Intervention de Jean-Philippe Bonnet

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 octobre 2022 à 10h15
Enjeux du développement des véhicules électriques — Audition de représentants de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la transition énergétique de l'avere-france d'enedis de stellantis de renault et de rte

Jean-Philippe Bonnet, directeur adjoint au pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE :

RTE, le Réseau de transport d'électricité, assure l'exploitation du réseau à haute et très haute tension et garantit l'équilibre entre l'offre et la demande à tout moment en matière d'électricité.

Que se passera-t-il si nous avons, demain, 5 millions, 10 millions ou 35 millions de véhicules électriques en circulation ? Le système électrique sera-t-il en mesure de satisfaire la demande en électricité ?

Il faut répondre à ces questions sous l'angle de l'énergie, mais aussi de la puissance.

Nous avons publié, en 2019, une étude approfondie et rassurante sur cette question, réalisée en collaboration avec l'Avere-France. Pour autant, cette enquête se limite à l'horizon 2035. Nous avions travaillé sur des scénarios de 7 millions et de 16 millions de véhicules légers électriques en circulation. Dans ces conditions, l'énergie totale à mobiliser apparaissait relativement modérée par rapport aux 500 térawattheures de notre consommation totale d'électricité.

Pour ce qui concerne la puissance, nous avons soulevé quelques mises en garde. En effet, si on laisse s'installer les habitudes de recharge dites « naturelles », on pourrait devoir faire face à des pics de puissance relativement importants, de l'ordre de 6 à 8 gigawatts, soit 15 % à 20 % de la puissance appelée sur le réseau. Pour autant, nous sommes convaincus que des systèmes simples permettraient de lisser fortement ces appels de puissance. Je pense en particulier aux systèmes heures pleines et heures creuses, bien connues aujourd'hui de nos concitoyens qui utilisent des chauffe-eaux.

Nous avons également considéré que, si des dispositifs de pilotage fins, voire des dispositifs permettant aux véhicules de restituer l'électricité au réseau, étaient mis en place, ceux-ci pourraient fournir 1 à 2 gigawatts de puissance au moment où le réseau en aurait besoin.

Nous avons aussi étudié la question des grands départs en vacances, qui pourraient entraîner des appels de puissance importants. Ils seraient gérables, en été et même pendant Noël, bien qu'en période hivernale la situation soit un peu plus compliquée mais pas insurmontable.

Ces analyses ont été réactualisées dans le rapport publié en 2021 sur les « futurs énergétiques », qui s'efforce de dresser le tableau d'un système électrique totalement décarboné à l'horizon 2050, avec 36 millions de véhicules électriques légers. Nous avons imaginé que les véhicules lourds pourraient également être électrifiés, ce qui nécessiterait une puissance importante, de 80 à 100 térawattheures, ce qui représenterait la moitié de la hausse des besoins en électricité envisagés à cet horizon pour l'ensemble des activités de notre pays.

S'agissant des enjeux de flexibilité, ils sont variables en fonction des choix qui seront faits sur le mix de production. Nous devrions compter sur une automatisation plus poussée des véhicules électriques, pour qu'ils profitent des périodes de production des énergies renouvelables et apportent une contribution au bon fonctionnement du réseau. Si la part de nucléaire était importante, les besoins de flexibilité seraient moindres.

En ce qui concerne les risques de pénurie, la crise que nous connaissons ne remet pas en cause les orientations du rapport car celui-ci envisage un système électrique français totalement décarboné, avec une sortie des énergies fossiles dans tous les secteurs d'activité. Or la volatilité actuelle des prix du gaz ou du pétrole montre que cette voie est un impératif de souveraineté énergétique.

Par ailleurs, les difficultés rencontrées par le parc nucléaire français étaient d'ores et déjà soulignées dans ce rapport, qui concluait à l'urgence à prendre des décisions en la matière.

Les besoins éventuels d'adaptation du réseau de transport se traiteront dans le cadre du dialogue habituel de coordination entre Enedis et RTE. Pourraient surgir des questions ponctuelles concernant, par exemple, les aires d'autoroute, avec des besoins de puissance importants nécessitant des infrastructures spécifiques : nous en discutons avec les concessionnaires autoroutiers.

Je pense également aux projets de gigafactories de fabrication ou de recyclage des batteries, qui auront besoin de puissances importantes. RTE est en contact avec les opérateurs de ces usines pour en assurer le raccordement.

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