Séance en hémicycle du 12 octobre 2022 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la politique énergétique de la France.

La parole est à Mme la Première ministre.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’énergie est au cœur de notre quotidien. Chaque transition énergétique a apporté des changements majeurs dans nos sociétés. Nous sommes en train de vivre une de ces transitions, et nous devons la mener avec détermination et rapidité.

Nous devons aussi la mener avec justice et de manière à en faire une opportunité, pour nos vies, pour notre économie, pour notre planète.

Cette transition est impérative. Dès 2018, le Président de la République a chargé RTE (Réseau de transport d’électricité) d’étudier les différents scénarios devant nous. En février dernier, à Belfort, il a présenté une stratégie énergétique pour notre pays.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Quelques jours plus tard, le 24 février dernier, la Russie a envahi l’Ukraine. Par cette décision, Vladimir Poutine a violé les règles internationales, agressé un État souverain et déclaré la guerre à nos valeurs. Depuis, le Kremlin a montré qu’il était prêt à tout pour gagner cette guerre : toutes les exactions, toutes les menaces, tous les chantages. Et parmi ces derniers se trouvent les exportations de gaz.

L’arrêt quasi total des livraisons de gaz russe à l’Europe augmente les risques de pénurie et provoque une explosion des prix de l’énergie. À cette situation s’ajoutent d’autres tensions.

Je pense à celles sur le pétrole, conséquences de la guerre en Ukraine et du refus des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) d’augmenter leur production.

Je pense également aux tensions sur notre production d’électricité, avec l’arrêt pour maintenance d’une part de notre parc nucléaire. J’y reviendrai. Bien sûr, ce sont des effets conjoncturels, mais d’autres s’installent dans la durée. La sécheresse, effet du dérèglement climatique, par exemple, vient limiter notre production d’hydroélectricité.

Ce contexte nous impose d’aller plus vite et plus loin. Nous devons accélérer notre transition énergétique. Nous devons sortir des énergies fossiles, conquérir notre indépendance énergétique et décarboner nos modes de vie et notre économie.

Nous devons tous nous mobiliser. C’est notre responsabilité collective.

Mesdames, messieurs les sénateurs, face à cette situation critique, notre premier devoir est de répondre à l’urgence et de protéger les Français, en faisant tout d’abord en sorte que nous puissions traverser l’hiver sans difficulté.

Dès cet été, nous avons pris des mesures pour sécuriser nos approvisionnements : nous avons ainsi décidé de porter nos stocks de gaz à 100 %. Cet objectif est aujourd’hui atteint. Nous avons diversifié nos approvisionnements, en nous tournant notamment vers la Norvège, l’Algérie et les États-Unis. Nous avons augmenté les capacités de nos terminaux méthaniers et, avec le Parlement, nous avons levé les verrous pour installer rapidement un nouveau terminal méthanier au Havre. Les travaux sont en cours.

Ces mesures ont porté leurs fruits et nous sommes aujourd’hui l’une des principales portes d’entrée du gaz en Europe. Cela donne corps à la solidarité européenne : nous allons être en mesure d’exporter du gaz, notamment vers l’Allemagne, tout au long de l’hiver. Et nos voisins nous livreront en retour l’électricité dont nous aurons besoin.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Dans le même temps, notre parc nucléaire est dans une situation d’indisponibilité exceptionnelle, mais conjoncturelle.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Elle s’explique, d’une part, par le rattrapage d’une partie des maintenances qui auraient dû se dérouler pendant l’épidémie de covid-19, et, d’autre part, par un problème dit de « corrosion sous contrainte », détecté en octobre 2021, et qui a entraîné l’arrêt de douze réacteurs pour contrôle et réparation. Le calendrier prévoit un redémarrage de ces réacteurs entre aujourd’hui et février prochain. Je sais les équipes d’EDF extrêmement mobilisées et je leur fais confiance pour respecter ce calendrier.

Grâce à notre action, grâce à la solidarité européenne et grâce à la sobriété – j’y reviendrai –, nous pourrons éviter les pénuries.

Dans le même temps, nous devons répondre à une autre urgence et protéger les Français face à l’explosion des factures d’énergie.

En Allemagne, en Italie, en Belgique, au Royaume-Uni, les montants payés par les consommateurs ont explosé et les prix ont parfois été multipliés par plus de deux. De notre côté, très tôt, nous avons agi en mettant en place le bouclier tarifaire, qui a bloqué les prix du gaz et limité la hausse des prix de l’électricité.

Ce bouclier, nous avons décidé de le prolonger. Grâce à lui, la hausse des factures des ménages sera limitée à 15 %. Il en est de même pour les factures d’électricité des très petites entreprises et des plus petites communes. Sans bouclier, les prix auraient doublé. Pour nos compatriotes qui se chauffent au fioul ou au bois, des soutiens spécifiques ont été décidés.

Ces mesures sont les plus protectrices d’Europe, et nous les avons complétées d’un chèque énergie exceptionnel pour les 40 % de Français les plus modestes, qui sont les plus touchés par la hausse des prix de l’énergie.

Mais protéger, cela ne se limite pas seulement aux ménages. Je connais la préoccupation particulière du Sénat pour les collectivités.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je sais aussi votre attachement à notre vitalité économique et votre inquiétude pour les factures d’énergie des entreprises.

Ces préoccupations, ce sont aussi les miennes et celles de mon gouvernement. Ces derniers jours, nous avons pris plusieurs mesures, en demandant l’engagement et la transparence des fournisseurs d’énergie.

Nous voulons d’abord garantir qu’il n’y ait plus d’entreprises ou de collectivités sans fournisseur.

Nous souhaitons ensuite faire en sorte que chacun puisse vérifier qu’on ne lui propose pas d’offres abusives, grâce à des indicateurs de prix qui seront publiés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Pour les entreprises, nous travaillons avec nos partenaires européens et la Commission à améliorer les aides mises en place après l’agression russe à destination des entreprises les plus consommatrices.

Quant aux collectivités qui connaissent les difficultés les plus fortes, un filet de sécurité a été adopté par le Parlement pour 2022. Sa mise en place sera rapide et des acomptes seront versés d’ici à la fin de l’année. Comme je l’ai dit devant vous la semaine dernière, je souhaite que ce filet de sécurité soit prolongé en 2023 et qu’il puisse bénéficier à toutes les collectivités. Nous travaillons actuellement à ses contours précis et nous pourrons vous les présenter rapidement.

J’ajoute que, face à cette situation difficile, j’ai pris, avec le ministre chargé de la cohésion des territoires, la décision de porter l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 320 millions d’euros, au lieu des 210 millions prévus initialement. §Cette hausse, la première en treize ans, permettra à 95 % des communes de voir leur DGF se maintenir ou augmenter.

Je le dis clairement : aucune collectivité, aucune entreprise, ne sera laissée dans l’impasse.

Au-delà de ces mesures, nous sommes au front pour faire baisser les prix de l’énergie. Soyons lucides, les prix du gaz et de l’électricité ne reviendront pas aux niveaux bas de la période covid, mais leurs niveaux actuels ne sont pas raisonnables. Ils sont très excessifs par rapport aux coûts de production et sont tirés vers le haut par des craintes exagérées de pénurie et par la spéculation. Nous voulons ramener les prix à la raison.

Nous y travaillons d’abord en Européens. L’Europe a déjà agi : une obligation de remplissage des stocks de gaz à 80 % a été approuvée, et nous en sommes déjà à 90 % au niveau européen. Ensuite, des règles de solidarité entre États membres ont été décidées en cas de pénurie de gaz.

Par ailleurs, le Conseil des ministres de l’énergie a adopté un règlement qui autorise chaque État membre à mettre en place une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises du secteur fossile et une taxation des bénéfices exceptionnels des producteurs d’électricité.

Tout cela va dans le bon sens mais ne suffit pas, car il faut aussi agir directement sur les prix.

Le Président de la République est pleinement mobilisé sur le sujet. Il s’est entretenu avec la présidente de la Commission européenne, avec le chancelier allemand, et a participé vendredi dernier à un Conseil européen à Prague qui a été largement consacré à la question de l’énergie. La Commission doit faire des propositions pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux, lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre prochain.

Nous avançons dans plusieurs directions.

Tout d’abord, nous allons mener un dialogue renforcé avec les partenaires qui nous fournissent du gaz. Nous devons faire bloc, alors que la Russie tente de déstabiliser notre modèle démocratique. Nous sommes d’accord pour mettre en place des achats groupés afin d’éviter la concurrence entre États membres et compagnies gazières. La Commission va présenter des règles qui permettront aux États et aux entreprises d’agir de concert dans le dialogue avec nos fournisseurs. Enfin, nous avançons vers l’idée d’un plafonnement temporaire des prix du gaz.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Deux dispositifs sont à l’étude.

Le premier est un prix plafond pour tout le gaz consommé. Le second est un élargissement à toute l’Europe du dispositif qui a conduit à diviser par trois le prix de l’électricité en Espagne. Ce « dispositif ibérique » permet de plafonner le prix du gaz servant à produire de l’électricité. Il pourrait utilement servir de base à une mesure européenne.

En France, nous travaillons en parallèle à d’autres mécanismes pour ramener les prix à des niveaux raisonnables.

Plus largement, enfin, cette crise nous invite à réformer rapidement et en profondeur le marché européen de l’électricité. Nous devons trouver des solutions durables pour offrir aux Européens des prix raisonnables et proches des coûts de production, mais ne soyons pas naïfs : les années à venir seront difficiles, notamment en matière d’approvisionnement en gaz.

Toutes ces mesures sont donc essentielles pour que notre pays et l’Europe affrontent dans la durée la situation sur le front de l’énergie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous répondons avec force à l’urgence, nous devons aussi, dès maintenant, préparer notre avenir.

Nous le savons, les énergies fossiles provoquent des ravages sur la planète. Elles nous exposent à des fluctuations de prix majeures et sont une source de fragilité dans notre quête de souveraineté nationale et européenne. Cependant, comme nous en sommes dépendants dans notre quotidien, nous continuons à les consommer. Nous devons en sortir !

Nous voulons être la première grande nation industrielle à s’émanciper des énergies fossiles. C’est le cap fixé par le Président de la République, au début du mois de février dernier, à Belfort, avant même le commencement de la guerre.

C’est une question de souveraineté, car nous serons moins dépendants de l’approvisionnement d’autres pays et davantage maîtres des prix.

C’est un impératif climatique. Sortir des énergies fossiles, c’est le levier majeur pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

C’est une protection pour les ménages, les collectivités et les entreprises, à qui nous pourrons offrir des énergies propres et compétitives.

Pour atteindre cet objectif, il faut un plan, des moyens et des points de rendez-vous. Il faut la mobilisation de tous, car c’est de la responsabilité collective que vient le succès. Tel est le sens de la planification écologique dont j’ai la charge. Et c’est ainsi que nous construirons notre transition énergétique.

Pour réussir, notre stratégie repose sur trois piliers : la sobriété énergétique, d’abord ; une production d’électricité décarbonée, ensuite, autour du nucléaire et du renouvelable ; et enfin, le développement de nouveaux vecteurs énergétiques, comme l’hydrogène décarboné.

Le premier axe de notre stratégie, c’est la sobriété énergétique.

Avec les crises que nous traversons et l’appel du Président de la République en juillet dernier, la sobriété a fait son apparition dans le débat public.

La sobriété n’est pas le choix de la décroissance. C’est baisser un peu la température, décaler ses usages et éviter les consommations inutiles. Ce sont aussi des actions structurelles, comme la décarbonation de notre industrie, la rénovation énergétique massive de nos bâtiments ou encore le renouvellement de notre éclairage public.

Je pourrais égrener longuement les exemples, mais je me contenterai de répéter que la sobriété est efficace et source d’économie pour tous. État, collectivités, entreprises, particuliers, chacun doit prendre sa part et agir à la hauteur de ses moyens.

Sous l’égide de la ministre de la transition énergétique, des travaux ont été menés, secteur par secteur, pour identifier les économies d’énergie possibles sans impacter l’économie. Grâce à ce travail et à la mobilisation de tous, nous avons été en mesure de présenter, la semaine dernière, un plan de sobriété complet et ambitieux, qui permettra de réduire notre consommation énergétique de 10 % d’ici à deux ans.

J’entends certains se plaindre de l’absence de mesures coercitives. Ce plan est la preuve que la responsabilité collective marche. C’est notre meilleur chemin pour réussir. J’y crois pour notre transition énergétique et notre transition écologique. C’est ainsi que chacun pourra identifier les actions les plus efficaces et que nos décisions pourront emporter l’adhésion.

Je le répète, la sobriété ne s’arrêtera pas à la fin de l’hiver. Nous visons une baisse de notre consommation d’énergie de 40 % d’ici à 2050. La sobriété est une manière de penser et d’agir qui doit s’inscrire dans la durée. Ce plan est le point de départ d’un long chemin.

Le deuxième axe de notre stratégie, c’est le développement du nucléaire et du renouvelable.

Le rapport demandé par le Président de la République à RTE, et remis l’année dernière, nous a éclairés sur les différents scénarios possibles. Pour remplacer les énergies fossiles, même si nous consommerons moins d’énergie globalement, nous devrons produire plus d’électricité pour satisfaire nos nouveaux usages, notamment la mobilité électrique ou les chauffages plus performants. Concrètement, nous devrons être en mesure, en 2050, de produire jusqu’à 60 % d’électricité de plus qu’aujourd’hui.

Face à ce défi, beaucoup préconisent des solutions toutes faites. Certains ne jurent que par le nucléaire. D’autres, au contraire, voudraient fermer nos centrales et ne s’appuyer que sur les énergies renouvelables. Ce sont, au demeurant, parfois les mêmes qui s’opposent à la réalisation concrète des projets.

Nous, nous choisissons de suivre les experts, pas les idéologues. Nous cherchons ce qui est efficace pour notre production d’énergie, bon pour notre économie et protecteur pour la planète.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

La crise actuelle nous montre l’urgence de la diversification. Elle prouve que nous ne devons pas être dépendants d’une seule ressource. Elle révèle que, dans les moments de tension, même les apports énergétiques que l’on peut juger faibles sont parfois décisifs.

Un mix diversifié est une chance, une protection. C’est pour cela que nous devons avancer sur deux jambes, renouvelable et nucléaire. Alors oui, nous allons développer massivement les énergies renouvelables. C’est un choix pragmatique, la seule manière de répondre à nos besoins immédiats, quand il faut quinze ans pour construire un réacteur nucléaire.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

C’est un choix écologique, car décarboné.

C’est un choix économiquement rationnel, car la production d’électricité renouvelable permet désormais de dégager des recettes pour l’État. Alors que les moyens de production renouvelable coûtaient 6 milliards d’euros de subventions en 2021, ils rapporteront 10 milliards d’euros en 2022, qui seront intégralement redistribués aux consommateurs d’électricité.

C’est un choix de souveraineté, aussi, parce que nous allons continuer à investir dans les filières industrielles. Nos parcs éoliens en mer, comme celui de Saint-Nazaire, ont permis de construire en France une véritable filière.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Il en est de même pour le solaire. Je souhaite que nous puissions réinvestir pour installer en France et en Europe la production et l’assemblage des panneaux et développer une nouvelle génération de panneaux solaires.

Nous nous sommes donc fixé un objectif : doubler les capacités de production d’électricité renouvelable d’ici à 2030.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Nous avons donc décidé d’augmenter le rythme. D’ici à la fin du mois, vous examinerez un projet de loi qui permet d’accélérer le développement de ces énergies renouvelables. Notre objectif est de lever les obstacles administratifs et d’aller deux fois plus vite qu’aujourd’hui. Notre démarche devra naturellement s’inscrire dans le respect des riverains et de l’environnement. Nous miserons principalement sur le photovoltaïque et l’éolien en mer, mais, pour réussir, nous aurons aussi besoin de l’éolien terrestre.

Je connais votre attention à ce sujet, mais je connais aussi votre sens des responsabilités. Et je le dis devant vous, nous devons améliorer l’intégration dans les paysages et mieux planifier les installations pour rééquilibrer le développement de l’éolien sur le territoire et éviter l’implantation anarchique des parcs.

Enfin, nous allons aussi promouvoir l’hydroélectricité. Nous vous proposerons un nouveau cadre législatif qui permettra de relancer rapidement les investissements dans nos barrages sans passer par une remise en concurrence.

M. Olivier Cigolotti exprime son scepticisme d ’ un mouvement de tête.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

En parallèle, nous allons moderniser notre parc nucléaire.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Notre premier défi, c’est le devenir des réacteurs existants. Nous prolongerons tous les réacteurs qui répondent à nos standards de sûreté.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

C’est pourquoi EDF conduit actuellement les études nécessaires avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour identifier les réacteurs qui ne pourraient être prolongés au-delà de cinquante ans.

C’est la raison pour laquelle, conformément aux engagements du Président de la République, nous avons lancé un ambitieux programme de nouveaux réacteurs nucléaires.

Le premier volet de ce programme, c’est la construction de six réacteurs EPR 2 (European Pressurized Reactor), dont le premier doit être mis en service à l’horizon 2035.

Nous devons faciliter et accélérer le développement de ces projets, notamment en allégeant certaines procédures administratives. C’est le sens du projet de loi sur le nucléaire, qui sera présenté en conseil des ministres au début du mois de novembre prochain. Je connais la qualité et l’implication des salariés de la filière nucléaire. Je sais pouvoir compter sur eux. C’est de l’engagement et de la responsabilité de chacun que viendra notre réussite.

La deuxième étape de notre programme nucléaire consiste à étudier la construction de huit réacteurs supplémentaires. Nous devons notamment donner de la visibilité au secteur pour embaucher et former nos chercheurs, ingénieurs et techniciens de demain.

Enfin, le troisième volet de notre programme nucléaire, c’est l’innovation pour bâtir des réacteurs de nouvelle génération.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

La France a pris des engagements forts. Ainsi, avec France 2030, nous avons décidé d’investir 1 milliard d’euros dans le nucléaire du futur, notamment pour la construction d’un prototype de SMR (Small Modular Reactor) en moins de dix ans.

Le développement du nucléaire doit s’appuyer sur un pilotage rigoureux et un suivi précis.

C’est pourquoi nous avons choisi de reprendre le contrôle à 100 % d’EDF.

C’est pourquoi nous allons installer une délégation interministérielle pour le programme de « nouveau nucléaire ». Cette délégation sera conduite par l’ancien délégué général pour l’armement, Joël Barre. Son expertise en matière de direction de grands programmes sera précieuse pour garantir notre performance industrielle et le respect des délais.

C’est pourquoi, enfin, nous travaillons à nous doter d’une filière nucléaire plus intégrée et nous soutenons l’acquisition par EDF des activités nucléaires de General Electric.

Mme Marie-Noëlle Lienemann s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième axe de notre stratégie, c’est l’investissement dans les vecteurs énergétiques d’avenir, notamment l’hydrogène, au service de la décarbonation de l’industrie, des transports et du bâtiment.

L’hydrogène allie transition énergétique et industrielle. Il permettra une décarbonation massive et efficace de notre économie, même dans les secteurs les plus consommateurs, comme la sidérurgie et les mobilités lourdes. Il fera émerger une nouvelle filière, avec 100 000 à 150 000 emplois durables à la clé. Il sera enfin un atout précieux pour notre souveraineté énergétique.

Nous voulons faire de la France le leader de l’hydrogène décarboné et nous nous en donnons les moyens. Via France Relance et France 2030, nous allons investir 9 milliards d’euros dans les prochaines années. Nous construirons une filière hydrogène complète sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Il y a quinze jours, dans l’Oise, j’ai annoncé un investissement de 2, 1 milliards d’euros qui permettront de bâtir les dix premières gigafactories françaises.

J’insiste sur l’hydrogène, mais elle n’est pas la seule filière sur laquelle nous travaillons. La décarbonation de notre industrie, de nos services et de nos usages passera également par la biomasse, la géothermie, le biogaz et les biocarburants.

Nous le savons, certaines industries ne pourront pas tout électrifier et devront continuer à utiliser du gaz. Pour elles, le biogaz sera un levier précieux pour décarboner, mais celui-ci bénéficiera à notre économie et à nos territoires bien au-delà de l’industrie. C’est une chance pour nos agriculteurs, qui pourront y trouver une source de revenus complémentaires, tout en valorisant leurs déchets et en produisant des engrais naturels. C’est enfin une opportunité pour le développement économique de nos territoires ruraux, puisque cela créera des emplois locaux et non délocalisables.

Aussi, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux pour la méthanisation. Nous les soutiendrons par des mesures législatives et réglementaires, afin d’en faciliter et d’en accélérer le déploiement.

Enfin, je voudrais dire un mot de l’agrivoltaïsme, qui – je le sais – suscite un grand intérêt, ici, au Sénat.

Il n’existe pas aujourd’hui de véritable cadre au développement du photovoltaïsme sur le foncier agricole et forestier, ce qui est un problème, car cela crée parfois une concurrence entre agriculture et production d’énergie. On relève aussi des abus qui nuisent à l’ensemble des filières. Cela suscite de l’inquiétude dans les territoires. Pour autant, il peut être une source de revenus supplémentaires et un moyen de faire baisser les dépenses des agriculteurs.

Je sais qu’une proposition de loi sur l’agrivoltaïsme est en cours de discussion dans cette chambre. Je souhaite que nous puissions travailler ensemble pour converger vers une définition commune. Notre objectif est d’établir un cadre adapté pour le développement de la filière sur le foncier agricole et forestier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être réussie, notre transition énergétique doit être pensée et construite en Européens.

Nos économies sont interdépendantes et nos réseaux sont connectés les uns aux autres. Les nations européennes sont nos alliées, et nous partageons avec elles des défis et des valeurs. Notre souveraineté énergétique doit donc être européenne.

À Versailles, lors de la présidence française du Conseil européen, nous avons franchi un grand pas dans cette direction. Les Vingt-Sept se sont mis d’accord pour sortir au plus vite de notre dépendance aux hydrocarbures russes et pour accélérer notre sortie des énergies fossiles. Il s’agit d’une étape historique.

La sortie du charbon et du gaz se fera avec l’Europe. C’est ainsi que nous ferons baisser massivement notre empreinte carbone et que nous pourrons donner plus de moyens aux énergies décarbonées de demain. Ainsi, nous pourrons mieux résister aux chocs énergétiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je viens de vous présenter les grands traits de notre stratégie énergétique : le cap qu’a fixé le Président de la République depuis son discours de Belfort et que nous devons suivre pour aller vers la neutralité carbone et la souveraineté. De ce cap, qui suppose la mobilisation et la responsabilité de tous, nous allons débattre dans quelques instants.

Ce débat sera suivi d’action et d’effets, avec, au cours des prochaines semaines, l’examen de deux projets de loi, portant l’un sur le renouvelable et l’autre sur le nucléaire. En outre, après les concertations qui s’engagent sous l’égide de la Commission nationale du débat public, nous vous présenterons le projet de loi de programmation énergie-climat, cadre de notre programmation pluriannuelle de l’énergie.

Pour atteindre nos objectifs, nous devrons avancer avec méthode, en planifiant nos actions, en les inscrivant au plus près des territoires et en les concevant en Européens.

Enfin, je tiens à le souligner, cette transition énergétique sera radicale et rapide. Elle impose des changements dans nos manières de penser, de consommer et de produire.

Je veux conclure en partageant deux convictions avec vous.

Tout d’abord, la transition énergétique sera synonyme d’un meilleur niveau de vie. La sobriété et l’électrification changeront nos usages et notre quotidien, c’est vrai, mais ce sera pour le mieux, car elles nous protégeront des chocs énergétiques et des crises à venir et elles permettront de diminuer nos factures. En consommant moins, nous dépenserons moins, et je veillerai à ce que la transition énergétique soit une transition juste.

Ensuite, la transition énergétique sera source de croissance et créatrice d’emplois. Elle constituera un levier pour réorienter nos formations et nos compétences vers des secteurs d’avenir. La décarbonation et les rénovations créeront des emplois durables dans de nombreux secteurs, et la transition énergétique sera un soutien de notre réindustrialisation, avec de nouvelles filières françaises et européennes, par exemple pour le stockage d’énergie.

La transition énergétique est une nécessité et une chance. Nous devons pleinement la saisir et pleinement la mener. Nous y sommes résolus, en Français et en Européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, un débat sur la politique énergétique, sans vote et à une heure tardive, est-ce à la hauteur des enjeux ?

Depuis l’été dernier, tout a été fait à l’envers. En juillet, on nous a demandé de délibérer sur le principe de la construction d’un terminal méthanier visant à stocker du gaz de schiste importé des États-Unis et sur la réouverture d’une centrale à charbon à Saint-Avold. Dans quelques jours, nous examinerons un texte sur les énergies renouvelables. Puis, d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, nous délibérerons sur un texte relatif à l’énergie nucléaire. Enfin, nous déterminerons une stratégie globale en nous prononçant sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui posera le cadre général.

Ainsi, tout aura été fait à l’envers et le Parlement aura dû examiner une stratégie à la découpe, sans en avoir de vision d’ensemble, en avançant dans le brouillard !

Vous proposez un débat pour éclairer les Français. Soit, mais, pour cet hiver, il est déjà trop tard, parce que les mauvaises décisions prises voilà quelques années risquent de susciter dans les mois qui viennent, même si je ne le souhaite pas, des coupures de courant qui étaient pourtant prévisibles.

Voilà presque deux ans, avant la crise ukrainienne, j’avais écrit un livre intitulé Aurons-nous encore de la lumière en hiver ? Si nous avions des coupures de courant dans quelques mois, ce ne serait donc pas la faute du covid-19 ni du tsar rouge ou de qui sais-je encore : ce serait le fait de vos propres décisions, madame la Première ministre, ainsi que de celles du Président de la République.

Il ne saurait y avoir de stratégie et de politique énergétiques sans un constat préalable. On ne peut apporter de remède sans partir d’un diagnostic. Or le constat est celui d’un échec et même, je le dis calmement, d’un Waterloo énergétique.

Tout à fait ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il faudra en effet nous expliquer comment un pays comme la France, grand producteur et exportateur d’énergie, notamment électrique, peut en arriver à manquer d’électricité.

Si les Français payent cher, dès maintenant, leur électricité, malgré tout l’argent public déversé et malgré le bouclier tarifaire, c’est parce que cette énergie est rare, car nous avons accompli un bond en arrière d’une trentaine d’années. Le niveau actuel de notre production équivaut à celui de 1990, alors qu’il y a des millions de Français en plus et que les nouveaux usages de notre économie feront de plus en plus appel à l’électricité.

Vous parliez d’EDF, madame la Première ministre. Voilà un fleuron national dont l’endettement atteindra sans doute 60 milliards d’euros et qui est totalement fragilisé, notamment par le mécanisme – ce n’est pas seulement à vous que nous le devons, d’ailleurs – de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), en vertu duquel il aura subventionné ses concurrents, lesquels, pour la plupart, ne produisent pas un watt d’électricité.

Votre projet pour EDF est plus une étatisation qu’une nationalisation. Selon moi, il eût pourtant mieux valu apporter de l’argent frais, c’est-à-dire recapitaliser l’entreprise, plutôt que la renationaliser. Vous renationalisez pour désintéresser les minoritaires, mais, si vous aviez utilisé l’argent de la renationalisation non à racheter les 16 % de parts détenues par des minoritaires, mais à accroître la force économique et la puissance financière d’EDF, cela aurait conforté cette entreprise.

La centrale de Flamanville constitue une blessure à la fierté nationale. Ce n’est pas votre faute, madame la Première ministre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… mais c’est une blessure à notre ambition. On devait l’ouvrir en 2012, et elle n’est toujours pas finie. Elle va coûter trois ou quatre fois plus que prévu et il aura fallu faire venir des ouvriers américains pour en faire les soudures… C’est une blessure pour la fierté française, et je suis sûr que vous partagez ce sentiment.

En outre, c’est une injustice pour les Français, qui devront payer les conséquences des inconséquences de la politique d’Emmanuel Macron. Et ce n’est pas la « politique de la doudoune » qui vous permettra de vous dédouaner de cette responsabilité. Ce n’est pas au président d’EDF que l’on doit la décision, en 2017, de fermer 14 réacteurs nucléaires : c’est au Président de la République. Ce n’est pas non plus au président d’EDF que l’on doit la signature du décret d’avril 2020, que vous avez cosigné avec le Premier ministre de l’époque.

Il faut que ceux qui ont pris les décisions soient mis en face de leurs responsabilités.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Cet échec énergétique, quels en furent les ressorts ? Ces décisions ont-elles été fondées sur une véritable stratégie ? Je ne le crois pas. Elles ont le plus souvent reposé sur de la politique politicienne. Emmanuel Macron et ses gouvernements ont été en quelque sorte les exécuteurs testamentaires d’un accord passé entre Mme Duflot et Mme Aubry pour permettre l’accession au pouvoir de M. Hollande. Puis, est intervenue la politique de M. Macron, avec la nomination au Gouvernement de M. Hulot, éphémère ministre de l’écologie, qui a continué sur cette lancée. C’était bien de la politique politicienne ; ces décisions ne sont pas tombées du ciel.

Vous avez beaucoup parlé d’Europe, madame la Première ministre. Pour ma part, j’ai été scandalisé lorsque Emmanuel Macron a voulu justifier, voilà quelques semaines, la fermeture de la centrale de Fessenheim ; vous l’avez tous entendu, mes chers collègues.

Le Président de la République indiquait que cette centrale se trouvait tout près de la frontière avec l’Allemagne, qui avait choisi une autre politique – la fermeture des centrales nucléaires –, ce qui exigeait cette décision. Telle était exactement la justification invoquée, mes chers collègues – je vous invite à relire le verbatim de l’intervention du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Or c’est inacceptable !

Autre remarque sur l’Europe : quand on n’a pas de stratégie, la seule stratégie que l’on a, c’est celle des autres, c’est-à-dire celle de Bruxelles et, à l’arrière-plan, celle de l’Allemagne. Vous en appelez à la solidarité, mais croyez-vous vraiment que l’Allemagne fait montre, aujourd’hui comme hier, de solidarité en matière énergétique ? §Et je ne parle même pas des 200 milliards d’euros du bouclier énergétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Jamais l’Allemagne n’a cessé de défendre ses intérêts et jamais la France n’a défendu les siens ! Voilà le problème, mes chers collègues.

L’Allemagne s’est mise dans la main de la Russie en achetant à bon marché le gaz de ce pays et elle a voulu exporter ses voitures vers la Chine. Ce faisant, elle a handicapé l’ensemble de l’Europe, et nous avons suivi, parce que nous croyions à la solidarité et au couple franco-allemand.

J’aimerais y croire, moi aussi, mais j’attends un certain nombre de garanties de nos amis allemands et de l’Europe. Ce que l’on demande à un Président de la République, qui n’est pas celui de la République fédérale d’Allemagne, c’est d’abord de défendre à Bruxelles les intérêts de la France et des Français ! C’est un point capital.

Maintenant, il faut une stratégie, donc une politique énergétique. Cette dernière, tout d’abord, doit avoir une constance et une cohérence. Elle ne peut s’accommoder du « en même temps », qui est tout sauf une boussole ou un cap.

Ensuite, il faut agir sur l’ensemble des leviers : premièrement, la production, c’est-à-dire l’offre ; deuxièmement, la demande, avec la sobriété ; troisièmement, la tarification, autrement dit les prix.

Commençons par les prix, puisque je critiquais la politique européenne. Souvenez-vous, madame la Première ministre, en juillet dernier, nous étions à la même place, vous au banc du Gouvernement et moi ici, à la tribune, répondant au discours de politique générale que vous veniez de prononcer. Je vous invitais alors à faire ce que l’Espagne et le Portugal venaient de faire. Vous nous le proposez aujourd’hui, mais en ayant perdu plus de trois mois ! La tarification européenne est stupide. Elle a avantagé l’Allemagne et elle dessert la France.

J’écoutais avant la séance le Président de la République, car, mes chers collègues, en plus de notre débat de ce soir, il y en a un autre à la télévision sur la stratégie énergétique de la France. Or le Président de la République expliquait qu’il faut évidemment décorréler le prix de l’électricité et celui du gaz. Mais il aurait fallu le faire plus tôt ! Il existait déjà des dispositifs nous permettant, à nous, Français, de reprendre la main. Hélas, on veut toujours favoriser la solidarité européenne et, ce faisant, on pèche par naïveté, car la solidarité suppose la réciprocité…

Nous vous demandons donc de découpler, une fois pour toutes, le prix de l’électricité de celui du gaz, madame la Première ministre.

Il faudra sans doute aller plus loin. Le groupe Les Républicains vous prie de revenir sur la suppression des tarifs réglementés, qui doit avoir lieu le 30 juin prochain. Un véritable bouclier ne doit pas consister simplement en un déversement d’argent public sur les ménages ou dans l’économie. Il y a des décisions à prendre. Or je n’ai pas entendu une seule intervention sur ces tarifs réglementés, alors que c’est fondamental.

De même, il faudra pousser EDF, une fois le pic tarifaire passé, à conclure des contrats de long terme avec ses clients. L’Europe s’y est souvent opposée au nom de la concurrence pure et parfaite, mais, au nom de ce principe, que de problèmes n’avons-nous pas connus dans les années 2000 et 2010 : démantèlement d’EDF, tarification du gaz, et j’en passe !

Je veux bien défendre la solidarité européenne, mais à condition qu’elle ne nous mène pas dans le mur, mes chers collègues ! Je ne suis pas naïf. Pour moi, construire l’Europe ne consiste pas, comme le disait le général de Gaulle, à sauter sur sa chaise comme un cabri. Pas du tout. Il s’agit de défendre les intérêts du pays et, en même temps du reste, ceux de l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’en viens au sujet de la demande, avec la sobriété. Le col roulé, l’étendoir à linge tancarville et le télétravail, ce sont sans doute des leviers, mais tout cela ne constitue pas une politique.

Expliquez-moi comment nous avons pu, en vingt ans, régresser autant en matière de flexibilité de la demande et de sobriété. Voilà vingt ans, l’effacement pratiqué auprès des particuliers – je ne parle pas des entreprises – rapportait jusqu’à 6 gigawatts par an. Aujourd’hui, on est à 0, 6. On a donc divisé l’ampleur de cette action par 10 !

Honnêtement, Tempo – j’en suis moi-même un usager –, cela ne fonctionne pas bien. Il faut donc, comme je le proposais, mettre en place un grand dispositif national d’effacement, rémunéré et volontaire de l’énergie. Où en êtes-vous sur ce sujet ? Il faut accorder ses volontés aux nouvelles technologies. Soyons modernes, madame la Première ministre !

Je terminerai en évoquant l’offre. Il faut produire davantage. Notre énergie doit présenter quatre caractéristiques : elle doit être abondante, décarbonée, pilotable et bon marché, car l’on ne réindustrialisera pas la France sans une énergie compétitive, un avantage que l’on a malheureusement abandonné.

Ainsi, il convient de réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ; de déplafonner l’électricité nucléaire dans notre mix énergétique ; de prolonger les réacteurs nucléaires, si la sécurité le permet ; enfin, de donner de la visibilité à EDF. Je veux donc que vous vous engagiez ce soir à préserver l’unité d’EDF. De grâce, pas de projet Hercule ni de démantèlement sur dix ans. Et dites-le-nous franchement, vous nous rassurerez !

Bravo ! sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En outre, écoutez les recommandations du rapport de Daniel Gremillet, car ce sont 14 et non 6 réacteurs qu’il faut lancer dès maintenant.

Les énergies renouvelables…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… ont leur rôle à jouer, bien évidemment, mais c’est un rôle d’appoint. En effet, l’Allemagne a montré que, quand on produit 40 % d’énergies renouvelables, on doit aussi investir dans l’énergie fossile. Or, nous, nous voulons une énergie décarbonée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L’énergie doit donc être pilotable et comporter une part d’énergies renouvelables, mais il faut savoir raison garder.

Je conclus en rappelant que, en 2017, celui qui vous a nommée, madame la Première ministre, avait eu un slogan : « Pensez printemps ». Après une crise sanitaire et une crise géopolitique, il semble découvrir maintenant que l’hiver existe aussi et qu’être souverain pèse…

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Ce que nous vivons, c’est ce que le progressisme a oublié : la souveraineté nationale est l’horizon indépassable des nations. Je souhaite donc que le Gouvernement reconstruise cette souveraineté énergétique, pour le pouvoir d’achat des Français et pour la réindustrialisation de notre pays.

Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la politique énergétique nationale exige cohérence, constance et résolution. Or le moins que l’on puisse dire, c’est que, depuis trop longtemps, les gouvernements n’ont pas eu cette exigence pour notre pays.

Je ne développerai pas les tergiversations et les atermoiements du Président de la République en matière de politique nucléaire.

En revanche, alors qu’il nous faut actualiser rapidement la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie, vous nous présentez un projet de loi, nécessaire au demeurant, mais technique, centré sur les procédures. Quelle est votre logique ? Pourquoi ce saucissonnage, alors que les Français et leurs élus ont besoin de lisibilité et de partage des objectifs pour s’engager eux aussi dans la transition énergétique ?

Nous devons collectivement réussir une transition de civilisation, car c’est bien de cela qu’il s’agit, avec la fin de l’usage des énergies fossiles carbonées et la mise en œuvre de modèles de développement fondés sur la notion de durabilité, dans un cadre de justice sociale et d’équité.

Toutefois, cet impératif de long cours, beaucoup trop négligé jusqu’ici malgré de nombreuses alertes, doit être conjugué avec des réponses immédiates et financièrement accessibles aux besoins actuels des entreprises et de tous nos concitoyens. En effet, les Français doivent être soutenus davantage qu’ils ne le sont actuellement par les mesures que vous proposez, et ils ne comprennent pas que la France ne puisse pas les aider, comme l’Allemagne s’apprête à le faire pour son peuple, avec un plan de 200 milliards d’euros.

Sur les marchés de l’énergie, des mesures structurelles fortes doivent aussi être prises ; j’y reviendrai en fin de propos.

Au regard des enjeux climatiques et environnementaux, des techniques de production énergétique disponibles, de leurs impacts identifiés et de leurs coûts, des incertitudes et risques qu’elles présentent, le débat de ce soir doit prendre appui sur les données scientifiques et les études techniques dont nous disposons. C’est donc en m’appuyant sur le dernier rapport du Giec et sur l’étude de RTE sur les futurs énergétiques de la France à l’horizon de 2050 que je vous présenterai les analyses et les préconisations du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Selon nous, il faut réaffirmer le rôle majeur que le groupe EDF doit jouer, dans l’intérêt national ; nous vous questionnerons sur votre projet pour cette entreprise, qui sera d’ici peu publique à 100 %.

Mon groupe souhaite que vous nous disiez ce soir les hypothèses et les orientations que vous retenez pour engager sans tarder le pays vers le futur énergétique dont il a besoin, pour lui-même et à l’égard de ses partenaires européens et mondiaux.

Dans la perspective de la neutralité carbone à l’horizon de 2050, la future loi énergie-climat devra confirmer la trajectoire d’extinction des sources d’énergie carbonées. Cela signifie la fin du pétrole et des gaz d’origine fossile importés, donc la substitution de l’électricité et du gaz décarbonés à ces ressources.

D’après la SNBC, l’électricité doit représenter, à terme, 55 % de l’énergie finale consommée, contre 25 % aujourd’hui. Faites-vous vôtre cet objectif ou entendez-vous le réviser ? Et dans ce cas, à quel niveau ?

Dans le cadre de l’hypothèse d’une électricité représentant 55 % de l’énergie finale consommée, RTE propose six scénarios, du plus sobre, avec une production de 555 térawattheures, au plus élevé, avec 754 térawattheures, lié à une production d’hydrogène décarboné en grande quantité et à la réindustrialisation profonde de notre économie. L’électrification plus ou moins rapide des filières et des usages existants constitue un facteur déterminant de la production électrique nécessaire.

À partir de ces scénarios, quel mix de production électrique décarbonée entendez-vous proposer au Parlement lors de la mise à jour prochaine de la PPE en cours ? Les scénarios de RTE recouvrent en effet des choix très différents de politique industrielle, du « 50 % nucléaire » au « 100 % renouvelables ».

Le Président de la République a décidé voilà peu, après avoir fixé des orientations inverses il y a quelques années, de commander 6 réacteurs de type EPR 2 et de lancer des études pour 8 autres EPR 2 et des petits réacteurs modulaires SMR. EDF a engagé le programme de grand carénage, c’est-à-dire de prolongation des réacteurs nucléaires existants, sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Faut-il comprendre, sur le fondement de ces décisions, que le Gouvernement s’engage résolument vers un mix électrique à 50 % d’énergies renouvelables et 50 % de nucléaire ? Je vous le demande, madame la Première ministre. Pouvez-vous nous dire, pour la clarté de notre débat et la compréhension de vos propositions, quels ont été les facteurs ayant conduit à ce choix ?

Selon mon groupe, le mix énergétique doit résulter d’une approche pragmatique, s’inscrivant bien entendu dans l’objectif zéro carbone de 2050.

En réalité, incertitudes et risques doivent être pris en compte dans les choix à opérer. Par exemple, au regard des difficultés rencontrées dans de nombreux territoires pour développer des projets éoliens, photovoltaïques ou de méthanisation, l’accélération du nombre de projets nécessaires aux scénarios à très forte proportion d’énergie renouvelable nous paraît de plus en plus problématique.

J’indique en outre qu’un scénario avec 100 % d’énergies renouvelables exigerait de multiplier par 21 la puissance installée en photovoltaïque et par 4 celle de l’éolien terrestre. Pour obtenir 100 gigawattheures d’électricité photovoltaïque supplémentaire, il faudra aller 10 fois plus vite. Ces rythmes sont très supérieurs à ce qu’ont fait nos partenaires européens les plus actifs depuis plus de dix ans. En sommes-nous capables ? Je vous pose la question…

Autre incertitude dans le domaine du nucléaire : l’affaiblissement de cette filière industrielle en France au cours des décennies passées ; je parle non pas de l’exploitation, mais de la construction. Les difficultés techniques rencontrées aujourd’hui soulèvent des interrogations quant à notre capacité à mener à bien les programmes de prolongation de la durée de vie des réacteurs existants ou de construction et de mise en service dans les temps impartis des nouveaux réacteurs annoncés.

L’analyse doit intégrer les coûts complets de réalisation, c’est-à-dire les coûts de production, d’acheminement et de flexibilité nécessaires au fonctionnement du réseau en toutes circonstances, l’impact environnemental des installations de production, notamment en ce qui concerne les sols. En outre, elle doit tenir compte de l’objectif – ni fait ni à faire ! – de zéro artificialisation nette des sols issu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, mais également les émissions de gaz à effet de serre, en cycle de vie, des systèmes électriques envisageables.

Dans la perspective, hautement souhaitable, du renforcement de notre souveraineté énergétique, les risques liés aux approvisionnements, ainsi que l’existence de filières industrielles nationales, doivent être également intégrés. La question de l’emploi local, pour la construction, mais aussi et surtout pour l’exploitation, doit être prise en compte et orienter le choix de notre mix.

S’il fallait faire le choix d’un scénario parmi ceux qu’a proposés RTE, les critères d’évaluation que je viens d’évoquer nous amèneraient à faire le choix d’un mix à 50-50 : 50 % de nucléaire et 50 % d’énergies renouvelables.

Nous considérons cependant que la situation énergétique dans laquelle se trouve notre pays, indépendamment, je tiens à le souligner, des conséquences de la guerre en Ukraine, justifie que le Gouvernement pousse tous les curseurs dans le sens d’un développement accéléré de l’ensemble des modes de production d’énergie décarbonée.

Pour réussir la transition énergétique, en situation d’incertitude, voire de risque, comme je viens de le dire, il faut que nous nous donnions des marges en matière de puissance installée. Nous devons industrialiser les procédures de réalisation des projets, de la concertation publique à la mise en service.

Comment allez-vous, pour cela, mettre en ligne les acteurs, de l’État aux collectivités locales, en passant par les comités régionaux de l’énergie et les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), qui doivent être adaptés aux besoins ? Sur quels principes concrets votre planification repose-t-elle ?

À ce stade, le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, nécessaire, ne nous paraît pas à la hauteur des enjeux et des difficultés rencontrées dans les territoires. Dans ce cadre, et pour que l’agriculture contribue à la production énergétique renouvelable française sans réduire sa fonction nourricière première, une définition de l’agrivoltaïsme devra être inscrite dans la loi, comme le Sénat s’apprête d’ailleurs à le faire. Nous souhaitons connaître la position du Gouvernement sur ce point.

Nous devons également aborder avec vous la question de l’avenir du groupe EDF, du projet que le Président de la République et le Gouvernement entendent donner à cette entreprise, dans un contexte énergétique pour le moins instable et qui ne date pas de la crise ukrainienne…

Dans les faits, et le départ du président-directeur général, Jean-Bernard Lévy, en atteste, le Président de la République et ses gouvernements, après avoir passé cinq ans à ne prendre aucune décision à la hauteur des enjeux, sont restés muets sur le rôle qu’ils entendent faire jouer à EDF, dont la situation actuelle est pourtant extrêmement difficile. Jamais, depuis sa création en 1946, cette grande entreprise nationale n’avait été autant affaiblie, faute d’un pilotage politique pertinent. C’est à se demander si tout cela n’était pas voulu !

De manière significative, l’ancien président de la Commission de régulation de l’énergie, qui est aujourd’hui membre de votre gouvernement, madame la Première ministre, indiquait lui-même : « Depuis dix ans, EDF a été la vache à lait de l’État ». Je précise que le personnel, qui est dévoué aux missions d’intérêt général de l’entreprise, n’y est pour rien ; la responsabilité est politique, exclusivement politique. Nous souhaitons que vous vous en expliquiez dans le cadre de ce débat.

Madame la Première ministre, pouvez-vous nous présenter les conséquences institutionnelles et juridiques de l’offre publique d’achat (OPA) que vous avez lancée ?

Le statut actuel de l’entreprise est-il amené à évoluer, par exemple vers un établissement public à caractère industriel et commercial (Épic) ? Quel rôle exact l’État actionnaire unique jouera-t-il ? Une OPA ne constitue pas un projet industriel. Quel est donc votre projet industriel, social et environnemental pour EDF ? Avez-vous, comme c’est hautement souhaitable, renoncé au découpage de l’entreprise ? Comment financerez-vous les investissements d’EDF nécessaires au grand carénage, aux énergies renouvelables et aux réseaux de distribution et de transport ?

Pouvez-vous nous expliquer comment et dans quel cadre juridique vous comptez financer le nouveau parc nucléaire commandé par le chef de l’État ? Ce financement sera-t-il réalisé dans le cadre du groupe EDF ou en dehors de celui-ci ? Quelle place entendez-vous donner à la production hydraulique ? Comment envisagez-vous de préserver dans la durée le caractère public de ce parc de production ?

Pour terminer, je voudrais aborder la dimension européenne du sujet.

Si le mix est une prérogative nationale des États membres, le marché de l’énergie est placé sous la responsabilité de l’Union européenne. Cette contradiction interne explique en grande partie les difficultés que rencontrent de nombreux consommateurs français et européens, et cela ne date pas de la crise ukrainienne !

Quelles propositions le gouvernement français va-t-il défendre auprès de la Commission européenne et de sa puissante direction générale de la concurrence pour que le marché et les prix payés par les consommateurs, particuliers et industriels, reflètent au plus près les coûts complets sur long terme des mix énergétiques nationaux ?

Nous souhaitons que les tarifs régulés de l’électricité perdurent et que ceux du gaz soient maintenus au-delà de la date de suppression annoncée.

Nous vous demandons de faire en sorte que les petits consommateurs obtiennent des prix stables dans le temps et que les chefs d’entreprise aient de la visibilité en matière de prix de l’énergie sur le moyen et le long terme.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant que d’évoquer la politique énergétique de la France, il nous faut établir ce que nous sommes en droit d’attendre d’un système énergétique.

Je pense tout d’abord à la sécurité. Derrière ce concept, je vise surtout les questions d’approvisionnement, afin d’éviter délestages, rationnements et blackout.

La deuxième exigence, c’est le maintien de notre souveraineté. Notre système énergétique doit le moins possible dépendre de puissances étrangères, surtout quand elles sont potentiellement instables ou hostiles.

Enfin, troisième exigence, pour atténuer le changement climatique en cours, nous devons tendre vers la neutralité carbone.

À l’heure actuelle, force est de constater que notre système énergétique présente malheureusement des lacunes sur les trois tableaux. La plus visible aujourd’hui concerne l’insécurité d’approvisionnement, avec le spectre d’une pénurie d’énergie qui ressurgit. Pour l’électricité, cela tient notamment au vieillissement des centrales nucléaires. Quant au gaz, il fait désormais défaut aux Européens du fait de la guerre en Ukraine, même si la France en souffre moins que nombre de ses voisins.

Ces déficiences nous rendent dépendants de l’étranger, qu’il s’agisse de notre voisin allemand pour l’électricité en période de pointe ou bien de la Norvège et du Qatar pour le gaz.

Enfin, notre mix énergétique n’est pas assez décarboné, car plus de 60 % de nos besoins énergétiques sont encore satisfaits par du gaz et du pétrole. En cela, il est vrai que nous faisons mieux que bien d’autres pays. Mais c’est encore largement incompatible avec les objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat. Il nous faut donc réformer notre système énergétique, à la fois pour répondre aux enjeux immédiats et pour garantir les générations futures.

À court terme, le Gouvernement semble avoir bien saisi les enjeux depuis plusieurs mois. Il était effectivement nécessaire de sécuriser l’approvisionnement en gaz de notre pays en trouvant de nouveaux fournisseurs, ce qui a permis de remplir nos stocks au maximum avant l’hiver.

À moyen terme, il faudrait toutefois envisager de produire ce gaz sur le sol national, par exemple avec la méthanisation.

De même, il fallait organiser la sobriété pour réduire les tensions sur notre système électrique. C’est l’intérêt du plan dévoilé jeudi dernier, rappelant que les efforts en la matière doivent concerner tout autant l’État et les entreprises que les particuliers et les collectivités locales.

Madame la Première ministre, je salue votre mobilisation constante et celle de votre gouvernement auprès de la Commission européenne, pour faire en sorte que celle-ci propose des solutions collectives aux États membres. C’est à ce niveau que les actions seront les plus efficaces en matière énergétique, car c’est à l’Union européenne de régler le problème central posé par cette crise : celui de la formation du prix de l’électricité.

Ce prix correspond au coût marginal du dernier opérateur connecté au réseau, c’est-à-dire, aujourd’hui, les centrales à gaz, dont le coût de production tire l’ensemble des prix vers le haut. Aussi faut-il découpler au plus vite le prix de l’électricité de celui du gaz.

Pour ce faire, deux voies existent : soit par le haut, soit par le bas. Par le haut, c’est-à-dire en créant un grand service européen de l’énergie, public et monopolistique. Hélas, cela relève actuellement de l’utopie. Nous n’arrivons déjà pas à nous mettre d’accord sur la taxonomie…

L’autre voie, la plus réaliste, est une sortie par le bas, c’est-à-dire une forme de renationalisation du système. C’est ce qu’ont fait l’Espagne et le Portugal avec l’aval de la Commission européenne. Ils ont ainsi le droit, durant un an, de déconnecter le prix du gaz de celui de l’électricité. De fait, cela leur réussit : à la fin du mois d’août dernier, le prix du mégawattheure s’élevait à 660 euros en France et en Allemagne et à 240 euros en Espagne et au Portugal.

Cette dérogation leur a été accordée pour deux raisons : une très faible interconnexion avec le reste de l’Europe et une électricité très décarbonée.

Symétriquement, cela signifie que l’on doit envisager la solution ibérique pour les pays européens dont l’électricité est déjà largement décarbonée, comme la France. Les choses ne peuvent en effet plus continuer ainsi : une fois nos centrales remises en ordre de marche, notre situation énergétique serait meilleure en faisant cavalier seul avec le monopole d’EDF, plutôt qu’en restant dans le marché de l’électricité communautaire.

Dans le même ordre d’idées, l’ouverture du marché de l’énergie n’a pas donné des résultats satisfaisants. Revenir sur cette réforme nous permettrait de supprimer cette absurdité qu’est l’Arenh. Ce dispositif a constitué une belle aubaine pour des opérateurs qui se sont comportés comme de simples négociants, engrangeant des profits sur l’argent du contribuable investi dans les centrales.

Il est temps désormais de cesser de considérer l’énergie comme une simple marchandise. Il faut la prendre pour ce qu’elle est réellement : un bien public de première nécessité. À ce titre, il convient de s’interroger sur la pertinence d’un éventuel retour aux tarifs réglementés de vente de l’électricité et même du gaz.

À plus long terme, c’est d’une vision stratégique dont nous avons besoin, à l’instar de celle qui a été présentée par le Président de la République dans son discours de Belfort, en février dernier. Cette stratégie repose sur le triptyque sobriété, nucléaire et renouvelable. Nous ne pouvons qu’y souscrire.

Néanmoins, si l’on regarde plus en détail ce beau tableau, les choses se compliquent singulièrement.

Tout d’abord, les projections relatives à la sobriété nous semblent irréalistes. Certes, nous pouvons renforcer nos efforts sur de nombreux plans, comme l’isolation des bâtiments ou l’autoconsommation. Mais réduire nos besoins énergétiques de 40 % d’ici à 2040, alors même que nous serons plus nombreux et 20 % plus riches si la croissance moyenne annuelle n’est que de 1 % sur cette période, qui peut y croire ? C’est pourtant sur une telle anticipation que reposent la stratégie nationale bas carbone et tous les scénarios de RTE.

En adoptant des hypothèses plus réalistes, ce sera déjà une très belle performance que d’arriver à maintenir, et non augmenter, nos besoins énergétiques d’ici à 2040. Mais dans ce cas de figure, ce n’est pas 60 % d’électricité en plus qu’il nous faudra produire au milieu du siècle, mais le double ou le triple. C’est la raison pour laquelle les annonces faites jusqu’ici en matière de nucléaire, même si elles vont incontestablement dans le bon sens, nous semblent bien trop insuffisantes.

À Belfort, le Président de la République a déclaré qu’aucun réacteur en état de produire ne devait être fermé. Mais le plan de fermeture de 12 réacteurs d’ici à 2035 est toujours en vigueur. Va-t-il enfin être officiellement abandonné ? Dans l’affirmative, va-t-on prolonger nos réacteurs au maximum ? C’est une question clé, car le nombre d’EPR à construire en dépend.

De plus, aucun plan de développement de SMR n’a été annoncé, alors que le petit nucléaire semble une solution d’avenir prometteuse.

Ensuite, la recherche et l’innovation dans le nouveau nucléaire semblent relancées. Mais à quelles fins précisément ? Fermeture du cycle du combustible ? Réacteurs de quatrième génération au thorium ? Il faut un plan et des objectifs.

Enfin, pour ce qui est des renouvelables, je ne veux pas ici empiéter sur nos débats à venir lors de l’examen du projet de loi Énergies renouvelables (EnR), mais je puis déjà dire que le groupe Union Centriste plaidera en faveur de l’essor de l’agrivoltaïsme, de la géothermie et de la biomasse.

Plus globalement, chacun des trois volets du plan français se heurtera à un grave problème de ressources humaines. Il faut former dès maintenant de vrais professionnels du nucléaire, des réseaux électriques intelligents, de l’isolation des bâtiments et des EnR. Avons-nous un plan de formation digne de ce nom pour faire face à ces besoins ? Si oui, il nous faudra le connaître.

Les événements, autant que le sens de l’histoire, nous invitent à un big-bang énergétique. Montrons-nous à la hauteur de ce rendez-vous.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’énergie occupe une place dans le débat public qu’elle n’a sans doute jamais eue auparavant. Et pour cause : guerre en Ukraine, contexte d’inflation, tensions autour des carburants, dérèglement climatique… Autant de défis qui nous rappellent que l’énergie abondante et à bas prix n’existe plus.

Préparer l’avenir tout en apportant des réponses à l’urgence, c’est au fond, madame la Première ministre, la double stratégie de la France pour répondre à ces défis majeurs. D’une part, à court terme, pour sauver notre approvisionnement ; d’autre part, à long terme, pour assurer la souveraineté énergétique de la France et sa neutralité carbone.

Pour ce qui est de notre approvisionnement, cela n’a échappé à personne : dans un contexte d’inflation, Poutine utilise l’énergie pour faire la guerre.

Nous affrontons, comme nos voisins européens, une situation extrêmement délicate. Le Gouvernement fait donc le choix d’impulser une nouvelle solidarité européenne : agir collectivement pour s’entraider et s’alimenter en électricité pour l’hiver ; agir avec solidarité, pour que nous évitions les coupures.

En matière de gaz, il a été décidé de faire appel à d’autres fournisseurs, ce qui nous a permis de remplir nos stocks à hauteur de 99 %. Par ailleurs, le Parlement a voté, en juillet dernier, l’accélération du projet de terminal flottant au large du Havre. Des décisions prises avec rapidité, à la hauteur de la crise géopolitique, qui nous permettront de passer le prochain hiver avec le moins de difficultés possible.

Néanmoins, soyons lucides : si l’approvisionnement de nos stocks est nécessaire, réaliser des économies d’énergie n’en reste pas moins indispensable. Et cela de manière collective, à commencer par l’État, qui doit être exemplaire, sans oublier les collectivités, les entreprises et l’ensemble des Français.

C’est tout l’esprit du plan de sobriété que vous avez présenté jeudi dernier, madame la Première ministre. Un plan qui prône l’incitation et la responsabilité collective. Pas de privations ni de textes de loi ; tout simplement des gestes de bon sens, des gestes du quotidien, que parfois nos aïeux faisaient déjà.

« Sobriété » ne signifie pas « décroissance ». Et tant que nous le pouvons, saisissons l’option de la sobriété choisie plutôt que d’attendre la sobriété subie. Reconnaissons, au passage, qu’il s’agit aussi d’une occasion pour lutter contre le gaspillage énergétique et la surconsommation.

Le groupe RDPI soutient totalement cette stratégie, qui ne doit pas nous faire perdre de vue que, face à l’urgence, l’État doit aider les acteurs les plus en difficulté. Je rappelle que le Gouvernement et le Parlement n’ont pas été inactifs en la matière. Pensons au bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, qui sera reconduit en 2023. Pensons également aux 430 millions d’euros votés en juillet dernier en loi de finances rectificative pour 2022 à destination des collectivités, afin notamment d’offrir un peu d’air à une part significative du bloc communal.

Après le « quoi qu’il en coûte », qui a permis de sauver notre économie, les Français, les PME et les collectivités resteront protégés face à l’inflation. C’est la promesse de ce gouvernement, qui est toujours à l’offensive pour conserver nos emplois et notre pouvoir d’achat.

Mes chers collègues, notre pays n’en reste pas moins confronté à deux défis de taille : assurer la souveraineté énergétique et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Rien ne serait pire que de penser, une fois l’hiver passé, que la crise énergétique deviendrait un mauvais souvenir à oublier. Les défis liés à l’énergie seront au cœur des débats politiques des années à venir.

Renforcer notre souveraineté, c’est tout d’abord investir dans le mix énergétique. Il nous faut prendre conscience que l’éolien en mer, le photovoltaïque, l’agrivoltaïsme et l’hydraulique sont autant d’énergies renouvelables qu’il nous faut développer, en concertation avec les élus locaux.

Renforcer notre souveraineté, c’est aussi admettre que le nucléaire doit prendre toute sa part dans le mix énergétique. Aujourd’hui, il représente environ 70 % de la production électrique française. Notre modèle étant fondé sur l’électronucléaire, il serait déraisonnable de se passer de cette énergie. Les Allemands, qui ont souhaité faire ce choix, sont aujourd’hui largement dépendants du gaz.

Bien évidemment, la part du nucléaire doit être complémentaire de celle des énergies renouvelables. Mais le nucléaire est une force historique que nous devons conforter. Toujours est-il que notre parc est vieillissant et qu’il requiert beaucoup de maintenance. On ne peut se satisfaire que 26 réacteurs sur 56 soient actuellement indisponibles. Nous récoltons les fruits des mauvais arbitrages passés.

La nationalisation d’EDF est un mal nécessaire pour réarmer et consolider notre ancien fleuron. Un projet de loi sera justement présenté dans les prochains mois, afin de simplifier les procédures et de faciliter la création des nouvelles générations d’EPR.

Renforcer notre souveraineté, c’est aussi réduire les délais administratifs pour accélérer sur les énergies renouvelables. Là encore, un projet de loi permettra, en novembre prochain, de débattre en profondeur de ces questions.

Examinons les choses avec lucidité : le tout-nucléaire ne fonctionnera pas, non plus que le tout-EnR. Pour atteindre nos objectifs, nous devons diversifier, réduire les délais administratifs, simplifier les procédures, libérer du foncier et encourager le partage territorial de la valeur… Autant d’objectifs qui seront au cœur du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Encore une fois, mon groupe sera au rendez-vous de ce travail parlementaire.

Renforcer notre souveraineté exige également de se réindustrialiser. C’est l’objectif du plan France 2030, avec 2 milliards d’euros dédiés à l’innovation dans les énergies renouvelables et le nucléaire.

La France peut se donner les moyens, par exemple, de construire le premier avion bas carbone. Mais notre pays peut également être en mesure de réindustrialiser avec des énergies décarbonées telles que l’hydrogène ou encore le gaz provenant de déchets organiques. En Isère, dans mon département, neuf sites injectent déjà du biométhane dans les réseaux ; deux autres sont en chantier et devraient en injecter d’ici à la fin de l’année.

Enfin, notre souveraineté requiert une solidarité européenne. Ne confondons pas souveraineté et protectionnisme. En matière d’énergie, nous devons penser en Européens. L’histoire nous rappelle que l’ancêtre de l’Union européenne était la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), créée en 1951 par six États, dont la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Il ne fait aucun doute que les mécanismes européens de tarification doivent être réformés. Nous devons décorréler le prix de l’électricité du prix du gaz. Les défis sont techniques et complexes, mais nous savons que le Gouvernement met toute son énergie pour convaincre nos voisins européens. « L’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau », disait Nietzsche. Le moment est peut-être venu de créer une nouvelle Union européenne énergétique.

Mes chers collègues, les spécialistes, les ingénieurs et les scientifiques nous rappellent une réalité de bon sens : l’énergie la plus propre est celle que l’on ne consomme pas. Je ne prône pas le retour à la bougie, mais je suis convaincu que notre boussole, en matière d’énergie comme dans le milieu du sport, doit être le collectif : encourager le collectif pour la mobilité ; encourager le collectif en termes de choix énergétique ; encourager le collectif, enfin, en matière de sobriété.

Si nous nous y mettons tous, avec esprit de solidarité et de responsabilité, État, collectivités, entreprises et citoyens, nous nous donnerons les moyens d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Applaudissements sur les travées du RDPI. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons une période critique, décisive, charnière. L’urgence est là. Pour notre économie, pour les entreprises, les collectivités, les citoyennes et les citoyens, la crise énergétique que nous vivons est un défi, et elle va s’inscrire dans la durée.

La situation nous oblige. Avec lucidité, dans une perspective constructive, nous devons étudier, comparer, proposer et débattre des moyens de notre politique de souveraineté énergétique. Surtout, nous devons nous montrer capables d’une vision d’ensemble.

Nous ne résoudrons pas cette crise énergétique en l’abordant segment par segment, comme vous nous le proposez : un texte, l’été dernier, sur les dérogations et ajustements, un autre à venir sur les énergies renouvelables, un autre encore sur le nucléaire, un projet de loi que vous nous annoncez ce soir sur l’hydroélectricité, une prochaine loi – on ne sait quand – de programmation pluriannuelle de l’énergie, enfin, au passage, la ré-étatisation d’EDF par voie d’amendement…

Tout au contraire, nous avons besoin d’une vision d’ensemble, au risque de subir et de revivre des crises. Car ce que nous traversons aujourd’hui, cette envolée des prix, ces menaces de blackout, ce n’est pas qu’un simple et malheureux empilement des conjonctures : c’est l’obsolescence d’un système énergétique tout entier, qui est en train de s’écrouler.

Il y a une dimension conjoncturelle, c’est indéniable. Le déclenchement de la guerre en Ukraine, bien sûr, puis un été digne d’un cataclysme climatique, lui aussi lourd de conséquences sur la production électrique. Les besoins en climatisation décuplés en Espagne et, avec eux, la consommation énergétique du pays. Des sécheresses record partout en Europe et des pénuries d’eau inédites. Nous avons connu un niveau d’eau historiquement bas pour les barrages français, qui fournissent 12 % de l’énergie du pays. Le tout dans un contexte de mise à l’arrêt de la moitié du parc nucléaire, dans une proportion qui n’était pas prévue. Soit une somme de facteurs, qui se conjuguent et qui échappent à notre emprise directe et immédiate.

Toutefois, ce que nous maîtrisons, ce qui nous appartient, c’est la décision politique. Et ce que nous voulons, c’est non pas un État actionnaire, qui gère comme le privé, mais un État volontariste et stratège, qui a une vision d’avenir.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

En effet, l’emballement des prix de l’énergie que nous connaissons aujourd’hui est le résultat direct du marché européen de l’énergie et de plus de vingt ans de libéralisation du secteur. Lier le prix du gaz et de l’électricité nous conduit à cette situation, où le prix payé par les États et par les consommateurs ne reflète en rien le mix électrique national.

Quand le kilowattheure atteint 1 000 euros, comme il l’a fait cet été, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

… il s’agit non pas d’une réalité matérielle, mais d’un résultat spéculatif et artificiel. Les Français et les Européens ne payent pas le coût de l’énergie, mais celui de l’Europe libérale des traders.

Il suffit d’observer le fonctionnement de ce marché, celui d’un prix de l’énergie commun à tous les États membres. Les usagers payent le même prix, que leur pays ait investi dans le nucléaire et dans les renouvelables ou qu’il soit resté dépendant des énergies fossiles. Dressons le bilan de ce mécanisme !

En France, seuls 7, 7 % de la production électrique dépendent du gaz. Rien ne justifie que les cours de l’électricité, dopés par les prix du gaz, se répercutent sur nous avec une telle force.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Allons chercher une sortie temporaire du marché européen. Emboîtons le pas de nos voisins espagnols et portugais, qui ont fait valoir que, non, ils n’ont pas à subir les cours du gaz, qui ne reflètent aucunement leur mix énergétique. (Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je suis d’ailleurs très heureux de vous entendre dire ce soir que vous en êtes d’accord, madame la Première ministre. Il faudra simplement le faire savoir à votre secrétaire d’État chargée de l’Europe, qui a dit le contraire hier, devant la commission des affaires européennes du Sénat…

Aujourd’hui, 92 % de notre mix électrique sont issus du nucléaire, de l’hydraulique, du photovoltaïque, du solaire, et de l’éolien – 92 % ! Nous avons réduit nos importations de gaz et notre dépendance aux énergies fossiles. Nous pouvons donc légitimement défendre cette demande sur la scène européenne.

Madame la Première ministre, je ne vous apprendrai rien en vous disant que nous avons des débats politiques. Mais je tiens à vous le dire : si vous décidez d’engager cette bataille, nous la mènerons à vos côtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Entendons-nous bien : je ne parle pas d’interrompre toute interconnexion, car il faut garder de la solidarité européenne. Il s’agit là de réformer le système européen en profondeur ou d’en sortir. C’est un chantier qui prendra des années.

Si nous nous battons, nous pouvons obtenir une dérogation dans les prochaines semaines. C’est que nous n’avons pas des années pour agir : les dégâts sont déjà là. Les factures de nos collectivités territoriales explosent de 30 % en moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Pour certaines d’entre elles, nous en sommes à 150 % ! Dans mon département, ce sont 2 millions d’euros pour Noisy-le-Sec, idem pour Neuilly-sur-Marne ou encore près de 30 millions d’euros pour le conseil départemental.

Des arbitrages intenables sont déjà en préparation, quelles que soient nos couleurs politiques : augmenter les impôts locaux, renoncer à des investissements majeurs comme la rénovation thermique des bâtiments ou fermer des services publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Nous devons créer un bouclier tarifaire réel et immédiat en rétablissant les tarifs réglementés de l’électricité pour toutes les collectivités territoriales et baisser la TVA à 5, 5 % pour tous les usagers.

Quant à la fin des tarifs réglementés de vente du gaz en juillet 2023, elle représente un grand danger dans cette période. Il faut empêcher coûte que coûte cette extinction. C’est une nécessité absolue, qui concerne aussi les entreprises électro-intensives. Avec l’inflation des prix de l’énergie, nous savons pertinemment que l’emploi sera la variable d’ajustement. Des fermetures ou du chômage partiel, comme chez Duralex et Arc International, sont déjà envisagés.

Madame la Première ministre, je pose la question : quel sera le coût du chômage partiel pour l’État ? Sommes-nous vraiment dans un scénario préférable au rétablissement des tarifs réglementés pour tout le monde, y compris les artisans et commerçants, comme les boulangers ? Ce qui est sûr, c’est que les tarifs réglementés de vente de l’énergie (TRV) sont préférables au bilan social qui est à craindre. Nous allons traverser au moins deux ans de crise, et les prix ne redescendront jamais.

Déjà, 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique. Combien de plus vont basculer ? Combien d’impayés vont tomber ? Il y a une urgence sociale.

Pour les deux prochaines années, il faut interdire les coupures de tous les fournisseurs, et pas seulement d’EDF, et garantir une puissance minimale de 3 kilowattheures, contre un seul aujourd’hui. Il faut des actions fortes dans l’immédiat, couplées à une planification. C’est un impératif, qui pose la question d’EDF.

Madame la Première ministre, je salue l’organisation de ce débat, mais je regrette que le Parlement ne soit pas associé sur une question aussi essentielle que la ré-étatisation d’EDF. Le débat est légitime : une ré-étatisation, oui, mais pour faire quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

S’il s’agit d’un projet Hercule 2, qui viendra séparer les activités et les ouvrir aux capitaux privés, c’est non ! Et sans attendre 2025, il faut sortir de l’Arenh.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Vous voulez tuer l’industrie !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Ce système n’a fait qu’enrichir les opérateurs alternatifs et dépecer EDF. Si nous défendons un grand service public de l’énergie, avec monopole public, c’est précisément parce que la crise actuelle montre que le secteur privé est inapte sur cette question.

D’autres crises nous le prouveront. Dans les années à venir, nous devrons investir des milliards d’euros pour la sortie des énergies fossiles. Il nous faut d’ailleurs impérativement nous extraire de la Charte européenne de l’énergie. Ce traité du plein pouvoir aux multinationales, qui leur permet de réclamer des milliards aux États pour défendre leurs investissements dans les énergies fossiles, est maintenant caduc.

Nous défendons enfin le développement d’un mix électrique avec des investissements dans le nucléaire de nouvelle génération et dans les énergies renouvelables, que, pour notre part, nous n’opposons pas.

Nous avons besoin d’une programmation de l’énergie réelle, concrète, qui repose sur des indicateurs fiables, avec une entreprise publique solide, qui ait les capacités d’investir. Pour y parvenir, nous devons sortir l’énergie du secteur marchand et en faire un bien commun de l’humanité.

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, entre le printemps 2020 et le 1er septembre 2022, les prix de marché ont été multipliés par trois pour le pétrole, par cinq pour le gaz et par quarante pour l’électricité. Comment en sommes-nous arrivés là ? Après la pandémie, la reprise économique a suscité des tensions sur les marchés, avec le retour de l’inflation.

Le 24 février dernier, en envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine a déclenché un conflit qui a entraîné, entre autres choses, une flambée sans précédent des cours de l’énergie, le gaz devenant un moyen de pression.

L’Europe, qui était dans un état de dépendance à l’égard des hydrocarbures russes, se trouve aujourd’hui dans une situation difficile, ce qui nous annonce un hiver particulièrement complexe. Il faut le dire, la France est structurellement moins dépendante du gaz russe que l’Allemagne, qui a renoncé au nucléaire.

Si la situation de la France semblait meilleure en théorie, le nucléaire étant l’un des atouts de la politique énergétique française, force est de le constater, la moitié de nos 56 réacteurs est aujourd’hui à l’arrêt pour des problèmes de maintenance.

Cette année, nous serons pour la première fois importateurs d’électricité, parce que nous n’avons pas su anticiper et préserver notre parc. Permettez-moi d’illustrer la situation. Le 21 juillet 2022, RTE a fourni en moyenne plus de 7 000 mégawatts sur le marché spot européen, soit 15 % de la consommation nationale.

Une certaine idée de l’écologie incitait à la réduction, voire à la disparition du nucléaire. Aujourd’hui, cette filière est mal en point et fragilisée. Nous devons tout faire pour conserver nos savoir-faire et garantir son avenir.

À Saint-Nazaire, le 22 septembre dernier, le président Macron a esquissé, alors que nous sommes au pied du mur, l’accélération de la stratégie nucléaire de la France.

Voilà trente ans, nous étions les champions du monde de l’énergie nucléaire civile. Nous disposions d’une autonomie et nous exportions même notre excédent électrique. Nous avons baissé la garde en menant des politiques contradictoires, guidées par des choix idéologiques manquant souvent de réalisme. Ainsi Ségolène Royal souhaitait-elle baisser de 75 % à 50 % la part du nucléaire à l’horizon de 2025. Une orfèvre en matière de géopolitique et de planification énergétique !

Ne devrions-nous pas, madame la Première ministre, réviser cet objectif, qui subsiste encore dans la loi, à horizon 2035 ? Nous serons bientôt en 2023 et, nous le savons, les besoins d’électricité seront croissants.

À la longue liste qui nous conduit à la situation actuelle, on peut ajouter l’abandon du projet de centrale Superphénix de traitement des déchets nucléaires en 1997. Quant au projet Astrid, pourtant lancé en 2010, il a été abandonné en 2019 sans programme de recherche de substitution, fermant ainsi la porte à de nouvelles avancées technologiques. La décision de fermeture de Fessenheim prise sous la présidence de François Hollande nous oblige aujourd’hui, dans notre région Grand Est, à rouvrir une centrale à charbon.

Je n’évoquerai pas l’affaiblissement continu des capacités financières d’EDF, notamment fragilisée par l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Ce problème ne sera pas exclusivement réglé par la nationalisation.

Les injonctions contradictoires ont contribué à fragiliser cette filière d’excellence française. La structuration même des portefeuilles ministériels antérieurs n’est sans doute pas étrangère à une telle situation.

Ainsi, les précédents grands ministères de l’écologie et du développement durable n’avaient pas naturellement dans leur ADN la capacité de planification énergétique et industrielle. Nous attendons beaucoup de la constitution du nouveau ministère de la transition énergétique, qui semble aller dans le bon sens. Notre pays a besoin d’un grand ministère de l’énergie et de l’industrie.

Par ailleurs, force est de constater que l’on a affaibli dans notre pays le pilier du nucléaire, sans pour autant atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, en matière de développement d’énergies renouvelables, dans la PPE. En effet, les complexités administratives rendent le déploiement des EnR difficile et beaucoup trop long par rapport à nos voisins européens.

Notre bouquet énergétique a besoin tant du nucléaire que des énergies renouvelables. Madame la Première ministre, les projets de loi que vous avez annoncés aujourd’hui devront absolument répondre à une telle situation. Il faut travailler sur tous ces leviers ! Il n’est pas acceptable d’attendre plus de dix ans pour voir naître un projet éolien ou solaire porté et voulu par les territoires. Par rapport aux autres pays européens, c’est en effet presque le double de temps !

La crise à laquelle nous devons faire face rend cependant criant le besoin d’un changement structurel de la politique énergétique française. Notre économie est déjà touchée par la crise économique. Il faut bien veiller à ne pas fragiliser davantage notre tissu économique. Dans le cadre d’un éventuel délestage, il faudra absolument être en mesure de prioriser et protéger la capacité productive.

À l’heure actuelle, en France, force est de le constater, de nombreuses usines tournent au ralenti en raison de l’augmentation des prix de l’énergie. Dans nos territoires, nous sommes tous alertés sur la situation complexe, voire intenable dans le temps, pour ce qui concerne l’industrie, l’artisanat et, quelquefois, l’agriculture.

Nombre de nos chaînes de valeur sont mises en péril par des importations plus compétitives. La crise énergétique est en train de porter un coup dur à notre industrie, alors même que la France a besoin de s’engager dans un mouvement de réindustrialisation. Nos collectivités territoriales, nos industries, nos entreprises et les ménages français, déjà fortement affectés, subissent d’ores et déjà les conséquences économiques de cette crise énergétique. Les inquiétudes qui remontent du terrain sont grandissantes.

La France a mis en place un bouclier tarifaire, afin d’aider les ménages à faire face à l’envolée des prix de l’énergie. Ces mesures nécessaires représentent un coût important. Pourtant, elles demeurent incomplètes au regard de la disparité des situations rencontrées sur le terrain.

L’Europe doit au plus vite trouver des solutions. Il faut penser différemment la politique énergétique européenne et, plus précisément, le marché intérieur européen de l’énergie. Nous devons découpler le prix de l’électricité de celui du gaz, comme vous l’avez annoncé.

Pour conclure, je dirai que nous devons bâtir une véritable stratégie de long terme. Elle ne peut être dissociée de la question industrielle, l’énergie étant au cœur de notre économie.

Notre politique énergétique doit reposer sur trois piliers : premièrement, l’optimisation et la promotion d’économies d’énergie reposant sur la recherche et le développement de technologies économes en matière de rénovation énergétique ; deuxièmement, le défaut, autant que possible, des énergies renouvelables ; troisièmement, la relance, autant que nécessaire, du nucléaire, en accentuant nos savoir-faire technologiques.

Mes chers collègues, il n’y a pas de place pour l’idéologie et le dogmatisme. Nous devons adopter une vision de long terme répondant aux besoins croissants d’une électricité décarbonée, pour aller vers la sortie programmée des énergies fossiles.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement a présenté la semaine dernière son plan de sobriété.

On peut se féliciter de cet encouragement, même tardif, à la sobriété. Remarquons toutefois qu’il aura encore fallu une situation de crise et d’urgence, tant économique que sociale, pour que l’État presse le pas. Nous n’aurions sans doute pas pu éviter la crise, mais ses effets auraient été moins explosifs.

La réduction de la consommation énergétique de 40 % d’ici à 2050 pour atteindre la neutralité carbone se fera désormais sur une trajectoire dont la pente sera bien raide. Nous sommes là pour débattre et pour partager des constats, mais aussi pour réfléchir à des solutions, afin que cette désastreuse situation ne se reproduise pas.

Abordons la question de manière ascendante et, comme le dirait notre collègue Fabien Gay

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

Malgré les multiples demandes et alertes des acteurs locaux, qu’ils soient publics ou associatifs, et en dépit des annonces successives d’un grand plan national de rénovation énergétique des bâtiments; force est de constater que le compte n’y est pas.

Issu d’un département où les températures ne sont pas toujours clémentes et où l’habitat individuel, notamment minier, compte parmi les moins bien isolés, malgré un gros rattrapage ces dernières années, je puis mesurer au quotidien combien il reste à faire. Pour les habitants concernés, c’est la double peine ! Nous le savons, ceux qui sont dans les habitations les plus énergivores sont également ceux qui vivent des situations économiques et sociales parmi les plus dramatiques.

Il suffit de parcourir les documents de bilan des dossiers de fonds de solidarité logement pour toucher du doigt le niveau de précarité et de fragilité de nombreux ménages.

Le chèque énergie constitue, certes, une aide, mais il ne peut agir que comme un pansement face aux perspectives d’augmentation des tarifs que l’on nous annonce et à la baisse progressive du bouclier tarifaire.

J’ai déjà interpellé l’État à plusieurs reprises sur la question du reste à charge des aides proposées par l’Anah, l’Agence nationale de l’habitat : il reste dissuasif pour un trop grand nombre de nos concitoyens. C’est le même problème que pour le coût de l’essence : les personnes modestes ont souvent des véhicules anciens, plus consommateurs de carburant.

Là encore, j’ai contesté en son temps, lorsque j’étais rapporteur pour avis sur le dispositif « bonus-malus » du projet de loi de finances pour 2020, la suppression du dispositif d’accompagnement financier à l’achat de véhicules hybrides et sa limitation à l’achat de voitures électriques, dont les tarifs, même avec une aide, restent prohibitifs pour beaucoup. Regardez l’explosion du prix de la Zoé !

Il nous faut là aussi réfléchir désormais à un vaste plan de conversion de notre parc automobile et d’accompagnement des ménages les plus modestes à l’acquisition de véhicules plus propres.

J’en viens à la situation de nos collectivités. J’ai interrogé la semaine dernière le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l’augmentation alarmante des coûts de l’énergie pour nos collectivités et l’inquiétude des élus face à cette situation.

Insuffisance prévisible de l’enveloppe ouverte en loi de finances rectificative, imprécision quant aux modalités de mobilisation de ce fonds, inadaptation des critères repoussant l’obtention des fonds au mieux à l’été 2023… Sur toutes ces questions, le ministre s’est voulu rassurant et nous a promis des réponses rapides. Espérons !

Surtout, ces réponses devront être adaptées, et ne pas être soumises à des critères trop restrictifs. Désormais, seules 8 000 communes, au lieu de 20 000, semblent pouvoir prétendre à l’enveloppe des 430 millions d’euros. Dernièrement, une note explicative adressée en fin de semaine dernière par le ministère de M. Attal fait état de trois critères cumulatifs à remplir. On complexifie, on renforce… Finalement, encore moins de communes pourront émarger à ce dispositif !

Faut-il rappeler ici les déclarations récentes de la ministre chargée des collectivités évoquant une réévaluation de l’enveloppe, jusqu’à un milliard d’euros si nécessaire ? Une preuve, s’il en était besoin, de la vulnérabilité de nos collectivités. À ce rythme, les 430 millions d’euros ne seront peut-être même pas consommés. Vous avez évoqué, madame la Première ministre, des avances avant la fin de l’année. Je vous répondrai par un mot à la mode : chiche !

Mme la Première ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

N’oublions pas que les collectivités sont des acteurs majeurs dans le dynamisme de l’économie locale, grâce notamment à leurs investissements. La crise énergétique hypothèque nombre de projets, reportés ou parfois même abandonnés, y compris ceux qui sont orientés vers le développement des énergies renouvelables.

J’en viens donc au projet de loi à venir relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, lequel, sous couvert d’« accélération », comporte des dispositions qui doivent nous interpeller. Il est difficile d’entendre qu’un retard imputable à l’État lui-même, lequel ne se donne pas les moyens humains et financiers d’instruire les dossiers, serve de caution pour remettre en cause les principes de la consultation citoyenne, ainsi que la protection de la biodiversité et des paysages !

Toutefois, Mme Agnès Pannier-Runacher, à qui je souhaite un prompt rétablissement, nous a rassurés voilà une dizaine de jours. Concédons que nos procédures administratives sont parfois inutilement lourdes et retardent les projets.

De ce point de vue, la qualification de « raisons impératives d’intérêt public majeur » prévue dans le texte constitue un véritable recul en termes de démocratie participative, ainsi qu’un danger pour la préservation de notre environnement, sauf à ne l’utiliser que pour ce qui concerne la rénovation des anciens parcs éoliens, en augmentant leur puissance.

Sur le fond, il serait illusoire, voire mensonger, de laisser penser que cette accélération des EnR serait la solution à nos difficultés. Le recours aux énergies naturelles ne pourra en aucun cas constituer une solution à la demande d’énergie, puisque celles-ci sont par nature intermittentes !

En outre, il est dommageable que le texte fasse l’impasse sur un point important, celui de la constitution de véritables filières du renouvelable. Acter le principe d’une accélération de ces énergies renouvelables est une chose, mais créer les conditions de sa réussite nécessite de sécuriser toute la chaîne afin de la pérenniser, d’autant que l’éolien est aujourd’hui recyclable à plus de 97 %.

Il nous faut garantir un soutien financier durable et prévisible de l’État, assurer une politique de formation efficiente, travailler à l’attractivité de ces filières et lutter efficacement contre les malfaçons avec une politique de labels.

Pour autant, au sein du RDSE, nous nous saisirons de ce texte, parce que nous sommes conscients de l’urgence, en tentant d’en corriger les excès, et pour y introduire des améliorations conciliant le développement des énergies renouvelables et la préservation de la nature.

Les sujets sont techniques et complexes en matière d’énergie. Je pense à l’hydroélectricité, absente du projet de loi sur l’accélération des EnR. Je pense aussi à l’agrivoltaïsme. Je pense enfin à la question du biogaz et au gaz vert, grande oubliée du projet de loi sur les EnR.

Ce matin même, madame la Première ministre, je posais à Arras la première pierre d’Eurametha, centre de méthanisation des déchets ménagers de la communauté urbaine d’Arras. Et je ne comprenais pas que les boues de la station d’épuration toute proche ne pouvaient pas être méthanisées, alors que, en Allemagne, les boues des stations d’épuration sont méthanisables depuis plus de quinze ans !

Toutes les pistes doivent être étudiées et l’ensemble des acteurs écoutés, si l’on veut atteindre les objectifs fixés dans les déclarations du Président de la République à Belfort et repris dans le plan de sobriété.

Je reste convaincu que la solution réside dans la diversité du mix énergétique. C’est l’occasion pour moi de soulever ce qui constitue à mon sens une autre incohérence : pourquoi mobiliser un projet de loi différent pour ce qui concerne le volet nucléaire de notre approvisionnement énergétique ?

Il nous faut travailler dans l’articulation des modes de production, et il aurait été plus logique de traiter la question énergétique dans un seul et même texte, après avoir discuté de la programmation pluriannuelle de l’énergie, comme l’a dit M. Bruno Retailleau tout à l’heure.

Projeter un développement du parc nucléaire est une chose, mais nous sommes ici sur du moyen terme, voire du long terme, surtout si l’on se réfère au douloureux épisode du premier EPR. Assurer le redémarrage de la moitié de notre parc, aujourd’hui en maintenance, en est une autre. Madame la Première ministre, vous nous avez donné des assurances, mais pourrons-nous réellement compter sur ce renforcement avant l’hiver ?

La renationalisation d’EDF représente également une chance pour reprendre en main notre avenir industriel et relancer le nucléaire, mais à quelle échéance et à quel prix ? S’accompagnera-t-elle d’un retour au tarif réglementé pour les collectivités ?

Si la France, ainsi que d’autres États membres, a pris position en faveur d’un découplage des prix de l’électricité et gaz, la réforme du marché européen de l’électricité pourra-t-elle être mise en place avant que les conséquences sur nos entreprises et nos concitoyens ne soient désastreuses ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Monsieur le président, madame la Première ministre, mes chers collègues, déjà, en septembre 2021, quelque 12 millions de Français ne pouvaient pas se chauffer comme ils le souhaitaient. Un an plus tard, à l’approche de l’hiver, l’Europe traverse une crise économique et géopolitique qui met en lumière les lacunes systémiques de nos sociétés en matière d’approvisionnement énergétique. Cette crise questionne en profondeur notre modèle de consommation et valide, ne vous en déplaise, le projet que les écologistes portent depuis des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Les stratégies à mettre en place pour sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050 et, ainsi, respecter les objectifs de l’accord de Paris sont plus que jamais attendues et urgentes ; elles doivent être à la hauteur des enjeux historiques.

L’abondance énergétique a une fin, nous le savons depuis des décennies. Notre développement assis sur l’extractivisme se heurte à la finitude de la planète et à la saturation de son atmosphère en polluants.

Aujourd’hui, en matière de politique énergétique, pour respecter nos engagements climatiques, différentes options sont sur la table.

Au préalable, je voudrais réaffirmer qu’il n’y a pas de production d’énergie parfaitement propre, exceptée celle qu’on ne consomme pas ; j’y reviendrai.

Concernant la production, la seule option qui permette une transition soutenable et durable est un mix énergétique que nous appelons de nos vœux, et qui n’a pas changé : nous défendons le déploiement massif des différentes énergies renouvelables, pour atteindre les 100 % en 2050 et, en parallèle, la sortie programmée du nucléaire. Nous reviendrons sur ce sujet en fin d’année.

Oui, une France « 100 % renouvelables » en 2050 est techniquement possible, sans mettre en péril la sécurité d’approvisionnement, comme le souligne l’un des scénarios de RTE, scénario totalement crédible, comme l’a rappelé son président. Nous devons faire ce choix, parce que c’est l’énergie la plus propre, la plus sûre, la plus résiliente et la moins chère. Vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, cette énergie est aujourd’hui extrêmement compétitive et rentable.

Nous aurons l’occasion de défendre ce déploiement massif et indispensable dans de futurs véhicules législatifs. Mais en attendant, les retards pris pour engager la France sur les rails de la transition énergétique et l’absence d’anticipation des gouvernements successifs sont particulièrement graves. Ils sont la cause de notre dépendance aux énergies fossiles, ainsi que de la crise sociale profonde qui en découle.

Que de temps perdu ! Les énergies renouvelables, ce sont les énergies des territoires, les grands projets comme les plus petits. Comme l’illustrent des centaines d’initiatives partout en France, les habitants et les élus locaux veulent prendre leurs responsabilités face aux crises. Ils souhaitent aussi créer des circuits courts de l’énergie et de nouvelles solidarités locales.

C’est pourquoi les politiques publiques doivent renforcer la concertation, l’implication et l’investissement des habitants et des collectivités locales dans les projets. La dynamique de l’énergie citoyenne est un rouage essentiel de l’essor des renouvelables, à condition de changer de braquet dans les modes de soutien qui lui sont consacrés.

Donner également davantage de moyens aux collectivités locales dans la mise en œuvre de la transition écologique est indispensable et doit aller bien au-delà du fonds climat, que vous dotez de 2 milliards d’euros.

Rappelons que les collectivités territoriales compétentes, les EPCI et les régions, se sont vues transférer de nouvelles compétences sans aucun transfert de moyens. Par conséquent, les plans et schémas en faveur de la transition énergétique ne pourront être mis en œuvre et risquent de rester en grande partie à l’état d’intention.

Au-delà du financement, l’action des collectivités implique également de développer des moyens d’ingénierie dans les territoires et d’accompagner le secteur privé.

Avançons pour structurer réellement une mise en mouvement généralisée des territoires en faveur de la transition énergétique. C’est tout le sens du service public des énergies renouvelables que je défends depuis longtemps, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et qui permettrait de planifier les politiques publiques en la matière.

Permettez-moi enfin d’axer mon propos sur un autre sujet majeur de notre indispensable transition, à savoir la planification de la sobriété. C’est le seul moyen de réguler notre consommation, afin de respecter les limites planétaires tout en réduisant les inégalités.

Soyons clairs : la sobriété, ce n’est pas juste un slogan temporaire pour passer l’hiver. C’est le principe d’organisation économique et sociale nécessaire pour respecter l’accord de Paris et, accessoirement, sauvegarder l’espèce humaine !

Parce que la sobriété sans égalité, c’est l’austérité pour les plus pauvres, nous défendons une sobriété juste.

Près de deux ans après avoir raillé le « modèle amish », le Gouvernement a finalement dû se résoudre à l’évidence en s’engageant dans un plan de sobriété, mais sans réelles contraintes pour le secteur privé, y compris sur les plus gros pollueurs. Sans mesures pérennes ni structurantes, ce plan n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Il s’agit d’une série de petites mesures de bon sens, mais au bon vouloir de chacun, comme d’habitude…

Madame la Première ministre, vous n’avez même pas gardé la première des mesures contraignantes qui figurait dans le programme du président-candidat, puis dans votre déclaration de politique générale : rendre obligatoire l’indexation de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sur le respect de leurs objectifs environnementaux. Nous sommes encore bien loin de la planification écologique promise pendant la campagne présidentielle !

J’ajouterai qu’il n’y a pas de solution à la crise énergétique que nous connaissons sans lutte contre les injustices et sans remise en cause des privilèges de certains, alors que tant d’entre nous subissent déjà au quotidien une « sobriété contrainte ».

Que les comportements et les pratiques de consommation des plus riches ne soient pas régulés et cadrés est injuste et inefficace.

Rappelons-le, aujourd’hui, les disparités en matière d’émissions de carbone sont colossales. Quand M. Bernard Arnaud prend son jet privé et émet 176 tonnes de CO2 en un mois, soit l’équivalent de 17 ans d’empreinte carbone d’un Français moyen, oui, le déni de justice est vertigineux.

Sans recherche d’une répartition juste des efforts à accomplir, toute politique ou recommandation de sobriété énergétique sera vécue par les plus pauvres et les précaires comme une forme d’austérité contraignante et injuste. Ce plan manque donc sa cible.

Alors que l’on compte plus de 5 millions de passoires thermiques, impossibles à chauffer l’hiver et à rafraîchir l’été, ce plan ne prévoit que 100 millions d’euros de plus pour financer MaPrimeRénov’, soit à peine 4 % d’augmentation, soit moins que l’inflation des coûts de l’isolation, alors même que ce dispositif dysfonctionne, n’est pas assez doté, ni suffisamment efficace. Ce rapport fait donc l’impasse sur l’essentiel : arrêter les productions superflues ; réduire les inégalités ; financer les services publics et l’isolation des logements.

Il ne reprend en rien la force subversive et politique du concept de sobriété et reste aveugle à la nécessité d’un changement de paradigme concernant nos modes de consommation.

Pourtant, la sobriété est compatible avec le bien-être, et même susceptible de l’accroître. Plutôt qu’une perte de confort, la transition vers une sobriété juste assurera les besoins fondamentaux : se loger, se nourrir et se déplacer, dans une meilleure équité sociale, le respect que nous devons aux générations futures et l’indispensable prise en compte du vivant sur la terre.

En conclusion, la politique énergétique que nous défendons, c’est le droit à l’énergie, non au gaspillage. Que chacune et chacun ait accès à une énergie abordable, aujourd’hui et demain, à une énergie qui ne nuise ni aux écosystèmes ni à la santé. Les mesures à prendre d’urgence pour passer l’hiver sont en réalité les mêmes que celles qui doivent nous permettre de préserver une planète vivable et de faire durablement baisser les prix de l’énergie.

Réduire et partager, produire l’indispensable, voilà la philosophie des écologistes. Discutons, planifions et repolitisons ce qui doit être avant tout un choix de société.

Madame la Première ministre, vous vous êtes engagée à « reconstruire une filière photovoltaïque ». Dépêchez-vous, car Photowatt, détenu par EDF, est en train de mourir. Il est grand temps de remettre en place des filières dans l’énergie renouvelable en France. Au vu du fiasco de la filière nucléaire, nous ne pouvons que mieux faire !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Voici le meilleur pour la fin, pour vous réveiller, mes chers collègues !

Madame la Première ministre, c’est curieux, vous vous êtes exprimée dans cette assemblée comme si vous étiez encore en mesure de décider de quoi que ce soit.

Or, depuis le traité européiste de Lisbonne, la politique énergétique des États membres est une compétence partagée avec la Commission européenne. Ainsi, notre pays, chef de file historique de la filière nucléaire, aurait dû imposer ses vues à ses partenaires, mais les gouvernements successifs ont fait preuve de naïveté et de faiblesse en succombant à l’assaut de trois forces.

La première est l’Allemagne, qui avait fait le choix de la dépendance au gaz russe et qui gagna le bras de fer pour imposer les énergies renouvelables dans les textes et objectifs européens.

La deuxième est celle de l’écologie, aussi punitive que médiatique, pilotée à distance par les grands lobbys américains.

Exclamations sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

La troisième est le dogme de la concurrence libre et non faussée, utilisé pour sabrer notre fleuron, EDF.

Tout cela, madame la Première ministre, vous n’en êtes pas directement responsable, mais vous assumez la filiation avec ceux qui nous ont entraînés dans cette folie.

Ce dont vous êtes responsables, c’est de continuer à nous imposer ces énergies prétendument renouvelables contre la démocratie locale. Par une circulaire de septembre dernier, vous exigez des préfets qu’ils cassent les PLU, les plans locaux d’urbanisme, dans lesquels les communes mentionneraient l’interdiction d’implanter des éoliennes.

De plus, vous préférez limoger le PDG d’EDF après qu’il a pointé vos responsabilités dans la situation actuelle, le limogeage devenant une véritable méthode de gouvernement…

C’est pourtant EDF qui a racheté au printemps dernier les turbines nucléaires d’Alstom vendues en 2014 à l’américain General Electric par un certain Emmanuel Macron.

Ce n’est pas Jean-Bernard Lévy qui a procédé à la fermeture idéologique et injustifiée de la centrale nucléaire de Fessenheim : c’est vous ! Et vous en étiez fière. En France, on n’a pas de gaz, mais on a des idées : la sobriété et le col roulé !

Vous venez de déclarer vouloir sortir des énergies fossiles, mais vous avez rouvert, cet été, la centrale à charbon de Saint-Avold, vieille de 71 ans !

L’abandon de notre souveraineté énergétique nous a rendus tributaires de l’étranger. C’est pourquoi, en voulant sanctionner Vladimir Poutine, votre Europe s’est déshonorée en signant des accords gaziers avec l’Azerbaïdjan, finançant ainsi, par nos impôts, la guerre menée contre l’Arménie.

Il faut le dire et le répéter, le nucléaire est notre force économique et écologique, contrairement à l’éolien, qui saccage nos paysages pour une production énergétique dérisoire, et au solaire. Il s’agit d’énergies intermittentes, nécessairement couplées aux centrales à gaz et à charbon.

Le grand carénage en cours est un grand plan de modernisation de la filière nucléaire. Avec les EPR, pour le moment victimes d’un sous-investissement chronique, le nucléaire représente l’avenir – un avenir d’indépendance énergétique. Il ne faut pas non plus oublier de protéger notre filière hydroélectrique décarbonée, actuellement menacée de libéralisation et de manque d’entretien.

Madame la Première ministre, dans le domaine énergétique, il est question non pas de croyance, mais de pragmatisme et de réalité. Je le rappelle, la France n’est responsable que de 1 % des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement climatique. Je vous invite donc à vous dépolluer l’esprit des prêches des talibans verdoyants et à tirer les enseignements de vos erreurs, plutôt que d’en faire supporter les conséquences aux Français.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat, qui, dans l’ensemble, a traité de l’essentiel, à savoir l’avenir de nos filières industrielles, de notre production énergétique, de la souveraineté française, mais aussi, n’en déplaise à M. Ravier, de la souveraineté européenne.

J’ai tout de même entendu ici ou là quelques critiques…

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… sur le bilan de la politique nucléaire de la France, y compris sur celui du gouvernement précédent et du Président de la République.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Je souhaite donc, puisque nous dressons ensemble le bilan du nucléaire, prendre un peu de recul et revenir à la réalité de l’état des centrales nucléaires en France et de leur histoire.

La réalité – cela a été dit à plusieurs reprises, toutes travées confondues –, c’est que pour faire durer les centrales nucléaires il faut les entretenir. La réalité, c’est aussi que le désinvestissement massif, qui explique sans doute une grande partie de la situation actuelle des centrales nucléaires françaises, a été engagé au début des années 2000.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

M. Roland Lescure, ministre délégué. On n’a jamais autant désinvesti dans les centrales nucléaires françaises que sous les quinquennats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Ce n’est pas moi qui le dis : c’est la Cour des comptes, dans un rapport de 2012. Vous le savez probablement, pour avoir lu, comme moi, ce document, le taux de disponibilité des centrales s’est effondré entre 2005 et 2009.

Mme Patricia Schillinger et M. Michel Dagbert applaudissent.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Dans la foulée, vous le savez aussi, survint le choc que fut l’accident de Fukushima, en 2011, conduisant l’ensemble des États à revoir leur politique nucléaire : le Japon, bien sûr, …

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

C’est toujours la faute des autres, et même des Japonais !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… la Belgique, qui revient aujourd’hui sur sa politique de l’époque, l’Allemagne, qui n’en est pas revenue et qui a fermé la plupart de ses centrales – il n’en reste que 3 sur les 35 que comptait le pays.

Même la France, alors, s’est interrogée : le président Nicolas Sarkozy décide, en 2011, d’abandonner le projet d’EPR de Penly, …

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… et je le comprends, à la suite de l’accident de Fukushima.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Ne dites pas de mal de Nicolas Sarkozy, c’est votre meilleur allié !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

J’avais compris que certains voulaient tuer le père… Pour ma part, je me contente de faire le bilan de la politique énergétique de la France, monsieur le sénateur.

Plus sérieusement, la France avait 58 réacteurs ; onze ans après l’accident de Fukushima, elle en compte 56. Oui, nous en avons fermé deux. Mais à l’heure actuelle la France est l’un des seuls grands pays industrialisés qui a gardé le cap sur le nucléaire. Cette constance, nous la devons peut-être à l’ensemble des gouvernements successifs

M. Cédric Perrin et Mme Sophie Primas s ’ exclament.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Ainsi pouvons-nous aujourd’hui compter sur cette base, qui nous permet d’investir encore davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

M. Cédric Perrin. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

La réalité, c’est encore que c’est Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, qui a sauvé Framatome.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Et c’est lui qui a sauvé Areva !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

La réalité, c’est que c’est Emmanuel Macron, ministre de l’économie, qui a recapitalisé EDF, qui avait été trop longtemps sous-capitalisée.

La réalité, c’est que le Président de la République, dès qu’il est entré en fonctions, a revu l’objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 pour le repousser de dix ans, à l’horizon 2035.

Lorsque nous avons protégé les Français en instaurant le bouclier énergétique, nous avons aussi – c’est toujours la réalité – protégé EDF, en assumant sur les deniers publics le poids de cette protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Vous avez surtout pris 8 milliards d’euros à EDF !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

La réalité, c’est que le Président de la République, à Belfort, en janvier de cette année, a annoncé la construction de 6 EPR…

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… et la mise à l’étude, monsieur Gremillet, de 8 EPR supplémentaires. On nous a reproché de ne pas en construire 14 ; mais 6 plus 8, si je ne m’abuse, cela fait 14 !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

J’en viens à notre projet pour EDF, car nous pouvons maintenant nous projeter vers l’avenir, le bilan étant – je l’espère – en partie soldé. La reprise d’EDF, sa renationalisation, qui a été annoncée, sera mise en œuvre d’ici à la fin de l’année.

La réalité, c’est qu’il ne s’agit en aucun cas d’un démantèlement d’EDF.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Jamais nous n’avons évoqué cette possibilité. La réalité, c’est qu’il s’agit d’une reprise en main industrielle de notre opérateur national. Mme Primas s’en souvient sans doute : nous avons visité ensemble, en juin 2018, l’EPR de Flamanville. Hervé Maurey était présent, Barbara Pompili également, aux côtés du ministre Sébastien Lecornu. On nous a expliqué alors que l’EPR de Flamanville produirait ses premiers électrons en janvier 2019.

La réalité, c’est que, oui, l’EPR de Flamanville est une énorme déception. Le projet en a été lancé en 2000. Les gouvernements successifs l’ont confirmé, certains du bout des lèvres, d’autres avec davantage d’ambition, mais l’on n’a pas réussi, je le regrette, à livrer la marchandise…

La réalité, c’est qu’une reprise en main des activités industrielles de notre grand opérateur national est nécessaire, via une direction opérationnelle, afin que, ensemble, nous puissions de nouveau en être fiers.

Nous nationalisons EDF pour lever un financement à bas coût, au bénéfice des projets de nouveaux réacteurs nucléaires notamment, et pour mettre en place une quasi-régie qui permettra à l’État de conserver les barrages – je sais que vous y êtes sensibles – et de réinvestir dans ces derniers. Nous voulons qu’EDF continue d’investir durablement et plus massivement dans les EnR.

La réalité, c’est que nous souhaitons développer EDF de manière ambitieuse, en sorte de garantir la souveraineté économique et électrique de la France.

Au-delà du cas d’EDF, j’ai entendu beaucoup de questions et quelques critiques, autour du thème suivant : nous mettrions la charrue avant les bœufs en évoquant Saint-Avold et les terminaux méthaniers au lieu de parler de la PPE. Que ne nous aurait-on dit si nous avions passé l’été, ici et à l’Assemblée nationale, à discuter de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2024-2028 quand l’inquiétude que nous partagions tous était de savoir s’il y aurait du gaz à l’hiver ?

La réalité, c’est que, du fait de l’invasion par la Russie d’un pays souverain, nous nous retrouvons avec une crise énergétique à gérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Avec l’Azerbaïdjan ? Bravo, c’est réussi !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Pour répondre à cette crise énergétique, il fallait commencer par s’assurer que nous avions suffisamment de gaz et d’énergie en Europe pour parer au risque de rationnement, dont personne ici ne souhaite qu’il se concrétise.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

La PPE viendra en son heure ; elle est prévue. Elle sera fondée sur une ambition qui est, vous le savez, de développer à la fois le nucléaire et le renouvelable. Car n’en déplaise à M. le sénateur Salmon, il faut des deux, sauf à retenir un scénario un peu extrême parmi ceux qu’a exposés RTE.

Nous préférons les scénarios centraux, c’est-à-dire les mix de production reposant à la fois, de manière ambitieuse et équilibrée, sur le nucléaire – exploitation du parc existant et développement du nucléaire de demain – et sur les énergies renouvelables, l’hydraulique – Mme la Première ministre en a fait mention dans son intervention liminaire –, l’agrivoltaïsme – vous avez évoqué aussi ce sujet, madame la Première ministre, en cohérence avec les vœux du Sénat –, et, pourquoi pas, la géothermie.

En bref, nous sommes à l’offensive, le sénateur Rambaud l’a dit, pour engager une politique énergétique ambitieuse, qui permettra à la France de développer son industrie de manière durable – j’y reviendrai en conclusion.

Je termine en abordant deux points.

Tout d’abord, je réponds aux questions qui ont été posées sur le soutien apporté aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales en réponse à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique qui en découle. Certains d’entre vous ont demandé la suppression de l’Arenh.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

J’espère que vous plaisantez ! Le ministre de l’industrie que je suis vous le dit, monsieur le sénateur Gay : supprimer l’Arenh reviendrait à mettre toute l’industrie française à genoux.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Vous êtes nombreux à avoir demandé que nous sortions du marché européen. La réalité, c’est que, grâce à l’Arenh, nous en sommes déjà partiellement sortis. Et les ménages français payent actuellement l’électricité à un prix inférieur au tarif européen de marché – il ne faut peut-être pas le dire trop fort. Si les industriels français ne sont pas tous à l’arrêt, c’est qu’une partie de l’énergie qu’ils consomment est payée, oui, à un tarif préférentiel, …

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… qui reflète l’avantage concurrentiel d’EDF – soyons-en tous fiers !

Réfléchissons plutôt ensemble à inventer le dispositif qui, au-delà de l’Arenh, puisque la fin du dispositif est prévue pour 2025, permettra à l’industrie française de continuer à profiter d’une énergie compétitive, décarbonée et produite par notre opérateur national.

Merci à l’Arenh, vraiment ! Continuons l’Arenh, s’il vous plaît !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Vous êtes bien le dernier en France à dire cela !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Demandez à tous les industriels, monsieur le sénateur Gay ! Tous les industriels…

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… me le disent : heureusement que nous avons l’Arenh, sinon nous serions morts !

Il va falloir modifier la tarification, vous avez raison, monsieur le sénateur Retailleau. Il va falloir mettre en place un découplage du gaz et de l’électricité et appliquer un scénario à l’espagnole.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Si nous l’avions fait au moment où vous le souhaitiez, monsieur Retailleau, vous savez bien que nous aurions subventionné toute l’électricité allemande. La seule manière de faire de la solidarité nationale, Mme la sénatrice Saint-Pé nous l’a dit, c’est de le faire en Européens, …

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… n’en déplaise à M. le sénateur Ravier, et de le faire à l’européenne !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Nous gagnerons cette lutte en Européens…

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… ou nous la perdrons.

En ce qui concerne le soutien aux collectivités locales, monsieur le sénateur Gay, vous avez raison de nous alerter. Mme la Première ministre a déjà évoqué ce point. Nous travaillons à des solutions, dont certaines ont déjà été annoncées : une hausse de la dotation globale de fonctionnement de 110 millions d’euros supplémentaires pour 2023, un filet de sécurité qui permettra d’aider les collectivités locales qui sont le plus en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Elles sont toutes en difficulté face au coût de l’énergie !

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Mais non, madame la sénatrice, elles ne sont pas toutes en difficulté ! Pour les industries comme pour les collectivités territoriales, nous devons faire du ciblage.

Je dirai quelques mots des filières industrielles.

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

Nous devons produire en France une énergie souveraine et développer des filières, certains d’entre vous l’ont dit, dans le photovoltaïque, …

Debut de section - Permalien
Roland Lescure

… le nucléaire et l’éolien. À cette fin, vous le savez, nous investissons. France 2030, qui fête aujourd’hui, madame la Première ministre, son premier anniversaire, c’est exactement cela : investir dans l’innovation afin de développer des filières françaises de décarbonation de l’industrie et d’industrie décarbonée.

Grâce à cette mission, à laquelle je suis extrêmement fier de participer, nous nous donnons les moyens notamment – il en a été question ce soir – de produire de petits réacteurs modulaires, mais aussi, monsieur Menonville, de fermer le cycle du combustible nucléaire de manière un peu moins dispendieuse que ne permettait de l’envisager le prototype Astrid, qui s’annonçait mal et risquait de devenir un nouveau gouffre financier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, travaillons ensemble à l’avenir de la politique énergétique française. Je suis sûr que nous pouvons y arriver.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion de ce débat, je veux commencer par saluer chacun des orateurs qui se sont succédé à la tribune ce soir. Les interventions que nous avons entendues ont été fortes en idées plutôt qu’en polémiques, et chaque groupe a pu exprimer sa vision des défis qui sont devant nous.

Depuis le choc pétrolier, dans les années 1970, à intervalles réguliers les énergies fossiles reviennent sur le devant du débat public. Elles sont systématiquement synonymes de crise, de montée des prix, de menaces de pénurie et de dégâts climatiques majeurs. Ce constat, nous le partageons, et depuis des années nous avançons pour trouver les moyens de sortir de notre dépendance à ces énergies.

Voilà quelques mois, la guerre en Ukraine a marqué une nouvelle étape. Nous devons accélérer : tel est le consensus qui se dégage du débat de ce soir. Ce consensus, je l’avais déjà observé lors des échanges que j’avais eus avec chacun des présidents de groupe de votre assemblée.

Là n’est pas la seule convergence qui s’est manifestée ce soir : nous sommes tous convaincus que la transition énergétique devra préserver le pouvoir d’achat des Français et conforter la compétitivité de notre économie.

Je puis vous l’assurer, monsieur le sénateur Gay, nous sommes déterminés à lutter contre la précarité énergétique. C’est notamment le sens du chèque énergie exceptionnel, dont le montant peut aller jusqu’à 200 euros, destiné aux 40 % des Français les plus modestes, en complément du bouclier tarifaire.

C’est aussi le sens, monsieur le sénateur Corbisez, de l’augmentation du budget de MaPrimeRénov’ et du maintien d’une prime à la conversion permettant aux Français, notamment les plus modestes, de passer à un véhicule moins énergivore, mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2023.

Nous nous sommes accordés aussi sur la nécessité de conquérir notre souveraineté énergétique. Nous ne pouvons plus être dépendants d’autres pays, particulièrement de ceux qui rejettent notre modèle démocratique. Nous devons avoir la maîtrise de notre production, ce qui est aussi la meilleure façon de contrôler le niveau des prix.

Je vous confirme, monsieur Retailleau, que nous maintiendrons le bouclier tarifaire sur le gaz au-delà du 1er janvier 2023, le tarif de référence étant prolongé pour les années suivantes.

Je vous confirme également que nous travaillons depuis des semaines à la mise en œuvre de ce modèle ibérique à l’échelle européenne, car, contrairement à l’Espagne, nous ne sommes pas une péninsule. Nous sommes fortement interconnectés avec les autres États membres de l’Union. C’est donc à cette échelle qu’il est nécessaire d’avancer.

Par ailleurs, monsieur le sénateur Gay, je vous confirme que nous voulons une réforme durable du marché de l’électricité et un découplage des prix du gaz et de l’électricité.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je reste convaincue que notre souveraineté passe et par la France et par l’Europe.

J’ai aussi entendu, ce soir, quelques caricatures ou procès d’intention. Il n’est pas forcément utile de s’y étendre ni de polémiquer : nous savons que ce n’est pas sur une année ni même sur quelques années que se jouent les transformations de la filière nucléaire, mais sur des dizaines d’années.

Ceux qui, bien avant nous, ont lancé le programme nucléaire français le savaient parfaitement. Personne ne l’ignore ici, il y a eu, au cours des vingt-cinq dernières années, une alternance politique tous les cinq ans, ou presque. Si, au fil de ce chemin, des erreurs ont été commises, mon sentiment est que, à tout le moins, elles sont partagées.

Si nous voulons être lucides, il nous faut l’être jusqu’au bout. La France a fait le choix de préserver son parc nucléaire et d’y investir. Certains de nos grands voisins n’ont pas fait ce choix. Et nous pouvons être fiers de la confiance que nous avons toujours placée dans notre filière nucléaire, ainsi que dans notre grande entreprise nationale, EDF, qu’il ne saurait être question de démanteler.

Au cours de nos débats, c’est sur la question de notre mix énergétique que j’ai entendu s’exprimer la plus forte différence d’approche. Je l’ai dit en ouvrant ce débat et je le répète : ma conviction est qu’un mix diversifié nous protège et garantit notre souveraineté, car il n’existe pas d’énergie sans défaut.

Je le disais, nous croyons fermement au nucléaire. Nous sommes convaincus qu’il s’agit de la voie de l’efficacité, de la souveraineté et de la neutralité carbone. Mais nous ne pouvons pas non plus faire croire qu’il s’agit d’une énergie tout à fait banale – le chantage russe autour de la centrale de Zaporijia nous le rappelle durement. Nous ne pouvons pas nous permettre non plus de tout miser sur une seule source d’énergie : en cas d’avarie, de problème technique ou de défaut, nous serions exposés et démunis.

Nous voulons donc sans hésitation développer aussi les énergies renouvelables. Elles sont décarbonées et bénéfiques pour notre économie. Elles permettent l’émergence de nouvelles filières industrielles. Enfin, leurs apports énergétiques sont déterminants, particulièrement dans les moments de tension.

Nous n’oublions pas néanmoins qu’elles sont intermittentes et posent des questions d’acceptabilité. À cet égard, elles ne sauraient être l’alpha et l’oméga de notre action énergétique, quoiqu’elles puissent aussi constituer, comme l’a souligné Mme la sénatrice Denise Saint-Pé, un complément de revenu pour nos agriculteurs, qu’il s’agisse d’agrivoltaïsme ou de méthanisation. Je crois donc à l’équilibre et à la diversification, qu’avec mon gouvernement nous continuerons à défendre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les échanges de ce soir ouvrent une séquence. Nous posons tout d’abord les termes du débat. Nous aurons ensuite, dans les prochaines semaines, à discuter de deux projets de loi d’urgence visant à accélérer le développement de nos énergies renouvelables et de nos projets nucléaires. Enfin, une fois menés les débats organisés sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), qui commencent actuellement, nous pourrons débattre, en 2023, d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat.

Je souhaite que l’esprit de responsabilité et la volonté d’agir dont nous avons fait preuve ce soir nous guident collectivement dans les échanges à venir. Vous pouvez compter sur moi et sur mon gouvernement pour écouter chacun et rechercher des compromis.

Sur l’énergie, en particulier, je suis convaincue que de tels compromis sont à notre portée.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 13 octobre 2022 :

À dix heures trente et quatorze heures trente :

Suite du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (procédure accélérée ; texte de la commission n° 20, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.