Les stratégies à mettre en place pour sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050 et, ainsi, respecter les objectifs de l’accord de Paris sont plus que jamais attendues et urgentes ; elles doivent être à la hauteur des enjeux historiques.
L’abondance énergétique a une fin, nous le savons depuis des décennies. Notre développement assis sur l’extractivisme se heurte à la finitude de la planète et à la saturation de son atmosphère en polluants.
Aujourd’hui, en matière de politique énergétique, pour respecter nos engagements climatiques, différentes options sont sur la table.
Au préalable, je voudrais réaffirmer qu’il n’y a pas de production d’énergie parfaitement propre, exceptée celle qu’on ne consomme pas ; j’y reviendrai.
Concernant la production, la seule option qui permette une transition soutenable et durable est un mix énergétique que nous appelons de nos vœux, et qui n’a pas changé : nous défendons le déploiement massif des différentes énergies renouvelables, pour atteindre les 100 % en 2050 et, en parallèle, la sortie programmée du nucléaire. Nous reviendrons sur ce sujet en fin d’année.
Oui, une France « 100 % renouvelables » en 2050 est techniquement possible, sans mettre en péril la sécurité d’approvisionnement, comme le souligne l’un des scénarios de RTE, scénario totalement crédible, comme l’a rappelé son président. Nous devons faire ce choix, parce que c’est l’énergie la plus propre, la plus sûre, la plus résiliente et la moins chère. Vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, cette énergie est aujourd’hui extrêmement compétitive et rentable.
Nous aurons l’occasion de défendre ce déploiement massif et indispensable dans de futurs véhicules législatifs. Mais en attendant, les retards pris pour engager la France sur les rails de la transition énergétique et l’absence d’anticipation des gouvernements successifs sont particulièrement graves. Ils sont la cause de notre dépendance aux énergies fossiles, ainsi que de la crise sociale profonde qui en découle.
Que de temps perdu ! Les énergies renouvelables, ce sont les énergies des territoires, les grands projets comme les plus petits. Comme l’illustrent des centaines d’initiatives partout en France, les habitants et les élus locaux veulent prendre leurs responsabilités face aux crises. Ils souhaitent aussi créer des circuits courts de l’énergie et de nouvelles solidarités locales.
C’est pourquoi les politiques publiques doivent renforcer la concertation, l’implication et l’investissement des habitants et des collectivités locales dans les projets. La dynamique de l’énergie citoyenne est un rouage essentiel de l’essor des renouvelables, à condition de changer de braquet dans les modes de soutien qui lui sont consacrés.
Donner également davantage de moyens aux collectivités locales dans la mise en œuvre de la transition écologique est indispensable et doit aller bien au-delà du fonds climat, que vous dotez de 2 milliards d’euros.
Rappelons que les collectivités territoriales compétentes, les EPCI et les régions, se sont vues transférer de nouvelles compétences sans aucun transfert de moyens. Par conséquent, les plans et schémas en faveur de la transition énergétique ne pourront être mis en œuvre et risquent de rester en grande partie à l’état d’intention.
Au-delà du financement, l’action des collectivités implique également de développer des moyens d’ingénierie dans les territoires et d’accompagner le secteur privé.
Avançons pour structurer réellement une mise en mouvement généralisée des territoires en faveur de la transition énergétique. C’est tout le sens du service public des énergies renouvelables que je défends depuis longtemps, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et qui permettrait de planifier les politiques publiques en la matière.
Permettez-moi enfin d’axer mon propos sur un autre sujet majeur de notre indispensable transition, à savoir la planification de la sobriété. C’est le seul moyen de réguler notre consommation, afin de respecter les limites planétaires tout en réduisant les inégalités.
Soyons clairs : la sobriété, ce n’est pas juste un slogan temporaire pour passer l’hiver. C’est le principe d’organisation économique et sociale nécessaire pour respecter l’accord de Paris et, accessoirement, sauvegarder l’espèce humaine !
Parce que la sobriété sans égalité, c’est l’austérité pour les plus pauvres, nous défendons une sobriété juste.
Près de deux ans après avoir raillé le « modèle amish », le Gouvernement a finalement dû se résoudre à l’évidence en s’engageant dans un plan de sobriété, mais sans réelles contraintes pour le secteur privé, y compris sur les plus gros pollueurs. Sans mesures pérennes ni structurantes, ce plan n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Il s’agit d’une série de petites mesures de bon sens, mais au bon vouloir de chacun, comme d’habitude…
Madame la Première ministre, vous n’avez même pas gardé la première des mesures contraignantes qui figurait dans le programme du président-candidat, puis dans votre déclaration de politique générale : rendre obligatoire l’indexation de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sur le respect de leurs objectifs environnementaux. Nous sommes encore bien loin de la planification écologique promise pendant la campagne présidentielle !
J’ajouterai qu’il n’y a pas de solution à la crise énergétique que nous connaissons sans lutte contre les injustices et sans remise en cause des privilèges de certains, alors que tant d’entre nous subissent déjà au quotidien une « sobriété contrainte ».
Que les comportements et les pratiques de consommation des plus riches ne soient pas régulés et cadrés est injuste et inefficace.
Rappelons-le, aujourd’hui, les disparités en matière d’émissions de carbone sont colossales. Quand M. Bernard Arnaud prend son jet privé et émet 176 tonnes de CO2 en un mois, soit l’équivalent de 17 ans d’empreinte carbone d’un Français moyen, oui, le déni de justice est vertigineux.
Sans recherche d’une répartition juste des efforts à accomplir, toute politique ou recommandation de sobriété énergétique sera vécue par les plus pauvres et les précaires comme une forme d’austérité contraignante et injuste. Ce plan manque donc sa cible.
Alors que l’on compte plus de 5 millions de passoires thermiques, impossibles à chauffer l’hiver et à rafraîchir l’été, ce plan ne prévoit que 100 millions d’euros de plus pour financer MaPrimeRénov’, soit à peine 4 % d’augmentation, soit moins que l’inflation des coûts de l’isolation, alors même que ce dispositif dysfonctionne, n’est pas assez doté, ni suffisamment efficace. Ce rapport fait donc l’impasse sur l’essentiel : arrêter les productions superflues ; réduire les inégalités ; financer les services publics et l’isolation des logements.
Il ne reprend en rien la force subversive et politique du concept de sobriété et reste aveugle à la nécessité d’un changement de paradigme concernant nos modes de consommation.
Pourtant, la sobriété est compatible avec le bien-être, et même susceptible de l’accroître. Plutôt qu’une perte de confort, la transition vers une sobriété juste assurera les besoins fondamentaux : se loger, se nourrir et se déplacer, dans une meilleure équité sociale, le respect que nous devons aux générations futures et l’indispensable prise en compte du vivant sur la terre.
En conclusion, la politique énergétique que nous défendons, c’est le droit à l’énergie, non au gaspillage. Que chacune et chacun ait accès à une énergie abordable, aujourd’hui et demain, à une énergie qui ne nuise ni aux écosystèmes ni à la santé. Les mesures à prendre d’urgence pour passer l’hiver sont en réalité les mêmes que celles qui doivent nous permettre de préserver une planète vivable et de faire durablement baisser les prix de l’énergie.
Réduire et partager, produire l’indispensable, voilà la philosophie des écologistes. Discutons, planifions et repolitisons ce qui doit être avant tout un choix de société.
Madame la Première ministre, vous vous êtes engagée à « reconstruire une filière photovoltaïque ». Dépêchez-vous, car Photowatt, détenu par EDF, est en train de mourir. Il est grand temps de remettre en place des filières dans l’énergie renouvelable en France. Au vu du fiasco de la filière nucléaire, nous ne pouvons que mieux faire !