Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être devant vous aujourd’hui pour l’examen de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale.
Ce texte porte sur deux sujets qui me tiennent à cœur : d’une part, la qualité de la formation de nos futurs médecins généralistes ; d’autre part, la lutte pour l’accès à la santé dans l’ensemble du territoire. La proposition de loi, qui fait écho à l’article 23 du PLFSS pour 2023, actuellement en cours d’examen, répond donc à deux enjeux distincts.
Je parle bien d’enjeux distincts, car la proposition gouvernementale, qui fait suite à un engagement de campagne du Président de la République, ne vise en aucun cas à envoyer des internes en médecine faire des stages dans des territoires pour « boucher des trous », sans encadrement. Elle vise au contraire, via l’accession, par les futurs médecins généralistes, au statut de docteur junior, à renforcer la formation des internes pour leur permettre d’être, en sortie de diplôme, autonomes et plus à même de gérer une installation et un cabinet médical.
C’est bien, j’y insiste, l’objectif premier de notre proposition. Et si, pour aider nos territoires, nous souhaitons en priorité envoyer ces internes vers des zones sous-denses, cela ne se fera aucunement au prix de la qualité de l’encadrement.
À ce titre, la séance d’examen législatif qui nous réunit aujourd’hui est bienvenue, car elle me permet, à quelques jours du début de l’examen du PLFSS en séance publique, de rappeler dans quel cadre la proposition gouvernementale s’inscrit. Je remercie donc Bruno Retailleau, ainsi que l’ensemble des cosignataires de la proposition de loi de nous permettre de débattre et d’échanger sur un enjeu aussi crucial.
L’idée d’une quatrième année d’internat de médecine générale procède d’un constat ancien et partagé : sans la phase de consolidation, qui définit le statut de docteur junior, l’installation immédiate en sortie de cursus n’est pas facile ; elle devient même rarissime.
L’objectif de la mesure gouvernementale – votre proposition s’inscrit dans le même esprit, si j’en juge par l’amendement de modification du titre de la proposition de loi adoptée en commission – est donc d’améliorer la formation des jeunes médecins, tout en facilitant leur installation à l’issue de leurs études, non pas pour « envoyer au front » les jeunes recrues, mais pour parfaire une formation polyvalente et exigeante.
J’y tiens beaucoup, cette quatrième année de formation et de professionnalisation sera assortie d’un projet pédagogique coconstruit avec toutes les parties prenantes, y compris les internes eux-mêmes. Elle se concrétisera par des stages en pratique ambulatoire, auprès de maîtres de stage universitaires expérimentés et capables d’encadrer et de transmettre leur expérience et leur savoir-faire.
Je souhaite que cette réforme soit mise en œuvre dans les meilleures conditions. À cette fin, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, et moi-même avons récemment lancé une mission qui permettra, avec l’appui de quatre professionnels de terrain reconnus, de conduire la concertation que requiert un tel engagement, afin de déterminer les conditions de l’hébergement et de la rémunération de ces stagiaires.
Comme l’indique l’article unique de la proposition de loi, nous souhaitons que ces stages aient lieu, en priorité, sans que cela soit une obligation, dans les zones sous-denses, afin de faire découvrir ce mode d’exercice aux futurs médecins, qui n’ont pas eu forcément l’occasion d’y exercer ou d’y suivre un enneigement au préalable. Les inégalités d’accès à la santé sont intolérables, et nous devons agir résolument contre elles.
Aujourd’hui, vous l’avez indiqué, 6 millions de Français restent sans médecin traitant. Parmi eux, 600 000 personnes souffrent d’une affection de longue durée. Cela concerne également beaucoup de nos concitoyens en situation de précarité ou vivant avec un handicap. Ce n’est pas acceptable, d’autant qu’il y a de fortes inégalités selon les territoires.
J’étais voilà deux semaines dans la Sarthe pour le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation, qui a vocation à organiser la concertation de l’ensemble des parties prenantes du secteur, afin de trouver collectivement les solutions pour qu’il n’y ait plus aucun laissé-pour-compte en matière d’accès à la santé. Là-bas, pour ne citer que cet exemple, on compte 59 médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants, contre 85 pour 100 000 habitants en moyenne nationale.
Ce déficit de médecins généralistes dans certains territoires est d’autant plus problématique que ces professionnels jouent un rôle essentiel de suivi de proximité, tout au long de la vie. Nos médecins généralistes traitants sont aussi les aiguilleurs de notre système de santé, puisqu’ils orientent les patients et assurent la nécessaire coordination de leur parcours de soins.
Surtout, cette situation a des conséquences sur l’ensemble du système de santé. La situation des urgences, que je connais bien et qui sont devenues pour beaucoup un premier recours, le démontre : la fréquentation a augmenté de plus de 50 % en vingt ans. Or, lorsque tous s’organisent, en ville et à l’hôpital, comme cela s’est produit grâce aux mesures prises l’été dernier, cette fréquentation chute enfin ; elle a ainsi décru de 5 % l’été dernier.
Par responsabilité à l’égard de nos concitoyens, nous devons prendre des mesures fortes. La création d’une quatrième année d’internat de médecine générale s’inscrit ainsi dans un arsenal de mesures du PLFSS qui visent à renforcer l’accès à la santé sur l’ensemble des territoires. Je pense par exemple à la création d’un cadre plus adapté pour les négociations conventionnelles, qui devra nous permettre de mettre en place des engagements réciproques, au service des Français dans tous les territoires, notamment les moins dotés, selon une logique de droits et de devoirs. Je pense aussi à la simplification des aides à l’installation de nos médecins dans les zones sous-denses, pour intensifier leur impact.
Enfin, je tiens à souligner le fait que nous allons pouvoir tirer les fruits, dans les prochaines années, des réformes déjà engagées dans le quinquennat précédent. Vous l’avez indiqué, la suppression du numerus clausus n’aura d’effet que dans une dizaine d’années.