Cet amendement important vise à revenir au texte initial du Gouvernement qui a été modifié par la commission des lois du Sénat sur l’initiative de son rapporteur, Marc-Philippe Daubresse.
Il s’agit de permettre à des citoyens de déposer plainte par visioconférence, grâce à l’identité numérique. Nous connaissons déjà la pré-plainte en ligne et vous avez autorisé la plainte en ligne. Un service de police ou de gendarmerie pourra entendre une personne où qu’elle soit, à son domicile, chez un avocat ou dans le local d’une association de protection des victimes, et de n’importe quel point du territoire national, voire – pourquoi pas ? – de l’étranger.
Je m’empresse de préciser qu’il s’agit d’une possibilité et que cela n’empêche en rien une personne qui dépose plainte ou est auditionnée de se rendre dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie, si elle le souhaite. C’est la personne qui le décidera, pas le service de police ou de gendarmerie.
L’utilisation de cette procédure n’exclut pas non plus que cette personne soit convoquée physiquement, par la suite, dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, si la nécessité s’en fait sentir pour une raison ou pour une autre, par exemple en raison de la gravité des faits.
Sur l’initiative de son rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, la commission des lois a restreint cette possibilité de prise de plainte par visioconférence aux seules atteintes aux biens. L’amendement n° 136 vise à lever cette restriction, pour inclure notamment certaines atteintes aux personnes, en tout cas celles qu’on pourrait qualifier de légères, par exemple, celles sans conséquence physique comme une bousculade ou une gifle – je ne vise pas le cas des violences intrafamiliales. Car même sans arrêt de travail on peut avoir envie de déposer plainte.
Par ailleurs, l’utilisation de la visioconférence peut aussi être utile dans certains cas d’agression sexuelle, de viol ou de violence conjugale. Dans ces affaires, des difficultés, difficilement compréhensibles par la victime, peuvent limiter l’efficacité et la rapidité d’intervention des services de police ou de gendarmerie. L’instruction de l’affaire pour laquelle elle a déposé plainte est en effet parfois longue, et les auteurs des violences peuvent pendant ce temps continuer leurs agissements, ce qui peut conduire à la mort de la victime ou faire d’autres victimes.
Je prendrai un exemple concret : il arrive régulièrement qu’une victime de violences conjugales se réfugie loin de son domicile, dans sa famille ou chez un proche. Elle n’est souvent pas en état, pendant quelque temps, que ce soit pour des raisons financières ou psychologiques, de retourner là où elle a déposé plainte pour faire sa déposition. Son audition peut alors tarder, en particulier quand on passe d’une zone police à une zone gendarmerie ou inversement.
En outre, le recueil de la déposition à l’autre bout de la France par un agent qui n’a pas participé au dépôt de plainte et qui ne connaît pas le contexte est évidemment moins efficace – on perd des jours, des semaines et parfois même des mois – en raison d’un manque d’organisation des services.
Des difficultés peuvent également se poser lorsque plusieurs personnes déposent plainte pour un même dossier.
On peut aussi penser aux cas où une victime d’agression sexuelle trouve d’autres personnes qui auraient vécu la même chose qu’elle. L’utilisation de la visioconférence pourrait certainement permettre d’accélérer les procédures de ce type, par exemple en procédant très rapidement, dans les heures ou les jours qui suivent, à une première audition en visioconférence de toutes ces personnes, quitte à les entendre de nouveau, mais physiquement, un peu plus tard.
Bref, vous aurez compris, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que la plainte par visioconférence présente un intérêt tant pour la victime que pour les services de police ou de gendarmerie.
Pour autant, je suis d’accord pour dire que ce n’est pas l’alpha et l’oméga des solutions que nous pouvons mettre en œuvre pour améliorer les choses. Je suis d’ailleurs tout à fait prêt à ce que la rédaction que nous vous proposons soit retravaillée durant l’examen du texte par le Parlement, par exemple pour ajouter certaines conditions au dispositif.
En tout cas, la visioconférence nous paraît essentielle pour accélérer les procédures et pour simplifier la vie des gens – ils n’auront plus besoin de poser des jours de congé pour aller déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie, ce qu’ils sont souvent obligés de faire aujourd’hui même pour une affaire vénielle. Cela peut aussi faciliter le dépôt de plainte, car chacun sait que des personnes y renoncent, notamment par faute de temps. Enfin, cela permettra aux enquêteurs de mieux se concentrer sur le fond des dossiers.
Voilà les précisions que je voulais vous apporter. J’espère que ces arguments vous auront convaincu de rétablir le texte de cet article 6.