Vous le voyez : votre argument est intéressant dans le cadre de notre discussion en séance, mais il n’est pas applicable au monde réel. Je propose que nous évitions ce type d’échanges. C’est un peu comme le problème du fromage : plus il y a de gruyère, plus il y a de trous et plus il y a de trous, moins il y a de gruyère… §Si je puis me permettre, l’argument manque de sérieux.
En revanche, l’amendement de M. Cardon, auquel on peut joindre celui de Mme Goulet, me semble très intéressant. Je suis tenté de lui donner un avis favorable, monsieur le sénateur, mais je souhaiterais que nous échangions plus avant sur le sujet ou, peut-être, que vous trouviez une solution avec l’Assemblée nationale, le cas échéant en commission mixte paritaire.
Si je résume, votre amendement tend à faire en sorte que la plainte soit déposée concomitamment au paiement de la rançon ou juste avant. Pour notre part, nous estimons préférable d’attendre 48 heures. On peut toujours discuter de l’opportunité de passer ce délai à 24 heures ou 72 heures. Sur ce point, je partage le point de vue de M. le rapporteur : il faut faire le plus court possible.
Votre amendement donne toutefois l’impression d’être fait pour ceux qui connaissent le risque cyber. Je me mets à la place de la petite commune ou d’un boulanger. Dans ma circonscription, un boulanger employant trois salariés a été victime d’une attaque cyber et s’est vu demander une rançon. Je ne suis pas sûr que les boulangers puissent suivre, à la fois, les travaux législatifs, les informations relatives à ces sujets et les conseils des sociétés de sécurité.
Il en va autrement, bien sûr, des très grandes sociétés du CAC 40, pour lesquelles je partage tout à fait votre avis. S’agissant des petites structures, il ne faudrait pas qu’un entrepreneur qui a souscrit un contrat d’assurance, dont il n’a pas lu toutes les lignes, couvrant le risque cyber – c’est ainsi qu’on le lui a vendu – paye ses cotisations en pensant qu’il sera remboursé en cas de sinistre et qu’on lui dise le moment venu : « Pas de chance, il fallait déclarer le sinistre avant ! »
Si je comprends tout à fait votre démarche, je considère que tout le monde n’est pas égal, du moins dans les premiers mois ou premières années de la loi – si elle devait être adoptée –, devant ce risque.
Je vous propose donc, dès lors que nous donnerons un avis favorable à votre amendement, de nous engager à chercher avec vous, ou à l’Assemblée nationale, la bonne mesure entre le moment où il est souhaitable de déclarer le sinistre – le plus tôt étant le mieux si l’on veut limiter l’effet d’opportunité pour les voleurs – et la prise en compte du choc que représente, pour des PME-TPE qui ne sont pas équipées pour y faire face, le blocage de leur entreprise.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 46, mais que M. Cardon ne se vexe pas si nous corrigeons son texte au fur et à mesure de la navette.