augmentation de ceux-ci est, de toute façon, indispensable. Nous veillerons, dans les prochains textes, notamment les lois de finances, que nous examinerons, à faire en sorte que cet argent soit utilisé, comme on le dit à Marseille, à bon escient et avec parcimonie.
L ’ article 2 est adopté.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE
Chapitre Ier
Lutte contre la cybercriminalité
L’article 706-154 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article 706-153, l’officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d’instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie, d’une part, d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, d’autre part, d’actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « du compte », sont insérés les mots : « ou au propriétaire de l’actif numérique » et, après les mots : « ce compte », sont insérés les mots : « ou cet actif » ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « compte », sont insérés les mots : «, le propriétaire de l’actif numérique » ;
3° Au dernier alinéa, après le mot : « dépôts », sont insérés les mots : « ou sur des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier » et, après les mots : « ce compte », sont insérés les mots : « ou à l’ensemble des actifs numériques détenus ».
Au moment où nous abordons la question de la lutte contre la cybercriminalité, je rappelle combien il est important de donner des moyens non seulement aux services de police et de gendarmerie, mais aussi aux parquets, qui ont besoin de travailler sur ce sujet, qui est souvent complexe et de dimension internationale.
Justement, en France, nous avons des filières d’ingénieurs qui peuvent travailler, après leurs études, pour la gendarmerie et la police, mais il faut aussi former nos parquetiers, car le sujet est difficile pour des gens qui ont surtout fait des études de droit.
Évidemment, il faut aussi faire évoluer le droit pour lutter contre la cybercriminalité, et pas seulement en France : bien souvent, le cybercriminel se situe à l’étranger.
Je salue le travail remarquable fait par le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend), auquel j’ai rendu visite, et par le réseau des gendarmes référents sur le terrain, dans les brigades.
La cybercriminalité est une vraie plaie. Le département de Seine-Maritime y a été confronté tout récemment, et chacune de nos administrations locales est menacée.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 60 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 165 rectifié est présenté par MM. Favreau, Cuypers, D. Laurent, Houpert, Gremillet, Laménie et J.B. Blanc, Mme Dumont, MM. Belin et Savary, Mme Goy-Chavent, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve des droits de propriété et du principe de proportionnalité
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 60.
La saisie d’actifs numériques introduite par l’article 3 soulève des interrogations quant à l’effectivité d’une telle mesure et son impact, à la fois sur les droits de propriété et sur le principe de proportionnalité. La jurisprudence rappelle ces droits fondamentaux, dont la loi ne doit pas conduire à diminuer la portée.
Cet amendement tend donc à consacrer la jurisprudence en matière de droits de propriété et de principe de proportionnalité, indispensables dans l’État de droit.
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 165 rectifié.
Cet amendement vise à mentionner les droits de propriété et le principe de proportionnalité, en modifiant l’article 706-154 du code de procédure pénale.
La saisie d’actifs numériques, qui est prévue dans le chapitre de la loi consacré à la lutte contre la cybercriminalité, soulève quelques interrogations sur l’effectivité même de cette saisie. Je ne suis pas un grand connaisseur du bitcoin ou des monnaies numériques, mais il me semble que, si la saisie d’espèces ne pose pas de problèmes, celle de droits numériques en pose un certain nombre, comme l’a souligné l’orateur précédent.
L’ajout que permettrait l’adoption de cet amendement constituerait une assurance pour l’OPJ chargé par le procureur de la République d’opérer la saisie de récupérer la réalité des droits qui sont saisissables.
Je sais que cet amendement a été rejeté par la commission, mais je le maintiens.
Il s’agit certes de cryptoactifs, mais, par définition, une saisie ne se fait pas sous réserve du droit de propriété !
En revanche, la saisie doit obéir au principe de proportionnalité. Sur des actes de ce type, l’autorité judiciaire respecte ce principe : il est superfétatoire de le rappeler.
Ces amendements ne sont donc pas acceptables, et mon avis est défavorable.
Messieurs les sénateurs, de quoi s’agit-il ? Lorsque de l’argent numérique est versé après une attaque cyber, nous souhaitons pouvoir saisir celui-ci comme nous le ferions, dans le monde physique, de l’argent qui serait le produit d’un crime ou d’un délit. Il s’agit donc de faire dans le monde numérique, dans un cadre judiciaire, ce que nous faisons dans le monde réel.
Or, jusqu’à présent, aussi étonnant que cela puisse paraître, le législateur avait accordé aux services de police et de gendarmerie des moyens d’enquête dans le monde numérique, comme dans le monde réel, mais il n’avait jamais pensé à prévoir la saisie des actifs numériques, dont nous savons tous qu’ils représentent une part de plus en plus importante des rançons payées à la suite de cyberattaques.
Cet article est donc très important dans le cadre de la lutte contre les cyberattaques, même s’il peut paraître un peu abscons.
Je comprends que vous ne vous opposez d’ailleurs pas à cet article, mais que vous souhaitez garantir le droit à la propriété et l’exigence de proportionnalité. Permettez-moi de souligner, comme l’a fait le rapporteur, que votre demande est nulle et non avenue ! Nous ne parlons pas là de mesures de police administrative, à la main des préfets ou des services de police, mais d’un article du code de procédure pénale, qui encadre l’ensemble des saisies possibles par le principe de proportionnalité et le droit de propriété.
Il serait donc redondant d’adopter ces amendements, dont le juge constitutionnel ou un avocat efficace pourrait même trouver, dans la disposition que vous proposez d’ajouter, des moyens d’annuler des saisies, ce qui n’est évidemment pas le but recherché.
Je souligne aussi le parallélisme entre ce que nous envisageons pour le monde cyber et ce que nous faisons déjà dans le monde physique. Nous voulons que l’argent sale, le nerf de la guerre pour atteindre les criminels et les délinquants, outre les procédures engagées pour les faire condamner, puisse être saisi aussi bien dans le monde numérique que dans le monde physique.
Ces amendements ne devraient donc pas être votés, car leur adoption risquerait d’obérer l’efficacité, attendue, de mesures que nous sommes l’un des premiers pays à prendre.
L’avis est donc défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.
Cet article couvre les saisies d’actifs numériques hébergés par des établissements prestataires de services sur actifs numériques (Psan) que nous connaissions déjà. Mais les criminels dont les actifs sont stockés sur des portefeuilles numériques, des wallets, non rattachés à un organisme Psan auront toujours leurs cryptoactifs à l’abri des procédures que nous allons voter.
Pour être intéressante, cette mesure n’est donc pas suffisante.
L ’ article 3 est adopté.
Le titre II du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre X ainsi rédigé :
« Chapitre X
« L’assurance des risques de cyberattaques
« Art. L. 129 -2. – Le versement d’une somme en application d’une clause assurantielle visant à couvrir le paiement d’une rançon par l’assuré dans le cadre d’une extorsion prévue à l’article 312-1 du code pénal, lorsqu’elle est commise au moyen d’une atteinte à un système de traitement automatisé de données prévue aux articles 323-1 à 323-3-1 du même code, est subordonné à la justification du dépôt d’une plainte de la victime auprès des autorités compétentes au plus tard 48 heures après le paiement de cette rançon. »
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié ter est présenté par M. Bonhomme, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Chaize et Chatillon, Mmes Drexler et Dumont, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, MM. Genet, Gremillet et Laménie, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Pellevat et Rapin et Mme Ventalon.
L’amendement n° 61 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste– Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 112 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, de Belenet, Chauvet et Delahaye, Mmes Férat et Loisier, M. Moga et Mmes Saint-Pé, Sollogoub et Vermeillet.
L’amendement n° 115 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 126 est présenté par M. M. Vallet.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié ter.
La très forte expansion de la cybercriminalité constitue un enjeu majeur pour la sécurité de nombreux acteurs économiques, administratifs, territoriaux et – comme nous le savons depuis cet été – de santé. Parmi les menaces les plus importantes, figure le ransomware, qui est un logiciel malveillant capable de bloquer les données informatiques essentielles et confidentielles de ses cibles. Une fois le forfait accompli, les pirates demandent une rançon, souvent en monnaie virtuelle, en échange d’une clé permettant de déchiffrer de nouveau ces données. Une entreprise sur cinq aurait fait l’objet d’une attaque de ce type. La gendarmerie nationale a engagé 101 000 procédures en 2020, soit une hausse de 21 %.
Dans ce contexte, de nombreux professionnels de la cybersécurité, en particulier le Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique (Cesin), qui compte quelque 800 membres, ont très récemment fait part de leur vive opposition à l’autorisation de l’indemnisation assurantielle des cyber-rançons.
Sur la forme, ils regrettent de ne pas avoir été préalablement associés à l’élaboration de cet article. Sur le fond, les acteurs du secteur estiment que cette autorisation risque d’encourager le cybercrime, voire la récidive, de provoquer la multiplication d’intermédiaires douteux lors des négociations et de favoriser l’exercice d’une pression de la part des assureurs auprès de leurs clients pour les forcer à payer la rançon si celle-ci s’avère moins élevée que les frais de remédiation.
L’article 4 vient donc affaiblir la position déterminée et constante des pouvoirs publics, défendue notamment par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) ou le ministère de la justice, qui ont toujours recommandé aux entreprises et aux administrations de ne jamais payer de rançon. En avril 2021, la cheffe de la section spécialisée du Parquet de Paris rappelait que la France était l’un des pays les plus attaqués. Aux États-Unis, la règle est tout à fait différente, et les revenus soutirés aux entreprises sont en baisse.
Il deviendra de plus en plus difficile d’arriver à financer les rançons par les seuls acteurs privés, compte tenu de l’importance des sommes en jeu. Notre amendement a donc pour objet de supprimer cet article.
Mon amendement est identique à celui de M. Bonhomme, qui l’a très bien défendu.
Nous considérons que le mécanisme proposé présente de nombreux dangers. Il risquerait d’être contre-productif : plutôt que d’aider à la lutte contre les rançongiciels, il pourrait encourager l’économie des cyberpiratages, en incitant les entreprises à payer davantage les rançons puisqu’elles sont assurées. Aussi de nombreux experts de cybercriminalité s’opposent-ils à cette institutionnalisation des remboursements de rançongiciels.
De plus, le délai laissé aux victimes de tels actes est excessivement court : après 48 heures, les entreprises qui n’auront pas eu le temps de déposer plainte subiront une double peine, puisqu’elles auront versé la rançon et ne pourront pas se faire rembourser par leur assurance à laquelle elles cotisent. Ce délai de 48 heures ne me semble d’ailleurs pas proportionné aux besoins de l’enquête.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 112 rectifié bis.
Cet article, qui permettrait le paiement d’une rançon dans le cas d’une extorsion au moyen d’un acte cybercriminel, est en rupture totale avec la doctrine préconisée par l’Anssi, ce qui aura quatre conséquences graves pour la sécurité nationale et celle de nos compatriotes.
Tout d’abord, en introduisant dans le texte d’une loi française l’idée qu’une rançon peut être payée, c’est la doctrine constante de la France, selon laquelle notre pays ne paye pas de rançon, qui est remise en cause.
Par ailleurs, ce simple article, s’il était adopté, mettrait en danger nos compatriotes qui vivent à l’étranger en envoyant le signal, qui sera compris de tous, en particulier des groupes terroristes, que le paiement de rançons n’est pour la France qu’une question de modalités et non de principe. La France devra assumer qu’elle finance potentiellement le crime organisé, le terrorisme ou l’action offensive de gouvernements étrangers hostiles.
Il y aurait aussi deux conséquences opérationnelles.
Contrairement à l’objectif annoncé dans l’exposé des motifs, ce texte est un encouragement donné aux attaquants puisqu’il conforte leur modèle de rentabilité en prévoyant le financement par le paiement d’une rançon et, pratiquement, en le garantissant par une procédure d’accompagnement. La conséquence directe sera un choix préférentiel de l’attaque informatique de cibles françaises par le crime organisé, les groupes terroristes et les gouvernements étrangers hostiles.
Enfin, envisager que le paiement de la rançon puisse être remboursé par les assurances est susceptible de déresponsabiliser les responsables d’entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 115.
Mme Nathalie Goulet. Je vous recommande la lecture du livre que j’ai commis sur le financement du terrorisme. Je me ferai un plaisir de vous l’offrir et de vous le dédicacer, au lendemain de votre anniversaire, monsieur le ministre !
Sourires.
Dans cet excellent abécédaire, j’évoque le problème de l’assurance, notamment pour les kidnappings. La couverture d’un acte criminel par une compagnie d’assurances a suscité de nombreux débats, notamment au sein des organisations internationales. Couvrir ce type de délinquance rend les principaux acteurs moins attentifs, voire totalement irresponsables, puisque le risque est pris en charge.
La doctrine américaine est qu’on ne peut pas assurer ce genre de risques et que les assureurs qui le feraient pourraient être considérés comme complices du financement d’actes de terrorisme.
Je suis donc hostile à cet article, qui permet l’assurance de ce risque et contribuerait donc au financement d’actes criminels.
L’amendement n° 126 n’est pas défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
J’ai écouté avec intérêt le propos de mes collègues, mais je pense qu’ils font un contresens complet sur les intentions du ministre de l’intérieur.
Ils souhaitent supprimer l’article 4, qui impose un dépôt de plainte pour être indemnisé par un assureur en cas de versement d’une rançon après une attaque au rançongiciel. Actuellement, aucune disposition n’interdit de s’assurer contre le risque de paiement d’une rançon. Il est donc excessif, et même faux, d’affirmer que le projet de loi autoriserait la couverture assurantielle de ce risque.
C’est bien parce qu’une telle couverture est déjà possible que le ministre peut constater que toute une série d’entreprises ou d’établissements s’assurent sans qu’on le sache, ce qui fait que nous avons beaucoup moins de moyens de lutter contre la cybercriminalité que si nous étions renseignés par un dépôt de plainte systématique.
C’est pourquoi l’article 4 introduit une contrainte supplémentaire en imposant de déposer plainte pour pouvoir être indemnisé. Pour être clair, il ne servira donc plus à rien de s’assurer si l’on ne dépose pas plainte ! Le dépôt de plainte avertira les autorités judiciaires de l’existence de la couverture assurantielle, ce qui leur donnera des éléments pour lutter contre la cybercriminalité.
J’ai été rapporteur de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, et je suis avec beaucoup d’intérêt – je le dis à mon amie Nathalie Goulet – ce qui se passe sur ce sujet, et en particulier les circuits occultes de financement du terrorisme. Le paiement d’une rançon doit bien sûr rester une option de dernier recours. Lorsque la victime s’y résout, il est important, je le redis, que les autorités judiciaires en soient informées, afin qu’elles puissent mener les investigations et lutter contre cette criminalité. Actuellement, elles ne le sont pas.
Les assureurs qui acceptent de couvrir un tel risque vérifient que leurs clients se protègent correctement, dans un souci de prévention. En réalité, le développement du marché de l’assurance peut même contribuer à la diffusion de bonnes pratiques et de règles de prévention, même si l’Anssi et les pouvoirs publics doivent continuer à sensibiliser les entreprises et les administrations à cette menace.
J’émets donc un avis défavorable à ces amendements identiques de suppression.
Madame, messieurs les sénateurs, comme l’a très bien dit le rapporteur, je crois que la présentation de ces amendements révèle que vous faites un contresens.
Actuellement, il existe des assurances contre le paiement de telles rançons. Si vous supprimez l’article 4, ce fait ne changera pas ! Vous auriez pu déposer des amendements pour interdire l’assurance contre le paiement de rançons : ils auraient été plus conformes à vos interventions en défense de vos amendements de suppression.
Nous voulons simplement conditionner le paiement de rançons par les assurances au dépôt d’une plainte. La puissance publique a besoin d’être mieux informée de ce qui se passe, notamment pour connaître les entreprises ou acteurs économiques qui sont attaqués.
Il existe déjà des assurances, dans le monde réel, contre l’extorsion et le chantage. Nous faisons un parallèle entre le monde réel et le monde numérique, dans lequel il se passe exactement la même chose. Les entreprises, les acteurs économiques, les acteurs institutionnels, payent souvent des rançons – nous estimons à 25 ou 30 % le pourcentage de victimes d’attaques qui l’auraient fait.
Nous ne pouvons pas accepter que les assurances payent des rançons sans qu’une plainte soit déposée. Sinon, nous en arriverons au modèle économique que vous dénoncez ; car s’il est difficile de subir une attaque, on sait que l’on est remboursé si l’on a pris une assurance.
Avec l’adoption de cet article, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles pourra sanctionner les assureurs qui payeraient des rançons sans dépôt de plainte, afin d’assurer l’égalité de tous les assureurs devant la loi.
Je demande donc le retrait de vos amendements. Je le redis, vous auriez pu déposer d’autres amendements pour interdire purement et simplement, sous peine de sanction, l’assurance contre la rançon – mais c’est un autre sujet. J’espère que notre discussion aura en tout cas éclairé le débat.
Je comprends le raisonnement : effectivement, la suppression de cet article ne changera rien au fait qu’une couverture assurantielle existe.
Il n’empêche, une ambiguïté subsiste. L’Anssi tout autant que le parquet spécialisé de Paris ont adopté une position claire, contrairement à vous, monsieur le ministre. Vous auriez pu prendre l’initiative d’interdire la couverture assurantielle. Vous auriez alors été en accord avec votre position de principe.
Les États-Unis ont adopté une position beaucoup plus claire et ils ont vu le montant des rançons baisser. Je livre cette réflexion à votre sagacité.
Je le redis, l’ambiguïté qui demeure ne va pas dans le sens de la règle de conduite que vous vous êtes fixée.
Pour autant, je retire cet amendement.
L’amendement n° 5 rectifié ter est retiré.
Monsieur Cadic, l’amendement n° 112 rectifié bis est-il maintenu ?
J’étais favorable aux dispositions de l’article 3, qui correspondent exactement aux méthodes employées, avec succès, par le FBI : ce dernier parvient à récupérer très rapidement les rançons après qu’elles ont été versées, même si je rappelle au passage que la doctrine aux États-Unis ne permet pas cette option. Je resterai cohérent avec mon propos et maintiendrai mon amendement, qui sera mis au vote – je veux aller jusqu’au bout.
Notre doctrine consistait à ne pas payer de rançon. J’ignore quelle sera demain l’action des pouvoirs publics en cas de changement de stratégie. Lorsque les hôpitaux, administrations, services publics ou départements seront attaqués, payeront-ils une rançon ? C’est la grande question puisque le paiement de rançon semble entrer dans les mœurs.
En ce qui me concerne, je continuerai à dissuader quiconque de payer. Car ce faisant, on invite les agresseurs à poursuivre leurs méfaits, on donne de l’argent à des terroristes.
Que celui qui verse une rançon en pensant que les conséquences de son acte sont étrangères à son problème ne vienne pas se plaindre, demain, quand le terroriste viendra le frapper.
Je me suis sans doute mal exprimé. Est-il aujourd’hui possible de souscrire une assurance contre le risque de cyber-rançon ? La réponse est oui.
Monsieur Cadic, je ne comprends pas votre argumentation. Je m’oppose, moi aussi, au paiement des rançons. Je suis, moi aussi, contre le terrorisme. Le monde n’est pas divisé entre partisans et adversaires du terrorisme !
Je le répète : il ne faut évidemment pas payer les rançons. Je constate néanmoins comme nous tous, contrairement à ce que j’ai entendu dans les propos liminaires, que des assurances existent pour rembourser le paiement d’une rançon. Tel est l’état actuel du droit.
Nous aurions pu, c’est vrai, interdire les assurances. Le débat est ouvert sur ce point, mais ce n’est pas la proposition du Gouvernement, pas plus que la vôtre. Car, dans l’élaboration du texte législatif qui nous occupe, vous auriez pu proposer l’interdiction des assurances pour risque cyber. Force est de constater que vous ne le faites pas pour le monde réel : vous autorisez l’assurance de la rançon, de l’extorsion et du chantage. Ce qui se passe dans le monde cyber s’inspire du monde réel. Nous devons donc être cohérents dans notre fonctionnement pénal.
Pourquoi, pour notre part, ne proposons-nous pas de supprimer l’assurance ? Vous citiez l’exemple des États-Unis, mais, malheureusement, notre situation n’est pas comparable à la leur sur cette question.
Derrière ce débat se cache d’ailleurs – ne soyons pas naïfs ! – un argument commercial : « Puisque vous n’êtes pas assurés, achetez nos solutions de protection informatique ! »
Notre difficulté actuelle est que nous ne connaissons pas exactement les modus operandi de la plupart des groupes criminels responsables de cette nouvelle menace – car c’est bien ce dont il s’agit, comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale à la tribune –, contre laquelle nous devons nous protéger. Or nous devons connaître ces menaces pour mieux y répondre et, pourquoi pas, développer un système judiciaire et économique permettant de les combattre.
Si nous ne connaissons pas exactement les menaces, comment voulez-vous que la police et la gendarmerie, aidées par l’Anssi notamment, puissent documenter du mieux possible ce risque ?
Aujourd’hui, la zone d’ombre autour des rançons qui sont payées – puisque les assurances sont autorisées – sans que nous en ayons connaissance est énorme. Je vous rejoins sur un point : ce faisant, on achète la paix locale sans se soucier de l’intérêt général.
En outre, comment réagirait la PME de votre territoire si, demain, nous interdisions les assurances – car j’y ai réfléchi, monsieur le sénateur – qui seraient autorisées partout en Europe ? Elle souscrira une assurance à l’étranger, et nous aurons alors perdu sur les deux tableaux : d’une part, les plaintes ne seront pas déposées et nous ne connaîtrons pas mieux notre adversaire – qui est nouveau et que nous sommes en train de le découvrir – ; d’autre part, les entreprises continueront tout de même à garantir leur risque.
Je ne suis pas tout à fait certain, d’ailleurs, que le Conseil constitutionnel nous autoriserait à interdire la couverture d’un risque que courent les acteurs économiques et institutionnels.
La meilleure solution que nous ayons trouvée à ce stade est non pas de changer de doctrine, mais d’expliquer qu’il ne faut pas payer de rançon. Nous constatons que des assurances spécifiques existent et que, pour des raisons à la fois d’opportunité et de droit, il ne nous est pas possible, à notre connaissance, de les interdire. Nous souhaitons donc que le dépôt d’une plainte soit un préalable à l’indemnisation, afin que nous puissions mieux connaître et poursuivre systématiquement les auteurs des crimes cyber.
La question est très complexe. Nous découvrons le continent des cyberattaques, et nous n’en sommes qu’au début. Le législateur que vous êtes aura sans doute à légiférer sur d’autres textes en la matière : au fur et à mesure, nous apporterons des réponses aux nouvelles menaces que nous découvrirons, mais je reste persuadé que les amendements de suppression de l’article 4 sont la pire des solutions dans la situation actuelle.
Le Gouvernement propose-t-il la meilleure des réponses dans le meilleur des mondes ? Sans doute que non, mais c’est la moins mauvaise des solutions.
Je me fais le relais de notre collègue Mickaël Vallet, qui avait déposé un amendement.
On comprend bien le propos du ministre. On décèle également le tiraillement qui existe entre les positions de l’Anssi et de Bercy. D’un côté, le directeur de l’Anssi estime que : « Dès lors que l’on s’interroge sur le paiement d’une rançon, il est déjà trop tard. Il n’y a plus alors de bonne solution. Il ne faut pas se tromper de message et dissuader fortement le paiement des rançons, qui va alimenter le crime organisé. Cet argent sera utilisé pour attaquer encore plus de victimes. Toute disposition, quand bien même elle semblerait de bon sens, qui pourrait laisser croire que le paiement d’une rançon est quelque chose d’anodin, enverrait un terrible message. »
En face, Bercy nous dit que, en tout état de cause, les assurances existent et que si elles ne sont pas en France elles iront ailleurs, alors autant qu’elles soient chez nous !
Je ne sais pas quelle est la meilleure solution, mais il nous semble tout de même que le fait d’accroître la visibilité de l’assurance par le dépôt de plainte envoie un message d’encouragement aux attaques. C’est, d’une certaine manière, sinon un blanc-seing, du moins le signe qu’on « solvabilise » les cybercriminels.
Je serai extrêmement bref, car M. Durain a dit exactement ce que je voulais dire.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le ministre m’ayant plutôt convaincue, je retire mon amendement, monsieur le président.
Je viens de le vérifier : aucun pays de l’OCDE n’a pris de mesure d’interdiction des assurances. Les mesures qui ont été prises sont assez comparables aux nôtres, y compris aux États-Unis. Je crois par ailleurs qu’il n’est pas très juste d’utiliser l’argument selon lequel un grand pays ferait différemment de nous.
Je redis à Jérôme Durain que son argumentation, même si je la comprends, est nulle et non avenue : si l’article 4 est supprimé, des assurances assureront toujours des rançons, mais sans que nous le sachions. C’est donc pire !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 46, présenté par MM. Cardon et Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Artigalas, Carlotti et Conconne, MM. Cozic et Gillé, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Jacquin, Mmes Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le mot :
plainte
par le mot :
pré-plainte
2° Remplacer les mots :
au plus tard 48 heures après le paiement
par les mots :
dans les 24 heures suivant l’attaque et avant tout paiement
La parole est à M. Rémi Cardon.
Les discussions sont assez vives sur cet article 4 et je remercie le ministre d’avoir soumis ce sujet, qui est véritablement d’actualité, au débat.
Notre amendement vise à informer sous 24 heures les autorités compétentes pour agir dès l’attaque et réduire le nombre de rançons versées.
On sait que 90 % des attaques sont rapidement signalées, ce qui facilite le travail de nos autorités compétentes afin de favoriser la récupération des données ou, dans un cas extrême, d’engager une négociation avec les cyberattaquants.
Nous devons aller au plus vite, car, en cas d’attaque, les heures sont comptées. Il faut donc inciter les victimes à informer rapidement les autorités compétentes.
L’amendement n° 117, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
plus tard 48 heures après le paiement
par les mots :
moment de la demande de rançon et avant tout paiement
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Manifestement, en déposant cet amendement, j’avais anticipé les explications que vient d’apporter M. le ministre !
Sourires.
Cet amendement, qui est proche du précédent, prévoit que la déclaration de sinistre soit faite au moment de la demande de rançon, en tout cas avant le paiement.
En effet, il n’est pas complètement improbable que les services de police ou les services compétents puissent détecter l’origine de la demande de rançon, ce qui se fait plus facilement avant le paiement qu’après.
Par ailleurs, pour n’importe quel sinistre, la déclaration à la compagnie d’assurances se fait au moment du sinistre.
L’amendement n° 62, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
48 heures
par les mots :
quinze jours
La parole est à M. Guy Benarroche.
La situation est au choix ubuesque ou kafkaïenne. Les entreprises qui souscrivent une assurance et payent leurs cotisations le font, en effet, dans le seul objectif d’être remboursées.
Ce point de vue n’est pas tout à fait celui du Gouvernement. Le Gouvernement souhaite que les gens s’assurent, mais qu’ils ne soient remboursés qu’à la condition d’avoir déposé une plainte au préalable. Il y voit un moyen d’améliorer ses connaissances pour mieux lutter contre la menace cyber.
Nous doutons de cette démarche. Le fait d’imposer l’assurance peut faire augmenter la criminalité : si tout le monde s’assure, le marché du rançongiciel grossira, le point positif étant que les forces de sécurité arrêteront plus facilement les criminels. Mais on le sait bien, on n’arrête jamais 100 % des voleurs. De fait, nous allons donc contribuer à augmenter leur nombre.
La situation me semble kafkaïenne, car, en réalité, les entreprises devront être assurées non pas pour être remboursées, mais pour que le Gouvernement dispose des connaissances suffisantes pour poursuivre les voleurs. Le nombre de voleurs arrêtés sera certes plus élevé, mais en proportion moindre par rapport au nombre de voleurs.
Dans le même temps, on demanderait aux entreprises de déclarer le sinistre sous 24 heures, voire avant le paiement de la rançon, parce que ce qui nous intéresse c’est non pas qu’elles soient remboursées, mais de connaître l’identité du voleur.
Tout cela me paraît absurde et justifie que nous rejetions cet article. Toutefois, dans l’hypothèse où il devait être adopté, nous proposons d’allonger le délai à quinze jours.
Nous discutons à présent des délais.
D’un côté, M. Benarroche souhaite un délai de quinze jours, qui donne du temps aux entreprises, mais qui s’avère totalement contraire à l’intention du Gouvernement pour lequel le délai dans lequel les autorités judiciaires doivent être prévenues doit être le plus court possible. Il s’agit d’essayer – comme lors d’une prise d’otages finalement – d’éviter le paiement de la rançon.
De l’autre côté, Mme Goulet propose un délai de 24 heures auquel, a priori, je ne suis pas opposé. J’en comprends l’inspiration, mais je solliciterai l’avis du ministre à son sujet.
L’exposé des motifs précise toutefois que la demande de rançon constitue le fait générateur. Non ! Si aucune rançon n’est versée, l’assureur n’intervient pas. Je le rappelle, et le ministre l’a déjà dit, l’article 4 vise uniquement l’hypothèse où une clause assurantielle couvre le paiement d’une rançon.
Sur la question de savoir s’il est préférable de prévoir un délai de 24 ou 48 heures, je m’en remets au point de vue du ministre. En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 62.
Monsieur Benarroche, je ne comprends pas votre argument selon lequel assurer le risque reviendrait à « solvabiliser » et donc à encourager la délinquance.
Dois-je en déduire que vous proposez d’arrêter d’assurer les cambriolages ? En effet, plus on les assure, plus on « solvabilise » et plus on « fait » le marché. Doit-on également, en poussant le raisonnement jusqu’au bout, arrêter d’assurer les vols de voiture ?
M. Michel Savin s ’ amuse.
Vous le voyez : votre argument est intéressant dans le cadre de notre discussion en séance, mais il n’est pas applicable au monde réel. Je propose que nous évitions ce type d’échanges. C’est un peu comme le problème du fromage : plus il y a de gruyère, plus il y a de trous et plus il y a de trous, moins il y a de gruyère… §Si je puis me permettre, l’argument manque de sérieux.
En revanche, l’amendement de M. Cardon, auquel on peut joindre celui de Mme Goulet, me semble très intéressant. Je suis tenté de lui donner un avis favorable, monsieur le sénateur, mais je souhaiterais que nous échangions plus avant sur le sujet ou, peut-être, que vous trouviez une solution avec l’Assemblée nationale, le cas échéant en commission mixte paritaire.
Si je résume, votre amendement tend à faire en sorte que la plainte soit déposée concomitamment au paiement de la rançon ou juste avant. Pour notre part, nous estimons préférable d’attendre 48 heures. On peut toujours discuter de l’opportunité de passer ce délai à 24 heures ou 72 heures. Sur ce point, je partage le point de vue de M. le rapporteur : il faut faire le plus court possible.
Votre amendement donne toutefois l’impression d’être fait pour ceux qui connaissent le risque cyber. Je me mets à la place de la petite commune ou d’un boulanger. Dans ma circonscription, un boulanger employant trois salariés a été victime d’une attaque cyber et s’est vu demander une rançon. Je ne suis pas sûr que les boulangers puissent suivre, à la fois, les travaux législatifs, les informations relatives à ces sujets et les conseils des sociétés de sécurité.
Il en va autrement, bien sûr, des très grandes sociétés du CAC 40, pour lesquelles je partage tout à fait votre avis. S’agissant des petites structures, il ne faudrait pas qu’un entrepreneur qui a souscrit un contrat d’assurance, dont il n’a pas lu toutes les lignes, couvrant le risque cyber – c’est ainsi qu’on le lui a vendu – paye ses cotisations en pensant qu’il sera remboursé en cas de sinistre et qu’on lui dise le moment venu : « Pas de chance, il fallait déclarer le sinistre avant ! »
Si je comprends tout à fait votre démarche, je considère que tout le monde n’est pas égal, du moins dans les premiers mois ou premières années de la loi – si elle devait être adoptée –, devant ce risque.
Je vous propose donc, dès lors que nous donnerons un avis favorable à votre amendement, de nous engager à chercher avec vous, ou à l’Assemblée nationale, la bonne mesure entre le moment où il est souhaitable de déclarer le sinistre – le plus tôt étant le mieux si l’on veut limiter l’effet d’opportunité pour les voleurs – et la prise en compte du choc que représente, pour des PME-TPE qui ne sont pas équipées pour y faire face, le blocage de leur entreprise.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 46, mais que M. Cardon ne se vexe pas si nous corrigeons son texte au fur et à mesure de la navette.
Je précise que le fait générateur évoqué dans l’exposé des motifs de mon amendement est l’attaque, car c’est bien elle qui déclenche le remboursement par l’assurance.
Nous pourrions très bien imaginer, en partant de l’amendement qui a été présenté avant le mien et qui relève du même esprit, une solution consistant à prévoir une déclaration « avant paiement et au plus tard le ».
Une déclaration avant le paiement serait idéale pour ceux qui le peuvent, mais la formulation « au plus tard le » laisserait un peu de temps et me semble pertinente.
C’est précisément la raison pour laquelle j’ai sollicité l’avis du Gouvernement. L’inspiration de M. Cardon et de Mme Goulet me semble bonne. Dans une telle affaire, plus on va vite, plus on a de chances de débusquer les auteurs de la cyberattaque. Cela me semble intuitif.
Pour autant, nous écouterons, le moment venu, la position de nos collègues de l’Assemblée nationale. Peut-être pourrons-nous corriger leur version et trouver une formulation comme celle qui vient d’être proposée.
L’avis est donc favorable sur les amendements n° 46 et 117, même si le second n’aura plus d’objet si le premier est adopté. Je réitère mon avis défavorable sur l’amendement n° 62.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 117 et 62 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 45, présenté par MM. Cardon et Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur et Marie, Mmes Carlotti, Meunier et Artigalas, M. Gillé, Mmes G. Jourda et Le Houerou, MM. Cozic et Jacquin, Mmes Conconne, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après le mot :
victime
insérer les mots :
personne physique ou personne morale ayant recours aux services d’un prestataire labellisé en sécurité numérique
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Un décret détermine les qualités et caractéristiques spécifiques préalablement fixées dans un cahier des charges pour se prévaloir du label de sécurité numérique.
La parole est à M. Rémi Cardon.
Pour aller encore plus loin et sortir du débat un peu binaire « pour ou contre l’assurabilité des rançongiciels », il convient de prendre de la hauteur et de « monter » en compétences techniques, pour mieux se protéger.
Le présent amendement reprend la proposition n° 11 du rapport d’information, publié le 10 juin 2021, sur la cybersécurité des entreprises par la délégation aux entreprises, qui l’a approuvé à l’unanimité. Il se réfère précisément au label ExpertCyber, développé sur le site cybermalveillance.gouv.fr, en partenariat avec les principaux syndicats professionnels du secteur.
Le fait d’être labellisé offre une garantie supérieure de prévention du risque, avec une analyse en amont des vulnérabilités, et renforce l’ensemble du tissu entrepreneurial contre les attaques. C’est du gagnant-gagnant.
Il s’agit donc d’encadrer le marché, et de mener une politique volontariste pour donner plus de sens à ce label.
La logique est double : mieux maîtriser le risque – et par là la rentabilité comme la solvabilité – et renforcer notre tissu économique dans ce domaine tout en évitant les arnaques.
Les amendements n° 45 et 216 rectifié ter auraient pu faire l’objet selon moi d’une discussion commune, dans la mesure où ils répondent à la même préoccupation.
Bien que la proposition soit issue du rapport de la délégation aux entreprises – le contexte était légèrement différent –, la commission sollicite, là encore, l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements.
Nous adoptons des méthodes nouvelles et nous comprenons aisément les tâtonnements quant aux mesures à adopter.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 45 et 216 rectifié ter, sachant que le second deviendrait sans objet si le premier était adopté ?
Ce débat est très intéressant. La question est de savoir s’il est souhaitable, pour monter en expertise, de conditionner les paiements de rançons et leur assurance au fait qu’une entreprise ait fait preuve, à tout le moins, d’attention au risque cyber.
Je suis défavorable à ces amendements et je vais tenter de convaincre votre assemblée.
Calquons le risque cyber sur le risque incendie pour établir un parallélisme avec le monde physique. Or comment lutte-t-on contre le risque incendie ? En instaurant des normes : quand on construit un immeuble, on prévoit des sorties de secours, une signalisation, des escaliers, etc. À la fin des fins, l’assurance contre le risque incendie peut être enclenchée, à la condition que ces normes aient été respectées.
Il est vrai que désormais, une attaque cyber dans un hôpital, une entreprise ou une collectivité locale est aussi grave qu’un incendie.
Cela étant, un label d’entreprise est-il de nature à répondre au risque incendie ? La réponse est non. Le rôle du législateur n’est pas, me semble-t-il, de désigner tel ou tel label pour assurer un risque. En revanche, il lui revient d’édicter des normes, pour lesquelles des entreprises et des labels peuvent concourir.
Il est sans doute prématuré de définir ces normes ; en tout cas, tel n’est pas l’objet de cette discussion. En outre, c’est non pas au ministère de l’intérieur qu’il appartient de le faire, mais plutôt à Bercy ou à la Première ministre. Nous n’en sommes en effet, monsieur le rapporteur, qu’au début de notre travail contre le risque cyber.
Par ailleurs, le vote de l’article ainsi modifié par l’amendement permettrait à des assureurs de vendre moins cher leurs contrats à la condition que les assurés respectent les normes de tel ou tel label.
Dans le domaine de l’assurance cambriolage, beaucoup d’assureurs offrent un tarif plus avantageux si les assurés s’engagent à faire des travaux et à installer tel type de fenêtre, de porte ou de serrure. Le risque est ainsi limité et l’assurance moins chère que si les locaux étaient ouverts à tous les vents.
Il revient donc aux assureurs de nouer des partenariats avec les labels que vous évoquez. Le législateur n’a pas à désigner un label au risque de limiter la concurrence.
Nous pourrions imaginer d’autres labels. Soyons un peu libéraux dans notre vision des choses : il ne nous appartient pas de définir des normes – quand bien même un rapport, rédigé dans un contexte différent, car il s’est passé des choses entre-temps, le préconiserait – ou de choisir tel ou tel label ou telle ou telle entreprise.
Je suis favorable à la définition de normes. Certes, rien n’empêchera un assureur de conditionner l’octroi d’un meilleur tarif à des entreprises, collectivités locales ou hôpitaux au respect d’un label. Mais il ne me semble pas que notre rôle soit de choisir ce dernier. Il sera intéressant de mener ce travail de définition des normes à l’occasion de prochains textes.
L’amendement n° 216 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon, Bonnecarrère, Mizzon, Laugier, Henno et Louault, Mmes Billon, Vermeillet, Gacquerre et Sollogoub, M. J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, MM. Le Nay et Capo-Canellas, Mme Guidez et MM. Détraigne et Cigolotti, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et subordonné au fait qu’était en vigueur au moment de l’incident un plan adapté de prévention des risques liés à la cyber sécurité, dont les caractéristiques minimales sont fixées par décret
La parole est à M. Olivier Cigolotti.
Cet amendement, qui a un rapport avec la discussion que nous venons d’avoir, ajoute une notion supplémentaire.
Son objet est de subordonner l’indemnisation, à la fois, au dépôt d’une plainte dans les 48 heures comme cela a été déjà demandé, et au fait que soit en vigueur dans l’entreprise un plan adapté de prévention des risques liés à la cybersécurité ou que des moyens aient été mis en œuvre – cela rejoint les propos de M. le ministre – pour se prémunir contre les cyberattaques.
Les normes ou les caractéristiques minimales de ce plan pourraient être fixées par décret.
Quel est finalement l’avis de la commission sur les amendements n° 45 et 216 rectifié ter ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ce débat est intéressant. J’ajouterai, à la suite de M. le ministre, que, pour les petites structures comme des PME – nous en connaissons tous dans nos départements –, un plan de prévention et de gestion des risques de cybersécurité représente une montagne !
Marques d ’ assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.
J’étais favorable aux amendements de M. Cardon et Mme Goulet sur les délais, car il est nécessaire d’aller le plus vite possible pour éviter la cyber-rançon. Mais, sur les deux amendements n° 45 et 216 rectifié ter visant à mettre en place des normes, l’avis sera défavorable, ce qui n’exclut pas d’être à l’écoute des débats qui se tiendront sur ce sujet dans d’autres assemblées. Le cas échéant, nous proposerons une rédaction plus optimale.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
L’amendement n° 16, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou et Meunier, MM. Tissot et M. Vallet, Mmes Monier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au I de l’article L. 561-15, après le mot : « proviennent », sont insérés les mots : « ou qu’elles résultent » ;
2° Au premier alinéa l’article L. 561-16, après le mot : « proviennent », sont insérés les mots : « ou qu’elles résultent ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
Les discussions et réflexions que nous venons d’avoir montrent la complexité des mécanismes envisagés et la nécessité que les assureurs doivent prendre leur part dans la lutte contre la cybercriminalité.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’insérer un article additionnel visant à compléter le code monétaire et financier. Cet article imposerait aux acteurs du secteur assurantiel de s’abstenir d’effectuer toute opération portant sur des sommes dont ils savent ou présument qu’elles résultent du paiement d’une rançon exigée à la suite d’une atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données, jusqu’à ce qu’ils en aient fait la déclaration à Tracfin.
Les rapporteurs de la commission ont indiqué que cette mesure était satisfaite. Néanmoins, il pourrait être soutenu que, dans le texte en vigueur, le code monétaire et financier évoque des sommes « provenant » de telles infractions alors que, dans le cadre du paiement d’une rançon, le paiement « résulte » de l’infraction.
Cette précision peut paraître subtile, mais il s’agit d’une clarification utile, qui justifie d’adopter le présent amendement. Il nous semble que Tracfin, qui est un service de renseignement spécialisé, doit être associé pleinement à la lutte contre la criminalité économique et financière en tant qu’administration partenaire.
L’amendement nous semble satisfait dans la mesure où l’article L. 561-15 du code monétaire et financier prévoit que « les personnes responsables des établissements financiers sont tenues de déclarer à Tracfin les sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an », ce qui est le cas, « ou sont liées au financement du terrorisme ».
En 2021, Tracfin a reçu 66 déclarations de soupçon en lien avec le paiement d’un rançongiciel contre 28 en 2020 et 19 en 2019, soit 3, 5 fois plus en trois ans. À ce jour, Tracfin a transmis huit de ces dossiers à l’autorité judiciaire.
Il nous semble que cet amendement n’est pas nécessaire au stade où nous en sommes. C’est pourquoi la commission y est défavorable, mais elle écoutera avec intérêt l’avis du Gouvernement.
J’ajoute que les compagnies d’assurances sont tenues de déclarer leurs soupçons, comme les banques – qui nous demandent d’ailleurs de déclarer chaque année toute une série d’éléments, ce qui n’était pas le cas avant.
Je souscris à la position du rapporteur.
D’une part, Tracfin a engagé des réflexions sur ce sujet.
D’autre part – c’est un élément supplémentaire par rapport à ce qu’a dit le rapporteur –, une discussion est en cours au niveau européen.
Nous devons laisser cette discussion aller jusqu’au bout, même si nous savons que les discussions européennes prennent souvent un certain temps…
L’article 230-46 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Dans les mêmes conditions d’autorisation que celles prévues au 3°, en vue de l’acquisition de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions, des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication. » ;
2° À l’avant-dernier alinéa, après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « et au 4° ». –
Adopté.
Chapitre II
(Division supprimée)
(Supprimé)
L’amendement n° 224, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Communications mobiles critiques très haut débit.
« On entend par communications mobiles critiques très haut débit les communications électroniques émises, transmises ou reçues par les services de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes et présentant les garanties nécessaires à l’exercice de leurs missions en termes de sécurité, d’interopérabilité de continuité et de résilience. » ;
b) Après le 2° bis, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter Réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
« On entend par réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité un réseau dédié aux services publics mutualisés de communication mobile critique très haut débit pour les seuls besoins de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes. Ce réseau est mis à la disposition de ces services dans le cadre des missions relevant de l’État, des collectivités territoriales, des services d’incendie et de secours, des services d’aide médicale urgente et de tout organisme public ou privé chargé d’une mission de service public dans le domaine du secours. Il est exploité par l’opérateur défini au 15° ter. » ;
c) Après le 15° bis, il est inséré un 15° ter ainsi rédigé :
« 15° ter Opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
« On entend par opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité l’établissement public chargé d’assurer le service public d’exploitation du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité et de fourniture à ses utilisateurs d’un service de communications mobiles critiques à très haut-débit sécurisé destiné à des missions de sécurité et de secours et reposant sur les principes de continuité de service, de disponibilité, d’interopérabilité et de résilience. » ;
2° Après la section 8 du chapitre II du titre Ier du livre II, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Dispositions particulières au réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité
« Art. L. 34- …– I.– Les opérateurs titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques très haut débit entre les services de l’État et les autres acteurs de la sécurité et des secours.
« Les opérateurs titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public font droit aux demandes d’itinérance sur leurs réseaux de l’opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité. Cette prestation fait l’objet d’une convention communiquée à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
« La convention mentionnée au premier alinéa du présent I détermine les conditions techniques et tarifaires de fourniture de la prestation d’itinérance.
« Les différends relatifs aux conditions techniques et tarifaires de la convention mentionnée au présent I sont soumis à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8.
« II.– En cas de congestion, afin de garantir l’acheminement des communications mobiles critiques très haut débit, les opérateurs retenus dans le cadre du marché public visant à répondre aux besoins de l’opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité font droit aux demandes d’accès prioritaires de celui-ci aux réseaux ouverts au public interconnectés, fondées sur des impératifs de sécurité publique, conformément au règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union.
« III.– Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de compensation des investissements identifiables et spécifiques mis en œuvre en application du I, à la demande de l’État, par les opérateurs titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public, sauf dans les cas où ces prestations ont fait l’objet d’un marché public.
« IV. – L’opérateur mentionné au 15° ter de l’article L. 32 et le réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité mentionné au 2° ter du même article sont soumis au respect des règles applicables à l’établissement et à l’exploitation des réseaux ouverts au public et à la fourniture au public de services de communications électroniques, à l’exception des règles prévues aux f, f bis, f ter, g, h, j, k, n, n bis, n ter et p du I de l’article L. 33-1, aux II, V et VI de l’article L. 33-1 et aux articles L. 33-7, L. 33-9, L. 33-12, L. 33-12-1, L. 34, L. 35 à L. 35-7. »
La parole est à M. le ministre.
L’amendement n° 224 a pour objet d’inscrire directement les dispositions envisagées pour l’ordonnance prévue initialement à l’article 5 dans le dur de la loi, afin de répondre à l’interpellation de la commission des lois qui a supprimé cet article – le Parlement n’aime pas particulièrement les ordonnances !
Je vais m’attarder quelque peu sur cet amendement, qui est assez long, même si vous avez eu un débat en commission sur le sujet lorsque vous avez supprimé l’article et que nous l’avons évoqué lors de la discussion générale. L’amendement vise à créer le réseau Radio du futur (RRF), qui est inscrit dans la programmation financière que vous avez votée à l’article 2 du projet de loi – je vous en remercie – pour un montant de 2 milliards d’euros.
Il s’agit de remplacer l’intégralité des réseaux de radio de la police – y compris ceux de la préfecture de police de Paris –, de la gendarmerie et des services de la sécurité civile, ainsi que d’autres services publics qui voudraient y participer, par exemple l’administration pénitentiaire ou les douanes, par un réseau unique basé sur d’autres réseaux – ceux du futur ! – que ceux utilisés actuellement.
Ces derniers ont en effet connu un certain nombre de difficultés de fonctionnement lors de crises récentes, que ce soit pendant les grands incendies que notre pays a connus ou à l’occasion de calamités comme celle qui a touché les vallées de la Vésubie et de la Roya. Nous avons ainsi constaté que, dans certaines circonstances, les réseaux de communications ne fonctionnaient plus pour des raisons liées aux conditions météorologiques, ce qui signifie des urgences auxquelles on ne répond pas et des vies perdues.
En prévision des jeux Olympiques de Paris et dans un cadre interministériel, le ministère de l’intérieur a donc décidé de lancer ce grand projet de RRF pour un montant global de 2 milliards d’euros, je le disais, avec un appel d’offres – je signerai d’ailleurs demain le marché correspondant. C’est Airbus qui dirigera le lot le plus important et l’opérateur sera Bouygues Telecom.
Beaucoup d’industriels ont concouru à cet appel d’offres, ce qui démontre le sérieux de notre démarche et les opportunités que ce futur savoir-faire offrira ensuite à l’export pour nos entreprises.
La France sera le premier pays à mener ce type de projet, c’est-à-dire un réseau numérique utilisant à la fois la radio, l’image et la géolocalisation, unique pour l’ensemble des forces et résistant, quelles que soient les intempéries. Par ailleurs, tous les agents concernés des forces de l’ordre en disposeront sur leur téléphone portable, ce qui facilitera leur action.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai aux questions que vous ne manquerez pas de me poser, car il est normal de s’interroger sur un projet doté de 2 milliards d’euros. Sachez que, en ce qui concerne le cadre juridique, le Conseil d’État a indiqué, dans son avis du 18 mai 2021, que le pilotage du RRF devait être assuré par une personne morale distincte de l’État. C’est pourquoi nous vous proposons dans cet amendement de prévoir en dur, c’est-à-dire directement dans la loi et non dans une ordonnance, la création d’un établissement public administratif chargé d’opérer le futur réseau.
L’amendement vise aussi à définir les nouvelles notions techniques propres au RRF.
Il tend ainsi à lister les exigences particulières de ce réseau, notamment l’obligation pour tous les opérateurs non retenus dans le marché – tous sauf Bouygues Telecom donc – de fournir l’itinérance afin de ne pas avoir de zones blanches : l’intérêt général doit s’appliquer et le réseau doit fonctionner partout et en tout temps.
Il prévoit également les exemptions aux exigences qui s’imposent habituellement aux autres opérateurs, mais qui n’ont pas de sens pour RRF, par exemple l’accessibilité pour les personnes malentendantes.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’objet de cet amendement. Il est certes un peu long, je le redis, mais le Gouvernement n’en a déposé que deux et celui-ci l’a été à la demande de votre commission, en espérant qu’elle n’a supprimé l’article 5 que pour une raison de forme…
Dans le texte initial du Gouvernement, l’article 5 prévoyait le renvoi à une ordonnance.
Or, en travaillant sur ce sujet avec le ministre et ses services, nous avons convenu que le dossier du RRF était suffisamment mature pour que les dispositions envisagées pour l’ordonnance soient inscrites en dur dans le projet de loi, en tenant compte des observations de notre commission des lois.
Sur le fond, nous voyons d’un très bon œil le déploiement de ce réseau, dont la Nation dans son ensemble, les forces de sécurité et les services de secours ont besoin et qui répond à des enjeux opérationnels très importants.
C’est pourquoi l’avis de la commission est favorable sur cet amendement.
J’avais d’abord déposé un sous-amendement à votre amendement, monsieur le ministre, pour y intégrer des éléments liés à la sécurité des réseaux de communications électroniques.
À partir du moment où seront utilisés les réseaux commerciaux 4G de téléphonie mobile pour transporter les communications des services de sécurité et de secours, il me semblait essentiel de renforcer la protection des infrastructures de télécommunications.
Le 30 avril 2021, le ministère de l’intérieur indiquait que 174 infrastructures de télécommunications avaient été vandalisées en 2020 sur le territoire national. La prise pour cible de ces infrastructures essentielles ne s’essouffle pas, bien au contraire.
Incendies de sites mobiles, sectionnements de fibres, vols de câbles… Depuis l’été 2021, les attaques se multiplient, de sorte que le bilan de l’année 2021 a été plus lourd que celui constaté en 2020 et les six premiers mois de 2022 ont connu un record avec près de deux cents actes de malveillance recensés par la Fédération française des télécoms auprès de ses trois membres – Bouygues Telecom, Orange et SFR.
Ces actes touchent désormais davantage les réseaux fixes : 159 actes ont été recensés contre 37 ayant visé les réseaux mobiles de janvier à juin 2022.
L’acte le plus préoccupant a été commis dans la nuit du 27 avril 2022 : le sectionnement en plusieurs lieux du territoire des câbles de fibre optique longue distance reliant les villes de Strasbourg, Rouen, Lyon et Lille à Paris, ce qui relève du sabotage.
Ces actes sont particulièrement pénalisants pour la vie sociale et économique, alors que de nombreuses entreprises ont de plus en plus recours au télétravail et que les démarches administratives sur internet se sont généralisées.
C’est pourquoi mon sous-amendement visait à renforcer l’arsenal pénal contre les auteurs d’actes de vandalisme sur les réseaux. Car, en l’état du droit, la faiblesse des peines encourues et les possibilités d’aménagement de ces peines ne sont pas dissuasives.
Néanmoins, la commission des lois m’ayant fait savoir que ce sous-amendement serait déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, j’ai préféré le retirer. Pour autant, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous me donniez votre avis sur ce sujet.
Monsieur le ministre, le dispositif visé dans cet article a-t-il une parenté avec le projet NexSIS, envisagé par la direction générale de la sécurité civile, qui doit faciliter les communications entre tous les services d’incendie et de secours au niveau national ?
Monsieur Chaize, je comprends l’intérêt du sous-amendement que vous souhaitiez défendre. Le réseau Radio du futur est censé être résilient – c’est l’objet de l’une des clauses que nous imposons à nos cocontractants –, y compris en cas d’interventions négatives sur les réseaux. Vu l’intérêt majeur de ce puissant réseau, il doit continuer de fonctionner même en cas d’événement extraordinaire – calamité naturelle ou attaque contre les pylônes de radiodiffusion. Soyez rassuré : je vais mettre au défi les industriels sur ce point.
La réponse pénale que vous évoquiez est tout à fait envisageable, mais elle doit être examinée dans le cadre d’un texte relevant du garde des sceaux. Mais vous avez raison de mettre ce problème en avant : il est évident que la France connaît depuis plusieurs années, singulièrement depuis plusieurs mois, des attaques qui proviennent de l’ultragauche ou qui peuvent être qualifiées de terroristes – c’est le parquet national antiterroriste qui le dit. Ces sabotages affectent des éléments de modernité que sont notamment les réseaux radio et téléphonique, et font plonger en zone blanche des milliers de nos compatriotes.
La gendarmerie nationale – c’est souvent en zone rurale que ces attaques surviennent – est particulièrement mobilisée : elle procède à des enquêtes sur demande des magistrats et interpelle de nombreuses personnes. Mais, monsieur le sénateur, je constate comme vous que, sur ce sujet comme sur celui des bassines, nous rencontrons d’importantes difficultés malgré les moyens importants que nous déployons.
J’espère avoir répondu à vos interrogations. Je le répète, l’aggravation de l’arsenal pénal que vous avez évoquée relèverait d’un autre texte.
Monsieur Favreau, NexSIS concerne les appels d’urgence, tandis que le RRF est un réseau de communications technologiques entre la communauté des personnels de la puissance publique – policiers, gendarmes, pompiers, administration pénitentiaire, etc. Il ne s’agit donc pas de remplacer les numéros 117 et 118, qui reposent – et c’est heureux – sur d’autres réseaux ; il s’agit de créer un réseau global et unique du ministère de l’intérieur en lien avec d’autres ministères.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 17, présenté par Mme Conconne, M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Artigalas, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Cozic, Gillé et Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 137-1 du code de la procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins de bonne administration de la justice, dans les territoires régis par l’article 73 de la Constitution, le juge des libertés et de la détention peut recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour la tenue des comparutions relatives aux fonctions détaillées dans la présente section, dans les cas et selon les modalités prévues par décret. »
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Nos pays sont gangrenés par le trafic de drogue avec sa cohorte quotidienne de drames. Pas plus tard que ce matin, un fonctionnaire a été blessé lors de l’interpellation de trafiquants présumés.
Lors de votre déplacement récent à la Martinique et en Guyane, vous avez fait montre, monsieur le ministre, de réactivité et annoncé des moyens importants pour lutter contre ce trafic que nous déplorons tous et qui transforme nos pays en une plaque tournante de produits stupéfiants avec tout ce que cela comporte comme dommages, y compris pour notre jeunesse qui s’adonne malheureusement à ce genre de pratiques.
Il faudra aussi dégager des moyens pour la justice. Lorsqu’un juge veut entendre quelqu’un qui est en Guyane, un magistrat de la Martinique doit s’y rendre en avion et donc s’extraire de ses tâches quotidiennes pour deux ou trois jours. À la Martinique, comme ailleurs, nous manquons de magistrats.
Par mon amendement, je demande au Gouvernement d’accepter le fait que les magistrats puissent employer les moyens modernes de télécommunications, en particulier la visioconférence – nous l’avons tous utilisée pendant la période du covid –, pour entendre en audience des personnes mises en examen, tout en respectant naturellement les règles habituelles en la matière.
Monsieur le ministre, nous devons mettre en œuvre des moyens importants. Car nous devons taper fort et nous devons aller vite, comme les élus locaux et vous-même l’avez rappelé lors de votre venue à la Martinique.
Nous devons réduire de manière drastique le trafic de drogue, y mettre fin si possible, parce qu’il fait vraiment trop de mal à nos pays.
Ma chère collègue, la commission est pleinement consciente des problèmes auxquels vous entendez remédier par votre amendement, que vous avez présenté avec conviction.
Néanmoins, cet amendement pose une difficulté, puisque le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont jugé que l’on ne pouvait pas imposer aux parties, spécialement pour les questions relevant du juge des libertés et de la détention, un moyen de communication audiovisuelle.
Le cadre juridique doit donc être plus restrictif que ce qui est prévu à ce stade dans votre amendement et il doit préserver les droits de la défense. Il serait utile de travailler cette question avec le garde des sceaux et ses services.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
Madame la sénatrice, je ne peux pas rester insensible à une telle conviction, en particulier quand il s’agit de votre belle île de la Martinique.
Je partage avec vous, vous le savez, l’absolue nécessité de lutter de manière implacable contre les stupéfiants. Du fait de sa position géographique, la Martinique est effectivement gangrenée par la drogue qui vient d’Amérique du Sud pour être vendue en Europe.
Il est vrai – je suis également d’accord avec vous sur ce point – que les moyens technologiques peuvent nous permettre d’aller plus vite, souvent en simplifiant la procédure pénale.
Ce n’est donc pas le ministre de l’intérieur que je suis qui va vous contredire, d’autant que j’ai moi-même proposé et mis en place des dispositions pour favoriser l’utilisation de la visioconférence pour des procédures administratives, par exemple l’expulsion d’étrangers, ce qui m’est parfois reproché, notamment par le groupe écologiste.
Je suis donc favorable par principe à ce type d’évolution, mais vous comprendrez que je me range aux arguments et à l’avis du rapporteur. Je ne suis pas le garde des sceaux – je peux le regretter parfois ! –, et c’est avec lui que vous devez discuter de ce sujet. L’utilisation de la visioconférence pose de lourds problèmes d’organisation aux services du ministère de la justice.
Non, je le retire, monsieur le président, mais je le présenterai à un autre moment, parce que l’adoption d’une telle mesure serait d’une grande utilité.
L’amendement n° 17 est retiré.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ACCUEIL DES VICTIMES ET À LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS
Chapitre Ier
Améliorer l’accueil des victimes
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 15-3-1, il est inséré un article 15-3-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 15 -3 -1 -1. – Aux fins de bonne administration de la justice, toute victime d’infraction pénale peut, dans les cas d’atteinte aux biens et selon des modalités prévues par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue dans sa déposition par les services ou unités de police judiciaire par un moyen de télécommunication audiovisuelle. » ;
2° La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 706-71 est ainsi rédigée : « Il est dressé un procès-verbal des opérations qui ont été effectuées. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 136 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 207 est présenté par MM. Richard, Patriat, Mohamed Soilihi, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
d’atteinte aux biens
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 136.
Cet amendement important vise à revenir au texte initial du Gouvernement qui a été modifié par la commission des lois du Sénat sur l’initiative de son rapporteur, Marc-Philippe Daubresse.
Il s’agit de permettre à des citoyens de déposer plainte par visioconférence, grâce à l’identité numérique. Nous connaissons déjà la pré-plainte en ligne et vous avez autorisé la plainte en ligne. Un service de police ou de gendarmerie pourra entendre une personne où qu’elle soit, à son domicile, chez un avocat ou dans le local d’une association de protection des victimes, et de n’importe quel point du territoire national, voire – pourquoi pas ? – de l’étranger.
Je m’empresse de préciser qu’il s’agit d’une possibilité et que cela n’empêche en rien une personne qui dépose plainte ou est auditionnée de se rendre dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie, si elle le souhaite. C’est la personne qui le décidera, pas le service de police ou de gendarmerie.
L’utilisation de cette procédure n’exclut pas non plus que cette personne soit convoquée physiquement, par la suite, dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, si la nécessité s’en fait sentir pour une raison ou pour une autre, par exemple en raison de la gravité des faits.
Sur l’initiative de son rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, la commission des lois a restreint cette possibilité de prise de plainte par visioconférence aux seules atteintes aux biens. L’amendement n° 136 vise à lever cette restriction, pour inclure notamment certaines atteintes aux personnes, en tout cas celles qu’on pourrait qualifier de légères, par exemple, celles sans conséquence physique comme une bousculade ou une gifle – je ne vise pas le cas des violences intrafamiliales. Car même sans arrêt de travail on peut avoir envie de déposer plainte.
Par ailleurs, l’utilisation de la visioconférence peut aussi être utile dans certains cas d’agression sexuelle, de viol ou de violence conjugale. Dans ces affaires, des difficultés, difficilement compréhensibles par la victime, peuvent limiter l’efficacité et la rapidité d’intervention des services de police ou de gendarmerie. L’instruction de l’affaire pour laquelle elle a déposé plainte est en effet parfois longue, et les auteurs des violences peuvent pendant ce temps continuer leurs agissements, ce qui peut conduire à la mort de la victime ou faire d’autres victimes.
Je prendrai un exemple concret : il arrive régulièrement qu’une victime de violences conjugales se réfugie loin de son domicile, dans sa famille ou chez un proche. Elle n’est souvent pas en état, pendant quelque temps, que ce soit pour des raisons financières ou psychologiques, de retourner là où elle a déposé plainte pour faire sa déposition. Son audition peut alors tarder, en particulier quand on passe d’une zone police à une zone gendarmerie ou inversement.
En outre, le recueil de la déposition à l’autre bout de la France par un agent qui n’a pas participé au dépôt de plainte et qui ne connaît pas le contexte est évidemment moins efficace – on perd des jours, des semaines et parfois même des mois – en raison d’un manque d’organisation des services.
Des difficultés peuvent également se poser lorsque plusieurs personnes déposent plainte pour un même dossier.
On peut aussi penser aux cas où une victime d’agression sexuelle trouve d’autres personnes qui auraient vécu la même chose qu’elle. L’utilisation de la visioconférence pourrait certainement permettre d’accélérer les procédures de ce type, par exemple en procédant très rapidement, dans les heures ou les jours qui suivent, à une première audition en visioconférence de toutes ces personnes, quitte à les entendre de nouveau, mais physiquement, un peu plus tard.
Bref, vous aurez compris, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que la plainte par visioconférence présente un intérêt tant pour la victime que pour les services de police ou de gendarmerie.
Pour autant, je suis d’accord pour dire que ce n’est pas l’alpha et l’oméga des solutions que nous pouvons mettre en œuvre pour améliorer les choses. Je suis d’ailleurs tout à fait prêt à ce que la rédaction que nous vous proposons soit retravaillée durant l’examen du texte par le Parlement, par exemple pour ajouter certaines conditions au dispositif.
En tout cas, la visioconférence nous paraît essentielle pour accélérer les procédures et pour simplifier la vie des gens – ils n’auront plus besoin de poser des jours de congé pour aller déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie, ce qu’ils sont souvent obligés de faire aujourd’hui même pour une affaire vénielle. Cela peut aussi faciliter le dépôt de plainte, car chacun sait que des personnes y renoncent, notamment par faute de temps. Enfin, cela permettra aux enquêteurs de mieux se concentrer sur le fond des dossiers.
Voilà les précisions que je voulais vous apporter. J’espère que ces arguments vous auront convaincu de rétablir le texte de cet article 6.
La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 207.
Le ministre ayant apporté de larges explications, je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.
Nous avons eu des débats en commission sur ce sujet ; j’avais dit au ministre que nous avions des inquiétudes s’agissant de certaines situations.
Je veux insister sur le fait que cette nouvelle procédure sera non pas une obligation, mais une simple faculté pour la personne qui souhaite déposer plainte. Chacun pourra aller déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie, par exemple s’il estime cette procédure plus protectrice.
La commission a tenu compte des arguments avancés par le ministre et s’en remet sur cet amendement à la sagesse du Sénat.
À titre personnel, je le voterai, parce que le ministre m’a convaincu du fait que la visioconférence pouvait apporter de la rapidité et de l’efficacité dans nombre de procédures, ce qui constitue un élément protecteur pour les victimes. Or c’est ce qui doit nous guider, parce qu’aujourd’hui trop d’entre elles sont abandonnées à elles-mêmes.
Une fois n’est pas coutume, je prends la parole pour soutenir cet amendement proposé par le Gouvernement.
Je le fais au nom de mon expérience de vingt ans comme bénévole dans des associations d’aide aux victimes. Parmi les exemples que vous avez évoqués, monsieur le ministre, certains me parlent très directement, mais je pourrais en citer beaucoup d’autres.
Au lendemain de la commission d’une infraction pénale, la victime est fragilisée psychologiquement, parfois corporellement. Elle s’est peut-être éloignée pour sa convalescence ou pour se ressourcer et se reconstruire ; la distance peut ralentir l’enquête.
La proposition que vous nous faites, monsieur le ministre, avec cet amendement permettrait de répondre à un certain nombre de ces situations. C’est pourquoi je la soutiens avec conviction.
Monsieur le ministre, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous nous posons des questions en ce qui concerne cet amendement.
Vous connaissez nos réserves sur l’utilisation de la visioconférence et vous savez qu’elles sont partagées par le Conseil national des barreaux.
Le ministère de l’intérieur a déjà lancé une expérimentation pour délocaliser le dépôt de plaintes chez un tiers, en particulier pour les femmes victimes de violences conjugales, avec l’objectif à terme de dématérialiser cette procédure. Disposez-vous d’un bilan de cette expérimentation ?
L’expérimentation que vous évoquez, madame la sénatrice, concerne six départements et vise à « aller vers » les femmes victimes de violences – nous pourrions envisager de l’étendre à d’autres dossiers.
Des policiers ou des gendarmes, équipés de matériel mobile – ordinateur et imprimante –, se déplacent pour aller à la rencontre de la victime, que ce soit chez son avocat, dans le local d’une association, au centre communal d’action sociale ou chez un proche. Ils se rendent chez un tiers pour prendre la plainte, l’imprimer et en donner une copie à la victime. Il s’agit donc non pas d’une procédure par visioconférence, mais plutôt d’une procédure délocalisée. J’insiste, la procédure est classique, mais le lieu est différent.
Cette manière de procéder peut aussi concerner des plaintes déposées, par exemple, par des agriculteurs, que ce soit pour un vol sur l’exploitation ou pour un cambriolage. Le gendarme est souvent obligé de se déplacer une première fois et de demander à l’agriculteur de venir le lendemain à la brigade, ce qui fait perdre du temps à tout le monde. La victime préfère souvent en finir rapidement avec ce genre de procédure.
L’expérimentation permet justement au gendarme de prendre immédiatement la plainte, ce qui évite à la victime de devoir se déplacer. Je ne dispose pas à cet instant, madame la sénatrice, des données précises concernant la mise en place de cette expérimentation, mais je peux vous les adresser, ainsi qu’à la commission, d’ici à la fin de la semaine.
Je peux déjà vous dire que les choses fonctionnent bien quand tout le monde joue le jeu ; il faut certainement mieux communiquer sur ce sujet et peut-être motiver davantage certains préfets en ce sens… Il peut certes subsister des difficultés de connexion à certains endroits du territoire, en zone blanche, mais cela reste assez limité.
Dernier élément de réponse, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez peut-être vu dans vos départements que les gendarmes disposent désormais d’un terminal dénommé Ubiquity qui permet d’exécuter à distance les mêmes tâches qu’en brigade. Nous sommes en train d’engager le même mouvement pour la police nationale.
Les amendements sont adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.