Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’énergie occupe une place dans le débat public qu’elle n’a sans doute jamais eue auparavant. Et pour cause : guerre en Ukraine, contexte d’inflation, tensions autour des carburants, dérèglement climatique… Autant de défis qui nous rappellent que l’énergie abondante et à bas prix n’existe plus.
Préparer l’avenir tout en apportant des réponses à l’urgence, c’est au fond, madame la Première ministre, la double stratégie de la France pour répondre à ces défis majeurs. D’une part, à court terme, pour sauver notre approvisionnement ; d’autre part, à long terme, pour assurer la souveraineté énergétique de la France et sa neutralité carbone.
Pour ce qui est de notre approvisionnement, cela n’a échappé à personne : dans un contexte d’inflation, Poutine utilise l’énergie pour faire la guerre.
Nous affrontons, comme nos voisins européens, une situation extrêmement délicate. Le Gouvernement fait donc le choix d’impulser une nouvelle solidarité européenne : agir collectivement pour s’entraider et s’alimenter en électricité pour l’hiver ; agir avec solidarité, pour que nous évitions les coupures.
En matière de gaz, il a été décidé de faire appel à d’autres fournisseurs, ce qui nous a permis de remplir nos stocks à hauteur de 99 %. Par ailleurs, le Parlement a voté, en juillet dernier, l’accélération du projet de terminal flottant au large du Havre. Des décisions prises avec rapidité, à la hauteur de la crise géopolitique, qui nous permettront de passer le prochain hiver avec le moins de difficultés possible.
Néanmoins, soyons lucides : si l’approvisionnement de nos stocks est nécessaire, réaliser des économies d’énergie n’en reste pas moins indispensable. Et cela de manière collective, à commencer par l’État, qui doit être exemplaire, sans oublier les collectivités, les entreprises et l’ensemble des Français.
C’est tout l’esprit du plan de sobriété que vous avez présenté jeudi dernier, madame la Première ministre. Un plan qui prône l’incitation et la responsabilité collective. Pas de privations ni de textes de loi ; tout simplement des gestes de bon sens, des gestes du quotidien, que parfois nos aïeux faisaient déjà.
« Sobriété » ne signifie pas « décroissance ». Et tant que nous le pouvons, saisissons l’option de la sobriété choisie plutôt que d’attendre la sobriété subie. Reconnaissons, au passage, qu’il s’agit aussi d’une occasion pour lutter contre le gaspillage énergétique et la surconsommation.
Le groupe RDPI soutient totalement cette stratégie, qui ne doit pas nous faire perdre de vue que, face à l’urgence, l’État doit aider les acteurs les plus en difficulté. Je rappelle que le Gouvernement et le Parlement n’ont pas été inactifs en la matière. Pensons au bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, qui sera reconduit en 2023. Pensons également aux 430 millions d’euros votés en juillet dernier en loi de finances rectificative pour 2022 à destination des collectivités, afin notamment d’offrir un peu d’air à une part significative du bloc communal.
Après le « quoi qu’il en coûte », qui a permis de sauver notre économie, les Français, les PME et les collectivités resteront protégés face à l’inflation. C’est la promesse de ce gouvernement, qui est toujours à l’offensive pour conserver nos emplois et notre pouvoir d’achat.
Mes chers collègues, notre pays n’en reste pas moins confronté à deux défis de taille : assurer la souveraineté énergétique et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Rien ne serait pire que de penser, une fois l’hiver passé, que la crise énergétique deviendrait un mauvais souvenir à oublier. Les défis liés à l’énergie seront au cœur des débats politiques des années à venir.
Renforcer notre souveraineté, c’est tout d’abord investir dans le mix énergétique. Il nous faut prendre conscience que l’éolien en mer, le photovoltaïque, l’agrivoltaïsme et l’hydraulique sont autant d’énergies renouvelables qu’il nous faut développer, en concertation avec les élus locaux.
Renforcer notre souveraineté, c’est aussi admettre que le nucléaire doit prendre toute sa part dans le mix énergétique. Aujourd’hui, il représente environ 70 % de la production électrique française. Notre modèle étant fondé sur l’électronucléaire, il serait déraisonnable de se passer de cette énergie. Les Allemands, qui ont souhaité faire ce choix, sont aujourd’hui largement dépendants du gaz.
Bien évidemment, la part du nucléaire doit être complémentaire de celle des énergies renouvelables. Mais le nucléaire est une force historique que nous devons conforter. Toujours est-il que notre parc est vieillissant et qu’il requiert beaucoup de maintenance. On ne peut se satisfaire que 26 réacteurs sur 56 soient actuellement indisponibles. Nous récoltons les fruits des mauvais arbitrages passés.
La nationalisation d’EDF est un mal nécessaire pour réarmer et consolider notre ancien fleuron. Un projet de loi sera justement présenté dans les prochains mois, afin de simplifier les procédures et de faciliter la création des nouvelles générations d’EPR.
Renforcer notre souveraineté, c’est aussi réduire les délais administratifs pour accélérer sur les énergies renouvelables. Là encore, un projet de loi permettra, en novembre prochain, de débattre en profondeur de ces questions.
Examinons les choses avec lucidité : le tout-nucléaire ne fonctionnera pas, non plus que le tout-EnR. Pour atteindre nos objectifs, nous devons diversifier, réduire les délais administratifs, simplifier les procédures, libérer du foncier et encourager le partage territorial de la valeur… Autant d’objectifs qui seront au cœur du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Encore une fois, mon groupe sera au rendez-vous de ce travail parlementaire.
Renforcer notre souveraineté exige également de se réindustrialiser. C’est l’objectif du plan France 2030, avec 2 milliards d’euros dédiés à l’innovation dans les énergies renouvelables et le nucléaire.
La France peut se donner les moyens, par exemple, de construire le premier avion bas carbone. Mais notre pays peut également être en mesure de réindustrialiser avec des énergies décarbonées telles que l’hydrogène ou encore le gaz provenant de déchets organiques. En Isère, dans mon département, neuf sites injectent déjà du biométhane dans les réseaux ; deux autres sont en chantier et devraient en injecter d’ici à la fin de l’année.
Enfin, notre souveraineté requiert une solidarité européenne. Ne confondons pas souveraineté et protectionnisme. En matière d’énergie, nous devons penser en Européens. L’histoire nous rappelle que l’ancêtre de l’Union européenne était la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), créée en 1951 par six États, dont la France.