Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons une période critique, décisive, charnière. L’urgence est là. Pour notre économie, pour les entreprises, les collectivités, les citoyennes et les citoyens, la crise énergétique que nous vivons est un défi, et elle va s’inscrire dans la durée.
La situation nous oblige. Avec lucidité, dans une perspective constructive, nous devons étudier, comparer, proposer et débattre des moyens de notre politique de souveraineté énergétique. Surtout, nous devons nous montrer capables d’une vision d’ensemble.
Nous ne résoudrons pas cette crise énergétique en l’abordant segment par segment, comme vous nous le proposez : un texte, l’été dernier, sur les dérogations et ajustements, un autre à venir sur les énergies renouvelables, un autre encore sur le nucléaire, un projet de loi que vous nous annoncez ce soir sur l’hydroélectricité, une prochaine loi – on ne sait quand – de programmation pluriannuelle de l’énergie, enfin, au passage, la ré-étatisation d’EDF par voie d’amendement…
Tout au contraire, nous avons besoin d’une vision d’ensemble, au risque de subir et de revivre des crises. Car ce que nous traversons aujourd’hui, cette envolée des prix, ces menaces de blackout, ce n’est pas qu’un simple et malheureux empilement des conjonctures : c’est l’obsolescence d’un système énergétique tout entier, qui est en train de s’écrouler.
Il y a une dimension conjoncturelle, c’est indéniable. Le déclenchement de la guerre en Ukraine, bien sûr, puis un été digne d’un cataclysme climatique, lui aussi lourd de conséquences sur la production électrique. Les besoins en climatisation décuplés en Espagne et, avec eux, la consommation énergétique du pays. Des sécheresses record partout en Europe et des pénuries d’eau inédites. Nous avons connu un niveau d’eau historiquement bas pour les barrages français, qui fournissent 12 % de l’énergie du pays. Le tout dans un contexte de mise à l’arrêt de la moitié du parc nucléaire, dans une proportion qui n’était pas prévue. Soit une somme de facteurs, qui se conjuguent et qui échappent à notre emprise directe et immédiate.
Toutefois, ce que nous maîtrisons, ce qui nous appartient, c’est la décision politique. Et ce que nous voulons, c’est non pas un État actionnaire, qui gère comme le privé, mais un État volontariste et stratège, qui a une vision d’avenir.