Intervention de Clément Beaune

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 octobre 2022 à 16h30
Audition de M. Clément Beaune ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires chargé des transports

Clément Beaune , ministre délégué chargé des transports :

Monsieur Marchand, nous aurons une discussion sur le dialogue social avec les opérateurs de transport, sans doute à la fin de l'année. On ne peut pas imaginer qu'un événement comme les Jeux Olympiques ne donne pas lieu à une mobilisation générale, dans une démarche de responsabilité. Je ne suis pas sûr pour autant qu'il faille modifier notre dispositif législatif, comme le préconise l'Union des transports publics et ferroviaires. Nous en discuterons, notamment avec la RATP.

Madame Préville, je suis confus pour la mauvaise expérience aérienne que vous avez vécue. Il s'agit cependant d'un incident exceptionnel.

S'agissant du vélo, vous mettez l'accent à juste titre sur le développement des infrastructures et sur la sécurité. Pouvoir circuler sur des sites protégés et disposer de sites de stationnement sécurisés pour laisser son vélo, en gare ou chez soi, sont deux facteurs déterminants qui incitent les gens à prendre le vélo. C'est sur ces aspects que nous comptons mettre l'accent dans le cadre du nouveau plan Vélo annoncé par la Première ministre. Dans ce cadre, le Fonds mobilités actives sera doté de 250 millions d'euros en 2023, avec 200 millions pour les infrastructures et 50 millions pour le stationnement : nous sommes en train d'en définir les paramètres. Un comité interministériel du vélo a été mis en place et se réunira pour la première fois sous la présidence de la Première ministre d'ici à la fin de l'année et tous les 6 mois ensuite. Il lui appartiendra de définir les paramètres de cette nouvelle contractualisation avec les collectivités, avec l'idée d'aider celles qui ont moins d'avance ou moins de ressources pour développer des d'infrastructures sécurisées. Certaines grandes villes ont parfois pris de l'avance, parce qu'elles ont plus de moyens. Pour les plus petites collectivités des zones rurales, c'est plus coûteux. On recense aujourd'hui plus de 55 000 kilomètres de pistes cyclables et de voies vertes, contre 40 000 kilomètres en 2017, soit une hausse de 40 %. On compte aussi 19 000 kilomètres de véloroutes. Nous voulons poursuivre l'effort, en lien avec les collectivités, pour faire de la France en 2030 la première nation pour le cyclotourisme.

S'agissant de la desserte du Lot, je vous propose d'y revenir de manière spécifique ultérieurement.

Par ailleurs, Railcoop représente un modèle innovant et coopératif d'opérateur ferroviaire alternatif à la SNCF mais l'équilibre économique et financier de ses opérations est difficile à trouver, en raison de l'ampleur des besoins d'investissements. C'est pourquoi la Caisse des dépôts aide cette entreprise à boucler son financement. Railcoop a déjà manifesté son intérêt pour des lignes ouvertes à la concurrence : nous verrons si son offre est solide et crédible. Cet acteur peut devenir un opérateur complémentaire, au même titre que d'autres opérateurs étrangers. Une concurrence bien encadrée, avec des cahiers des charges définis par l'État ou les régions selon les cas, peut constituer en effet, selon moi, un facteur de développement de l'offre ferroviaire.

Monsieur Gillé, pour être honnête, je n'ai pas connaissance de l'engagement de mon prédécesseur au sujet de l'avis du Conseil d'État portant sur la société de projet pour le financement le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO). Après vérification, nous mettrons en oeuvre l'engagement pris au titre de la nécessaire continuité de l'État.

Sur les financements européens et plus spécifiquement sur le GPSO, il est évident qu'il est plus facile d'obtenir des allocations dès lors que le projet présente une dimension transfrontalière. Il ne faudrait pas néanmoins que le mieux soit l'ennemi du bien. Voilà un projet en cours de déploiement, financé au moyen d'une société de projet, qui va bénéficier de ses premières ressources affectées, si le Parlement en décide ainsi, dès 2023. Le projet est concret et plus mûr sur la portion Bordeaux-Toulouse. La partie d'aménagement dans l'agglomération bordelaise servira de toute façon à l'ensemble des deux branches du projet. Pour l'heure, nous n'avons pas encore de réponse européenne définitive, y compris sur la première branche. Il est évident que plus nous donnerons de garanties sur la portion Bordeaux-Dax, plus nous aurons de chances d'obtenir un financement européen élevé.

En résumé, je suis optimiste sur la mobilisation de financements européens pour le GPSO. Si les financements ne sont pas à la hauteur ou plus tardifs qu'escompté, nous rediscuterons des clés de financement, mais l'État n'a pas vocation à prendre en charge systématiquement l'intégralité du risque. Il faudrait donc que l'effort financier soit partagé, comme c'est le cas depuis le départ.

En réponse au sénateur Gold, je ne reviendrai pas sur le Paris-Clermont mais, s'agissant des transports innovants, plusieurs financements ont été mobilisés, notamment dans le cadre de France 2030 à hauteur de 200 millions d'euros. Je tiens au développement de solutions de transport terrestre innovantes, notamment en matière de transport autonome. Je citerai comme exemple une solution financée par l'Ademe dans l'Indre, qui est un cas unique de transport autonome en zone rurale et qui peut être un facteur de désenclavement.

Sur la question du leasing, nous travaillons avec Agnès Pannier-Runacher à sa mise en place d'ici à la fin de l'année. Je vous le dis franchement : la mise en oeuvre sera forcément progressive, dans l'attente d'une véritable offre industrielle française ou européenne. Ma conviction est que nous devons mettre l'accent sur les zones rurales pour ce dispositif complémentaire aux financements existants pour favoriser le passage à l'électrique.

En ce qui concerne les bioGNV, nous devons d'abord nous assurer de leur disponibilité pour les semaines et mois à venir, car nous avons quelques inquiétudes. Le bouclier énergétique qui a été annoncé par la Première ministre fera partie des solutions envisageables. Je rappelle aussi que nous avons autorisé cet été les transporteurs à répercuter le prix des énergies alternatives, y compris le bioGNV, dans le coût facturé au chargeur, pour que le rapport de force économique puisse être en partie rééquilibré.

Concernant les doubles remorques du transport routier, je dois encore me faire une opinion. Cela pourrait constituer une solution en partie écologique, à la condition de respecter les exigences de sécurité et de ne pas aggraver les risques.

Madame Filleul, je ne reviens pas sur le canal Seine-Nord que vous avez évoqué. Sur la question des plateformes trimodales, je vous apporterai des précisions, mais le Gouvernement réaffirme sa volonté de renforcement du fret fluvial, y compris grâce aux crédits budgétaires, qui ont été accentués dans le cadre du plan de relance.

J'intègre d'ailleurs dans cette réflexion toute une continuité d'ensemble incluant ports, axes fluviaux et, potentiellement, derniers kilomètres en transport routier ou autres. Une mission a d'ailleurs été confiée au préfet de région Mailhos, pour réfléchir aux connexions port maritime, fluvial, ferroviaire et routier. Un rapport sera remis d'ici à la fin de l'année sur l'axe rhodanien principalement, mais qui pourra servir de modèle réussi à généraliser. Ces interconnexions doivent être aussi renforcées dans les contrats de plan État-Régions. L'électrification des quais dans les ports fluviaux et l'aménagement de l'infrastructure fluviale pour les zones urbaines denses sont des exemples de ce que le plan de relance peut financer. Le volet fluvial du plan de relance finance aussi 175 millions d'euros d'investissements complémentaires sur la régénération des infrastructures fluviales d'ici à 2024.

J'en viens à l'intervention de M. Devinaz sur le financement européen du Lyon-Turin. Soyons clairs : en phase d'études, par principe, le droit commun européen prévoit jusqu'à 50 % de financement. La Commission européenne a dit - et cela a pu être interprété comme la fixation d'une date limite - que si nous choisissions rapidement le scénario d'accès, nous pourrions être éligibles, pour le prochain appel à projets, à 50 % de financement. Le point que la Commission européenne n'avait pas examiné de près est que, quel que soit le scénario retenu, nous ne demanderions pour les prochaines années que des financements portant sur des études. Cette majoration du taux est en quelque sorte inopérante, puisque de toute façon nous serons dans le droit commun des cofinancements à hauteur de 50 %.

Il n'y a donc pas d'urgence majeure, au regard des financements européens, à prendre notre décision sur le meilleur scénario. De toute façon, ce que nous demanderions à l'Europe, ce sont des financements d'études et les financements d'études sont éligibles aux aides à 50 %. Ce n'est donc pas tant pour l'Europe que pour nous-mêmes que nous devons prendre une décision rapide sur la question des accès. Le scénario grand gabarit, à un peu plus de 10 milliards d'euros, prend aussi en compte le financement du Contournement Ferroviaire de l'Agglomération Lyonnaise (Cfal) nord, ce qui explique d'ailleurs son montant élevé.

Monsieur Genet, je rappelle que la directive européenne sur la qualité de l'air vise à rapprocher, au fur et à mesure de ses générations, les normes de concentration vers les normes OMS. Essayons déjà de mobiliser tous les outils pour respecter les normes européennes actuelles. Quand les normes OMS se perfectionneront, le droit européen évoluera et nous ferons tout pour nous y conformer, comme nous avons essayé de le faire, notamment par la politique des ZFE-m.

Par ailleurs, j'insisterai beaucoup sur la ligne Paris-Clermont - les événements des 19 et 20 juillet derniers, avec un retard exceptionnel de près de 20 heures, étaient heureusement exceptionnels - car je crois qu'elle est très emblématique, comme d'autres, des efforts financiers qui sont engagés par l'État. Ces derniers constituent la meilleure réponse pour moderniser des lignes en difficulté, sur lesquelles on n'avait pas investi depuis quarante ans. En tout état de cause, je ferai tout pour limiter les retards industriels auxquels nous faisons face.

Sur le ferroutage, la ligne Sète-Calais devrait être déployée dans quelques mois, la ligne Sète-Valenton, début 2023 et la ligne Cherbourg-Mouguerre, fin 2024, conformément à la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Nous devons aussi faciliter, via les CPER, la possibilité de transporter des conteneurs sur des trains afin de désengorger nos ports, comme Dunkerque ou Marseille-Fos par exemple.

En ce qui concerne la ligne Paris-Normandie, les études préalables à l'enquête publique sont en cours. Dans le séquencement, nous continuons à donner la priorité au noeud de Paris-Saint-Lazare. Il faut aussi sécuriser les financements de nombreuses infrastructures, comme la nouvelle gare de Rouen. Sur la base des travaux du conseil d'orientation des infrastructures, nous prévoirons dans la nouvelle génération de CPER des financements d'études ou de projets concrets sur la période qui commencera l'an prochain. Je sais que ce processus peut paraître un peu long, mais il convient de franchir un certain nombre d'étapes obligatoires.

J'en viens à la ligne Paris-Lyon : la première opération de rénovation de 2017 a représenté près de 45 millions d'euros, répartis entre les CPER signés avec les régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes. La nouvelle opération de rénovation est prévue en 2025 et les études préparatoires sont en cours de financement. Le CPER constituera une étape très importante. Nous souhaitons également nous inscrire dans le cadre du protocole d'accord sur les petites lignes ferroviaires, ce qui implique que la région Auvergne-Rhône-Alpes définisse le montant de sa participation. On estime les besoins de financement des travaux, d'après les études, à 17 millions d'euros. L'État est prêt à prendre sa part, comme il l'a fait en 2017, mais le montant de sa participation n'a pas encore été défini dans la mesure où nous attendons la signature de ce protocole par la région... S'agissant des études préparatoires, l'État a octroyé un financement de 400 000 euros sur un total d'1,5 million.

En ce qui concerne la ligne Chartres-Courtalain, le besoin de financement identifié s'élève à 17 millions d'euros, dont 1,4 million à la charge de SNCF Réseau, tandis que la contribution de l'État via le CPER s'élèverait à près de 5 millions.

La RN 88 fait partie des projets que nous suivons avec attention. Une négociation va s'engager avec la région, également dans le cadre du CPER. Le département de l'Aveyron sera sans doute aussi associé au financement. En tout cas, j'ai notifié ce projet à la préfecture dans le cadre du recensement des projets du prochain volet contractuel sur la mobilité.

J'en viens aux difficultés que connaît la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) : ici encore, les rames et le réseau sont anciens. L'État va investir avec SNCF Réseau 1,9 milliard d'euros. J'étais à Châteauroux le 22 août dernier et je ne dispose pas d'estimation précise du retard potentiel dans la livraison des nouvelles rames. Toutefois, comme pour la ligne POCL, je ferai en sorte que les retards des premières livraisons soient les plus réduits possible par rapport à la première échéance prévue en 2024. Il ne m'apparaît pas impossible que toutes les rames puissent avoir été livrées en 2026, conformément aux engagements pris. En tout cas, le retard devrait se limiter à quelques mois, et non se chiffrer en années, même si toutes les rames n'auront pas été livrées avant les Jeux Olympiques. Je veillerai à répartir équitablement les nouvelles rames entre les lignes POLT et POCL (Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon) pour qu'il n'y ait pas de disparités. Je vous donnerai des précisions complémentaires sur le calendrier de livraison précis d'ici à la fin de l'année après avoir communiqué avec les fournisseurs.

J'aurai aussi des échanges avec Châteauroux-Métropole pour permettre le développement d'une offre globale de transports de bonne qualité, notamment en vue des J.O., et assurer une bonne desserte de la ville.

La rénovation de la ligne Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon (POCL) constitue un projet de long terme, dont l'horizon s'inscrit au-delà de la prochaine décennie. Je suis prêt à ce que l'on revoie le calendrier des études, mais, quoi qu'il en soit, les échéances ne relèvent pas du court terme.

En ce qui concerne la ligne Bourges-Montluçon, dossier emblématique de la réalité de la revitalisation des petites lignes, un protocole d'accord a été signé entre l'État et la région Centre-Val de Loire, qui définit une stratégie, assortie d'un financement sur 10 ans. L'État financera les investissements de régénération de la ligne à hauteur de 90 % et les travaux commenceront en 2023. Dans la partie située dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, les travaux coûteront 29 millions d'euros, l'État en finançant la moitié.

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