Intervention de Elisabeth Borne

Réunion du 12 octobre 2022 à 21h30
Politique énergétique de la france — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Elisabeth Borne :

Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième axe de notre stratégie, c’est l’investissement dans les vecteurs énergétiques d’avenir, notamment l’hydrogène, au service de la décarbonation de l’industrie, des transports et du bâtiment.

L’hydrogène allie transition énergétique et industrielle. Il permettra une décarbonation massive et efficace de notre économie, même dans les secteurs les plus consommateurs, comme la sidérurgie et les mobilités lourdes. Il fera émerger une nouvelle filière, avec 100 000 à 150 000 emplois durables à la clé. Il sera enfin un atout précieux pour notre souveraineté énergétique.

Nous voulons faire de la France le leader de l’hydrogène décarboné et nous nous en donnons les moyens. Via France Relance et France 2030, nous allons investir 9 milliards d’euros dans les prochaines années. Nous construirons une filière hydrogène complète sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Il y a quinze jours, dans l’Oise, j’ai annoncé un investissement de 2, 1 milliards d’euros qui permettront de bâtir les dix premières gigafactories françaises.

J’insiste sur l’hydrogène, mais elle n’est pas la seule filière sur laquelle nous travaillons. La décarbonation de notre industrie, de nos services et de nos usages passera également par la biomasse, la géothermie, le biogaz et les biocarburants.

Nous le savons, certaines industries ne pourront pas tout électrifier et devront continuer à utiliser du gaz. Pour elles, le biogaz sera un levier précieux pour décarboner, mais celui-ci bénéficiera à notre économie et à nos territoires bien au-delà de l’industrie. C’est une chance pour nos agriculteurs, qui pourront y trouver une source de revenus complémentaires, tout en valorisant leurs déchets et en produisant des engrais naturels. C’est enfin une opportunité pour le développement économique de nos territoires ruraux, puisque cela créera des emplois locaux et non délocalisables.

Aussi, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux pour la méthanisation. Nous les soutiendrons par des mesures législatives et réglementaires, afin d’en faciliter et d’en accélérer le déploiement.

Enfin, je voudrais dire un mot de l’agrivoltaïsme, qui – je le sais – suscite un grand intérêt, ici, au Sénat.

Il n’existe pas aujourd’hui de véritable cadre au développement du photovoltaïsme sur le foncier agricole et forestier, ce qui est un problème, car cela crée parfois une concurrence entre agriculture et production d’énergie. On relève aussi des abus qui nuisent à l’ensemble des filières. Cela suscite de l’inquiétude dans les territoires. Pour autant, il peut être une source de revenus supplémentaires et un moyen de faire baisser les dépenses des agriculteurs.

Je sais qu’une proposition de loi sur l’agrivoltaïsme est en cours de discussion dans cette chambre. Je souhaite que nous puissions travailler ensemble pour converger vers une définition commune. Notre objectif est d’établir un cadre adapté pour le développement de la filière sur le foncier agricole et forestier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être réussie, notre transition énergétique doit être pensée et construite en Européens.

Nos économies sont interdépendantes et nos réseaux sont connectés les uns aux autres. Les nations européennes sont nos alliées, et nous partageons avec elles des défis et des valeurs. Notre souveraineté énergétique doit donc être européenne.

À Versailles, lors de la présidence française du Conseil européen, nous avons franchi un grand pas dans cette direction. Les Vingt-Sept se sont mis d’accord pour sortir au plus vite de notre dépendance aux hydrocarbures russes et pour accélérer notre sortie des énergies fossiles. Il s’agit d’une étape historique.

La sortie du charbon et du gaz se fera avec l’Europe. C’est ainsi que nous ferons baisser massivement notre empreinte carbone et que nous pourrons donner plus de moyens aux énergies décarbonées de demain. Ainsi, nous pourrons mieux résister aux chocs énergétiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je viens de vous présenter les grands traits de notre stratégie énergétique : le cap qu’a fixé le Président de la République depuis son discours de Belfort et que nous devons suivre pour aller vers la neutralité carbone et la souveraineté. De ce cap, qui suppose la mobilisation et la responsabilité de tous, nous allons débattre dans quelques instants.

Ce débat sera suivi d’action et d’effets, avec, au cours des prochaines semaines, l’examen de deux projets de loi, portant l’un sur le renouvelable et l’autre sur le nucléaire. En outre, après les concertations qui s’engagent sous l’égide de la Commission nationale du débat public, nous vous présenterons le projet de loi de programmation énergie-climat, cadre de notre programmation pluriannuelle de l’énergie.

Pour atteindre nos objectifs, nous devrons avancer avec méthode, en planifiant nos actions, en les inscrivant au plus près des territoires et en les concevant en Européens.

Enfin, je tiens à le souligner, cette transition énergétique sera radicale et rapide. Elle impose des changements dans nos manières de penser, de consommer et de produire.

Je veux conclure en partageant deux convictions avec vous.

Tout d’abord, la transition énergétique sera synonyme d’un meilleur niveau de vie. La sobriété et l’électrification changeront nos usages et notre quotidien, c’est vrai, mais ce sera pour le mieux, car elles nous protégeront des chocs énergétiques et des crises à venir et elles permettront de diminuer nos factures. En consommant moins, nous dépenserons moins, et je veillerai à ce que la transition énergétique soit une transition juste.

Ensuite, la transition énergétique sera source de croissance et créatrice d’emplois. Elle constituera un levier pour réorienter nos formations et nos compétences vers des secteurs d’avenir. La décarbonation et les rénovations créeront des emplois durables dans de nombreux secteurs, et la transition énergétique sera un soutien de notre réindustrialisation, avec de nouvelles filières françaises et européennes, par exemple pour le stockage d’énergie.

La transition énergétique est une nécessité et une chance. Nous devons pleinement la saisir et pleinement la mener. Nous y sommes résolus, en Français et en Européens.

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