Séance en hémicycle du 18 octobre 2022 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (projet n° 876 [2021-2022], texte de la commission n° 20, rapport n° 19, avis n° 9).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer en préambule le travail des deux rapporteurs. S’il nous arrive encore fréquemment de constater des désaccords, ceux-ci sont toujours exprimés avec une cordialité certaine.

Le constat vaut également pour M. le ministre. S’il nous arrive encore plus fréquemment de constater des désaccords entre lui et le groupe socialiste

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Je commencerai par évoquer les éléments dont nous regrettons l’absence dans le projet de loi.

Plusieurs membres de notre groupe ont déploré de ne pas trouver suffisamment de contenu dédié aux préfectures et à la présence de l’État sur le terrain en dehors de la sécurité. Alors que votre gouvernement communique sur la réouverture bienvenue de sous-préfectures, nous aurions pu attendre plus d’ambition de la part du ministère de l’intérieur sur l’incarnation de l’État au quotidien.

Il y a une autre grande absente, ou une quasi-absente de ce projet de loi : la réforme de la police judiciaire. Les mentions qui en sont faites dans le rapport annexé sont succinctes. Et même si nous en avons débattu avec passion mardi dernier dans cet hémicycle, nous savons tous que le destin de cette réforme ne se joue pas ici.

La balle est donc dans votre camp, monsieur le ministre, pour réconcilier votre ministère avec ses propres troupes, ainsi qu’avec les représentants du monde judiciaire, qui redoutent une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Nous savons tous que vous revendiquez une certaine fibre sociale. Je pense toutefois que vous ne devriez pas la cultiver au point d’ajouter des manifestations de policiers aux manifestations de salariés !

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Puisque j’ai évoqué rapidement le monde de la justice, je crois qu’à droite comme à gauche, nous regrettons de ne pas parvenir à aborder les questions de sécurité et de justice dans un même élan. Nous faisons tous un lien entre les problèmes de sécurité et la réponse pénale, et nous constatons les occasionnelles tensions entre magistrats et policiers. Il nous manque la stéréophonie chère au rapporteur Marc-Philippe Daubresse. Ce regret concerne d’ailleurs tout autant le Parlement que l’exécutif.

Nous regrettons également l’absence de mention du continuum de sécurité. Ce silence sur la coopération entre les collectivités et l’État central est étonnant, alors que la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés semblait en faire un tout indépassable.

Nous craignons qu’un tel silence ne soit la traduction de faiblesses dont nous avions fait état à l’époque : le continuum de sécurité peut en effet rapidement ressembler à un marché de dupes. Si une mairie ne consacre pas suffisamment vite des moyens à la sécurité, que ce soit en raison d’un contexte budgétaire ou d’une croissance démographique locale exigeante, elle pourra être pointée du doigt ; c’est arrivé récemment. Si elle le fait, elle prendra la lumière médiatique, donc les coups, en lieu et place du Gouvernement, et on lui en demandera toujours plus.

Nous considérons pour notre part que la sécurité doit rester d’abord la prérogative de l’État central.

Mais j’ai assez parlé de ce qui n’est pas dans le texte ! Le vote de notre groupe repose bien évidemment sur les trois aspects principaux du projet de loi.

Il y a une certaine cohérence dans le rapport annexé. On voit la filiation avec le livre blanc de la sécurité intérieure et le Beauvau de la sécurité. La place octroyée au numérique, même si nous comprenons les inquiétudes de certains agents échaudés par les échecs récents, nous semble légitime.

Nous vous remercions d’avoir bien voulu prendre en considération plusieurs améliorations proposées par notre groupe au travers des amendements de mes collègues Laurence Harribey, Gisèle Jourda ou Patrick Kanner. Ainsi en va-t-il de l’accessibilité des locaux et des démarches dématérialisées pour les personnes en situation de handicap et de la meilleure projection des moyens de sécurité civile sur tout le territoire. Les modifications apportées au texte qui permettront de s’assurer de l’objectivité du choix d’implantation des 200 brigades de gendarmerie annoncées ou encore d’étudier la création d’une seconde base pour les Canadairs constituent de bonnes nouvelles.

J’en viens au volet budgétaire. Le groupe socialiste se félicite des moyens accordés au ministère de l’intérieur. Nous en profitons pour exprimer de nouveau un soutien sans réserve à nos forces de l’ordre – police, gendarmerie, police municipale –, qui ne comptent bien souvent ni leurs heures ni leurs efforts pour assurer la tranquillité de nos concitoyens partout sur notre territoire.

La plupart des candidats à l’élection présidentielle, de gauche comme de droite, s’étaient engagés à accorder plus de moyens à la lutte contre l’insécurité. Les 15 milliards d’euros annoncés dans ce texte constituent donc une bonne nouvelle que nous approuvons sans réserve, même si nous serons vigilants sur l’application de cette loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), budget après budget, dans le contexte économique incertain qui est le nôtre.

Pour finir, les articles normatifs ont peu évolué après l’examen dans l’hémicycle, malgré l’apport bienvenu des amendements de mes collègues Rémi Cardon ou Catherine Conconne.

Le dépôt de plainte par visioconférence me semble mieux encadré, le projet de réseau Radio du futur (RRF) sera sans doute mieux assuré sans ordonnance, tout comme l’adaptation aux collectivités ultramarines. Nous approuvons l’alignement sur le régime des autres personnes dépositaires de l’autorité publique des peines encourues pour les agressions sur les élus.

Nous déplorons le rejet des propositions de mes collègues Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie visant à mieux lutter contre les violences intrafamiliales et conjugales.

Sur les refus d’obtempérer, il est dommage de ne pas être allé plus loin dans la discussion de l’amendement socialiste qui visait à revenir au dispositif gouvernemental initial de 2016.

Bien entendu, nous ne soutenons pas l’extension des amendes forfaitaires délictuelles (AFD), même si les limites fixées par les rapporteurs sont bienvenues. Nous n’approuvons pas davantage les nouvelles modalités d’accès à l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ) ou le nouvel article qui vise les violences dites « gratuites ».

Je ne trahirai pas de secret en disant que nous nous sommes arraché les cheveux sur la loi anticasseurs et que nous avions des oppositions très profondes sur la loi Sécurité globale. Tout ne nous plaît pas, et c’est un euphémisme, dans cette Lopmi.

Nous avons donc, en raison de ces désaccords, envisagé l’abstention. Mais notre groupe a choisi de prendre ses responsabilités. La demande de sécurité exprimée par nos concitoyens et relayée partout par les élus locaux nous a convaincus de voter en faveur de ce texte et des moyens supplémentaires qui sont alloués à nos forces de l’ordre.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, être policier, c’est être au centre de la vie en société, « au centre des choses », comme l’écrivait Albert Camus dans Les Justes.

Un policier doit être en contact permanent avec la population. Il doit être le garant de la confiance que doivent inspirer les pouvoirs publics au citoyen. Il s’agit d’un lien de confiance que permet une police de proximité. C’est une conception de la police qui est défendue par le groupe CRCE, mais qui ne l’est pas dans ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

En effet, la Lopmi traduit, à l’issue de cette première lecture, une conception des métiers de la sécurité intérieure qui est toujours bien éloignée de la nôtre, et ce malgré l’exercice de notre droit d’amendement.

Au cours de nos débats, nous avons été cohérents par rapport à nos interventions passées sur la loi Sécurité globale. Nous le répétons, une autre voie est possible : une police qui ouvre des vocations, éveille les jeunes, donne envie de s’engager. Non pas une police trop souvent coupée du citoyen, mais une police de proximité, exemplaire et digne, comme nous le soulignions déjà dans notre proposition de loi du 11 septembre 2017 visant à réhabiliter la police de proximité, qui privilégiait cette vision de la sécurité et reposait sur le triptyque prévention, dissuasion, répression.

Aujourd’hui, la Lopmi met à distance les victimes. Le numérique est en réalité un faux ami, vecteur de simplification. La modernité et l’efficacité ne doivent pas être synonymes d’éloignement. Un tel projet de loi ne peut qu’accentuer le fossé entre police et victime : le temps passé sur la voie publique dans des actions de sanction ou de répression sera la règle, et le temps au commissariat ou à la brigade l’exception.

Aussi, je tiens à souligner que la modification de la procédure pénale et du droit pénal, induite en particulier par une telle distanciation, relève de la compétence propre du ministère de la justice et qu’elle n’aurait pas dû avoir sa place dans une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Vous l’avez reconnu vous-même lorsque vous avez écarté des amendements en reprochant aux parlementaires d’empiéter sur ce périmètre de compétence. Pourtant, vous n’avez pas su être critique envers votre texte, puisque vous avez persisté dans votre défense de la simplification de la procédure pénale.

Or celle-ci doit continuer à préserver un équilibre entre l’objectif de recherche, la poursuite des infractions et la garantie de la liberté et des droits des citoyens. Une simplification de la procédure pénale ne permet aucunement une amélioration de la qualité des enquêtes.

Face à cela, nous avons défendu que la procédure pénale était une garantie indispensable en matière de libertés et de droits fondamentaux pour tous les justiciables, qu’il n’aurait pas fallu simplifier.

De plus, en matière de droit pénal, nous avons mis en relief que l’amende forfaitaire délictuelle représentait un risque d’arbitraire et de disparités de traitement contraires au principe d’égalité devant la justice. Nous dénonçons donc le maintien d’une amende forfaitaire faisant fi du principe d’opportunité de la peine. Nous rappelons qu’il s’agit d’une procédure de masse, systématisée, qui ne fonctionne déjà pas en termes de régularisation des délits.

Nous regrettons également que la question de la formation approfondie des policiers et gendarmes à la procédure pénale n’ait pas été élevée au rang de priorité par ce texte.

En effet, la suppression des trois ans d’ancienneté requis pour passer le concours d’OPJ est un abaissement des exigences en termes de recrutement qui n’est pas souhaitable. La responsabilité nécessite la formation, l’expérience et le recul. Une prise de poste immédiate à la sortie de l’école ne permet pas de satisfaire de telles exigences, bien que cela soit le cas à la sortie d’autres écoles de la fonction publique, comme l’École nationale de la magistrature (ENM).

De même qu’il est difficile d’être jugé par un juge de 25 ans, il sera de même difficile pour un prévenu d’être perquisitionné par un OPJ novice ou pour des policiers d’être encadré par un OPJ sans expérience.

Ce texte est un projet de loi de chiffres, d’effectifs, qui ne se penche pas sur l’humain, sur le rapport entre citoyens et police, les citoyens et le service public. La modernisation du ministère de l’intérieur se paie au prix de la déshumanisation de la police : c’est une rupture.

Le ministère impose sa vision. Il ne prend pas en compte, par exemple, l’impopularité de la police dans les quartiers populaires et les difficultés structurelles de la police. Vous devez accepter, monsieur le ministre, le constat de cette défiance d’une partie de notre jeunesse à l’égard d’une police qui met la pression sans s’atteler, avec d’autres services publics, à resserrer les liens distendus.

C’est une évidence : le tout-répressif ne fonctionne pas et n’a jamais porté ses fruits, bien au contraire ! Il faut donc repenser l’action de notre police, mais aussi de la justice.

Dans le domaine du maintien de l’ordre, ce projet de Lopmi consacre également une police de la répression contre ce qui est dénommé dans le rapport annexé la « subversion ».

Nous défendons une doctrine selon laquelle les dispositifs de maintien de l’ordre doivent reposer le plus souvent possible sur la négociation, le dialogue et la pédagogie, doctrine que nous défendions déjà dans notre proposition de loi du 22 janvier 2019 visant à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre du maintien de l’ordre, et à modifier la doctrine dans ce domaine.

Il faut enfin tirer les leçons des méthodes d’encadrement des manifestations, depuis celles contre la loi El Khomri jusqu’aux manifestations de « gilets jaunes » et aux mouvements lycéens, par exemple.

Il y a aujourd’hui urgence à tirer les leçons de l’escalade de la violence et de l’usage disproportionné de la force publique par les autorités. Un travail d’ampleur doit être engagé pour mettre en œuvre des stratégies de désescalade efficaces. Celui-ci doit commencer par une étude sérieuse, complète, détaillée et documentée des avantages et des inconvénients de chaque type de doctrine.

Le groupe CRCE refuse de stigmatiser les forces de l’ordre ; je l’ai dit à plusieurs occasions. Et c’est justement parce que nous sommes soucieux des conditions de travail de nos policiers et gendarmes, mais également du sens des professions de la sécurité publique, que nous voterons contre ce texte. Votre projet de Lopmi est contraire non seulement à l’objectif de rapprochement de la police avec les citoyens, mais également à l’idée que nous nous faisons du métier de policier.

Notre peuple exprime souvent une grande inquiétude face aux questions de sécurité. Nous ne pensons pas, contrairement à vous, que la fuite en avant sécuritaire réponde à ces préoccupations. Les chiffres, monsieur le ministre, sont là pour le prouver.

C’est dans le cadre d’un projet de société mettant le service public au cœur de l’épanouissement collectif que nous concevons une action de la police renouvelée, restaurée, efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte portant loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur va franchir une nouvelle étape cet après-midi devant le Sénat.

Et si ce projet de loi a été significativement réduit entre le premier dépôt et le deuxième, la discussion parlementaire, qui – une fois n’est pas coutume – a débuté au Sénat, aura permis des échanges qualitatifs dont la Haute Assemblée a le secret et, désormais, l’exclusivité.

Cette ambiance tient au temps que vous avez consacré personnellement, monsieur le ministre, à répondre à chacun de nos collègues lors de la présentation des amendements ; nous l’avons constaté au cours des trois jours de débat.

Le texte a connu des évolutions significatives au stade tant de l’examen en commission que de la séance publique. Les propositions d’améliorations sont venues de toutes les travées de l’hémicycle. Un certain nombre d’entre elles ont été retenues.

Ainsi, à l’article 1er, l’économie générale du rapport annexé a été non pas bouleversée, mais plutôt confortée.

Le rapport a été amendé ponctuellement pour être enrichi par les travaux de la Haute Assemblée et par la connaissance empirique des sénateurs dans leurs départements. Je pense aux 200 nouvelles brigades de gendarmerie – cela vient d’être évoqué –, aux modalités de leur construction et au rôle que les collectivités territoriales vont jouer, aux côtés de l’État, pour faire de ces brigades une réalité. Je pense également à l’amendement de notre collègue Dominique Vérien sur les maisons de la confiance dans chaque département.

Le champ de la cybersécurité a été longuement évoqué dans nos échanges, et c’est bien évidemment nécessaire tant les attaques numériques et les demandes de rançons sont entrées dans la vie de nos entreprises. Contraindre à un dépôt de plainte dans un délai rapide, c’est permettre à nos cyberpoliciers et cybergendarmes d’intervenir au plus vite.

En plus de la modernisation numérique de votre ministère, qui représente la moitié de l’effort prévu dans la Lopmi, nous avons inscrit dans le dur de la loi le réseau Radio du futur. Grâce à vous, monsieur le ministre, j’ai pu être témoin que les industriels français retenus étaient déjà à l’œuvre. Ainsi, notre pays pourra donner à nos forces de sécurité comme aux services de secours des moyens de communication modernes et résilients en cas de crise.

Je tiens ici à dire que, sur proposition de mon collège rapporteur Marc-Philippe Daubresse, le Sénat a renforcé une fois encore notre arsenal pénal concernant les violences contre les élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains. L’actualité nous rappelle combien il est nécessaire que les moyens de terrain permettent de mettre en œuvre la sévérité renforcée de la loi que nous nous apprêtons à voter.

Dans le reste du texte, des mesures d’amélioration ont été apportées pour simplifier la procédure pénale. Nous avons prévu le recours à la visioconférence pour la prise de plainte comme pour la déposition, permettant une fois de plus de prendre en compte les réalités nouvelles vécues par nos concitoyens, et parmi eux, par des justiciables parfois très éloignés des commissariats de police et des brigades de gendarmerie ; il s’agit d’une faculté, et non d’une obligation.

Mais, dans ce texte, c’est bien la création des assistants d’enquête auprès des OPJ qui devrait être de nature à améliorer significativement le quotidien des enquêteurs en les soulageant d’une charge administrative bien trop lourde.

Dès l’entrée en vigueur de la Lopmi, il faudra embaucher et former ces 5 500 personnels dans la police nationale ou la gendarmerie nationale. Cet enjeu majeur constituera votre challenge, monsieur le ministre, et celui de votre ministère une fois le texte promulgué.

Le Sénat a fait le choix d’accompagner la déjudiciarisation de nombre d’affaires, en privilégiant le recours aux amendes forfaitaires délictuelles.

Nous n’avons pas emprunté le chemin périlleux de leur généralisation, qui aurait abouti à créer 4 000 cas de figure dans lesquels les AFD auraient été applicables. Il existe actuellement en droit positif 10 délits pour lesquels ces amendes peuvent être infligées. Dans le texte que le Sénat s’apprête à adopter, il y en aura 24, soit 14 de plus. Nous pourrons ainsi évaluer leur mise en œuvre infraction par infraction. Nous savons que certaines AFD fonctionnent bien, voire très bien, quand d’autres sont moins efficaces, d’où l’intérêt du contrôle parlementaire à cet égard.

Nous avons renforcé l’outrage sexiste et sa répression. Et nous avons prévu que l’outrage sexiste aggravé devienne un délit. C’est très important. Le lien de ces dispositions avec le texte n’est pas tout à fait évident, mais l’actualité nous rappelle encore une fois qu’il convient d’avancer sur ce point.

Forts de l’expérience de la crise du covid-19 et des travaux du Sénat en la matière, nous avons aussi renforcé le pouvoir du préfet dans le département et décidé que les agences régionales de santé (ARS) seraient à leur disposition, à l’instar de toutes les administrations de l’État, dès lors qu’il s’agira de prendre des décisions de terrain rapides et d’être efficaces et résilients.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Parfois, nos échanges ont permis de mettre en lumière d’autres débats, qu’il sera nécessaire de continuer lors de l’examen de textes appropriés.

Si la commission des lois du Sénat a chargé deux de nos collègues d’une mission d’information sur la réforme de la police judiciaire, nous avons pu débattre de la question des violences conjugales et intrafamiliales. Par ailleurs, nous avons évoqué la question du droit des images, notamment dans la perspective des jeux Olympiques, ainsi que celle de l’accueil des gens du voyage.

Il appartient désormais au Gouvernement de présenter les textes qui permettront de discuter de ces sujets. En tout cas, pour ce qui le concerne, le Sénat s’en saisira.

Monsieur le ministre, ce projet de loi confère des moyens significatifs à votre ministère pour ses missions régaliennes. Il est fortement attendu sur le terrain par les acteurs concernés, qui – nos auditions l’ont montré – le méritent ô combien. Son adoption devrait réunir un consensus assez large, auquel le groupe Union Centriste apportera son soutien.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est vraiment excellent, et nous devons nous réjouir d’avoir l’occasion d’examiner des propositions aussi positives et porteuses de remise en bon ordre en termes tant d’ordre public que de délinquance, entre autres dossiers.

C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, j’avais initialement décidé de voter en faveur du projet de loi.

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Jusqu’à présent, c’est bien ; vous devriez vous arrêter là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Cependant, quand on examine un texte de ce type, on se rend compte que son application dépendra aussi de l’ensemble des dispositifs qui l’entourent et des mesures prises.

Or, monsieur le ministre, la politique que vous avez annoncée depuis maintenant un certain temps comprend un élément qui m’inquiète profondément et qui m’amène à une réflexion : tout ce que l’on peut faire pour renforcer les structures, comme vous le faites dans ce projet de loi, risque d’être menacé par certaines réformes que vous envisagez par ailleurs. Je pense notamment à la mise sous tutelle de la police judiciaire (PJ), sous les ordres des préfets et des pouvoirs locaux.

M. le ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je crois pour ma part que l’on ne peut pas donner beaucoup de pouvoirs à la police si cela ne s’accompagne pas d’un respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la police judiciaire.

Tous ceux qui exercent des fonctions depuis plusieurs années dans la vie publique savent qu’il y a toujours, dans les grandes villes, des microcosmes au sein desquels des liens finissent par se tisser entre le préfet et un certain nombre de structures politiques, économiques ou autres…

Ce qui fait la force de la police judiciaire, c’est que, contrairement au reste de l’administration de la police, celle-ci n’est actuellement pas impliquée dans les rapports locaux, avec les risques d’influence que cela suppose. Dans certaines villes, ce ne sont même plus des risques ; les réseaux d’influence sont des réalités.

Je crois donc que tout ce que vous faites là est gâché par des choix politiques complètement aberrants et profondément inquiétants du point de vue du respect d’une certaine indépendance de la justice et des organes travaillant pour elle, comme la PJ. On ne peut pas l’accepter !

Compte tenu de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, je ne sais pas si la réforme de la police judiciaire passera au Parlement…

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

C’est la raison pour laquelle je profite de cette séance pour vous faire part de ma totale réprobation à l’égard des mesures envisagées. Cela rassurerait tout le monde si la réforme de la police judiciaire était abandonnée !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l’examen de ce projet de loi, on ne peut que constater que ce projet de loi, avec ses propositions initiales comme avec les apports importants du Sénat, au regard des dispositions tant programmatiques que normatives, va dans la bonne direction.

Je veux saluer le travail des deux rapporteurs et l’investissement du ministre, au travers des explications qu’il a apportées.

Je ne reprendrai pas les thèmes du sommaire du rapport, qui aborde un certain nombre de sujets sur lesquels nos forces de sécurité publique attendaient des développements et un soutien matériel, technique, numérique et juridique.

Notre assemblée a su défendre d’autres sujets, comme, dans le cas de notre groupe, celui de l’accessibilité des personnes en situation de handicap. Je me réjouis de l’adoption de plusieurs amendements de notre collègue Maryse Carrère.

Je me félicite également de la perspective budgétaire. L’augmentation annoncée semble à la hauteur des enjeux de sécurité publique auxquels notre pays est et sera confronté. Pour autant, il faut que ces moyens soient déployés à bon escient. Je pense notamment à la formation : les carences en la matière ne sont plus à démontrer, surtout en ce qui concerne la formation continue. Le rapport annexé évoque la formation tant en matière numérique que pour les métiers de terrain. J’espère donc qu’il sera suivi d’effet, d’autant que l’article 9 supprime les trois années de pratique pour devenir OPJ.

Je veux revenir également sur l’implantation de nouvelles casernes de gendarmerie. Pour assurer le maintien de l’ordre dans les territoires ruraux, chacun sait la nécessité d’implanter de nouvelles brigades, notamment dans les territoires qui connaissent une poussée démographique. Cela concerne la Gironde, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire durant nos échanges. Je serai donc attentive à ce point, et je sais que je ne serai pas la seule ; vous vous en doutez bien.

Au cours de nos travaux, nous avons pu aborder longuement certains aspects. Je pense en particulier à la réforme de la police nationale et, plus spécifiquement, aux problématiques liées à la police judiciaire. Nous avons été quelques-uns à relayer les inquiétudes des acteurs de terrain et des magistrats.

Notre assemblée a fait inscrire en dur dans la loi que la réforme devra « tenir compte des spécificités de la police judiciaire ». Vous avez eu, monsieur le ministre, des propos rassurants, notamment sur la question de l’indépendance des magistrats dans la direction de l’instruction. Nous espérons que ces engagements permettront de réformer sereinement notre police. Car oui, l’évolution de cette dernière est nécessaire !

Les travaux menés pour cadrer l’usage de l’amende forfaitaire étaient aussi bienvenus. Le projet initial soulevait des inquiétudes en raison de son caractère très général. La rédaction par nos rapporteurs de l’article 14, qui limite strictement le champ d’application du dispositif, est, là aussi, de nature à nous rassurer. L’amendement du Gouvernement adopté en séance a complété le dispositif. La solution retenue me paraît plus sage au regard des principes qui gouvernent notre justice.

L’une des innovations du texte soulève néanmoins des interrogations : il s’agit de la création de la nouvelle fonction d’assistant d’enquête. L’analogie avec les greffiers est séduisante, mais elle présente aussi son lot de questionnements. Comment seront-ils formés et encadrés ? Comment seront-ils rémunérés ? Comment seront-ils répartis ? Comment seront-ils contrôlés ? Des échanges ont eu lieu en séance ; je ne crois pas qu’il faille renoncer à l’institution de ces nouveaux personnels, mais il faudra veiller à la manière dont ils seront mis en place.

Au terme de nos échanges, il reste cependant quelques sujets d’interrogation, voire quelques regrets.

Notre collègue Roger Karoutchi l’a évoqué très justement dès la discussion générale : la police et la justice se plaignent souvent l’une de l’autre, au point parfois de s’opposer, alors qu’il y aurait lieu de les penser ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

De ce point de vue, ce texte donne le sentiment d’une occasion manquée, un sentiment largement renforcé par la manière dont les irrecevabilités ont été appliquées à nos amendements.

J’en veux pour exemple un amendement que j’avais déposé et qui tendait à reprendre les dispositions de ma proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d’agression. Cet amendement a été déclaré irrecevable, car ne s’inscrivant pas dans le périmètre de la loi. Je comprends évidemment le raisonnement qui a conduit à une telle décision dès lors que nous n’examinons pas un texte touchant à la question du procès. Mais nous voyons aussi la limite de l’exercice qu’aura représenté cette loi de programmation. D’un côté, nous adoptons un article 7 bis qui vise à renforcer la protection pénale des élus. De l’autre, nous ne pouvons pas examiner d’autres dispositifs ayant la même finalité, au motif qu’il y serait question de l’organisation du procès, domaine relevant du ministère de la justice, et non de l’intérieur.

Ce cloisonnement d’ordre quasi administratif est regrettable. Il a d’ailleurs parfois mené à des confusions sur d’autres débats également importants. Mais il est vrai qu’une partie importante des articles du projet de loi initialement déposé au mois de mars dernier n’ont pas été retenus dans la version finale qui nous a été présentée ; je pense notamment à un important volet sur la justice.

Cette loi de programmation n’est qu’une première étape. Nous attendons beaucoup des prochains textes qui devraient nous être présentés – nous l’espérons ! – rapidement.

Dans cette attente, notre groupe, dans sa grande majorité, se prononcera en faveur du texte.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI et au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

M. Marc-Philippe Daubresse . Monsieur ministre, la réponse est oui ! Mais quelle était la question ?

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

S’il s’agit de savoir si nous nous réjouissons que ce projet de loi prévoie un renforcement significatif des moyens du ministère de l’intérieur pour faire face à l’augmentation de la violence et aux nouveaux circuits de délinquance, nul doute que nous soutiendrons le texte avec beaucoup de ferveur.

En revanche, si vous nous demandez si le texte répond à la vraie question que se posent tous nos compatriotes – quand donc allons-nous rétablir l’autorité de l’État dans nos villes et nos campagnes et, comme le dit M. Retailleau, réarmer l’État sur le plan migratoire et sécuritaire ? –, vous ne recueillerez que notre scepticisme. Car le droit à la sécurité n’est pas qu’une question de police ; c’est d’abord, et surtout, le problème d’une réponse pénale inadaptée à la violence de notre société.

La genèse du projet de loi qui nous rassemble aujourd’hui a été longue. Comme cela a été rappelé, celui-ci fait suite à la publication du livre blanc, qui a trouvé une traduction concrète dans le Beauvau de la sécurité, suivi avec beaucoup d’assiduité et de compétence par notre collègue Henri Leroy. Vous avez finalement déposé un texte plus resserré le 7 septembre dernier sur le bureau du Sénat, et nous vous remercions d’une telle marque de considération.

En retour, vous pouvez nous donner acte des nombreuses améliorations qui ont été apportées par la commission des lois, dans un climat serein, comme l’a dit mon excellent ami Loïc Hervé. Le débat, approfondi, a été enrichi par les très nombreuses réponses pédagogiques que vous nous avez apportées et dont nous vous sommes reconnaissants.

Trois volets manquent cruellement aux dispositions qui relèvent de votre compétence.

Il s’agit, d’abord, de l’immigration, qui est enfin reconnue comme une des causes principales de l’augmentation de la délinquance de notre pays.

Il s’agit, ensuite, de l’utilisation des techniques de l’image et de l’intelligence artificielle, notamment de la reconnaissance faciale, qu’il est plus que temps de mettre en œuvre – vous le savez bien – si l’on veut aborder sereinement les grands événements comme la Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques.

Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Il s’agit, enfin, d’un thème qui a frustré de nombreux collègues n’ayant pas pu présenter leurs propositions, comme Mme Delattre, qui avait un excellent amendement : c’est l’amélioration de la réponse pénale, qui demeure la principale cause de l’inefficacité de vos politiques.

Comme l’a justement dit notre excellent collègue Roger Karoutchi

Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Pour en revenir à votre texte, monsieur le ministre, celui-ci prévoit au total 15 milliards d’euros supplémentaires, dont 7 milliards d’euros consacrés aux nouvelles technologies et au numérique, un doublement de la présence des forces de sécurité intérieure sur le terrain – vous nous en avez expliqué les modalités –, avec 8 500 postes équitablement répartis entre gendarmes et policiers, et les moyens de mieux faire face aux nouvelles frontières digitales et de mieux prévenir les menaces et les crises du futur.

Pour l’essentiel, nous serons favorables à ces dispositifs. D’ailleurs, ils reprennent de nombreuses propositions que nous avions formulées antérieurement. Vous avez annexé à votre loi un rapport d’orientation très intéressant. Avec le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, et le rapporteur Loïc Hervé, nous avons voulu, et vous en étiez d’accord, que le débat ait lieu sur le rapport. À la lecture, ce rapport dresse un réquisitoire assez implacable de l’augmentation de la violence dans notre pays depuis cinq ans et montre qu’il faut de nouveaux moyens ; c’est ce que vous faites aujourd’hui, monsieur le ministre.

Un certain nombre de sujets peuvent néanmoins fâcher. Je pense à la réforme de la départementalisation de la police nationale, notamment pour la PJ. Nous avons fait inscrire dans la loi qu’il fallait tenir compte des spécificités de la PJ. Lors du débat – je vous en donne acte devant la Haute Assemblée, monsieur le ministre –, vous avez pris des engagements. Vous avez ainsi rappelé la nécessité impérative que la PJ reste sous l’autorité du procureur de la République et que les affaires sensibles, notamment les manquements au devoir de probité, demeurent exclusivement de son ressort.

En ce qui concerne la délinquance organisée, qui n’a pas de frontières, vous étiez d’accord pour reconnaître le besoin d’une réflexion menée à l’échelon zonal, et non dans le carcan étriqué du département : cela va sans dire, mais cela ira mieux en l’écrivant… Lors de la commission mixte paritaire, je vous l’ai dit, nous déposerons un amendement pour qu’une telle disposition figure dans le rapport d’orientation.

Par ailleurs, vous avez présenté un certain nombre de mesures sur la cybersécurité et sur les plaintes en ligne, évoquées par mon collègue Loïc Hervé. Nous avons singulièrement amélioré, me semble-t-il, ce dernier dispositif – je le rappelle, il s’agit d’une faculté, et non d’une obligation –, qui devrait permettre de rapprocher le citoyen de sa police.

Enfin, sur l’initiative de notre groupe, les auditions ont montré l’urgence et l’importance d’améliorer la réponse pénale aux violences sur la voie publique, qui relevaient bien du périmètre défini dans la loi sur trois points essentiels : les violences faites aux élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains. L’article 7 bis que j’ai proposé a été voté, une fois n’est pas coutume, à une très large majorité ; cela arrive ici de temps en temps, et beaucoup moins souvent à l’Assemblée nationale… Cette disposition vise à renforcer significativement les sanctions correspondantes pour mieux protéger tous ceux qui se mettent au service de la société.

Je rappelle que les atteintes contre les dépositaires de l’autorité publique étaient en augmentation de 35 %, et les atteintes et les violences faites aux élus de 47 % l’année dernière. Il est grand temps que notre société donne le même statut aux élus locaux qu’aux représentants des forces de l’ordre pour qu’ils soient enfin véritablement protégés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

M. Marc-Philippe Daubresse. J’en viens au triste feuilleton des refus d’obtempérer en signalant qu’il y en a un toutes les vingt minutes dans notre pays. Contrairement à ce qu’ont dit certains collègues siégeant sur d’autres travées, on ne constate pas d’augmentation des tirs de policier face aux refus d’obtempérer : depuis cinq ans, ils sont en recul. C’est donc non pas uniquement avec des mesures de prévention, mais bien avec des mesures de répression que nous pourrons traiter ce problème.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

En conclusion, monsieur le ministre, notre vote positif sur ce projet de loi est un vote lucide et vigilant. Nous le maintiendrons en commission mixte paritaire, en défendant les propositions que j’ai évoquées. Tel le Candide de Voltaire, vous avez bien cultivé le jardin de la police, mais il reste beaucoup à défricher dans les jardins de la justice et de la procédure pénale avant que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de la semaine précédente, nous avons débattu d’un texte très attendu par nos concitoyens. Tous constatent une augmentation de l’insécurité dans notre pays. Les violences contre les personnes vulnérables sont devenues quotidiennes. Certaines zones du territoire tendent à se soustraire à l’autorité publique, faisant vivre un véritable calvaire à nos concitoyens.

Il est temps que cela change. L’ensemble de nos concitoyens ont besoin d’ordre et de tranquillité publics ; c’est vrai aussi pour nos entreprises.

Ce texte constitue une première réponse à la dégradation du climat sécuritaire que notre pays connaît depuis plusieurs années. Les augmentations de budget prévues jusqu’en 2027 sont importantes. C’est heureux et nécessaire, car les défis auxquels notre pays devra faire face sont aussi importants : résurgence du terrorisme islamiste, criminalité organisée, mais aussi accueil de grands événements sportifs, et bien d’autres.

Ces budgets serviront évidemment à moderniser le ministère de l’intérieur, mais ils seront également employés à recruter plus d’effectifs. C’est ainsi que 200 nouvelles brigades de gendarmerie seront créées et que 8 500 agents rejoindront les rangs de la police et de la gendarmerie.

Pour renforcer leur présence dans la rue, les agents des forces de l’ordre doivent être plus nombreux. Mais ils doivent également pouvoir se consacrer pleinement à leur mission.

Certaines recrues deviendront ainsi des assistants d’enquête. Cette nouvelle fonction, parfois rapprochée de celle des greffiers, doit permettre aux policiers et gendarmes d’accentuer leur présence sur le terrain. Les assistants d’enquête se chargeront de la myriade des tâches administratives qui submergent actuellement les agents.

Au cours des débats, nous avons eu l’occasion de dénoncer la complexification de la procédure pénale. À force de réformes sectorielles, le code est devenu impraticable pour les policiers et les gendarmes.

Pis encore, le rapport des États généraux de la justice estime que cette complexité est l’une des raisons majeures de l’allongement des délais : même les juges peinent à s’y retrouver ! Cet allongement n’est satisfaisant pour personne : ni pour les victimes, qui doivent attendre longtemps avant que justice ne leur soit rendue, ni pour les mis en cause, qu’il n’est pas bon de tenir longuement éloignés du bras de la justice. Celle-ci doit être rendue avec efficacité, clarté et célérité. Pour cela, il faudra s’attaquer à la simplification de la procédure pénale et, sans doute, fusionner les régimes de l’enquête préliminaire et de l’enquête de flagrance.

Grâce aux travaux réalisés en commission et en séance, le texte a été enrichi. Deux sujets majeurs me semblent devoir être mis en lumière.

Le premier est celui des rodéos urbains, piètre divertissement de ceux qui devraient avoir mieux à faire. Lorsque cette infraction met en danger la vie de nos concitoyens, les peines ont été sensiblement alourdies : cinq ans et 75 000 euros d’amende. Il est hors de question que la vie de nos concitoyens soit menacée.

Le second est celui des violences contre les élus. Les Français sont scandalisés, à juste titre, que ces derniers soient pris à partie ou agressés. L’élu, local ou national, est un représentant du peuple : il représente non seulement ses électeurs, mais aussi la République, dont il est une composante essentielle, dans son ensemble. Lui porter atteinte revient à porter atteinte à la République. Il était temps de renforcer les sanctions contre ces agressions inacceptables. Elles seront désormais punies au même titre que celles qui sont commises contre les policiers. Nos concitoyens attendaient plus de fermeté dans les sanctions.

Si le texte a été enrichi par les débats, il n’en est pas pour autant devenu un catalogue. C’est ainsi que la procédure de l’amende forfaitaire a été non pas généralisée, mais étendue. Cette procédure se justifie pleinement pour certaines infractions. Néanmoins, elle n’a pas vocation à devenir la norme. La commission et le Gouvernement se sont accordés pour y inclure quatorze nouvelles infractions. Actuellement, certaines d’entre elles ne donnent bien souvent lieu qu’à un simple rappel à la loi : c’est le cas de l’atteinte à la circulation des trains ou de la filouterie de carburant.

Gageons qu’à présent, l’amende forfaitaire permettra aux contrevenants de ne pas oublier la leçon. Non seulement cela permettra une réponse pénale plus rapide et plus certaine, mais cela évitera également des procédures longues et chronophages pour les infractions du quotidien.

L’objectif du projet de loi est de renforcer la présence des policiers et des gendarmes dans la rue. Pour cela, le texte les décharge de bon nombre de tâches administratives ; nous l’avons dit. Il leur permet également de recourir à des procédures simplifiées.

Pour renforcer les effectifs, le texte supprime aussi la condition d’ancienneté nécessaire pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire. Si cette mesure ne réduit en rien les compétences requises pour réussir l’examen, il nous semble important que les jeunes recrues bénéficient d’un encadrement suffisant. Ces jeunes sont souvent affectés dans les zones les plus difficiles de notre pays, là où la tension est la plus forte. C’est bien dans ces zones que l’encadrement est le plus nécessaire.

Nos forces de l’ordre font face à des situations délicates, souvent dangereuses. Je veux saluer le travail qu’elles accomplissent en ville comme en ruralité. Elles sont une composante essentielle de notre République.

Par ce texte, nous ne faisons pas que leur témoigner notre respect ; nous leur donnons des moyens supplémentaires pour remplir leurs missions. Cette augmentation des moyens lance une nouvelle dynamique, que nous espérons durable, car elle est nécessaire pour nos forces de l’ordre.

L’ensemble de notre groupe votera en faveur de l’adoption du projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après des heures de débats, plus ou moins constructifs, plus ou moins cohérents dans leurs argumentaires, plus ou moins mesurés, nous devons valider, approuver, la Lopmi.

Ce texte avait pour particularité de nous présenter, au travers du rapport annexé à son article 1er, la vision du Gouvernement en matière de sécurité et de tranquillité publiques pour les prochaines années.

Cette loi est bel et bien une loi d’orientation, mais lacunaire, car elle ne présente pas de projet pour l’ensemble des politiques du ministère. Certains aspects y sont effectivement développés de manière claire et lisible ; d’autres restent dans une pénombre préoccupante.

Nos prises de paroles, nombreuses, et notre engagement lors de ces longues séances s’ancrent profondément dans la volonté de notre groupe de présenter et défendre son projet pour la sécurité de notre pays : un projet cohérent.

Nous avons bien perçu, en revanche, la continuité d’une politique qui se veut plus répressive que protectrice et qui obère les liens avec les citoyens, causant ou aggravant une rupture de confiance, mais entraînant également en même temps une immense souffrance au travail de nos forces de l’ordre.

Nous partageons tous l’objectif d’une police bénéficiant de meilleures conditions, d’une meilleure formation, avec des moyens humains, mobiliers et immobiliers satisfaisants, et ce afin d’exercer ses missions auprès de la population : auprès de la population, avec la population et pour la population !

C’est bien là le cœur des propositions que nous avons pu défendre. Oui, nous devons soutenir l’action de la police républicaine en ce qu’elle est au service de la population, de toute la population, aussi bien les Français à l’aise avec le numérique que les 13 millions souffrant d’illectronisme !

Que dire de la doctrine du maintien de l’ordre ? Il n’y a pas eu d’échanges sur la justification de l’utilisation de techniques plus que discutables. Nous ne voulons pas des lanceurs de balles de défense (LBD), des drones, des gaz lacrymogènes, de la technique de la nasse ou d’autres techniques d’interpellation dangereuses. Oui, notre groupe a cherché à entamer un vrai dialogue avec le Gouvernement et avec la majorité de cette assemblée : un dialogue sur les attentes des citoyens d’une police à leur service.

Nous sommes déçus de n’avoir vu aucune de nos propositions sur la réforme de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), par exemple, être étudiée de manière sérieuse. Cette réforme est plus nécessaire et plus attendue par nos concitoyens que celle de la police judiciaire, qui, elle, avance à marche forcée, contre l’avis de beaucoup, en ayant déjà fait ses premières victimes, dont le directeur de la PJ de la zone sud, M. Éric Arella.

Le besoin de sécurité des citoyens passe par la transparence de l’action de la police, une meilleure gestion des dérives, une nouvelle vision de l’IGPN, mais également par une transparence sur les données de la police, leur publication et leur transmission, entre autres, aux élus locaux.

Notre groupe s’est étonné à plusieurs reprises de la position de la majorité sénatoriale et de celle, changeante, des rapporteurs sur ce qui devait faire partie du débat.

Ces derniers ont rejeté un certain nombre d’amendements en indiquant que ceux-ci portaient sur des sujets en cours d’étude par des missions sénatoriales ayant vocation à préconiser des modifications législatives ultérieures, ou en se retranchant derrière le fait que des débats ont déjà eu lieu, refusant ainsi toute proposition d’adaptation destinée à tenir compte de l’impact de mesures déjà votées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Notre groupe a tenté, en étant parfois inaudible, semblerait-il, de présenter sa vision des moyens dont le ministère a besoin. Nous avons soutenu l’augmentation du budget à l’article 2. Nous aurions aimé pouvoir être plus entendus dans nos propositions d’amélioration des conditions de travail des forces de l’ordre et des relations avec les usagers qui en découlent.

Notre groupe a voulu que la formation initiale et continue bénéficie réellement d’une pluralité d’intervenants et soit plus protectrice des agents, y compris en augmentant et sanctuarisant l’entraînement annuel au tir.

La prise en compte des droits de la défense que nous défendions, alimentée par les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), du Syndicat de la magistrature ou des avocats, n’a – hélas ! – pas trouvé d’oreille attentive ; je pense par exemple à l’interdiction de la reconnaissance faciale.

Nous avons aussi de nouveau voulu engager une discussion réaliste sur les caméras-piétons, qui, jusqu’à présent, se sont révélées assez inutiles pour le citoyen comme pour les agents des forces de l’ordre.

Nos inquiétudes sur les droits des justiciables n’ont pas été dissipées par nos discussions relatives à l’amende forfaitaire. Son déploiement est un signal fort. Pour nous, c’est un mauvais signal : un outil cyniquement utile d’un point de vue comptable pour le ministère, mais dont l’efficacité sur la réponse pénale n’est que peu étudiée.

Les problématiques de contestation sont réelles et restent pour l’instant sans réponse.

L’opportunité des poursuites, dont l’appréciation revient d’habitude au juge, est de nouveau niée, et – n’y voyez pas un reproche à nos forces de l’ordre – son utilisation semble très variable selon les territoires…

Je salue l’adoption de l’amendement de mon collègue Thomas Dossus relatif au dialogue nécessaire avec les maires sur la gestion des fermetures des commissariats.

Le continuum de sécurité dont le Gouvernement s’est fait un grand défenseur ne pourra pas faire l’économie d’un dialogue, là encore, apaisé, mais surtout chiffré, avec les élus et décideurs locaux.

La Lopmi contient quelques éléments sur les besoins de liens entre le ministère de l’intérieur et la recherche, mais aucune des demandes de notre groupe permettant un tel suivi n’a été adoptée. Là encore, nous le regrettons.

Nous avons cependant été agréablement surpris du soutien du Gouvernement lorsque nous avons proposé des avancées pour généraliser des mécanismes ayant fait leurs preuves, par exemple les agents de liaison LGBT+, ou pour exploiter au mieux les formations nécessaires, comme celles relatives au cyberharcèlement. Mais ces propositions n’ont pas trouvé grâce auprès des rapporteurs, pour des raisons qui m’apparaissent encore obscures.

Nous saluons l’adoption de l’amendement de notre collègue Monique de Marco sur les besoins de bases supplémentaires pour faire face aux incendies plus fréquents et plus violents auxquels les pompiers sont confrontés. Nous aurions aimé pouvoir discuter d’autres mesures ou visions tout aussi importantes : la gestion des frontières, en particulier avec la question des drones, ou encore le maintien ou non de la possibilité de port d’arme hors service dans les établissements recevant du public. La discussion a été refusée, parfois parce qu’elle avait déjà eu lieu, d’autres fois parce qu’elle ferait l’objet de débats ultérieurs…

En conclusion, j’ai pu à maintes reprises rappeler avec mes collègues combien les forces de l’ordre sont au cœur de notre pacte républicain. Ce sont elles qui endossent le rôle de protection de notre population. Il s’agit donc de leur donner les moyens de travailler dignement, correctement, mais aussi de permettre à notre population d’avoir confiance dans leur formation, leur organisation et leur fonctionnement, ainsi que dans la préservation des droits de la défense.

Les craintes que nous avions exprimées au début de l’examen de ce texte ont malheureusement été confirmées. Nos prises de parole, nos propositions, nos amendements ont dessiné une vision équilibrée vers laquelle vous n’avez pas jugé bon d’avancer, ne serait-ce que très partiellement:

L’orientation du ministère de l’intérieur définie dans cette loi ne nous paraît ni convaincante ni justifiée. Nous ne pouvons donc pas nous y associer. Nous voterons contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption du projet de loi tel qu’il ressort des débats du Sénat nous paraît naturelle, et je me dispenserai d’assortir ce vote, comme certains de mes collègues, d’une collection de critiques à l’encontre du Gouvernement.

Je veux donner les trois raisons principales de notre soutien.

La première, qui est – si j’ose dire – la plus consistante, réside dans la partie programmatique de ce projet de loi, et plus précisément son article 2, qui encadre de manière précise l’attribution de moyens aux différentes composantes du ministère, lequel est, par nature, celui de la sécurité des Français et de la protection quotidienne de leurs libertés.

Cette injection de moyens fait suite à une remontée des capacités déjà réalisée au cours des dernières années avec la création de 10 000 emplois de policiers et de gendarmes – augmentation qui prend fin cette année conformément aux engagements pris en 2017 ; à un renforcement de la formation des personnels de terrain ; et à une remontée, plus récente, mais sensible, des crédits d’équipements, dont nous voyons la traduction dans les locaux d’accueil des brigades et des commissariats et dans leurs nouveaux véhicules.

Le projet de loi sur lequel nous allons nous prononcer approfondit ce renforcement en agissant sur tous les éléments du tableau de bord, si vous me passez l’expression, du ministère de l’intérieur.

Il s’agit, d’abord, des effectifs : 8 500 postes de policiers et gendarmes créés dans les cinq années à venir. Nous souhaitons – et cela correspond bien à la fois à l’esprit du texte et aux termes employés dans le rapport d’orientation – veiller à une bonne répartition territoriale de ces effectifs, en prêtant une attention particulière aux secteurs périurbains et au monde rural. L’annonce de la création de 200 brigades est une bonne nouvelle, dont nous suivrons la mise en œuvre. Je veux aussi souligner un point qui n’a pas été évoqué : le développement de la réserve, qui augmentera les capacités humaines du ministère.

Il faut également noter le relèvement important des moyens de fonctionnement, sur lequel je n’insiste pas, ainsi que la transformation numérique. Sur ce point, parler de déshumanisation revient à méconnaître le sujet.

Au contraire, le développement numérique démultiplie les capacités d’action de chaque personnel de police et de gendarmerie : démarches dématérialisées, outils de travail disponibles en pleine efficacité dans chaque véhicule ou sur la voie publique, accélération des moyens numérisés de police technique et scientifique. Nous pourrions multiplier les exemples.

Le ministère et ses personnels seront donc plus en phase avec les attentes des citoyens, et mieux outillés pour répondre à des formes de délinquance qui, elles aussi, exploitent de plus en plus l’espace numérique.

Cette programmation apporte aussi une réponse à la hauteur des défis qu’affrontent nos forces de sécurité civile, et principalement les services d’incendie et de secours.

Le programme de renouvellement des flottes d’hélicoptères et d’aéronefs anti-incendie de forêt constitue l’une des pierres angulaires du plan, et apportera tant une satisfaction qu’un encouragement pour tous les personnels de ces services si souvent mobilisés.

Enfin, l’augmentation des moyens est au service de la volonté d’améliorer l’accueil de chaque victime. Une priorité particulière est donnée pour recevoir et soutenir comme il se doit les victimes de violences intrafamiliales, et des dispositions importantes sont prévues en matière de moyens d’accueil, d’accompagnement et de formation des personnels.

La deuxième grande raison d’approuver ce projet de loi est qu’il offre un cadre de cohérence et une méthode de travail à l’ensemble des services.

Il prévoit, et c’est l’intérêt particulier du rapport de présentation l’encadrant, de mieux organiser les services de l’État face aux crises institutionnelles ou de toute nature, en s’appuyant sur nos expériences récentes. Nous aurons aussi à intensifier la coopération internationale, et particulièrement la coopération européenne, sur les sujets de sécurité, de prévention et de renseignement.

La démarche affirmée par le rapport, que nous allons approuver, fait aussi la part nécessaire à la modernisation des méthodes de ressources humaines. Plus de 250 000 personnels sont concernés : il faut veiller à leur bien-être au travail, à leurs perspectives de carrière, à leur temps de formation encore améliorés. Il y a des pistes d’accompagnement des personnels, en particulier des jeunes entrant dans les services, qui affrontent des mobilités souvent difficiles.

Ce travail de mise en cohérence et de planification, au sens concret du terme, a bénéficié de temps de confrontation et de proposition d’une intensité particulière, comme lors de la rédaction du livre blanc de la sécurité intérieure et du Beauvau de la sécurité.

Mes chers collègues, nous pouvons être sûrs, au moment d’approuver ce grand projet de loi, que toutes les contributions constructives de tous les partenaires inspirés par la sécurité et les libertés des Français ont été entendues et intégrées au texte. C’est donc un projet de loi de programmation au sens plein, complet et cohérent, dont le suivi sera facilité par la profondeur du travail qui l’a préparé.

Cette qualité de méthode a mené à un excellent travail de collaboration entre le Sénat et M. le ministre, sous la conduite de MM. les rapporteurs, qui sont allés au fond des sujets en sachant réunir un consentement large et, parfois, presque unanime sur les dispositions que nous approuvons.

Enfin, le troisième motif justifiant de soutenir ce projet de loi est qu’il comporte un ensemble de dispositions législatives ayant pour objectif commun de rendre plus efficace la lutte contre la délinquance, en donnant des outils et des marges d’action aux forces de la loi.

Je souligne en particulier la disposition qui intensifie la sanction pénale en cas d’agression contre les élus, ainsi que la création du délit d’outrage sexiste, qui constituait une nécessité.

Nous étions nombreux à approuver le développement des amendes forfaitaires délictuelles, qui permettent d’appliquer une sanction concrète et immédiate aux délits trop fréquents qui dégradent la vie en société. La proposition du Gouvernement était très large, mais nous avons trouvé un bon accord sur les vingt-quatre cas, comme M. le rapporteur Loïc Hervé l’a rappelé, auxquels ces amendes seront applicables. Nous pourrons suivre efficacement cette innovation et apprécier la manière dont elle fera reculer certaines délinquances.

Nous soutenons aussi les modifications justifiées de certaines règles de procédure pénale du quotidien, qui pèsent sur la charge déjà trop lourde de nos enquêteurs, et qui allongent les opérations sans bénéfice pour l’équité du procès.

On peut être en désaccord avec l’idée que l’ensemble du code de procédure pénale, accumulation de modifications partielles n’ayant pas forcément été harmonisées, serait absolument nécessaire pour garantir les droits. Il y a au contraire un travail de rationalisation à faire pour que ce code soit vraiment efficace.

C’est ce qui me conduit à exprimer par notre vote positif, à l’occasion de cette loi qui leur est dédiée, notre soutien et notre admiration à tous les personnels du ministère, qui veillent jour et nuit sur les droits des citoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre contribution et de l’esprit constructif dans lequel nous avons travaillé.

Comme l’ont très bien dit MM. les rapporteurs, des amendements de tous les groupes ont été adoptés. Je me suis engagé envers le président de la commission des lois à prendre un certain nombre de mesures, s’agissant notamment de la réforme de la police nationale, et à signer certains décrets que je soumettrai à sa sagacité, ainsi qu’à celle de l’ensemble des commissaires aux lois, et, à travers eux, à l’ensemble des sénateurs. Je remercie également le groupe socialiste de ses encouragements à faire mieux.

C’est avec le même esprit de compromis républicain que je défendrai devant l’Assemblée nationale le texte qui va effectivement donner à nos forces de sécurité 15 milliards d’euros de plus, ainsi que des moyens à la police et à la gendarmerie.

Monsieur le rapporteur Daubresse, nous n’oublions pas que pour qu’il y ait une bonne sécurité, il faut qu’il y ait une bonne justice. D’autres politiques publiques vous seront soumises ; je pense par exemple au texte sur l’immigration, qui sera présenté au mois de janvier prochain. Le Gouvernement n’esquisse pas une absence de réponse. Il découpe les débats dans des politiques publiques qui, je l’espère, montrent leur efficacité, dans l’esprit de concorde que nous avons partagé ici.

C’est avec le même esprit que nous irons en commission mixte paritaire, pour, je le souhaite, faire adopter ce texte.

Je remercie nos collaborateurs, ainsi que l’ensemble des personnes ayant contribué en aval et en amont à cette belle adoption du texte, pour le bien-être de nos policiers, de nos gendarmes, de nos pompiers et de nos agents de préfecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Lors du scrutin n° 3, sur l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, je souhaitais voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 419 [2021-2022], texte de la commission n° 11, rapport n° 10).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme la rapporteure, que je félicite de son excellent travail.

La France est aujourd’hui le pays des pénuries et des rationnements : pas seulement pour le carburant, pour l’électricité ou, cher Laurent Duplomb, pour les produits alimentaires, mais également pour les médicaments et, malheureusement, pour l’accès au soin.

Cette situation, plus qu’un problème, est une formidable injustice, pour 6, 3 millions de Françaises et de Français. Plus qu’une injustice, c’est un scandale ! C’est un scandale quand on rapporte le nombre de Français n’ayant pas accès à un médecin traitant niveau des dépenses de santé dans notre pays, très élevé par rapport à celui des autres pays de l’OCDE.

D’où vient ce scandale ? Certainement pas des médecins ! Ce n’est pas leur faute. La situation découle de choix technocratiques et idéologiques.

Mme Laurence Cohen ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Des choix technocratiques nous ont fait abandonner la médecine et la santé aux mains de comptables et de technocrates. À l’époque, nous avions pensé qu’il suffirait, pour ralentir les dépenses de santé, de rationner l’accès aux médecins et d’en former de moins en moins.

Des choix idéologiques nous ont conduits à tout miser sur une organisation de notre système de santé très hospitalo-centrée. En conséquence, la médecine libérale a été mise à mal, et la formation de nos jeunes médecins dans les facultés de médecine a été orientée vers autre chose que leur installation en médecine générale.

La médecine générale a subi ces deux influences, qui, en définitive, l’ont extrêmement fragilisée.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment est venu d’y remédier. Ce sont non seulement les Français, mais aussi les élus locaux qui supportent les conséquences d’une telle situation. Beaucoup de maires n’en peuvent plus ; ils sont en première ligne. La population, dans les villages, les petites ou les grandes villes, les rend responsables, alors qu’ils ont rivalisé de propositions, allant jusqu’à salarier des médecins, ouvrir des maisons de santé ou des centres de soins non programmés. Ce n’est plus possible : nous ne voulons plus laisser les maires et nos compatriotes seuls avec ce problème ! Soit nous agissons, soit nous n’agissons pas ! Par ce texte, nous proposons d’agir.

Il n’y a pas de panacée. Nous n’arriverons pas à trouver la seule et unique bonne solution. J’en suis certain, il faut un bouquet de solutions. Je vous demande pardon, mais celles qui existent aujourd’hui sont insuffisantes ! Beaucoup de facultés n’ont pas les moyens de faire face au déblocage du numerus clausus et de former de nouveaux médecins. Par ailleurs, cette formation prend dix ans, sans compter les années d’installation. Va-t-on attendre dix ans ? Quinze ans ? Non ! Il n’est plus possible d’attendre !

D’autres solutions existent, par exemple des aides de l’État aux collectivités. Mais elles viennent trop tardivement. D’ailleurs, ce n’est pas ce que demandent les médecins. C’est juste une rustine, et non une réponse fondamentalement satisfaisante !

Certains collègues de différents groupes défendent des mesures coercitives. Je me souviens de l’excellent rapport d’information de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, du groupe Union Centriste, qui comportait en particulier une analyse de l’efficacité des mesures coercitives et du conventionnement sélectif en Allemagne. Je vous invite à en relire les conclusions. La coercition avait permis d’un petit peu réguler les zones surdenses – et encore ! –, mais cela n’avait rien amélioré dans les zones sous-denses. Échec et mat, vous en conviendrez !

La solution ne réside ni dans la coercition ni dans le palliatif que constituent les aides actuelles, au demeurant insuffisantes. La solution est curative. Nous essayons de creuser pour la trouver. Ne restons pas les bras ballants en laissant nos compatriotes et les maires de France seuls face à ce problème !

Cette solution nous a été inspirée, en quelque sorte, par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Buzyn, dans laquelle nous avions demandé aux jeunes médecins généraux de passer six mois sur le terrain pendant la dernière année du troisième cycle. Mais jamais le décret n’a été pris ! On nous a expliqué qu’il ne fallait pas déshabiller Paul pour habiller Jacques et que les internes devaient rester dans l’hôpital.

Nous avons creusé pour trouver des solutions. Nous vous proposons ce texte important. Il s’agit de créer une quatrième année de consolidation et de professionnalisation pour les étudiants de troisième cycle de médecine générale.

Nous voulons tout d’abord permettre l’installation, certes provisoire, de 3 500 à 4 000 jeunes médecins généralistes sur l’ensemble du territoire, en ville ou en zone rurale, car la France entière est désormais un vaste désert médical. Nous tenons beaucoup par ailleurs à les rémunérer de manière attractive, comme de vrais médecins, avec un paiement à l’acte. Nous voulons aussi permettre aux collectivités de s’engager : de nombreuses collectivités ne demandent pas mieux que de mettre à la disposition de ces médecins un logement, par exemple ; cette question se pose s’agissant de personnes qui vont passer une année dans un territoire. Cela permettrait surtout de faciliter l’installation de ces jeunes médecins dans nos territoires urbains et ruraux, alors que la formation actuelle ne les incite pas à s’installer.

À la lecture des comptes rendus des auditions et de l’excellent rapport de Mme Imbert, on constate qu’à défaut de faire l’unanimité, un consensus s’est établi. Lorsque nous avons rencontré l’ordre national des médecins, les deux grands syndicats des médecins généralistes et les deux grands syndicats des internes, je n’avais pas senti une franche opposition.

Les internes en médecine générale sont les seuls internes à ne pas avoir cette quatrième année de consolidation depuis que la médecine générale est devenue une spécialité. Il y a là un problème. Cette année de consolidation permettrait de mieux préparer et d’inciter à l’installation des jeunes médecins, à condition que ces derniers soient accompagnés par un médecin référent ; il est important d’y insister et de le mettre en œuvre.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué avoir en quelque sorte repris une telle proposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). À mon sens, vous l’avez fait de façon précipitée, sans concertation, et sans en définir les modalités, ce qui a pu raidir un certain nombre de syndicats, notamment ceux des internes. Je pense en outre que la rédaction de votre texte lui fait courir le risque d’être jugé anticonstitutionnel, car une telle mesure n’a pas de conséquences sur les finances sociales.

Peu importe : notre proposition de loi est, en quelque sorte, une séance de rattrapage, et je suis heureux de pouvoir y contribuer utilement.

Mes chers collègues, quand on choisit de devenir médecin – monsieur le ministre, vous êtes médecin, de même que plusieurs membres de la Haute Assemblée –, on choisit non seulement une vocation, mais aussi une mission de service public. C’est au regard de cette mission de service public, à laquelle je crois beaucoup, que nous devons examiner la présente proposition de loi.

Cela nous oblige, nous, parlementaires, à bouger, à voter, à faire des propositions. Et cela vous oblige, vous, exécutif, à consolider ces propositions. Cela oblige les jeunes médecins, quand ils s’investissent dans ce beau métier, à considérer qu’on ne peut pas laisser des millions de Français sans médecin traitant.

C’est une prise de responsabilité. Nous prenons les nôtres aujourd’hui, avec une forme de courage et beaucoup de sincérité. Monsieur le ministre, vous devez aussi prendre les vôtres, de même que le milieu médical. C’est fondamental : cette réforme est nécessaire et urgente.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi, déposée par l’excellent Bruno Retailleau et inscrite à l’ordre du jour sur la demande du groupe Les Républicains, a deux objectifs, auxquels la commission des affaires sociales a pleinement souscrit.

Le texte vise d’abord à améliorer la formation des médecins généralistes, en allongeant d’un an le troisième cycle de cette spécialité – cette nouvelle année, voulue professionnalisante, doit permettre de mieux accompagner les étudiants dans la découverte de l’autonomie et de l’exercice ambulatoire –, mais la proposition de loi vise également à trouver un nouveau moyen d’action pour s’attaquer à la problématique de l’accès aux soins ; j’y reviendrai.

L’article unique de la proposition de loi porte la durée du troisième cycle des études de médecine générale à quatre ans et consacre la quatrième année à la réalisation d’un stage en médecine ambulatoire, en autonomie supervisée. Une telle mesure est envisagée depuis plusieurs années. La durée du troisième cycle de médecine générale, restée fixée à trois ans, fait en effet figure d’exception, puisque le troisième cycle des quarante-trois autres spécialités s’étend sur quatre à six années. Elle empêche donc la médecine générale de bénéficier de l’ensemble des avancées de la réforme du troisième cycle des études de médecine, intervenue en 2017, et l’isole des autres spécialités.

Ainsi, les futurs médecins généralistes sont les seuls à ne pas bénéficier de la troisième phase, dite de consolidation, de l’internat, qui vise à consolider les connaissances et compétences acquises jusque-là par les étudiants. Ils ne bénéficient pas non plus du statut de docteur junior, associé à cette dernière phase, qui permet aux étudiants de réaliser, pendant une année entière, des stages en autonomie progressive et supervisée, tout en bénéficiant d’une meilleure rémunération.

Enfin, alors que la soutenance de la thèse d’exercice constitue désormais l’une des conditions d’accès à la phase de consolidation, et est donc souvent réalisée dans les délais, les étudiants de médecine générale ne bénéficient pas de cette incitation. Les retards de soutenance sont fréquents et reportent d’autant l’installation des jeunes médecins généralistes.

La durée du troisième cycle de médecine générale est calée sur la durée minimale fixée par l’Union européenne et se révèle plus courte que celle qui est retenue dans de nombreux autres pays : par exemple, au Danemark, en Suède ou en Norvège, les médecins généralistes suivent un troisième cycle de cinq ans.

Les enseignants et médecins que nous avons entendus en audition sont en majorité très favorables à une telle mesure. Plusieurs d’entre eux nous ont d’ailleurs indiqué y travailler depuis plusieurs années.

Ils ont insisté sur l’opportunité d’enrichir les référentiels de formation. En effet, la maquette actuelle ne comprend pas suffisamment de stages en ambulatoire, alors que ce mode d’exercice constitue un débouché naturel de la médecine générale. En effet, seuls deux des six stages prévus sont obligatoirement réalisés en ville. Ce sont pourtant ces stages qui préparent le mieux les étudiants à l’exercice libéral, en leur donnant une expérience concrète du fonctionnement d’un cabinet ou d’une structure d’exercice coordonné. La mise à jour de la maquette devrait aussi permettre aux étudiants qui le souhaitent d’approfondir plus facilement des compétences spécifiques, communes à plusieurs spécialités.

En améliorant la professionnalisation des internes de médecine générale, la présente proposition de loi vise ainsi à favoriser leur installation rapide. L’ajout d’une phase de consolidation encouragera les étudiants à soutenir leur thèse dès l’issue de la troisième année ; ils ne pourront plus, comme aujourd’hui, la reporter jusqu’à trois ans après la fin de leur internat.

Surtout, la réalisation de stages en ambulatoire et en autonomie supervisée pendant une année entière permettra d’améliorer largement la professionnalisation des étudiants et de mieux les préparer à l’exercice en ville. L’extension du troisième cycle proposée dans le texte devrait donc être en elle-même favorable à l’amélioration de l’offre de soins.

Toutefois, la proposition de loi ne s’arrête pas là. Afin de répondre plus directement aux problèmes d’accès aux soins dans de très nombreux territoires, elle prévoit également que les stages en ambulatoire de quatrième année seront prioritairement réalisés dans les zones sous-denses identifiées par les agences régionales de santé.

Cette mesure a concentré, au cours des dernières semaines, les inquiétudes des organisations représentatives des internes, qui ont craint que la formation ne soit instrumentalisée pour régler les difficultés d’accès aux soins. Je tiens donc à lever toute ambiguïté, comme vient de le faire M. Retailleau : il n’est pas question, dans le texte que nous examinons aujourd’hui, de sacrifier la qualité de l’encadrement ni de la formation des étudiants. Au contraire, il est prévu que les stages de quatrième année seront, comme les autres, supervisés par des maîtres de stage formés et agréés par l’université. Cela devra permettre de mieux accompagner les étudiants dans la découverte de l’exercice ambulatoire et l’appréhension progressive de l’autonomie.

Afin de tenir compte des inquiétudes exprimées par les organisations d’étudiants, et parce que l’expression « désert médical » ne lui a pas paru décrire fidèlement la réalité, contrastée, des zones sous-denses, la commission a modifié l’intitulé de la proposition de loi, afin de mettre en valeur son objectif premier : l’amélioration de la formation des internes en médecine générale.

Cela dit, il me semble impossible d’ignorer entièrement les besoins de santé de nos territoires pour l’affectation des internes en stage. L’accès à un médecin généraliste constitue un enjeu majeur pour nos concitoyens. Or la démographie de la profession est particulièrement sinistrée, la France ayant perdu environ 5 000 généralistes en dix ans. La diminution de la densité médicale aggrave les inégalités territoriales d’accès aux soins. La suppression du numerus clausus et l’augmentation du recrutement d’étudiants ne permettront pas de résoudre cette difficulté avant plusieurs années. C’est pourquoi les affectations doivent être cohérentes avec les besoins de santé des territoires chaque fois que cela est possible, sans entraîner de perte de qualité de l’encadrement des étudiants.

Afin d’assurer la pleine efficacité de la mesure, les efforts devront être poursuivis pour augmenter encore le nombre de maîtres de stages universitaires et s’assurer que ceux-ci maillent suffisamment le territoire. Il s’agit d’un enjeu central et bien identifié. À ce titre, des collectivités territoriales se sont déjà employées à favoriser l’augmentation du nombre de maîtres de stages au cours des dernières années, en facilitant, en accord avec les facultés de médecine, l’organisation des formations de maîtrise de stage au plus près de leur lieu d’exercice.

C’est à la condition de concilier ces deux impératifs – amélioration de la formation des étudiants, d’une part ; amélioration du service rendu à la population dans les territoires, d’autre part – que la réforme sera un succès.

Le texte est un pas indispensable pour améliorer la réponse apportée aux attentes de soins de nos concitoyens. Il a deux mérites : celui de démystifier l’installation, en favorisant une meilleure connaissance de l’exercice en cabinet, mais également celui de démystifier la notion de zone sous-dense : il y a une vie dans ces territoires ; vous le savez tous, mes chers collègues !

Un deuxième motif d’inquiétude réside dans la situation matérielle des étudiants dont l’affectation serait éloignée de leur domicile. Les collectivités territoriales font déjà beaucoup d’efforts dans ce domaine. Je constate par ailleurs que le Gouvernement a souhaité ouvrir une concertation dans le cadre d’une mission interministérielle et n’est pas fermé à l’idée de modalités de rémunération spécifiques à la médecine générale. Cela me semble indispensable.

Les docteurs juniors, quand bien même ils exercent en autonomie progressive, sont aujourd’hui rémunérés forfaitairement et – il faut le dire – assez faiblement au regard du travail qu’ils accomplissent. Je souhaite que des solutions puissent être trouvées pour rétribuer justement les étudiants de médecine générale qui suivront cette année supplémentaire et leur permettre de réaliser leurs stages sans difficulté matérielle. Il s’agit d’une condition essentielle à la réussite de la réforme.

Enfin, les organisations que nous avons entendues nous ont toutes confirmé que l’ajout d’une quatrième année ne devait pas s’appliquer aux étudiants actuels du troisième cycle de médecine générale, afin de ne pas nuire à la cohérence de la formation de ces derniers. La commission a donc adopté un amendement en ce sens, afin de prévoir que le dispositif s’applique seulement aux étudiants qui, à la date de publication du texte, n’auront pas encore débuté le troisième cycle. Ce délai doit également permettre de prendre le temps nécessaire pour établir, avec les parties prenantes, le nouveau référentiel de formation : j’ai pu constater, lors de mes auditions, que la plupart d’entre elles y avaient déjà beaucoup travaillé.

Je souhaite maintenant m’attarder sur le contexte dans lequel intervient l’examen du texte. Le Gouvernement a repris l’essentiel du dispositif pour l’inclure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier, alors même que la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a été déposée au Sénat au mois de janvier 2022 et était déjà inscrite à son ordre du jour. D’ailleurs, monsieur le ministre, ce que vous proposez s’inspire de nos travaux.

Comme Bruno Retailleau le rappelait, nous avons adopté dès 2019 un dispositif prévoyant que les étudiants de médecine générale devaient réaliser, lors de leur troisième année d’internat, un stage d’une année en pratique ambulatoire en autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses ; cette durée avait été ramenée à au moins un semestre à l’issue de la commission mixte paritaire. Or cette disposition n’a jamais été appliquée par le Gouvernement, qui n’a pas pris les décrets nécessaires malgré les promesses faites dans cet hémicycle.

La présente proposition de loi reprend également une recommandation du rapport de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, qui consistait à « renforcer la formation en médecine générale par une quatrième année d’internat exercée […] en priorité en zone» sous-dense ».

Je crois enfin que la proposition de loi de M. Bruno Retailleau constitue, monsieur le ministre, le véhicule le plus sûr pour adopter cette mesure, non pas seulement parce qu’elle est antérieure au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et qu’elle est issue de nos travaux, mais également parce que l’article 23 du PLFSS, qui contient cette réforme, n’est pas conforme à la loi organique, l’absence d’incidence financière de la mesure sur les régimes obligatoires de base étant mise en évidence par l’étude d’impact du Gouvernement lui-même.

C’est pourquoi je vous propose d’adopter cette proposition de loi, mes chers collègues. Elle constitue le meilleur moyen d’instaurer cette quatrième année, qui permettra d’améliorer la formation des étudiants de médecine générale et, surtout, l’accès aux soins dans nos territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - Permalien
François Braun

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être devant vous aujourd’hui pour l’examen de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale.

Ce texte porte sur deux sujets qui me tiennent à cœur : d’une part, la qualité de la formation de nos futurs médecins généralistes ; d’autre part, la lutte pour l’accès à la santé dans l’ensemble du territoire. La proposition de loi, qui fait écho à l’article 23 du PLFSS pour 2023, actuellement en cours d’examen, répond donc à deux enjeux distincts.

Je parle bien d’enjeux distincts, car la proposition gouvernementale, qui fait suite à un engagement de campagne du Président de la République, ne vise en aucun cas à envoyer des internes en médecine faire des stages dans des territoires pour « boucher des trous », sans encadrement. Elle vise au contraire, via l’accession, par les futurs médecins généralistes, au statut de docteur junior, à renforcer la formation des internes pour leur permettre d’être, en sortie de diplôme, autonomes et plus à même de gérer une installation et un cabinet médical.

C’est bien, j’y insiste, l’objectif premier de notre proposition. Et si, pour aider nos territoires, nous souhaitons en priorité envoyer ces internes vers des zones sous-denses, cela ne se fera aucunement au prix de la qualité de l’encadrement.

À ce titre, la séance d’examen législatif qui nous réunit aujourd’hui est bienvenue, car elle me permet, à quelques jours du début de l’examen du PLFSS en séance publique, de rappeler dans quel cadre la proposition gouvernementale s’inscrit. Je remercie donc Bruno Retailleau, ainsi que l’ensemble des cosignataires de la proposition de loi de nous permettre de débattre et d’échanger sur un enjeu aussi crucial.

L’idée d’une quatrième année d’internat de médecine générale procède d’un constat ancien et partagé : sans la phase de consolidation, qui définit le statut de docteur junior, l’installation immédiate en sortie de cursus n’est pas facile ; elle devient même rarissime.

L’objectif de la mesure gouvernementale – votre proposition s’inscrit dans le même esprit, si j’en juge par l’amendement de modification du titre de la proposition de loi adoptée en commission – est donc d’améliorer la formation des jeunes médecins, tout en facilitant leur installation à l’issue de leurs études, non pas pour « envoyer au front » les jeunes recrues, mais pour parfaire une formation polyvalente et exigeante.

J’y tiens beaucoup, cette quatrième année de formation et de professionnalisation sera assortie d’un projet pédagogique coconstruit avec toutes les parties prenantes, y compris les internes eux-mêmes. Elle se concrétisera par des stages en pratique ambulatoire, auprès de maîtres de stage universitaires expérimentés et capables d’encadrer et de transmettre leur expérience et leur savoir-faire.

Je souhaite que cette réforme soit mise en œuvre dans les meilleures conditions. À cette fin, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, et moi-même avons récemment lancé une mission qui permettra, avec l’appui de quatre professionnels de terrain reconnus, de conduire la concertation que requiert un tel engagement, afin de déterminer les conditions de l’hébergement et de la rémunération de ces stagiaires.

Comme l’indique l’article unique de la proposition de loi, nous souhaitons que ces stages aient lieu, en priorité, sans que cela soit une obligation, dans les zones sous-denses, afin de faire découvrir ce mode d’exercice aux futurs médecins, qui n’ont pas eu forcément l’occasion d’y exercer ou d’y suivre un enneigement au préalable. Les inégalités d’accès à la santé sont intolérables, et nous devons agir résolument contre elles.

Aujourd’hui, vous l’avez indiqué, 6 millions de Français restent sans médecin traitant. Parmi eux, 600 000 personnes souffrent d’une affection de longue durée. Cela concerne également beaucoup de nos concitoyens en situation de précarité ou vivant avec un handicap. Ce n’est pas acceptable, d’autant qu’il y a de fortes inégalités selon les territoires.

J’étais voilà deux semaines dans la Sarthe pour le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation, qui a vocation à organiser la concertation de l’ensemble des parties prenantes du secteur, afin de trouver collectivement les solutions pour qu’il n’y ait plus aucun laissé-pour-compte en matière d’accès à la santé. Là-bas, pour ne citer que cet exemple, on compte 59 médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants, contre 85 pour 100 000 habitants en moyenne nationale.

Ce déficit de médecins généralistes dans certains territoires est d’autant plus problématique que ces professionnels jouent un rôle essentiel de suivi de proximité, tout au long de la vie. Nos médecins généralistes traitants sont aussi les aiguilleurs de notre système de santé, puisqu’ils orientent les patients et assurent la nécessaire coordination de leur parcours de soins.

Surtout, cette situation a des conséquences sur l’ensemble du système de santé. La situation des urgences, que je connais bien et qui sont devenues pour beaucoup un premier recours, le démontre : la fréquentation a augmenté de plus de 50 % en vingt ans. Or, lorsque tous s’organisent, en ville et à l’hôpital, comme cela s’est produit grâce aux mesures prises l’été dernier, cette fréquentation chute enfin ; elle a ainsi décru de 5 % l’été dernier.

Par responsabilité à l’égard de nos concitoyens, nous devons prendre des mesures fortes. La création d’une quatrième année d’internat de médecine générale s’inscrit ainsi dans un arsenal de mesures du PLFSS qui visent à renforcer l’accès à la santé sur l’ensemble des territoires. Je pense par exemple à la création d’un cadre plus adapté pour les négociations conventionnelles, qui devra nous permettre de mettre en place des engagements réciproques, au service des Français dans tous les territoires, notamment les moins dotés, selon une logique de droits et de devoirs. Je pense aussi à la simplification des aides à l’installation de nos médecins dans les zones sous-denses, pour intensifier leur impact.

Enfin, je tiens à souligner le fait que nous allons pouvoir tirer les fruits, dans les prochaines années, des réformes déjà engagées dans le quinquennat précédent. Vous l’avez indiqué, la suppression du numerus clausus n’aura d’effet que dans une dizaine d’années.

Debut de section - Permalien
François Braun

Cette réforme importante et nécessaire, que nous aurions dû mener voilà dix ou quinze ans, devrait permettre d’inverser la dynamique de la démographie médicale et de renforcer nos bataillons de médecins, généralistes comme spécialistes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le pense profondément, cette quatrième année ne serait pas seulement une chance pour nos territoires sous-dotés : elle serait également une chance pour nos jeunes médecins. Oui, cette année supplémentaire leur permettrait de bénéficier d’une phase bienvenue de consolidation de leur formation, à l’instar de ce qui se fait dans les autres spécialités. Elle est, à mon sens, la clé d’une responsabilisation progressive et supervisée, pour accompagner le mieux possible nos jeunes médecins généralistes vers leur installation. Elle traduit la volonté que j’ai exprimée dès ma prise de fonction : des solutions concrètes et pragmatiques pour répondre aux défis auxquels notre système de santé fait face.

Ainsi, sur le fond, je partage l’intention des auteurs de la proposition de loi. Toutefois, vous le savez, le Gouvernement a choisi de faire prospérer une telle mesure via le PLFSS pour 2023. C’est pourquoi il émet un avis de sagesse bienveillante sur cette proposition de loi de M. Retailleau.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe Les Républicains relative à la formation des internes en médecine générale nous permet d’avoir un débat sur les réponses publiques à apporter aux difficultés d’accès aux soins. Je salue le travail de Mme la rapporteure Corinne Imbert.

Comment accepter que 30 % de la population française vive dans un désert médical ? La difficulté à obtenir un rendez-vous avec un généraliste en secteur 1 n’est plus une situation spécifique aux territoires ruraux ; elle concerne désormais également les territoires périurbains et urbains. Ainsi, la région Île-de-France est le premier désert médical de France. En effet, 62, 4 % de la population francilienne – cela représente 7, 6 millions de personnes – a du mal à accéder aux médecins, trop peu nombreux. Les maires sont soumis à rude épreuve pour trouver une solution coûte que coûte !

Il faut le répéter, depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont refusé de supprimer le numerus clausus et d’augmenter le nombre d’étudiantes et d’étudiants en médecine. L’ancienne ministre de la santé, Agnès Buzyn, reconnaissait elle-même, dans une tribune parue dans le journal Le Monde, que le numerus clausus avait été desserré de façon trop progressive et que l’on avait « perdu plus de quinze ans ».

Depuis 2017, les gouvernements d’Emmanuel Macron n’ont pourtant pas corrigé la tendance, puisque le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus n’a pas significativement augmenté le nombre de médecins formés. Faute de moyens financiers et humains supplémentaires pour les universités, le nombre d’étudiants en médecine est passé de 9 300 en 2020 à seulement 11 180 en 2021, alors que les besoins sont plus importants, la population plus nombreuse, les patients plus âgés et souvent atteints de polypathologies.

Dans ce contexte, la proposition de loi du groupe Les Républicains visant à ajouter une quatrième année d’études aux internes en médecine générale non seulement ne résoudra rien, mais, au contraire, démotivera et précarisera les internes.

Tout d’abord, je souhaite dire quelques mots sur la méthode : ajouter une dixième année d’étude sans avoir ouvert de négociation avec les internes revient à mettre la charrue avant les bœufs.

En outre, une réforme de la formation des internes nécessiterait de discuter du contenu pédagogique et du rythme des études, de réfléchir à la prise en compte de l’épuisement professionnel qui touche les deux tiers des internes, à la revalorisation de leur statut, aux mesures de lutte contre les comportements sexistes lors des stages dénoncés par l’Association nationale des étudiants en médecine de France. Je le rappelle, un interne a environ trois fois plus de risque de se suicider qu’un jeune du même âge, à telle enseigne que, en 2021, une campagne intitulée #ProtègeTonInterne avait été lancée.

L’idée d’ajouter une dixième année d’études prouve bien que cette proposition de loi est en déconnexion totale avec la réalité des internes. Du reste, elle ne réglera ni la pénurie des médecins ni l’aspiration des jeunes médecins, qui souhaitent, à juste titre, pouvoir pratiquer la médecine en conciliant davantage vie familiale et vie personnelle.

Aujourd’hui, les nouveaux médecins aspirent en majorité à exercer leur activité dans un cadre salarié, en équipe, dans un territoire muni d’un hôpital de proximité, et non en libéral, comme le privilégie cette proposition de loi. Il faudrait donc favoriser les stages et l’installation en centre de santé.

L’incitation à faire des stages dans les territoires sous-dotés n’entraînera pas mécaniquement l’arrivée de 3 900 internes dans les déserts médicaux. Les incitations fiscales à l’installation ont démontré leurs limites, puisque seulement 400 médecins par an réclament les 50 000 euros proposés pour s’installer dans un territoire sous-doté.

Les internes qui souhaiteraient effectuer un stage dans un désert médical devront être encadrés par un médecin senior, alors que, par définition, les déserts médicaux sont dépourvus de médecin ou, en tout cas, manquent de médecins disponibles.

De plus, l’ajout d’une année supplémentaire en stage créera une année blanche d’installation de nouveaux médecins.

Enfin, les critères d’attractivité pour les jeunes médecins font cruellement défaut, puisque les politiques d’austérité menées au cours des vingt dernières années, y compris par la droite, cher collègue Bruno Retailleau, ont entraîné la fermeture des hôpitaux et maternités de proximité, ainsi que la disparition des services publics de proximité.

Selon nous, la réponse politique doit être multiple. Mais, dans le temps qui m’est imparti, je souhaite privilégier quatre propositions qui me semblent majeures : l’augmentation des moyens des universités pour former davantage de professionnels de santé ; le développement de centres de santé ; le rétablissement de la permanence médicale la nuit et le week-end, via l’abrogation du décret Mattei et la revalorisation des gardes de tous les soignants dans le public et le privé ; enfin, la mise en place d’un conventionnement sélectif dans les zones surdotées.

Mes chers collègues, vous êtes loin du compte avec votre proposition de loi. Aussi, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront contre ce texte, tout comme nous voterons contre l’article 23 du PLFSS pour 2023, qui prévoit un dispositif similaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, nous a été soumise une proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux ».

Les internes en médecine générale n’étant pas une variable d’ajustement, les démarches qui consisteraient à proposer une modification de leur formation dans l’unique objectif de lutter contre les « déserts médicaux » nous sembleraient inadaptées. On n’envoie pas les jeunes dans des « déserts » pour réparer des erreurs dont ils ne sont pas responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Le poids des mots, ce n’est pas rien ; il est grand temps d’en changer certains…

J’habite moi-même une région où l’angoisse des patients et des soignants est grande. L’accès aux soins y est le problème central, sans doute à l’origine d’un sentiment d’abandon dramatiquement vécu par les habitants et les électeurs. On ne peut certes ignorer l’attente des territoires – les travaux que nous avons menés avec Hervé Maurey et Jean-François Longeot l’ont démontré –, mais on ne peut pas dire que ce soient des déserts !

De nouvelles manières de travailler y amènent de nouveaux habitants, des projets y émergent, des soignants y viennent aussi, certes en nombre – hélas ! – insuffisant, mais de leur plein gré et avec un vrai projet de vie. Les jeunes médecins ne construisent pas leur vie en fonction de primes ; ils la construisent en cherchant à s’épanouir professionnellement et personnellement. Donc, pas de « désert » ; pas de punition !

Cela, notre commission l’a bien compris. Elle a veillé à présenter en séance un texte désormais intitulé proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale. Si l’initiative de Bruno Retailleau et de certains de nos collègues vise à orienter la formation des jeunes praticiens vers plus d’ambulatoire, alors, elle est intéressante et doit être soutenue.

Les autres spécialisations médicales se font en quatre années. Il y a donc une forme de logique à aligner cette spécialité sur les autres, à considérer que la médecine générale est une spécialité pleine et entière, exigeant une phase longue de pratique de terrain, qui est au fond la meilleure des écoles. L’année en tant que docteur junior, pour être pleinement attractive, devra être assortie d’une juste rémunération.

Cette période sera un peu comme les remplacements que faisaient les jeunes médecins généralistes ici ou là, pendant quelques mois ou années, période que certains d’entre vous ont sans doute connue, le temps d’écrire leur thèse, avant de se fixer pour de bon.

Voici ce que je lis dans le communiqué d’un regroupement de jeunes généralistes installés ou remplaçants : « Nous témoignons tout notre soutien à nos futurs confrères en formation ; nous réclamons pour eux une formation de qualité et une phase de consolidation qui les accompagne réellement dans la construction de leur projet. » Oui, il est indispensable que cette quatrième année soit une plus-value pour eux.

Au sein du groupe Union Centriste, les avis sur ce texte sont majoritairement favorables. Néanmoins, si, pour ma part, je m’apprête à le voter, certains de mes collègues émettent, je le sais, des réserves sur le nombre potentiellement insuffisant de maîtres de stage, sur la nécessité d’une plus grande concertation, sur le besoin d’enseignants en médecine générale ou encore sur le risque d’une coercition déguisée.

Par le passé, j’ai moi-même accueilli dans mon foyer, en tant que conjoint collaborateur d’un médecin généraliste, de jeunes internes en fin d’études, pour des sessions de quelques semaines. Je sais combien ces séjours, à ce moment de leur vie, à la découverte d’un territoire, au contact des habitants de celui-ci, peuvent être déterminants. Trois de ces stagiaires se sont installés près de chez nous. Une année pleine et entière en autonomie aurait certainement eu des effets encore plus significatifs. Par conséquent, j’y crois.

J’y crois, mais avec des réserves. Quid, en effet, des maîtres de stage ? Pour connaître les médecins généralistes de mon département, la Nièvre, et leur charge de travail, je sais que les sessions de formation à Dijon, située à deux heures et demie de route, pendant des journées entières et revenant régulièrement, c’est très dissuasif. Si certaines sessions sont, depuis la crise sanitaire, assurées à distance, celles qui subsistent en présence devraient être organisées au plus près des médecins, dans tous les départements, comme cela commence à se pratiquer en de rares endroits. Cette possibilité doit se généraliser. C’est à ce prix que de nouveaux médecins viendront grossir les rangs des maîtres de stage universitaires.

Actuellement, l’ambulatoire est déjà au programme du diplôme d’études spécialisées de médecine générale, mais il est insuffisamment mis en œuvre, faute de lieux de stages et, parfois, parce que les internes restent – hélas ! – dans les centres hospitaliers universitaires pour remédier au manque de personnel, ce qui est inadmissible.

La réflexion autour de l’ambulatoire doit être globale. Elle doit concerner également les spécialistes, ne pas rester théorique et s’inscrire peut-être dans un vaste chantier de refonte des études médicales, en s’inspirant d’autres modèles voisins.

Reste l’épineux sujet du lieu de ces stages, puisqu’il est désormais acquis que c’est presque tout le territoire national qui est en zone sous-dotée. Les internes aiment les stages enrichissants. Mais, en fin de cursus, ils peuvent également avoir des charges de famille et des ancrages que l’on comprend aisément. Le lieu de vie pendant une année entière, après de longues études, ce n’est pas rien.

L’idéal serait alors qu’ils puissent se diriger vers une région, probablement sous-dotée, puisqu’elles le sont presque toutes, où ils ont déjà une attache, voire un début de projet. « Quatrième année » ne doit pas impliquer « territoire inconnu », non plus que « désert » ou « punition ». Il faut prévoir de la souplesse dans les affectations.

Cela m’amène à un autre sujet essentiel, celui de l’origine géographique des étudiants. Prenons encore le cas de ma région. Si tous ceux qui réussissent le concours de médecine à Dijon sont de jeunes Dijonnais qui ont bénéficié d’une proximité familiale et d’un contexte connu, il semble difficile, sauf coercition, de les voir s’installer en milieu rural !

C’est pourquoi il est capital que les formations se délocalisent, ne se cantonnent pas aux grandes villes universitaires et viennent au plus près des territoires. C’est en partie les années pendant lesquelles nous n’avons formé que de jeunes urbains que nous payons actuellement.

Une faculté de médecine est ainsi en train de se mettre en place à Orléans. Le parcours accès santé spécifique (Pass), première année d’études de médecine, ouvert à Nevers après de longues années de bataille, a permis à 50 % des étudiants de réussir le concours. Voilà une vraie solution, et il y en a d’autres ailleurs en France ! Les « déserts médicaux » sont tout simplement des déserts de formation.

Il en faut plus, monsieur le ministre ; le numerus apertus doit muter en numerus proximus !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Si cette disposition est adoptée, il faudra que les moyens soient au rendez-vous, de même que les décrets d’application, car il y a des précédents…

Monsieur le ministre, vous visez le même objectif, au travers de l’article 23 du PLFSS pour 2023. Vous justifiez le recours à ce véhicule en affirmant que cette mesure aurait un impact sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou sur les dépenses des organismes concourant à leur financement qui affecte directement l’équilibre financier de ces régimes. Or, d’après le chapitre relatif à l’impact financier global de l’étude d’impact du projet de loi, votre dispositif n’aurait aucun effet sur les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss). Ce que je vois, le Conseil constitutionnel le verra également ; je n’en doute pas. Aussi, je vous invite à vous saisir du véhicule législatif que nous vous présentons.

Je termine en citant une réponse de vos services, monsieur le ministre, à une question que j’avais posée en 2018 sur les stages des internes en médecine : « La ministre des solidarités et de la santé est extrêmement attachée à favoriser le développement de la maîtrise de stage ambulatoire. Les débats qui ont eu lieu avant l’adoption de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ont rappelé combien la diversification des lieux de stages constituait une nécessité pour permettre aux étudiants, futurs médecins, de se former et de découvrir un large spectre de situations professionnelles. »

Souhaitons donc que la loi de 2022 puisse mettre en place, en mieux, ce que la loi de 2019 n’a pas pu faire aboutir.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bienvenue en France, le pays qui prétend posséder le meilleur système de santé au monde, mais qui abandonne plus de 10 % de sa population, soit 8 millions de personnes, dans les déserts médicaux !

Même si, désormais, certaines grandes villes se trouvent sous-dotées, en raison principalement de l’insécurité qui y règne, comme dans les quartiers nord de Marseille, où la patientèle ne manque pourtant pas, puisqu’elle vient des quatre coins du monde, et plus précisément du tiers-monde, les déserts médicaux se concentrent principalement en ruralité.

Le désert n’y est pas que médical ; il est global ! Comment voulez-vous qu’un médecin aille s’installer avec sa famille dans un endroit où s’accumulent les problématiques de mobilité, de logement, d’emploi, et où ont disparu les écoles et les commerces, faute d’une véritable politique d’aménagement du territoire ?

De plus, une aggravation inéluctable de cet état de fait est à venir : un généraliste sur deux est âgé de plus de 60 ans et partira bientôt à la retraite.

Le vieillissement général de la population rendra l’abandon plus criant. Les pénuries énergétiques et l’inflation amplifieront ces phénomènes, car l’assurance maladie rembourse les consultations, mais pas les trajets pour s’y rendre.

Chez moi, dans les Bouches-du-Rhône, la disparition de SOS Médecins dans les communes rurales a pour conséquence un nombre moindre de visites à domicile et de médecins disponibles les week-ends et jours fériés. Cela aboutit à une surcharge ambulancière supportée par le Samu ou les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), déjà sous tension.

Les maires sont le dernier influx nerveux d’une ruralité exsangue. Beaucoup débloquent des aides incitatives. Malgré cela, les maisons de santé pluridisciplinaires se retrouvent souvent sans médecin.

Face à une telle situation, c’est tout un panel de soutien à la ruralité qu’il faut repenser. Mais avant toute chose, il convient de réintégrer les soignants non vaccinés. Leur suspension, qui était déjà un scandale, n’a vraiment plus aucun sens aujourd’hui.

J’en viens aux dispositions constituant le cœur de la proposition de loi. Les internes en médecine ne peuvent pas être les variables d’ajustement des carences de l’État. Ce sont déjà eux qui font tourner l’hôpital.

En quatrième année d’internat, les étudiants ont entre 27 ans et 30 ans et certains ont déjà fondé une famille. On ne peut pas leur imposer une année supplémentaire après dix ans d’études, sans qu’ils sachent où ils seront affectés. Surtout en les payant 8 euros de l’heure !

Cette mesure coercitive sur un an pose également un problème de suivi des patients. L’« excellent », comme le veut la formule consacrée, président Bruno Retailleau a évoqué tout à l’heure une mission de service public pour justifier ce texte. Où est-elle ? La proposition de loi relève plutôt de la philosophie macroniste.

Marques de dénégation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Pour conclure, je voterai contre cette mesure palliative administrée à un système en état de mort annoncée. Je suis partisan d’une réforme en profondeur en faveur de la ruralité. Aujourd’hui, une méthode demande à être mieux exploitée, celle du contrat d’engagement de service public (CEST), qui aide les médecins à s’installer dans les déserts médicaux à hauteur de 1 200 euros par mois. Le nombre de CEST signés évolue chaque année. Faisons en sorte que ce dispositif soit plus connu, en attendant de reconstruire l’attractivité de nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cette proposition de loi, dont l’initiative revient à M. Bruno Retailleau et à un certain nombre de ses collègues, nous sommes invités à nous saisir de la question essentielle de la formation des médecins. Cette dernière doit répondre à la fois à l’acquisition d’une somme importante de connaissances, d’un savoir-être, et surtout à la préparation des jeunes médecins à leur futur exercice professionnel, qui, pour les généralistes, se fera majoritairement sur les territoires, en libéral.

Le sujet n’est pas tant d’aligner le nombre d’années de la spécialité médecine générale sur celle des autres spécialités. C’est plutôt, et surtout, de savoir pourquoi on ajoute une année supplémentaire au troisième cycle des études médicales.

S’il s’agit de déployer un bataillon de docteurs juniors sur des territoires sous-dotés pour apporter une réponse politique à la problématique complexe des déserts médicaux, je n’y serai pas favorable.

En effet, le doute persiste sur la finalité de cette proposition de loi, du fait du titre initial du texte, de la communication faite autour de cette mesure, des discussions ayant eu lieu en commission des affaires sociales et dans le cadre d’auditions, jusqu’à l’exposé des motifs du texte, qui débute par l’évocation des déserts médicaux.

Alors que la discussion est entamée depuis plusieurs années déjà sur cette question, que les étudiants, professeurs et doyens n’y étaient pas et n’y sont toujours pas fermement opposés, la finalité à peine masquée de la mesure a suscité beaucoup d’inquiétudes.

Si l’accès aux soins doit mobiliser chacun d’entre nous, je ne crois pas aux mesures coercitives, y compris quand elles se drapent de bonnes intentions, à plus forte raison dans un contexte de manque de professionnels.

Doit-on le rappeler ? En dix ans, la France a perdu 5 000 médecins généralistes. En vingt ans, leur densité sur les territoires a baissé deux fois plus que celle des autres spécialités. Aujourd’hui, 84 % de notre pays est sous-doté. Aucune réforme, aucun décret, aucune mesure, aucun plan, n’ont réglé et ne régleront de manière isolée la problématique de l’accès aux soins, tant que le nombre de généralistes en exercice n’aura pas augmenté de manière significative, par une amplification nette du numerus apertus et, surtout, du quota de médecins généralistes dans le cadre de la sélection pour les spécialités.

Alors que cette année supplémentaire doit voir le jour, il faut parler de pédagogie, de professionnalisation et d’une meilleure adaptation de la formation au cœur de métier de la médecine générale.

Une quatrième année professionnalisante, bien pensée et concertée, pourrait et devrait mieux préparer les jeunes médecins à la réalité du métier, qui se fait pour l’essentiel – je l’ai déjà indiqué – en libéral. Si elle est bien menée, elle favorisera les installations sur les territoires.

J’en suis convaincue, cette quatrième année, avec un stage obligatoire en ville, mais aussi un stage libre, par exemple dans un hôpital de proximité, répondrait mieux aux exercices partagés, aujourd’hui plébiscités par les jeunes, et au décloisonnement ville-hôpital que nous appelons tous de nos vœux.

J’y vois aussi un autre avantage : les étudiants devront présenter leur thèse en troisième année de troisième cycle, et ne pourront plus repousser cette échéance, report qui les éloigne aujourd’hui d’autant d’une installation en cabinet.

Mais cette année supplémentaire doit répondre à plusieurs conditions.

Tout d’abord, elle ne doit pas être un prétexte pour répondre de manière totalement imparfaite à la problématique des déserts médicaux.

Ensuite, elle doit entraîner l’adhésion des étudiants et du Collège national des généralistes enseignants.

Par ailleurs se pose la question de l’encadrement. S’il est bien précisé que ces stages s’effectueront « sous un régime d’autonomie supervisée », ils devraient être obligatoirement encadrés par un maître de stage des universités. Sont-ils suffisamment nombreux dans les territoires pour accueillir ces jeunes de quatrième année ?

Enfin, la dernière condition est liée à la rémunération. La proposition de loi évoque une rémunération à l’acte. Cette option me semble peu aboutie. Ne risquerait-elle pas de créer des conflits entre stagiaires et référents ? Ne faudrait-il pas un socle commun salarial, avec – pourquoi pas ? – une incitation supplémentaire dans le cas de cabinets à forte activité ou pour une pratique en zone sous-dense ?

De manière générale, ne l’oublions pas, ce sont de bonnes conditions de travail, un environnement professionnel stimulant et des territoires accueillants qui sont, je le crois, les critères privilégiés du choix d’installation des jeunes professionnels. Plutôt que d’orienter les docteurs juniors en priorité vers les territoires sous-dotés, dont la définition est imparfaite, orientons-les en priorité vers des lieux d’exercice où il existe des dynamiques de santé, avec des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), des exercices professionnels coordonnés et des équipes de soins primaires (ESP) à même de leur donner envie de poursuivre l’aventure.

Faisons en sorte de former, dès le début des études médicales, de jeunes médecins en proximité.

Sous toutes ces réserves, le groupe RDSE n’est pas défavorable a priori à cette proposition de loi, mais – vous l’aurez compris – pas à n’importe quel prix.

Notre groupe déterminera son vote en fonction de la discussion qui suivra et du sort qui sera réservé aux amendements, notamment aux plus coercitifs.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas sortie du chapeau ; M. Bruno Retailleau l’a rappelé. Nous en parlons depuis plusieurs années avec le Conseil national de l’ordre des médecins et la conférence des doyens des facultés de médecine. Lors de l’audition que nous avons menée en début d’année, qui a réuni l’Association nationale des étudiants en médecine de France et la conférence des doyens, la quatrième année avait été évoquée et avait recueilli l’assentiment, notamment, de cette dernière.

Je voudrais tout d’abord remercier la rapporteure de la commission des affaires sociales de son travail sur ce texte, que j’avais bien évidemment cosigné. Elle a en effet apporté deux clarifications qui me semblent indispensables.

Tout d’abord, sur l’entrée en vigueur, il est parfaitement clair que l’allongement de la durée des études ne s’appliquera pas aux étudiants ayant entamé leur troisième cycle. La réforme suppose en effet une révision de la maquette, ce qui ne s’improvise pas. Par ailleurs, il ne s’agit pas de prendre au dépourvu des internes déjà bien avancés dans leur cursus.

Ensuite, et cette deuxième précision était nécessaire, la réforme ne vise pas à réformer les études de médecine générale uniquement pour répondre à la question de l’accès aux soins dans les territoires sous-denses. Il s’agit de réformer les études de médecine générale pour consolider la formation des futurs médecins en leur permettant de se confronter aux caractéristiques de l’exercice en médecine de ville, sous un régime d’autonomie supervisée.

La crainte des étudiants, nous l’avons entendue dès 2019. La commission avait alors proposé d’aménager la troisième année du cursus pour permettre un an de stage en autonomie supervisée. Cette année s’était ensuite transformée en six mois en commission mixte paritaire. Ils ne se sentaient pas prêts à un exercice autonome, craignaient pour la qualité de leur formation, et redoutaient une affectation forcée dans un lieu non choisi, où ils se trouveraient abandonnés à leur solitude, de surcroît dans des territoires qualifiés, de manière peu engageante, de « déserts ».

Rien de tel dans le texte que nous proposons. Le mode d’exercice est bien celui de l’autonomie supervisée, sous l’autorité de maîtres de stages universitaires formés, avec une formation à l’exercice en ville et, très certainement, à l’exercice coordonné, avec le collectif et la pluriprofessionnalité auxquels les jeunes médecins aspirent.

La formation au premier recours en médecine de ville, à la gestion de l’« entreprise médicale », qui fait actuellement défaut, ou à la compréhension des mécanismes des projets territoriaux – je pense notamment aux centres de perfectionnement du personnel soignant (CPPS) – viendra compléter les cursus. Ce seront de vrais apports pédagogiques pour les futurs médecins.

Nous ne tentons pas de transformer de jeunes internes en médecins de famille à l’ancienne ni d’en mettre un sous chaque clocher. Cela ne correspond plus à la société actuelle.

En revanche, il nous faut réfléchir, en termes d’accès aux soins, à des formes qui peuvent évoluer, dans des territoires donnés. Je pense notamment à des zones d’activité médicale permettant, pour les patients et les médecins, de trouver un équilibre pour ce qui concerne les demandes de recours.

La concurrence entre les territoires est délétère ; il nous faut plus de coopération.

L’acceptation forcée, qui – je le conçois bien correspond au souhait de certains, ne me semble pas envisageable dans le contexte de la démographie médicale et du vieillissement de la population. On ne gère pas la pénurie par la coercition. Il n’existe pas de zones surdotées, en tout cas en secteur 1. Il s’agit d’un phénomène urbain, périurbain et rural.

Dans le cadre de la mission que vous mettrez en place, monsieur le ministre, il faudra associer les ARS, les unités de formation et de recherche (UFR), les représentants des internes, les ordres, les unions régionales des professionnels de santé (URPS) et les élus, pour définir les zones et les lieux de la professionnalisation sur chaque territoire.

Avec ces temps de formation nouveaux, le dispositif crée du temps médical supplémentaire – c’est un point majeur –, en irriguant les territoires chaque année en nouveaux médecins.

La nouvelle maquette incitera les internes en médecine générale à passer leur thèse, échéance qu’ils ont aujourd’hui trop tendance à repousser, ce qui est rédhibitoire pour les installations et qui dément aussi l’idée de retard à l’installation liée à la quatrième année.

Les territoires ont un rôle à jouer pour soutenir le développement des maîtres de stage universitaires – cela a été souligné –, faire valoir leur dynamique et mettre en place de bonnes conditions d’accueil. Les collectivités sont déjà très impliquées, et certaines obtiennent d’excellents résultats.

Il existe déjà 12 000 maîtres de stage universitaires. Certes, leur nombre devra être renforcé pour que les docteurs juniors puissent être accompagnés. Cela me semble tout à fait possible. Bien entendu, cette proposition de loi ne saurait constituer une réponse unique au creux de la démographie médicale auquel nous serons confrontés pendant encore au moins dix ans. À cette question éminemment complexe, les réponses doivent être multiples. Elles vont de la télémédecine aux délégations de tâches, en passant par l’organisation de transports et d’accompagnement pour les patients, etc.

Le texte vise à mieux préparer les étudiants en médecine générale à la médecine de ville, afin qu’ils fassent leur choix de vie et d’exercice en confiance et en pleine connaissance de territoires où ils pourront faire le choix de s’installer.

Faisons ce pari sans tarder, dans un esprit gagnant-gagnant. C’est la raison pour laquelle je voterai évidemment la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de M. Bruno Retailleau a un objectif que nous souhaitons tous atteindre depuis maintenant une décennie : faire en sorte d’avoir des médecins dans nos villages, dans nos bourgs. En bref, il s’agit de lutter contre les « zones sous-denses ». Je sais que la commission des affaires sociales est mobilisée sur le sujet.

Élu de Corrèze et médecin en milieu rural, je ne peux que constater les problèmes provoqués par le manque dramatique de médecins généralistes.

Qu’ils vivent en milieu rural ou en périphérie des villes, les citoyens doivent pouvoir être soignés et suivis. Nous souhaitons avoir un médecin dans nos maisons de santé. J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. La suppression du numerus clausus est une bonne chose, mais nous devrons patienter une dizaine années avant d’en ressentir les premiers effets sur nos territoires.

Les territoires ruraux connaîtront une véritable catastrophe si nous ne prenons pas rapidement des décisions efficaces. Car les urgences sont encombrées, de nombreux patients n’ayant pas de médecin traitant.

La proposition de loi que nous étudions vise à introduire une avancée nouvelle. C’est aussi l’une des promesses de campagne du président Macron. L’urgence est réelle. Je me réjouis que nous ayons ce débat et je tiens à féliciter Mme la rapporteure Corinne Imbert.

J’ai rencontré récemment des étudiants en médecine qui m’ont fait part de leurs craintes : ils craignent d’être exploités avec cette année supplémentaire, en étant payés 2 000 euros par mois après dix ans études. Je comprends parfaitement leurs réticences, dans la mesure où, auparavant, les remplacements s’effectuaient en sixième ou septième année.

Les études de médecine sont déjà très longues ; elles durent neuf ans. De nombreux stages sont au programme. Les étudiants s’inquiètent aussi de ne pas être suffisamment secondés au cours de cette dernière année d’internat. Je leur ai répondu qu’ils bénéficieraient d’un médecin référent. En outre, à l’heure actuelle, après trois ans d’internat et six stages de six mois, ils peuvent remplacer sans médecin référent. De la même manière, après trois stages, dont six mois en médecine polyvalente, ils peuvent remplacer sans médecin référent.

À la suite de ces rencontres, j’ai décidé de déposer trois amendements à la proposition de loi.

Le premier, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, était en réalité un amendement d’appel. J’en suis conscient, il n’aurait pas été adopté. Il s’agissait d’une réécriture de l’article unique, s’inscrivant dans la ligne de pensée ayant dominé nos échanges en 2019, au moment de l’adoption de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. À l’époque, la commission avait adopté, de manière consensuelle, un amendement visant à faire en sorte que les six derniers mois d’internat soient réalisés dans les territoires manquant de médecins. Cette disposition avait été négociée par Alain Milon avec les étudiants. Toutefois, le décret n’est pas paru.

Par ce premier amendement, il s’agissait de prolonger le stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas) d’un autre stage de six mois, faisant ainsi passer la période stage à une durée d’un an, sans ajouter une année supplémentaire complète à l’internat en médecine générale. Bien entendu, la priorité aurait été donnée aux zones sous-denses.

Je proposais en outre une rémunération plus importante au cours de cette année de Saspas.

J’avais déposé un deuxième amendement, qui, lui aussi, a été déclaré irrecevable pour les mêmes raisons que le précédent, ce que j’ai un peu de mal à comprendre.

Il portait sur la rémunération des médecins juniors dans le cadre d’une quatrième année d’internat. Je proposais de placer cette rémunération mensuelle à hauteur de l’équivalent de dix consultations payées à l’acte par jour, avec un logement, le médecin faisant appel à un médecin junior bénéficiant d’une clientèle importante.

Je le rappelle, les étudiants de dernière année d’internat ont déjà neuf ans d’études. Ils sont formés et peuvent donner des consultations seuls, avec l’aide et les conseils d’un médecin référent. Bien entendu, il est préférable que ce dernier soit un maître de stage universitaire (MSU), comme le prévoit cette proposition de loi. Toutefois, monsieur le ministre, lorsqu’ils ont une clientèle débordante, les médecins n’ont pas le temps d’être MSU. Telle est la réalité du terrain.

Les médecins devront donc devenir MSU, avec plus de proximité dans la formation.

Enfin, mon troisième amendement porte sur le lieu de la dernière année d’internat prévue dans la proposition de loi. Selon moi, il est important qu’elle se fasse sur le territoire du CHU où l’étudiant a fait ses études.

Parallèlement, des étudiants en quatrième année et cinquième année pourraient aller dans des hôpitaux périphériques. Cela participe aussi à la répartition géographique des étudiants et des internes et à la découverte des territoires.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons l’impérieuse nécessité de proposer l’accès aux soins dans tous les territoires. C’est le rôle de l’État. À mon sens, nous devons davantage écouter les étudiants pour ce qui concerne leur rémunération. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc en faveur de cette proposition de loi, qui, je l’espère, apportera en 2026 des solutions pour les zones sous-denses.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, signe de l’impuissance des politiques publiques, les zones sous-denses s’étendent depuis longtemps, renforçant les inégalités d’accès aux soins.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), entre 2015 et 2018, la part de la population française vivant en zone sous-dotée en médecins généralistes a augmenté de 50 %. Particulièrement impactées, les zones rurales et les zones populaires des métropoles subissent à la fois les fermetures des hôpitaux de proximité, des maternités et des services d’urgence, ainsi que le non-remplacement des médecins, des infirmiers ou des sages-femmes.

Toujours selon la Drees, 60 % des personnes en territoires ruraux connaissent des difficultés d’accès à un médecin généraliste. Comme souvent, les mesures d’incitations financières ont été privilégiées. Des dizaines de millions d’euros ont été dépensés, avec des résultats plus que décevants. En 2014, puis en 2019, la Cour des comptes avait constaté que ces mesures avaient plutôt provoqué des effets d’aubaine pour les médecins déjà en place.

Cet échec doit nous conduire à reprendre l’analyse des causes, pour de nouvelles solutions.

Si certaines études scientifiques disponibles concluent qu’un stage long en zone rurale sous-dotée, surtout en fin de cursus, peut encourager les nouveaux médecins à s’installer, d’autres considèrent son impact comme très faible.

Toutefois, d’autres études pointent des pistes intéressantes, car structurelles, ayant donné d’excellents résultats, de surcroît durables, notamment à l’étranger. À ce sujet, la méta-analyse de la Drees, en 2021, est formelle : il ressort de toute la littérature scientifique que le choix de s’installer dans une zone mal desservie est en premier lieu lié à un ensemble de facteurs personnels, et ce sans méconnaître les conditions d’environnement plus générales : intensité des services publics, proximité de centres hospitaliers, autres professionnels de santé installés sur le territoire, dynamisme des activités économiques.

Toutes ces raisons, nous les connaissons. Cependant, de façon constante, les travaux de recherche concluent que l’origine rurale du médecin est un facteur essentiel et le meilleur prédicteur de l’installation en zone rurale. Le fait d’être né en milieu rural, d’y avoir grandi, d’y avoir effectué sa scolarité ressort dans tous les pays comme un des déterminants majeurs du choix d’exercer dans cet environnement.

Or les territoires ruraux étant majoritairement populaires, les élèves qui en sont issus se heurtent à la sélection à l’université, amplifiée depuis quelques années par Parcoursup, véritable machine de reproduction sociale. Après les grandes écoles, les études de santé comptent parmi les plus clivées socialement. Ainsi, alors que les enfants des cadres métropolitains sont surreprésentés en études de médecine, leurs chances de réussite sont deux fois et demie fois supérieures à celle d’un enfant d’ouvrier.

Cette absence de diversité sociale a été amplifiée par les politiques de déstructuration de l’enseignement supérieur et la concentration des lieux de formation. Les fusions des universités vont frontalement à l’encontre des recommandations de l’OMS, qui préconise justement la décentralisation des centres de formation dans les territoires ruraux et sous-denses.

De nombreux pays ont entamé une démarche de décentralisation des ressources à des centres satellites ruraux, voire ont ouvert de nouvelles écoles de médecine. Je pense à la Norvège, à l’Australie ou au Canada, qui suivent ainsi les recommandations de l’OMS.

De la critique des critères de sélection à l’université pour ouvrir la diversification sociale à la décentralisation, autant que possible, des lieux de formations, certaines solutions durables contre les déserts médicaux réclament des mesures structurelles, qui questionnent les politiques en matière tant d’enseignement supérieur que d’aménagement du territoire.

L’aménagement du territoire accentue aujourd’hui un phénomène de répartition sociale du territoire, entre, d’un côté, une concentration des cadres, que le chercheur Guillaume Faburel appelle les « classes créatives », au sein des grandes métropoles, et, de l’autre, des territoires ruraux majoritairement ouvriers, qui subissent la dévitalisation économique, la fermeture des services publics et les déserts médicaux.

Il n’est pas étonnant que le démographe Hervé Le Bras ait pu dire hier que la France des déserts médicaux était celle des « gilets jaunes ». Or, pour lutter contre un tel phénomène, l’OMS recommande des politiques d’admissions ciblées pour les étudiants d’origine rurale et une décentralisation d’une partie des campus et des programmes d’internat.

Cette proposition de loi présente, selon nous, une solution de régulation très partielle et contestée, en faisant l’économie d’autres types de régulation, notamment par l’installation, comme des causes que je viens d’évoquer.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe écologiste votera contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdallah Hassani

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est l’un des chemins de recherche pour préserver et améliorer notre système de soins, sur tous nos territoires.

La médecine générale est la seule spécialité à n’avoir que trois années de formation en troisièmecycle, sans phase de consolidation ni d’accès au statut de docteur junior. Le dispositif proposé vise à mettre en place une quatrième année, véritable année de professionnalisation. Les internes réaliseront plusieurs stages en autonomie supervisée et en ambulatoire, tout en préparant mieux leur installation.

Longtemps mentionnée comme piste de réflexion pertinente, cette quatrième année permettrait l’arrivée chaque année de plusieurs milliers de médecins juniors, affectés en priorité dans des zones où l’offre de soins est faible. Ce serait aussi l’occasion pour ces jeunes professionnels de découvrir et apprécier d’autres lieux et d’autres modes de vie.

Plusieurs véhicules législatifs nous permettront de débattre davantage d’une telle mesure, le Gouvernement l’ayant inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce dont je me félicite. Nous sommes tous à la recherche de solutions pour consolider la formation de nos médecins, faciliter leur installation et également permettre à chaque citoyen d’obtenir les soins qu’il nécessite, sans inégalité. La mesure s’inscrit ainsi dans une logique plus globale et effective d’amélioration de la santé pour tous.

En complément d’autres dispositifs déjà mis en œuvre par l’État et nos collectivités, elle nécessitera d’assurer un nombre suffisant de maîtres de stage. Grâce à l’effort engagé, le nombre de praticiens habilités a connu une hausse de 9, 6 % entre 2019 et 2021.

Il faut inciter davantage les médecins à candidater et faciliter les procédures, en ciblant les territoires où l’offre de soins est très insuffisante.

En outre, l’exercice de la médecine a changé. Les jeunes professionnels ont désormais des souhaits qu’il faut prendre en compte si l’on souhaite assurer leur venue sur nos territoires et leur installation dans la durée : profession du conjoint, éducation des enfants, services publics, sécurité, mais aussi organisation du travail et existence d’un réseau de professionnels paramédicaux et de spécialistes ; ce dernier critère suppose d’ailleurs d’augmenter aussi le nombre de maîtres de stage universitaires dans les autres spécialités. C’est donc en réalité un ensemble de mesures qu’il faut prendre.

J’en suis d’autant plus persuadé que je viens d’un territoire non pas sous-doté, mais – j’y insiste – « sous-sous-doté ». J’aimerais d’ailleurs saluer le travail réalisé par mes collègues de la commission des affaires sociales sur le système de soins à Mayotte.

L’offre de soins, en médecine de ville en particulier, y est balbutiante : vingt-sept médecins généralistes libéraux, dont sept maîtres de stage, pour ainsi dire aucun spécialiste, et ce pour 300 000 habitants. À La Réunion, le département voisin, dont la population est presque trois fois plus nombreuse, on compte 1 200 médecins généralistes et plus de 160 maîtres de stage. Mayotte n’a pas de CHU. Son centre hospitalier doit pallier les lacunes d’accès aux soins primaires ; il est constamment sous tension et multiplie les évacuations sanitaires vers La Réunion.

Les Mahorais qui en ont les moyens vont se soigner hors du département, à La Réunion ou en métropole. Les autres renoncent souvent aux soins, même essentiels. L’état de santé de la population se situe très en deçà de la moyenne nationale. La sécurité sociale est toujours régie par des dispositions spécifiques, mais je suis heureux de constater que la convergence progresse via notamment l’extension à Mayotte, dans le PLFSS pour 2023, de la complémentaire santé solidaire ; vous savez que les médecins libéraux du département sont nombreux à n’avoir pas signé de convention avec la sécurité sociale, ce qui pose beaucoup de problèmes, l’absence de remboursement incitant certains malades à rester à la maison…

Cette quatrième année d’internat apprendrait beaucoup aux internes qui la feraient chez nous et serait une chance pour l’île. Je souligne d’ailleurs la création, sur l’initiative du centre hospitalier de Mayotte, d’une agence territoriale de recrutement qui a reçu cette année le grand prix de l’innovation en ressources humaines. Elle vise l’ensemble des acteurs de santé du territoire et doit permettre de centraliser le recrutement, d’accompagner les candidats, de renforcer l’attractivité et de fidéliser les personnels.

Les obstacles sont nombreux dans nos territoires, et les problèmes se posent de manière particulièrement intense et urgente à Mayotte.

Cette proposition de loi contribue en partie à les lever. Le groupe RDPI votera en sa faveur.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre monde vit actuellement assez de malheurs pour qu’on essaie de lui en épargner au moins un : celui de mal nommer les choses. Or c’est bien une telle confusion, que j’entends s’exprimer depuis la présentation qui en a été faite par son auteur, qu’installe cette proposition de loi.

Le texte a été déposé au mois de janvier dernier, avec un titre faisant référence à la formation des internes en médecine générale et à la lutte contre les déserts médicaux. Huit mois plus tard, à l’occasion de l’inscription de son examen en séance publique, le volet « lutte contre les déserts médicaux », bien qu’effacé du titre, reste omniprésent dans les propos de l’auteur du texte lui-même et dans ceux des collègues qui se sont exprimés à tour de rôle. Si cela ne signifie pas mettre de la confusion dans le débat, il faut m’expliquer…

Et ce n’est pas parce que le titre en a été expurgé que la proposition de loi porte bien sur la formation des internes de médecine générale. J’y insiste, vraiment : l’un des problèmes qui grèvent actuellement le débat public dans notre pays est que les objectifs y sont masqués au lieu d’être dits clairement aux premiers concernés par le dispositif, en l’occurrence les jeunes médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Nous préférons le langage des intentions clairement affirmées. À cette aune, le texte est maladroit. Notre vie publique est bien trop encombrée de termes euphémisés ; nous le voyons tous les jours. Dans notre pays, quand il est question de « concertation », en gros, cela veut dire : « cause toujours » ; quand on parle de « coconstruction », cela veut dire : « on fait comme j’ai prévu ». C’est précisément ce qui est en train de se passer sur le dossier qui nous occupe.

Nous connaissons les capacités d’analyse, de clarté et de synthèse de Bruno Retailleau ; je ne veux pas croire une minute qu’il les ait soudain perdues.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

S’il n’y va que d’une question de formation, comme le suggère l’intitulé, la quatrième année n’a rien à faire dans cette histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Car ce n’est pas le Parlement, ce n’est jamais la loi qui décide de la longueur des cycles des études de médecine. Ce n’est pas le Parlement qui décide des lieux dans lesquels les étudiants doivent effectuer leur stage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

On peut dire que le Gouvernement, en inscrivant un tel dispositif dans le PLFSS, prend un risque d’inconstitutionnalité. Mais je dis, moi, qu’en en faisant une proposition de loi, on abaisse le niveau de la loi dans un débat d’ordre réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Vous proposez que l’on ne fasse rien, une fois de plus ? Voilà bien l’impossibilisme français dans toute sa splendeur !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Mais si, comme nous le pensons, il est possible de proposer un dispositif conjuguant ces deux objectifs, il faut commencer par tenir un langage de vérité aux premiers concernés : les jeunes médecins.

Et il faut d’abord leur dire, avec force, que nous savons qu’ils ne sont pas responsables de la grave pénurie de médecins que connaît notre pays. La France, au mitan des années 1970, formait 10 000 médecins par an. Ce nombre est tombé à 3 250. Actuellement, nous en formons 8 500 par an. Comment notre pays ne subirait-il pas une pénurie profonde quand, dans le même temps, notre population est passée de 50 millions à plus de 65 millions d’habitants, le vieillissement faisant, de surcroît, émerger les problématiques de l’autonomie et de la dépendance ?

Les jeunes ne sont en rien responsables de cet état de fait : les responsables sont les gouvernements successifs, obsédés par une politique de l’offre visant à réduire les dépenses de santé en réduisant le nombre de médecins formés. Encore me dois-je de préciser qu’à cette décision des gouvernants ont participé activement un certain nombre de syndicats professionnels médicaux, ainsi que l’ordre des médecins, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

… arguant ensemble d’un manque de patients pour plaider la réduction du nombre de médecins. Là est la vérité ! Et les seuls qui, à l’époque – je m’en souviens bien –, au mitan des années 1990, prirent position pour dire qu’il s’agissait d’une erreur funeste, ce sont les organisations de jeunes, celles qu’aujourd’hui vous refusez d’associer à la négociation en soumettant un dispositif au Parlement de manière précipitée !

Les jeunes refusent, et ils ont raison, une quatrième année d’internat, car ce dispositif ne permet pas leur pleine reconnaissance. C’est un statut sous-rémunéré. On fait croire qu’il n’est question que de formation sans même en expliciter les objectifs. Cette décision est prise sans eux : vous mettez la charrue avant les bœufs ! Il faut d’abord négocier.

Mme Émilienne Poumirol et MM. Patrick Kanner et Daniel Breuiller applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Oui, il est possible de mieux préparer les étudiants à des modalités d’exercice devenues, certes, plus complexes sous l’effet de la rareté de l’offre et de l’apparition de nouveaux parcours de soins, de nouvelles organisations territoriales et de nouveaux enjeux sociaux, qui, plus prégnants qu’auparavant, rendent inopérante une approche purement sanitaire.

Conjuguer une meilleure professionnalisation avec l’apport de temps médical dans nos territoires sous-dotés, voilà donc l’équation à résoudre ! Il s’agit bien de travailler à la fois au cadre pédagogique et à l’apport de santé publique.

La bonne réponse, à cet égard, se situe non pas dans la quatrième année d’internat de médecine générale, mais dans une année de professionnalisation – et les mots ont un sens ! – en respectant ces jeunes, c’est-à-dire en reconnaissant et en rémunérant à sa juste valeur la contribution demandée, en prenant en compte leurs problématiques de vie, en associant aux universités les collectivités territoriales, qui sont mieux à même de leur garantir des conditions matérielles adaptées en matière de logement, de transport et de vie quotidienne.

L’examen de ce texte est précipité. D’ailleurs, nous avons bien noté qu’une course s’était engagée entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, par proposition de loi et PLFSS interposés – Mme la rapporteure a rappelé le calendrier –, pour faire prospérer à toute vitesse ce dispositif. Je ne doute pas que, au moment de l’examen du PLFSS, se renouera une alliance déjà manifeste lors de la session extraordinaire du mois de juillet.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

L’examen de ce texte est précipité, car il ne faut pas inscrire aujourd’hui dans la loi une quatrième année du troisième cycle de médecine générale ! La question de savoir comment ils peuvent apporter du temps médical supplémentaire où il y en a besoin, au bénéfice de notre population et de la santé publique, doit faire l’objet d’une négociation avec les jeunes médecins et avec leurs organisations syndicales. Ils y sont prêts, à condition que le Parlement n’ait pas déjà délibéré. On négocie d’abord ; on vote la loi ensuite !

Cette proposition de loi est donc, à bien des égards, contre-productive. Le cadre posé n’est pas adapté et le législateur commettrait une erreur à modifier ex abrupto la durée du troisième cycle de médecine générale. Nous en appelons au volontarisme de la négociation et de la responsabilité partagée pour allier meilleure formation et temps médical augmenté. À défaut d’avoir été entendus, nous voterons contre la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1947, Jean-François Gravier publiait Paris et le désert français, ouvrage qui fit longtemps référence et dans lequel l’auteur démontrait le fort déséquilibre entre Paris et la province, analysant les conséquences qui en résultaient.

Soixante-quinze ans plus tard, la rhétorique du désert retrouve une acuité et une actualité particulièrement sensibles, notamment en matière médicale.

Depuis quelques dizaines d’années, cher Bernard Jomier – sans doute au moins quarante ans –, les déserts médicaux se répandent sur l’ensemble du territoire, au point de n’être plus cantonnés à la ruralité : les villes, et notamment leurs quartiers périphériques, sont désormais concernées.

La question est de savoir si ces déserts médicaux sont des phénomènes spécifiques ou s’ils ne sont pas plutôt la conséquence d’un phénomène global lié à la disparition des services publics dans les territoires ruraux et dans certains quartiers suburbains.

Peut-on raisonnablement espérer l’installation de médecins et de leurs familles dans des lieux sous-équipés en services publics de qualité, notamment scolaires et culturels, largo sensu.

Peut-on raisonnablement envisager que la vie et le rythme de travail d’un médecin de campagne des années 1970-1980 correspondent aux attentes des nouvelles générations ? Cela vaut également pour la médecine de ville.

Les évolutions des mentalités et la juridicisation de la société ont nécessairement un impact sur les installations en libéral.

Face à cette situation complexe et multicausale, il est impératif de proposer des solutions permettant de concilier les attentes des jeunes médecins avec celles d’une patientèle inquiète de voir son accès aux soins limité.

La proposition de loi déposée par Bruno Retailleau s’inscrit dans cette volonté d’apporter, d’une part, des réponses précises à nos concitoyens, mais aussi aux élus locaux, qui sont souvent en première ligne devant les doléances de leurs administrés, et d’améliorer, d’autre part, le cursus de formation des étudiants en médecine générale.

Cette préoccupation n’est pas nouvelle pour le Sénat. Dès 2019, monsieur le ministre, nous avions adopté un dispositif presque similaire, resté depuis lettre morte en l’absence des décrets d’application nécessaires, qui relèvent du Gouvernement. Et voilà que l’exécutif ajoute à la hâte au PLFSS examiné cet automne un article reprenant quasiment les termes de cette proposition de loi sans y apporter la moindre plus-value. La méthode est pour le moins discutable, car elle traduit une forme de mépris à l’égard du travail parlementaire consistant à se l’approprier en catimini au lieu de le valoriser.

Mais laissons de côté ce problème méthodologique et concentrons-nous sur les dispositions du texte ; elles ont fait l’objet de débats fort intéressants en commission des affaires sociales, tant le sujet revêt différentes dimensions : enjeux sociétaux, aménagement du territoire, formation de nos étudiants.

Je sais que les internes contestent en ce moment même le bien-fondé d’une telle réforme, en raison de l’allongement d’un an de la durée du troisième cycle des études de médecine générale. En outre, l’obligation de réaliser cette quatrième année en stages ambulatoires, sous un régime d’autonomie supervisée et prioritairement dans les zones sous-denses identifiées par les agences régionales de santé (ARS) inquiète aussi certains d’entre eux.

Il convient de souligner les apports de ce texte pour la professionnalisation des internes en médecine générale. Grâce à cette année supplémentaire, ils acquerront le statut de docteur junior, dont jusqu’à présent ils ne bénéficient pas. Grâce à l’accompagnement d’un médecin « superviseur », ils seront mieux préparés à l’exercice de la médecine en ville.

Ce texte constitue donc une réelle avancée, bien que certains points restent en suspens.

C’est le cas notamment des conditions de rémunération de ces étudiants, mais également de leurs conditions d’accueil dans les communes. Leurs frais d’hébergement et de transport seront-ils à la seule charge des collectivités ? Comment les inciter à s’installer dans ces zones sous-denses ?

De même, la question de l’encadrement demeure essentielle. Les maîtres de stage formés seront-ils en nombre suffisant ? Et seront-ils équitablement répartis sur l’ensemble du territoire ?

Le versement des honoraires pédagogiques des maîtres de stage devra se faire dans des délais raisonnables et non, comme cela se passe trop souvent, plusieurs mois après la fin des stages des internes. De tels retards de paiement pénalisent et démotivent les maîtres de stage qui se sont engagés dans le processus d’accompagnement et de formation des internes.

Enfin, il convient de mener une réflexion sur le lien entre la création de postes d’internes et les caractéristiques des bassins de vie où sont implantées les universités en matière démographique, sanitaire ou sociologique, et ce afin d’éviter les distorsions entre la réalité de terrain et le nombre d’internes formés dans les centres hospitaliers universitaires.

Un exemple simple : dans les Alpes-Maritimes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

… il y a 1, 1 million d’habitants pour vingt postes d’internes en médecine générale. C’est largement insuffisant.

Cette proposition de loi pose les jalons d’une répartition géographique plus équilibrée tout en respectant le libre choix d’installation des futurs médecins, principe cardinal de notre médecine.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Ventalon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment la France, nation à la médecine réputée et au système de soins généreux et envié, en est-elle arrivée à une telle situation de pénurie ? Actuellement, 11 % des Français seraient dépourvus de médecin traitant, cette proportion étant parfois multipliée par deux, comme dans mon département, l’Ardèche.

Sans doute notre pays a-t-il refusé de considérer la question du nombre de médecins sur le long terme. C’est là une responsabilité partagée : il n’est que de lire les échanges entre le Gouvernement et les parlementaires au début des années 1990. Aux élus qui s’inquiétaient des conséquences des baisses successives du numerus clausus en deuxième année de médecine sur la démographie médicale à venir, les gouvernants répondaient par des courbes statistiques et des projections lénifiantes.

Il faut donc appréhender ce sujet en sachant que de notre inertie ou de nos actions dépendra l’accès aux soins des temps à venir, ces décennies qui seront marquées par le vieillissement et la perte d’autonomie de la génération du baby-boom.

Dans cette perspective, nous le savons, nous devons considérer le problème sans tabou. Le salut viendra non pas de slogans ou de remèdes miracles, mais d’une conjugaison de solutions complémentaires et d’efforts collectifs.

En tant que représentants au Parlement des collectivités territoriales, nous devons nous emparer du sujet en proposant des solutions concrètes et viables. Je salue en cela l’initiative de Bruno Retailleau. À l’heure actuelle, en effet, ce sont essentiellement les élus des territoires qui investissent dans des solutions pragmatiques : création de maisons de santé pluridisciplinaires, salariat des médecins, recrutement de personnels déchargeant ces derniers des tâches administratives chronophages, voire, comme le fait le département de l’Ardèche, réponse concrète apportée à la question du logement des internes.

Le groupe Les Républicains n’a pas la prétention de régler par cette mesure seule la pénurie de médecins généralistes. Il s’agit de se saisir d’un volet important du problème, celui de la présence médicale. Les internes, qui en sont l’un des rouages importants, ne doivent nullement se sentir montrés du doigt et tenus pour futurs responsables de la situation. Notre conviction est qu’ils sont, au contraire, une partie de la solution.

Cette année supplémentaire de formation et de consolidation ne résoudra pas à elle seule le problème de la désertification médicale. Elle constitue l’un des leviers qu’il faut actionner, aux côtés d’autres, tels un meilleur recours aux infirmiers en pratique avancée et aux assistants médicaux ou la restructuration de l’offre de soins, qui, conjointement, permettront de restaurer le droit à la santé pour chacun.

Cette quatrième année d’internat – Mme la rapporteure l’a rappelé – permettra d’aligner la formation des futurs généralistes sur le cursus des autres spécialisations. Effectuant des stages en autonomie progressive et bénéficiant de la supervision d’un médecin expérimenté, ils percevront également une rémunération supérieure à celle qu’ils reçoivent pendant leurs années d’internat.

De surcroît, au cours de cette année passée dans une localité sous-dotée, ces futurs médecins prendront toute la mesure du délaissement, pour ne pas dire de la détresse médicale, que subissent certains territoires, notamment ruraux. À l’aube de leur carrière, cette expérience sensibilisera ces praticiens ayant fait de la santé une vocation autant qu’elle mobilisera la conscience civique de ces jeunes citoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – Le premier alinéa du II de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. – La durée du troisième cycle des études de médecine, fixée par le décret mentionné au III en fonction des spécialités, est d’au moins quatre années.

« La quatrième année du troisième cycle de médecine générale est intégralement effectuée en stage en pratique ambulatoire dans des lieux agréés. Les stages ainsi effectués le sont sous un régime d’autonomie supervisée et en priorité dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. »

II. – Le I du présent article n’est pas applicable aux étudiants qui, à la date de publication de la présente loi, avaient débuté le troisième cycle des études de médecine.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Genet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux saluer la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale. Si le texte n’affiche plus pour objectif la lutte contre les déserts médicaux, il représente malgré tout un espoir pour nombre de territoires privés de médecins.

J’ai entendu certains de nos collègues critiquer un dispositif qui serait trop « précipité » ou accuser les auteurs d’une telle initiative de « mettre la charrue avant les bœufs ». Permettez à l’élu charolais que je suis

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Genet

Fort heureusement, la situation locale s’est depuis lors améliorée, par exemple avec la création par le président André Accary d’un centre départemental de santé salariant des médecins ou l’installation d’une maison de santé pluridisciplinaire soutenue par l’intercommunalité, au sein de laquelle œuvre une équipe de médecins – ce sont d’ailleurs en majorité des jeunes – extrêmement dévoués. Comme ma collègue Marie Mercier, je pourrais vous parler d’autres communes – je pense ainsi à Cuisery ou à Genouilly – qui cherchent encore leurs médecins.

Monsieur le ministre, votre tâche n’est pas facile, mais elle est vitale. Nos concitoyens des territoires ruraux s’adaptent de gré ou de force aux délégations de tâches, aux cabines de télémédecine et, demain, aux médecins stagiaires, car ils n’ont pas d’autre choix. Mais ils ne sauraient accepter qu’on finisse par entériner le principe d’une médecine à deux vitesses.

L’urgence de la situation commande donc de prendre des mesures structurelles et complémentaires à la présente initiative. Une véritable mobilisation générale est nécessaire pour ne pas oublier le grand sacrifié de la situation : le patient.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour souligner les limites du dispositif prévu à cet article unique.

Voilà quelques années, les études de médecine duraient sept ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Je m’en sors bien plus mal aujourd’hui : au cœur du bassin minier, nous n’avons plus aucun médecin…

Actuellement, les études de médecine générale durent neuf ans. En cas d’adoption de la proposition de loi, leur durée serait portée à dix ans. Pensez-vous vraiment qu’une année supplémentaire va régler le problème des déserts médicaux ? En outre, il faudra des médecins seniors pour encadrer ces nouveaux internes. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il en manque partout, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales.

Qui encadrera les jeunes internes volontaires ? Car nous parlons bien de volontariat, évidemment à moindre coût. Je rappelle que ces praticiens seront payés 2 000 euros à 2 500 euros par mois pour dix ans d’études.

Plus que jamais, nous devons réfléchir à la question de l’installation. Le problème ne sera jamais réglé si nous continuons à laisser s’installer des médecins dans les zones où l’offre de soins est fortement excédentaire. Au contraire : il s’aggravera. Plus qu’à une dixième année, nous sommes favorables à la réduction du premier cycle et du deuxième cycle, après discussion et concertation.

Une véritable loi est indispensable pour discuter de nouveau de la refonte globale des études de médecine avec l’ensemble des partenaires concernés, car il n’y a plus de numerus clausus. Monsieur le ministre, vous avez dit que l’on ne verrait malheureusement que dans dix ans les effets d’une réforme consistant à desserrer l’étau, donc à former davantage de médecins, en en donnant immédiatement les moyens aux facultés via la création de places supplémentaires.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Comme cela a été indiqué, à l’heure actuelle, l’hôpital public ne peut fonctionner sans les internes.

J’aimerais rappeler deux chiffres : la formation d’un médecin généraliste coûte à l’université environ 104 000 euros par étudiant et par an, quand la valeur du travail fourni est estimée à 121 000 euros. Les internes de médecine gagnent en moyenne 6 euros de l’heure, et 70 % des internes dépassent le plafond hebdomadaire légal de 48 heures en travaillant environ 58 heures par semaine. En d’autres termes, le coût de la formation s’élève à 104 000 euros quand le travail fourni est chiffré à 121 000 euros. Les étudiants en médecine sont donc les seuls étudiants de France qui rapportent de l’argent à l’État !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Bruno Belin et Alain Houpert applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Il faut le répéter, car ils le vivent comme une profonde injustice. Ils ne comprennent pas que l’on ne reconnaisse pas ce qu’ils apportent à la médecine ni ce qu’ils ont fait pendant la période du covid-19. Souvenez-vous : vous les avez applaudis pour 6 euros de l’heure !

Lors de son audition par la commission de la culture du Sénat, le président de France Universités, M. Manuel Tunon de Lara, ancien président de l’université de Bordeaux et praticien hospitalier, déclarait que les CHU allaient « dans le mur ». Il ajoutait même : « Les hospitalo-universitaires sont noyés sous des tâches cliniques. Entre 50 et 60 professeurs de médecine ont démissionné depuis 2018. »

Est-ce vraiment là la réforme dont ont besoin aujourd’hui les études de santé ?

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Alain Houpert applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Rojouan

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a beaucoup travaillé sur l’accès aux soins, qui est malheureusement insuffisant dans de trop nombreux territoires français.

Il est intéressant que la commission se soit emparée du sujet, car sa vision et sa manière de l’aborder sont différentes de celles de la commission des affaires sociales.

Je suis très heureux, car la proposition de loi de Bruno Retailleau permet d’envoyer un message fort à destination des populations délaissées dans les territoires et, surtout, des élus locaux ! Lorsque de nos déplacements, à chaque réunion, immanquablement, les maires nous parlent de la problématique de la présence médicale dans leur commune ou communauté de communes. Il s’agit du premier message fort envoyé par notre assemblée en direction de ces élus locaux, qui sont nos premiers partenaires.

Mais, au regard de la situation désastreuse de la santé en France, il ne faudra pas s’arrêter là. Le Sénat, qui assure la représentation des territoires, est le lieu même où nous devons en discuter. Je propose que le vote de cette proposition de loi ne soit qu’une première étape. Il faudra revenir – vous l’avez presque tous dit – sur le sujet, que nous ne réglerons pas par cette seule disposition.

Dans le prolongement du travail réalisé en commission, j’ai rédigé et déposé une proposition de loi comportant un ensemble de mesures. Ce n’est qu’en les prenant toutes à peu près simultanément, ou tout du moins dans un délai restreint, que l’on améliorera la situation des 6 millions de Français concernés, et même des autres !

Le débat d’aujourd’hui n’est donc que le début d’une discussion beaucoup plus longue sur l’accès au soin des Français dans leurs territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

J’aimerais tellement que la solution proposée marche ! Car le problème n’est pas nouveau : voilà dix ans que nous en débattons au sein de cet hémicycle, additionnant les dispositions pour répondre à la question des déserts médicaux.

Avec mon collègue Hervé Maurey, j’ai remis un premier rapport en 2013 pour identifier le problème et formuler des propositions. Si celles-ci ont pu paraître quelque peu coercitives et dures pour la période, peu de choses ont changé depuis, et les nécessités sont les mêmes.

Je ne pense pas que la quatrième année d’internat soit le sujet. Vous utilisez une disposition relative à la formation pour essayer de répondre de manière masquée à la question des déserts médicaux. Les auteurs de la proposition de loi disent : « Si vous avez un maître de stage, si le maire veut bien mettre un logement et – pourquoi pas ? – une voiture à votre disposition, s’il veut bien créer un cabinet médical, si toutes ces conditions sont réunies, vous, stagiaires de quatrième année, vous pourrez prioritairement faire votre stage dans des lieux sous-denses où il n’y a pas de médecins. »

Je ne crois pas du tout aux 3 700 médecins sur lesquels tablent les initiateurs de la démarche. Nous avons en effet assez bien expliqué ici que les internes ont une autre approche, une autre vision. Je suis d’accord avec mon collègue Pierre Ouzoulias : il faut reconsidérer la manière dont on les traite à l’hôpital. C’est à la limite de la maltraitance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

… ou, en effet, de l’esclavage.

Les déserts médicaux, c’est un autre sujet. Comment l’État répartit-il aujourd’hui l’ensemble des médecins de manière équitable sur le territoire, afin que chaque administré dispose d’un médecin à trente minutes environ de chez lui ? C’est à cette question qu’il faut répondre. Et je pense que la présente proposition de loi ne le permet pas.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Je rejoins plusieurs de mes collègues pour remettre la proposition de loi dans son contexte.

Tout d’abord, je remercie notre groupe et Bruno Retailleau de ce texte, que j’ai moi-même cosigné. Cette initiative me semble indispensable, même si elle est insuffisante. Elle ne constitue évidemment qu’une partie de la réponse, mais je dis : « Enfin ! » L’exaspération est telle dans nos territoires que si nous ne sommes pas capables de répondre aux besoins de soins de plus de 6 millions de Français, en particulier dans la ruralité, d’autres questions vont se poser.

En matière d’accès aux services publics, les trois secteurs prioritaires sont la sécurité, la santé et l’éducation. Si nous ne parvenons pas à satisfaire ces besoins, désormais dans l’urgence – l’heure est grave, et le temps presse –, nous ne sommes pas à la hauteur de la confiance que nos administrés, nos concitoyens, nos électeurs, les contribuables placent en nous.

Bien entendu qu’il y a des sujets plus globaux sur la santé ! Bien entendu que ce n’est pas par les internes que nous résoudrons l’ensemble de la question ! Bien entendu qu’il convient d’examiner la place et la situation des internes dans notre système de santé !

Toutefois, ce premier signe adressé à nos territoires, qui sont en désespérance – il faut l’entendre – sur l’offre de santé, me semble une absolue priorité. J’insiste sur cette nécessité, qui n’a pas été anticipée. Nous pouvons débattre et continuer à réfléchir, mais il faut que nous crantions, que nous avancions, que nous agissions.

Je remercie les collègues qui ont pris l’initiative de ce débat, qui, je l’espère, sera une première étape.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Notre collègue Patrice Joly a présenté deux amendements – Jean-Luc Fichet les a évoqués à l’instant – portant sur la relation entre formation et présence médicale, ainsi, notamment, que sur la désertification médicale. Ces deux amendements ont été retirés du dérouleur de séance – ils ne seront pas présentés –, en vertu d’une interprétation de l’article 45 de la Constitution avec laquelle je suis en profond désaccord.

Je le rappelle, cet article dispose que tout amendement « est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Si quelqu’un ici peut m’expliquer que ces deux amendements n’ont aucun rapport, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … même indirect avec le texte, je les remercie de le faire. À défaut, nous sommes dans l’arbitraire. Je protesterai de nouveau chaque fois que l’interprétation faite ici de l’article 45 de la Constitution se présentera.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l’article.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Il faut toujours saluer les initiatives qui font parler des sujets très importants pour notre société.

Je remercie donc M. Retailleau de son initiative, de même que je remercie M. le ministre d’avoir introduit une disposition identique dans un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si l’intitulé de la proposition de loi a changé, nous avons en réalité plus parlé aujourd’hui des problèmes de démographie médicale que de la professionnalisation des professionnels de santé ; je le regrette.

Je voudrais vous faire part de mes doutes. La proposition de loi comporte des écueils.

Tout d’abord, il y a une non-adhésion des jeunes étudiants en médecine. Or il est important que les lois que nous votons soient en parfait accord avec la majorité de ceux qui seront concernés. Ces derniers étaient 10 000 dans les rues la semaine dernière. Je tiens compte de leur avis. Ils ne veulent pas être la variable d’ajustement d’un problème qui a été créé – il faut le dire – par toutes les précédentes majorités.

Nous n’avions pas anticipé le vieillissement de la population, les polypathologies, ni les besoins actuels de la société, dans laquelle les personnes souhaitent être soignées et « consomment » de la santé.

Par ailleurs, comment peut-on imaginer qu’on aura plus de médecins qui seront maîtres de stage quand on voit les courbes du nombre de médecins généralistes depuis une vingtaine d’années ? §Regardons tout simplement l’âge de nos médecins généralistes : nous voyons bien que beaucoup sont proches de la retraite. Nous ne disposons même pas des 12 000 médecins dont nous aurions actuellement besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Comment les trouverons-nous ?

Je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Je soutiens sans réserve la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui. Elle va exactement dans le même sens que celle de mon collègue Daniel Chasseing, texte que j’avais cosigné et qui figurait à l’ordre du jour de jeudi prochain dans la niche du groupe Les Indépendants, avant d’en être retiré, dans la mesure où les dispositifs envisagés étaient similaires.

Il faut dépasser les clivages politiques et nous réunir sur ce sujet : tous les territoires français sont concernés. Dans ma circonscription de Maine-et-Loire, pas une commune n’est épargnée. Et je ne parle pas des médecins spécialistes, pour lesquels les rendez-vous sont fixés à six mois ; je parle des généralistes, pour lesquels il n’y a pas de rendez-vous possible, faute de praticiens. À Angers comme dans les zones rurales, les patients s’entendent répondre : « Si vous n’êtes pas notre patient, nous ne vous prenons pas. » C’est la raison pour laquelle tant de personnes ne sont pas suivies.

Il y a urgence, il y a pénurie, et les maires sont les premiers à y faire face. Ils doivent se débrouiller. Certains, ingénieux, ont salarié leurs médecins ; d’ailleurs, l’opération financière est souvent intéressante. D’autres construisent des maisons de santé à leurs frais. D’autres encore font venir des médecins de Roumanie ou d’ailleurs. Partout, c’est la débrouille !

Nous devons aider les maires ruraux à trouver des solutions. Celle qui est proposée aujourd’hui est bonne, à la condition très simple, d’ailleurs évoquée sur toutes les travées de cette assemblée, d’obtenir l’adhésion des internes en médecine par une juste rémunération de leur effort au service de la ruralité.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Sonia de La Provôté, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Devenir médecin généraliste, médecin de famille, c’est un choix. Les jeunes qui s’engagent dans cette voie sont les piliers de la médecine de demain. Ils ont profondément à cœur le service public et l’écoute des autres.

Pourquoi ne s’installent-ils pas à l’issue de leurs études ? Pourquoi font-ils longtemps des remplacements ? Pourquoi, à la consultation, sont-ils rémunérés en dessous de la moyenne européenne ? Les contraintes d’exercices sont telles qu’ils choisissent de faire des exercices particuliers en cours de carrière. Pourquoi se salarient-ils ? La sécurité sociale salarie des médecins. Nous avons des médecins coordonnateurs et nous trouvons tout un tas de postes pour lesquels nous employons les médecins à autre chose qu’aux soins de premier recours.

Ces fameux médecins généralistes représentent un tiers des promotions de médecins reçus à l’internat, mais seulement un cinquième d’entre eux se consacreront au final aux soins de premier recours auprès des habitants dans les territoires.

Je ne voterai pas cette proposition de loi, parce que nous n’avons pas réglé les questions essentielles : la rémunération, la qualité de l’exercice et la considération du rôle primordial des généralistes, qui sont les piliers de la médecine.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Belin

Je ne reviendrai pas, comme l’a fait Bernard Jomier, sur ce qui s’est passé voilà trente ans ou quarante ans. Au tournant des années 1990, on a baissé le numerus clausus uniquement pour faire des économies de sécurité sociale. On a sacrifié des vagues d’étudiants qui nous seraient bien utiles aujourd’hui.

Monsieur le ministre, cette journée est historique. Je veux que nous prenions date, tous les deux, devant notre assemblée. On nous a raconté qu’à la fin du numerus clausus, tout irait bien. Et on invente ce qu’aucun de nous n’aurait été capable d’imaginer voilà six mois : le numerus apertus. En attendant le numerus proximus

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Belin

Je prends date, monsieur le ministre, cher docteur. Nous avons bien compris que le numerus apertus était maintenant la règle. Mais il va vite falloir l’évaluer. Qu’est-ce que cela a changé concrètement dans toutes les universités françaises, par catégorie de profession de santé ? Combien de places sont données ? Êtes-vous prêts à le réévaluer, à l’expliquer ? Quelle transparence y aura-t-il ?

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Je suis très surpris que la proposition de loi, qui avait au départ explicitement vocation à traiter la question des déserts médicaux, se retrouve avec un intitulé amputé d’une partie essentielle du sujet.

L’enjeu de l’accès à la santé dans les territoires, notamment ruraux, mais pas seulement, est majeur. L’égalité est bafouée, ce qui a des conséquences sur la qualité de vie de nos concitoyens, et, pire, sur leur espérance de vie. Nous avons des écarts allant jusqu’à cinq ans, comme c’est le cas dans mon département, la Nièvre.

Il y a donc urgence : urgence sanitaire, bien sûr ; urgence politique, aussi, tant l’attente de nos concitoyens est grande pour une prise en main par les politiques de l’organisation de la présence sanitaire sur nos territoires. Pour cela, il faut redéfinir les zones dites surdotées et celles dites sous-dotées, et sortir de la théorie de la prise en charge optimale du nombre de patients par médecin, au regard de la pénurie actuelle.

Les zones sont dites sous-denses lorsque le nombre de médecins y est inférieur à la moyenne nationale et surdenses lorsqu’il y est supérieur ; c’est aussi simple que cela.

Une telle reprise en main urgente était le sens de la proposition de loi, évoquée par notre collègue Jean-Pierre Sueur, que j’avais déposée en août dernier. Ses principales dispositions étaient une régulation en matière de conventionnement, la réduction de la possibilité de réaliser des intérims afin de sortir de ce scandale et la garantie d’aides à l’installation, pour les employeurs qui embauchent des médecins comme pour les libéraux.

Au secours, monsieur le ministre ! Les Français sont en souffrance. Au nom des habitants des territoires ruraux, agissez vite !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Le fait que nous parlions de la formation des internes en médecine générale me pose un problème. À l’origine – cela a été dit –, il était envisagé de parler des déserts médicaux en même temps. Cela faisait partie de l’intitulé initial.

Dans les territoires d’outre-mer, mais aussi partout en France, nous rencontrons de vrais problèmes. Nous ne parlons pas assez de la qualité des soins ni de l’aménagement du territoire, même si cela a été évoqué. Cette proposition de loi ne peut pas régler intégralement les difficultés rencontrées sur nos territoires.

J’ai travaillé en milieu hospitalier. Quand on regarde la charge de travail des internes, qui suppléent les médecins et prennent des responsabilités, la question de leur qualité de vie se pose. Avec cette proposition de loi, ils ne seront pas correctement payés, ils seront exploités.

Nous attendons beaucoup d’eux pour nos territoires. Mais parlons-nous de ceux qui, pendant le confinement et tout au long de la crise sanitaire, se sont suicidés ? Ils ont été onze. Nous devons en parler, évoquer de la qualité de vie de ces personnes, sur lesquelles nous comptons.

Aujourd’hui, nous nous trompons. Dissocier les problématiques de l’aménagement du territoire, de la qualité de vie des internes et de la qualité des soins dans notre population, c’est, je le crois, une grave erreur.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Poumirol, M. Kanner, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou, Jasmin, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du II de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. - Le troisième cycle de médecine générale est suivi d’une année de professionnalisation lors de laquelle les étudiants exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Ils exercent en pratique ambulatoire auprès d’un maître de stage universitaire, dans l’un des territoires mentionnés au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique.

« Leurs conditions matérielles d’exercice sont fixées par arrêté, après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale. »

La parole est à M. Bernard Jomier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Cet amendement découle logiquement de nos interventions précédentes. Il vise à acter le fait qu’une année de professionnalisation doit être mise en place et à renvoyer les conditions à la négociation avec les organisations concernées.

Ainsi que beaucoup de collègues l’ont dit, ni la question des rémunérations, ni celle des lieux d’affectation, ni celle des moyens matériels ne sont réglées. Tout le dispositif doit être négocié.

Le problème vient de la brutalité, encore une fois, avec laquelle est créée la quatrième année d’internat de médecine générale. L’ensemble des internes et de leurs organisations sont en grève et dénoncent à la fois cette proposition de loi et l’article 23 du PLFSS, qui est exactement identique, car il est fait fi de la phase de négociation.

Ce n’est pas l’heure pour nous de figer le dispositif ; vous faites une erreur.

Je vous appelle à adopter cet amendement pour poser un principe : renvoyer l’organisation à la négociation entre les parties prenantes. Il sera temps un peu plus tard – pas trop tard, j’en suis d’accord –, en fonction du résultat de ces négociations, d’adopter un dispositif définitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

En préambule, je précise que la proposition de loi n’est pas amputée du sujet sur la démographie médicale. Elle est amputée des termes « déserts médicaux », qui ne correspondent pas à la réalité de nos territoires. Nous avons certes des problèmes de démographie médicale partout en France, sur 85 % du territoire national. Alain Milon rappelait le titre d’un livre, que je ne connaissais pas : Paris et le désert français.

Mais parler de « déserts médicaux », c’est faire insulte à tous les élus locaux qui cherchent à donner de l’attractivité à leur territoire. Reconnaissez-le : il y a des territoires attractifs dans tous les départements. La France n’est pas un désert. L’expression « désert médical » est nocive pour l’installation des médecins. Elle donne une mauvaise image des territoires sous-denses. §Par ailleurs, monsieur Jomier, nous respectons les internes en médecine.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Si ! Nous les respectons ! Pour preuve, si la proposition de loi est adoptée, ils seront docteurs juniors en début de quatrième année. Nous défendons l’idée – cela figurait dans l’exposé des motifs de la proposition de loi – d’une rémunération à l’acte.

Nous avons examiné en commission un amendement qui sera présenté par le docteur René-Paul Savary tendant à demander une dérogation à la rémunération des docteurs juniors en médecine générale, parce que l’effort qu’on leur demande nécessite et impose reconnaissance. Je vous rejoins parfaitement sur le fait qu’il n’est pas tolérable que de futurs médecins, internes en quatrième année de médecine générale, avec le savoir qu’ils ont, ne soient pas reconnus à la hauteur de leurs mérites.

En instaurant une année de stage supplémentaire pour les étudiants en médecine générale sans l’inclure dans l’internat, le dispositif envisagé par M. Jomier ne permet pas de compléter le troisième cycle de médecine générale en lui rendant applicables les avancées permises par la réforme de 2017. L’ajout d’une phase de consolidation en troisième cycle de médecine générale, parce qu’il précipite la soutenance de thèse et donne accès à des stages longs en autonomie supervisée, est essentiel à cette réforme et à la reconnaissance par le titre de docteur junior.

Comme vous, cher collègue, je souhaite que soient définies des modalités de rémunérations adaptées à cette quatrième année et à ses contraintes. Inclure celle-ci dans la troisième année de cycle de médecine générale n’empêchera pas le Gouvernement – et je compte sur vous, monsieur le ministre – de le faire.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Braun

L’ajout d’une quatrième année au diplôme d’études spécialisées de médecine générale vise justement à doter cette « spécialité » d’une phase de consolidation, de professionnalisation, permettant à l’interne d’acquérir de l’autonomie dans le cadre protecteur de la supervision, à l’instar des autres spécialités médicales.

Par ailleurs, je ne suis pas favorable au fait que cette année s’effectue obligatoirement dans une zone sous-dense. Je ne crois pas à la concertation. Ce n’est pas une question de dogme : la concertation ne fonctionne pas ; elle est même contre-productive !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Vous avez dit « concertation », monsieur le ministre. Vous vous êtes trompé !

Debut de section - Permalien
François Braun

Je souhaite que les modalités de rémunération puissent être concertées dans le cadre de la mission que nous avons mise en place avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Je vous remercie de vous interroger sur la rémunération des internes en médecine générale. Je précise que le problème est le même pour les internes des autres spécialités.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Nous avons un doute fort qui tient aux capacités du législatif. Nous sommes tous très attachés à l’autonomie des universités ; j’ai même cru comprendre que Mme Pécresse avait fait une partie de sa campagne sur ce point. Or, comme l’a très justement dit M. Jomier dans son intervention générale, pour la première fois, le législateur interviendra dans un cursus universitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ce n’est pas vrai : ce n’est pas la première fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de faire ? Vous impulsez avec cette loi un changement radical dans la relation du pouvoir législatif avec l’université. Comprenez bien que si vous touchez aux études, vous touchez aussi aux masters, c’est-à-dire que vous remettez en question tout le processus de Bologne.

Pour ma part, je suis favorable à une telle discussion, mais j’avais cru comprendre que ce n’était pas votre position. Si vous en changez, il serait logique de nous l’expliquer.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Je remercie Mme la rapporteure de la précision de ses réponses et de son esprit de dialogue.

Madame la rapporteure, que vous ayez supprimé le terme « déserts médicaux », personne n’en est chafouin.

En revanche, vous auriez pu parler de dispositifs visant à développer et à améliorer l’offre de soins dans nos territoires. Comme nous voyons bien encore une fois, nous ne parlons que de cela dans cet hémicycle.

Mais cette dimension est effacée. Nous sommes donc dans la confusion. Ne cherchez pas ailleurs la raison de la grève des internes, de leur manifestation et de leur opposition à votre texte et à l’article 23 du PLFSS tel qu’il est rédigé.

Sommes-nous là pour décider du mode de rémunération ? Je ne préempte pas la question de savoir si, lors de cette quatrième année, les internes devront recevoir une part fixe salariale, une part à l’acte, un mélange des deux, une unicité de l’une ou de l’autre ! C’est la négociation qui doit le déterminer !

Les corps intermédiaires ont été méprisés pendant tout un quinquennat. Nous avons dit dans les discours qu’ils seraient revalorisés, mais, au moment de mettre en place un nouveau dispositif, ils ne sont pas consultés. Nous votons avant la négociation. Oui, nous mettons la charrue avant les bœufs ! Il faut d’abord négocier et ensuite adopter le dispositif.

Voilà pourquoi nous maintenons notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, vous venez d’indiquer que vous n’étiez pas favorable à la « concertation ». Je pense que vous vouliez dire à la « coercition ». C’est bien cela ?

M. le ministre le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le ministre, vous avez bien fait de rectifier votre propos, car cela n’avait effectivement pas de sens. À quoi aurait servi le CNR si vous étiez contre la concertation ? Je ne trouve pas que cet organisme ait beaucoup d’utilité, mais il est tout de même censé permettre la concertation.

Le groupe CRCE a clairement exprimé son désaccord avec la proposition de loi. Nous n’entrerons donc pas dans le jeu des amendements, car nous pensons de toute manière que le texte est mauvais. Ce n’est pas comme cela que l’on redressera la situation, qu’il s’agisse de la manière dont on traite les internes ou de ce que l’on vit dans nos territoires, ruraux comme urbains. Au contraire, il faut desserrer l’étau du numerus apertus.

Mes chers collègues, je n’arrive pas à comprendre que, via la présente proposition de loi, on encourage les jeunes médecins à travailler en libéral quand la majorité d’entre eux sont plutôt attirés par un exercice salarié et en équipe. Un tel hiatus montre que l’on ne veut rien entendre de la situation réelle des internes et que l’on cherche à les forcer.

Dans le même temps, on refuse certaines propositions, par exemple l’extension des gardes à l’ensemble des médecins, qu’ils exercent en ville ou à l’hôpital. Sur cette question, on les laisse faire ce qu’ils veulent.

À l’évidence, il y a là deux poids, deux mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Pour ma part, je m’abstiendrai sur cet amendement et sur tous les autres, comme je l’ai indiqué lors de ma prise de parole sur l’article.

Quand un étudiant arrive en fin de cursus, il a 26 ans ou 27 ans, il a des enfants en bas âge – au demeurant, beaucoup sont des femmes – et son conjoint est déjà engagé dans la vie active. Il est tout de même un peu délicat de demander à l’étudiant ayant volontairement pris l’engagement d’exercer en médecine générale, ce qui, par les temps qui courent, témoigne d’un sens aigu du service public et du service rendu à la population, alors que sa vie personnelle est lancée, d’aller dans un désert médical ou l’équivalent, c’est-à-dire loin de son lieu d’habitation, pour boucher les trous et pallier les carences des politiques publiques en matière d’accès aux soins.

De mon point de vue, un tel message n’est ni audible ni acceptable. Ce n’est pas cela qu’il faut transmettre à des jeunes sur qui reposera demain la responsabilité de la prise en charge des malades dans tous les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je voudrais recadrer les choses.

La quatrième année ne tombe pas du ciel ! J’ai assisté à un certain nombre d’auditions : cela fait des années que l’on parle d’une quatrième année, sur le modèle des quarante-trois autres spécialités, pour mettre le cursus du troisième cycle à égalité et faire en sorte que la médecine générale soit reconnue comme spécialité.

C’est revendiqué depuis très longtemps. Mais cela a été mis sous le tapis au fil des années, peut-être par manque de courage… Avec cette proposition de loi, au moins, c’est clair !

Au demeurant, les internes savent bien que, si c’est pour avoir une formation à l’installation, c’est intéressant.

Par ailleurs, je voudrais désamorcer la question des territoires. Certes, les étudiants iront dans des territoires plus ou moins attractifs, mais ils disposeront de l’agrément d’un médecin maître de stage universitaire.

Si un territoire rural ne trouve pas de maître de stage universitaire, il n’aura pas d’interne. La formation suppose un agrément et un suivi avec un maître de stage qui peut se trouver sur n’importe quel territoire.

Pour ma part, je ne pense pas que nous allons maltraiter les étudiants. En tout cas, ils ne seront pas aussi maltraités qu’ils le sont peut-être déjà à l’hôpital !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ils bénéficieront d’une vie nouvelle, découvriront des malades, et dans des territoires parfois extraordinaires. Je suis d’ailleurs sûr que cette expérience les convaincra de s’y installer, et pas forcément en libéral ; ils pourront exercer une activité professionnelle en fonction de leurs choix.

Il n’en demeure pas moins que c’est une année de professionnalisation tout à fait importante. Cela mérite sans doute, monsieur le ministre, que l’on se penche sur les deux cycles précédents, pour avoir une année de moins. Dix ans d’études, c’est long ! Si, ce faisant, on résumait six ans en cinq ans, tout le monde y gagnerait !

Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

L’exposé des motifs de l’amendement n° 9 rectifié résume bien la portée de la proposition de loi. Les auteurs insistent sur la nécessité de rémunérer davantage les étudiants en quatrième année. Pour ma part, j’y suis favorable.

Tout cela sera à voir dans un second temps, avec les étudiants. Il est évident qu’après dix ans, on ne peut pas les payer 2 000 euros par mois. C’est leur principal point de préoccupation.

J’avais par exemple proposé de les rémunérer sur la base de dix consultations par jour. En effet, un médecin surbooké fera appel à un jeune médecin et pourra facilement lui déléguer dix consultations par jour et être en mesure de le conseiller en cas de problème.

Enfin, il ne faut plus parler de « déserts médicaux » ! Parlons plutôt de « zones sous-denses ». Les médecins sont là pour soigner, dans les endroits où l’on a besoin d’eux : c’est leur vocation ; ils ont fait médecine pour cela.

Par conséquent, je ne vois pas en quoi demander à de jeunes médecins d’aller un an dans des zones où l’on a besoin d’eux serait un problème. D’ailleurs, la plupart sont d’accord. Simplement, il faut régler la question de la rémunération.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

D’aucuns s’étonnent de cette proposition de loi, mais je rappelle qu’en 2019, nous avons inséré dans la loi une disposition relative à la troisième année de médecine.

Il nous arrive de modifier le cursus. D’ailleurs, demain, nous examinerons une proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme. Certes, le cursus de ces dernières est plus court que celui des médecins.

Je sais le travail que mène la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le sujet depuis des années. Lorsque j’étais conseillère régionale, j’ai élaboré, en 2015, à la demande du président du conseil régional Bruno Retailleau le plan santé de la région des Pays de la Loire, dans le cadre de la commission de l’aménagement du territoire de la région.

La question concerne donc bien l’aménagement du territoire. Pour autant, il n’y a pas d’opposition entre la commission des affaires sociales et les autres commissions. Tous les membres de la commission des affaires sociales sont des élus locaux, qui connaissent leur territoire et qui savent ce qui s’y passe.

En revanche, être pour ou contre la coercition est un vrai débat. À titre personnel, je n’y suis pas favorable. D’ailleurs, partout où elle a été utilisée, ce fut un échec. Il n’est qu’à lire le rapport de benchmarking de Mme Dominique Polton sur le sujet. La commission des affaires sociales revient d’un déplacement en Suède : ce pays connaît les mêmes problèmes d’attractivité des professionnels de santé – médecins comme professionnels paramédicaux –, alors que son système est totalement différent.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié quinquies est présenté par Mmes F. Gerbaud et Gruny, MM. Milon et Belin, Mme Bellurot, MM. Bonhomme, Bonne et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Burgoa, Calvet, Charon, Courtial et Decool, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Devésa et Drexler, M. B. Fournier, Mmes Garnier et Garriaud-Maylam, MM. Grosperrin et Guerriau, Mme Herzog, MM. Klinger, Longuet, Menonville, Moga, Pellevat, Pointereau et Rapin, Mmes Richer et M. Vogel, MM. Wattebled et Babary et Mmes Borchio Fontimp, N. Delattre et Perrot.

L’amendement n° 8 rectifié quater est présenté par MM. Chasseing, Grand, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, M. A. Marc, Mme Paoli-Gagin, MM. Malhuret et Laménie, Mme Noël, M. Le Rudulier, Mmes N. Goulet, Micouleau et Vermeillet et M. Cigolotti.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

de la région à laquelle appartient la subdivision territoriale de l’étudiant

La parole est à Mme Frédérique Gerbaud, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Gerbaud

Cet amendement vise à affecter les étudiants de quatrième année en priorité dans une zone de sous-densité médicale située dans la région à laquelle appartient la subdivision territoriale de leur faculté de formation.

L’objet d’un tel fléchage est d’éviter un phénomène d’appel d’air incitant les étudiants d’un territoire régional donné à délaisser ce territoire au profit d’autres zones sous-denses malgré tout plus attractives à leurs yeux. En d’autres termes, nous souhaitons éviter que les territoires de rattachement naturel des stagiaires ne se trouvent spoliés du maintien sur place de leurs étudiants par l’attraction relative d’autres secteurs objectivement moins défavorisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié quater.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Cet amendement vise à prévoir que les étudiants en dernière année d’internat effectuent leur stage dans le territoire où ils ont accompli leurs études.

Il paraît normal que le territoire qui forme les médecins puisse ensuite bénéficier de forces vives. Quelquefois, les étudiants viennent de territoires très éloignés, mais ils doivent, selon moi, rester dans le territoire où ils ont accompli leurs études. Cela permettra également une meilleure répartition des internes sur les territoires.

De plus, c’est une réponse supplémentaire à l’objectif initial de la proposition de loi, à savoir lutter contre les zones sous-denses.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Ces amendements identiques visent à favoriser l’affectation des stagiaires de quatrième année de médecine générale dans la région du centre hospitalier dont ils relèvent. Je comprends l’intention des auteurs : éviter que les internes ne délaissent le territoire où ils sont étudiants.

Dans sa rédaction initiale, la mesure pouvait soulever plusieurs difficultés. Le nombre de maîtres de stage n’étant pas toujours proportionné, localement, à la population des internes, il fallait prévoir que ces étudiants puissent exercer dans une autre région, à défaut de pouvoir le faire dans la leur.

Les amendements ayant été rectifiés pour tenir compte de cet obstacle, permettre des exceptions et n’exclure aucun territoire, l’avis de la commission est désormais favorable.

Debut de section - Permalien
François Braun

Je suis un inconditionnel de la concertation et je suis fermement opposé à la coercition.

J’en viens aux amendements identiques.

L’affectation des internes se fait déjà dans la subdivision territoriale de la faculté. Inscrire cette disposition dans la loi revient de surcroît à se priver d’une éventuelle souplesse pour autoriser des exceptions utiles à certains territoires, en particulier les territoires limitrophes entre deux territoires de faculté.

Enfin, la répartition des postes d’internes est décidée non par le seul ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais conjointement avec le ministère de la santé et de la prévention, en tenant compte des besoins de santé des territoires.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, qui sont déjà satisfaits par les textes existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix les amendements identiques n° 3 rectifié quinquies et 8 rectifié quater.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Savary, Babary et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonne, Bouloux, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon, Cardoux et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deseyne et Dumont, M. Favreau, Mme Férat, MM. B. Fournier et Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. Lefèvre et Longuet, Mmes Malet et Micouleau, MM. Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Puissat, M. Reichardt, Mme Richer et MM. Rietmann, Sol, Tabarot, C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le III de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Par dérogation à l’article L. 632-5, les modalités de rémunération propres aux étudiants de la quatrième année de troisième cycle de médecine générale. »

La parole est à M. René-Paul Savary.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

La question de la rémunération de la quatrième année a déjà été abordée. Cet amendement vise à déroger au décret existant.

Tout le monde l’a souligné, il faut trouver une rémunération à la hauteur de la formation des étudiants, sans pour autant mettre à mal la rémunération actuelle des médecins spécialistes.

C’est pour cela qu’il a d’abord été préconisé une rémunération à l’acte, mais une telle mesure créerait des effets dominos difficilement maîtrisables. Proposer une dérogation au décret en vigueur permettrait une rémunération à la hauteur.

Je trouve extraordinaire d’avoir pu déposer un tel amendement sans que l’article 40 de la Constitution m’ait été opposé. Je m’en félicite, alors qu’il s’agit d’une dépense supplémentaire !

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Pourtant, lorsque j’ai proposé de réduire d’une année le cursus des deux premiers cycles pour que l’ajout d’une quatrième année de troisième cycle n’allonge pas la durée globale des études, je me suis vu opposer l’article 40. À l’évidence, une année d’études de moins génère des dépenses supplémentaires, mais une année de plus, non !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je rappelle que seule la commission des finances peut invoquer l’article 40 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Cela n’est pas du ressort de la commission des affaires sociales.

Des contraintes spécifiques s’appliquant aux étudiants de quatrième année de médecine générale, auxquels il est demandé de réaliser des stages en exercice ambulatoire et en zone sous-dense, il est normal que les conditions de rémunération de ceux-ci puissent être adaptées. Les étudiants devront être justement rétribués au regard du travail qu’ils fourniront et de la contribution qu’ils apporteront à l’accès aux soins de nos concitoyens. Il est prévu que le Gouvernement avance sur ce sujet ces prochains mois, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Braun

Je comprends le souhait de trouver la rémunération la plus adaptée à la quatrième année du diplôme d’études spécialisées de médecine générale. C’est d’ailleurs l’un des objets de la mission que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et moi-même avons mise en place et dont les conclusions sont attendues au premier trimestre de 2023.

Je souhaite que le sujet puisse être travaillé dans la concertation avec l’ensemble des parties prenantes, en prenant le temps nécessaire à son instruction, en particulier au regard de l’incidence que cela pourrait avoir sur les autres spécialités médicales.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le ministre, il ne m’a pas échappé que vous aviez lancé une concertation. Mais, quel qu’en soit le résultat, vous serez amené à déroger au décret.

Par conséquent, autant être concret…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… et montrer votre ouverture à une rémunération décente pour les internes en quatrième année de troisième cycle.

C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je voterai évidemment cet amendement, que j’ai cosigné, parce qu’il est apparu tout au long du débat que la rémunération était une condition essentielle au fonctionnement du dispositif élaboré dans la proposition de loi.

Permettez-moi de revenir sur le recours à l’article 40 de la Constitution. Je sais bien que ce n’est pas de la compétence de la commission des affaires sociales.

Comme l’a souligné tout à l’heure Jean-Pierre Sueur sur l’article 45, …

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

… il y a dans cette maison un vrai problème avec les limitations au droit d’amendement.

Cet amendement est l’illustration manifeste des dérives liées à l’utilisation de l’article 40.

Lorsque j’ai cosigné l’amendement n° 13 rectifié, j’ai considéré qu’il n’avait aucune chance de résister à l’article 40. Pourtant, il est passé ! En revanche, l’autre amendement que j’ai cosigné n’a pas survécu…

J’ai plusieurs fois demandé des explications en séance publique. On m’a envoyé un fascicule extraordinairement long et complexe élaboré par la commission des finances, mais j’avoue que je n’y comprends toujours rien ! §Cela vaudrait la peine de regarder en détail comment on a pu appliquer le contenu de ce fascicule et arriver aux aberrations soulignées par René-Paul Savary.

Je le redemande une nouvelle fois : examinons les modalités d’application des articles limitant le droit d’amendement sénatorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Les questions relatives à la rémunération prouvent, s’il en était besoin, les limites de la proposition de loi.

Il est question d’instaurer une dixième année sans avoir consulté sur la rémunération. On parle d’une rémunération à l’acte. Concrètement, cela signifie que, parmi les étudiants qui se porteront volontaires pour aller travailler dans des zones sous-denses, certains réaliseront cinq actes par jour, d’autres dix, quinze ou vingt.

En d’autres termes, il n’y a pas de cadre et l’on va créer des inégalités entre les étudiants eux-mêmes ! §Si, puisqu’ils seront payés à l’acte ! Ces étudiants ne gagneront donc pas la même chose.

Je trouve cela scandaleux !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je souhaite répondre à ma collègue sur la question de la rémunération.

Il est question de dérogation, ce qui laisse du temps à la concertation entre les étudiants et le Gouvernement, afin de répondre aux attentes à la fois des auteurs texte et des étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

M. Philippe Mouiller. On a donc le temps de discuter et de trouver un dispositif cohérent sur le territoire national.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Moi aussi, je veux répondre à ma collègue.

Pour ma part, j’ai proposé que l’on puisse accorder aux internes de quatrième année au minimum dix consultations par jour. Quand on exerce en libéral, certains jours, on fait beaucoup de consultations, d’autres, moins : c’est le principe. Il ne s’agit pas de parler de discrimination entre étudiants.

Mme Laurence Cohen s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Si un médecin a besoin d’un médecin junior, c’est bien que sa clientèle est trop importante et qu’il est complètement débordé. Il trouvera le temps à la fois de le conseiller et de faire du bon travail.

Dix consultations par jour cinq jours par semaine, cela représente 5 000 euros par mois.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 14 rectifié sexies, présenté par Mmes Bellurot et F. Gerbaud, MM. Perrin et Rietmann, Mme Thomas, MM. Brisson, Calvet et Reichardt, Mmes Demas, Puissat et Ventalon, MM. Cambon, Lefèvre et Bazin, Mmes Eustache-Brinio et Belrhiti, M. Paccaud, Mmes Procaccia et Micouleau, MM. Bonne, Belin, E. Blanc, Bouchet, Babary et Meignen, Mmes Estrosi Sassone et Lassarade, M. Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Canayer, Deseyne et Dumont, MM. Bouloux et J.B. Blanc, Mme Gosselin et MM. C. Vial, Genet, B. Fournier et Pointereau, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après le 3° du III de l’article article L. 632-2 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«…° Les conditions d’agrément des médecins retraités comme maîtres de stage des universités. »

La parole est à Mme Nadine Bellurot.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Bellurot

Je remercie mes collègues qui ont cosigné cet amendement.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir des solutions concrètes et pragmatiques. Cet amendement va vous combler !

Sourires .

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Bellurot

Il s’agit en effet d’autoriser les médecins retraités à devenir médecins référents. Nous le savons, il sera difficile de trouver des médecins référents en nombre suffisant, d’autant que, dans certaines communes, il n’y a plus du tout de médecins.

En 2014, j’ai été élue maire de Reuilly, dans l’Indre. Cette commune de 2 000 habitants comptait alors deux médecins généralistes et un chirurgien-dentiste. Aujourd’hui, il n’y en a plus aucun.

Si nous ne prévoyons pas la possibilité que les médecins retraités accompagnent ces étudiants – lesquels ont besoin de ce suivi – et qu’ils les fassent bénéficier de leur expérience, alors même que, souvent, ils habitent toujours les communes où ils ont exercé et qu’ils sont prêts à aider à l’installation de ces jeunes médecins, jamais ces jeunes médecins ne pourront venir dans nos communes. On nous opposera en effet le raisonnement suivant : vous auriez pu avoir un médecin junior, mais, pas de chance, vous n’avez pas de médecin pouvant devenir référent.

Je suis bien consciente qu’une telle mesure relève du domaine réglementaire. Mais vous savez comme moi que les débats sont aussi là pour éclairer la rédaction des décrets comme les possibles contentieux.

Avec cet amendement d’appel, je vous interpelle, monsieur le ministre : garantissez-moi qu’il sera demain possible, pour des médecins retraités, d’être des référents dans le cadre du dispositif que nous mettons en place.

Certes, cela doit s’organiser : cela peut concerner des médecins à la retraite depuis moins d’un an, de cinq ans ou de dix ans.

Faute d’avoir prévu une telle faculté, la réforme ne fonctionnera pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

La réforme ne pourra réussir que si elle garantit un véritable accompagnement aux internes et améliore leur formation, nous sommes tous d’accord sur ce point. Elle doit permettre aux étudiants de médecine générale de découvrir l’exercice ambulatoire, en cabinet ou en structure d’exercice coordonné, aux côtés de praticiens en mesure de les accompagner dans l’appréhension de l’autonomie. Sur ce point, l’ouverture de la maîtrise de stage à des médecins retraités qui n’exerceraient plus risquerait d’envoyer un mauvais signal aux étudiants. Je rappelle que la maîtrise de stage est déjà ouverte aux médecins en cumul emploi-retraite.

Le Gouvernement doit plutôt accélérer le recrutement de maîtres de stage en exercice – ils sont aujourd’hui environ 12 000 –, y compris et surtout en zone sous-dense, pour permettre la pleine réussite de cette réforme. Leur nombre a déjà beaucoup augmenté ces dernières années et de nombreuses collectivités s’emploient à favoriser la formation des maîtres de stage dans tous les territoires. Je pense en particulier au conseil départemental de la Charente-Maritime, qui, avec l’accord de la faculté de médecine de Poitiers, a favorisé l’organisation des formations pour les maîtres de stage au plus près de leur lieu d’exercice, dans les départements où la faculté de médecine ne se trouve pas.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement d’appel. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Bellurot

Mme Nadine Bellurot. Non, monsieur le président : j’ai bien entendu l’avis de la commission, et je vais retirer mon amendement.

Marques de déception sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Bellurot

Je sais que le cumul emploi-retraite permet de devenir médecin référent. Lors de la rédaction des décrets, domaine que je connais un peu, la possibilité d’étendre cette faculté aux médecins retraités sera très vite évacuée ; or on ne peut pas se le permettre : cette réforme ne pourra pas être menée à bien et nous n’aurons pas de médecins juniors dans nos territoires si nous n’avons pas la possibilité de bénéficier de l’expérience de ces hommes et femmes qui sont prêts à venir aider dans les communes où il n’y a plus de médecins. Il faut donc que les médecins retraités soient agréés.

Je comprends que les étudiants préfèrent des médecins actifs. Mais, ayant dans ma commune d’anciens médecins hypercompétents et de bonne volonté qui connaissent la patientèle et qui sauront parfaitement guider les étudiants, je pense que cela fonctionnera. Il y va de la santé de nos concitoyens.

Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président. §Que mes collègues cosignataires le reprennent s’ils le souhaitent !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 14 rectifié sexies est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Sol, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houpert, Genet, C. Vial, H. Leroy et Bouchet, Mmes Bonfanti-Dossat, Micouleau et Belrhiti et MM. Burgoa, Cambon et Calvet, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé

I. – Le 7° du III de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est complété par les mots : « sans que le nombre de postes ouverts en médecine générale ne puisse représenter moins de 70 % du nombre de postes ouverts ».

II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et, au plus tard, le 1er janvier 2025.

La parole est à M. Jean Sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Sol

Dans un contexte de crise, cet amendement tend à prévoir que le rapport entre la proportion des étudiants se destinant à la médecine générale en troisième cycle et celle des étudiants choisissant les autres spécialités devrait être inversé, pour atteindre 70 % pour les premiers, contre 30 % pour les autres.

Une telle mesure concourrait à lutter contre les déserts médicaux et servirait ainsi l’objet de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

La médecine générale est, de loin, la spécialité recrutant le plus d’étudiants en médecine, puisqu’elle concentre environ 40 % des étudiants accédant au troisième cycle.

Le présent amendement tend à prévoir que la médecine générale devra concentrer, à compter du 1er janvier 2025 au plus tard, 70 % des postes ouverts aux étudiants de troisième cycle. S’il était adopté, il risquerait de mettre en difficulté les autres spécialités, comme la médecine d’urgence, la réanimation ou la gynécologie obstétrique…

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Tout à fait, madame la présidente.

Or ces spécialités ne sont pas moins essentielles que la médecine générale pour nos concitoyens. C’est pourquoi la commission a émis sur cet amendement un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Je suis défavorable à cet amendement.

Nous parlons de la médecine générale, mais il y a aussi un réel problème en gynécologie obstétrique. Certes, cette spécialité ne concerne que les femmes, mais tout de même !

On constate également des tensions en ophtalmologie et en anesthésie-réanimation. Certains types de chirurgies ne sont pas assez présents dans les territoires. N’allons donc pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Nous avons besoin de tous les types de médecins, il faut donc augmenter globalement le nombre d’étudiants par promotion et faire les choses plus vite et mieux.

On peut le dire, si le nombre de médecins formés ces dernières années est insuffisant, nous le devons à une forme de complicité collective. Relançons donc les centres d’examen de la santé (CES). Que les médecins généralistes, qui sont polyvalents, redeviennent gynécologues médicaux, cardiologues de ville… Nous avons tout fait pour manquer et de spécialistes et de généralistes.

Il ne faut pas manger la part des autres, sachant que seule une portion congrue leur est réservée dans les effectifs de l’internat !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

M. Alain Houpert . Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi pose une bonne question sur la démographie médicale. Apporte-t-elle une bonne réponse ?

« Non ! » sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

En médecine, on traite toujours la cause. Ici, on ne veut pas en parler ! La cause des déserts médicaux, c’est l’absence d’aménagement du territoire. Cette politique a toujours été un vœu pieux : on a beaucoup parlé d’aménagement du territoire, mais on n’en a jamais fait.

Il n’y aurait pas de déserts médicaux si les territoires étaient plus attractifs et les banlieues plus sûres. Envoyer un étudiant effectuer son stage de quatrième année dans un territoire défavorisé, c’est délocaliser une famille pendant un an. Il faut déplacer le conjoint, trouver des logements, des écoles, des garderies, des collèges, des lycées. Il faut trouver des activités culturelles pour des gens ayant passé dix ans à l’université, en milieu urbain.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

On explique souvent que les étudiants en médecine sont favorisés parce que l’État leur a payé leurs études. Le sénateur Ouzoulias, qui a fait de l’archéologie, a merveilleusement expliqué que les médecins remboursaient leur dette, et largement, en renforçant l’hôpital.

Il est difficile de choisir un maître de stage. Les médecins spécialistes peuvent en choisir un, les médecins généralistes ne le peuvent pas.

Renforçons donc, et vite, l’attractivité des territoires et ne créons pas une forme de service médical, à l’instar du service militaire que certains ont connu. Cessons d’embêter les étudiants en médecine !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi, qui reprend l’une des seize propositions formulées dans le rapport intitulé Déserts médicaux : agir vraiment, que j’avais rédigé il y a dix ans avec Jean-Luc Fichet.

Malheureusement, on n’a pas réellement agi depuis ce rapport et les choses n’ont pas beaucoup bougé. Je revois Mme Bachelot au banc du Gouvernement, lors de la discussion de la loi qui porte son nom, nous expliquer que ce n’était qu’un mauvais moment à passer et que, dans dix ans, tout serait arrangé. Eh bien non, dix ans après, les choses se sont même aggravées.

Cette proposition de loi sera certainement adoptée, mais sera-t-elle appliquée ? De nombreux dispositifs ont déjà été votés, mais les décrets n’ont jamais été pris. Je pense en particulier à la loi de 2019, qui prévoyait un stage obligatoire à partir d’octobre 2021. À quoi bon voter des dispositifs, s’ils ne sont pas mis en œuvre ?

Pour autant, je suis convaincu – et je ne surprendrai pas grand monde dans cet hémicycle en le disant – que l’on ne réglera pas le problème avec le seul dispositif de l’article unique. Comme je le disais déjà il y a plus de dix ans, je demeure convaincu qu’il faudra un jour instaurer une régulation de l’installation. La régulation, ce n’est pas la coercition. Nous l’avons utilisée en France pour un certain nombre de professions de santé, notamment pour les kinésithérapeutes, avec un succès reconnu. Cela se fait dans de nombreux pays.

Face à l’échec patent, que personne ne peut contester, des politiques mises en place depuis bientôt trente ans et qui reposent uniquement sur des incitations, il faudra un jour qu’un gouvernement courageux ose déplaire aux médecins.

Je comprends tout à fait ce qui a été dit sur les médecins, sur la difficulté de leurs études : j’ai moi-même une fille médecin. Mais je pense qu’il y a quelque chose d’encore plus important que le confort des médecins : l’accès des patients à une médecine de qualité.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Hervé Maurey a raison, la loi Hôpital, patients, santé et territoire comportait une disposition quelque peu coercitive. Toutefois, quelques mois après son adoption, il a fallu qu’Alain Vasselle dépose une proposition de loi afin de supprimer cette disposition, au motif qu’elle avait provoqué une bronca chez les médecins.

Je voterai également cette proposition de loi, car le sujet est plus qu’irritant dans les zones dépourvues de médecins, qu’il s’agisse des banlieues des grandes villes ou de territoires ruraux. L’accès aux soins est extrêmement important, mais je trouve dommage que le débat se limite à la quatrième année et que nous devions attendre le 15 novembre pour avoir un débat sur Parcoursup. En effet, la filière est aussi bloquée à l’entrée : c’est aussi d’un échec de Parcoursup que nous parlons, puisque certains étudiants qui voudraient être médecins se trouvent démobilisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous avons saucissonné la question en nous limitant à la quatrième année. Notre débat sur Parcoursup pourrait aider à trouver une solution, madame la présidente Deroche. Il faudrait débloquer la situation pour qu’il y ait plus d’étudiants en médecine.

Le département de l’Orne, entre autres, s’est mis à salarier les médecins pour essayer de pallier les manques. Tout le monde fait beaucoup d’efforts, car c’est un sujet important pour chacun d’entre nous. Encore faut-il le prendre dans le bon sens. La proposition de M. Retailleau est certes intéressante, mais tant qu’on n’aura pas réglé aussi la question de l’entrée dans la filière, il y aura des problèmes. Rendez-vous le 15 novembre, donc !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Lors des débats sur la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite Ma santé 2022, défendue par Agnès Buzyn et dont j’étais rapporteur, un amendement, déposé par Corinne Imbert, tendait à prévoir l’obligation pour les étudiants en troisième année de spécialisation de se former à l’extérieur, dans les cabinets médicaux.

À l’époque, les étudiants nous avaient dit une chose assez extraordinaire : ils estimaient qu’ils ne pouvaient effectuer cette troisième année à l’extérieur parce qu’ils étaient insuffisamment formés. Nous avons donc décidé de réduire la durée de cette formation à six mois. Cette disposition a été votée en commission mixte paritaire, puis par les deux assemblées, mais n’a jamais été mise en œuvre par le Gouvernement.

Avec ce texte, nous permettons aux étudiants d’effectuer une formation complète, pendant trois ans, en milieu hospitalier, c’est-à-dire qu’ils apprendront à soigner les maladies, comme le diabète, l’hypertension, etc. Ce qui est intéressant dans la proposition de loi de Bruno Retailleau, c’est qu’on leur propose, en plus, d’aller travailler avec des médecins, sur le terrain, et d’entrer en contact non pas avec des maladies, mais avec des patients, ce qui n’est pas du tout la même chose. Soigner quelqu’un en cabinet, en individuel, ou soigner quelqu’un sur un lit, avec un chef de clinique, un interne, un patron, ce n’est pas du tout la même chose.

Il est donc extrêmement intéressant que nos étudiants puissent faire cette quatrième année. Jusqu’à présent, en fin de cycle, seuls 30 % des médecins s’installaient immédiatement et définitivement. Les autres attendaient, faisaient des remplacements, etc. Désormais, tous les étudiants en médecine générale iront chez un médecin généraliste et termineront leur formation au contact direct de patients, tout en préparant leur doctorat.

Cette proposition de loi est donc extrêmement intéressante et je vous appelle tous à la voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon groupe votera également cette proposition de loi.

Je tiens d’abord à dire que, dans la ruralité, il y a aussi de la culture, des écoles, des collèges et même des lycées, pas très loin ! Il est vrai cependant qu’il n’y a pas d’université.

Le problème est qu’il est souvent difficile pour le conjoint de trouver un emploi, ce qui est une difficulté, compte tenu de la féminisation actuelle de la médecine.

En outre, les jeunes ne souhaitent pas travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais les choses ont beaucoup évolué : les médecins effectuent désormais beaucoup moins de gardes et il est tout à fait possible pour les jeunes de mener dans les territoires ruraux la vie qu’ils souhaitent avoir.

Nous avions voté en 2019 un texte qui allait dans le même sens que la présente proposition de loi, mais aucun décret n’a été pris ensuite. Depuis, la situation s’est encore beaucoup dégradée. Dans nos départements, dans nos cantons, les maires nous demandent de mettre en place un système efficace.

Il ne s’agit pas de punir les internes, bien sûr. Après dix ans d’études, ils ont droit à un salaire décent, qui leur permette de faire vivre leur famille. Simplement, nous leur demandons, pendant cette quatrième année, d’apporter la médecine dans tous les secteurs de notre pays.

Ce texte va permettre une amélioration.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Si cette proposition de loi traite de sujets importants, elle passe à côté d’un examen en profondeur des mesures qui seraient nécessaires à la fois pour améliorer la formation des jeunes médecins et pour faire face aux enjeux difficiles du manque de couverture médicale dans de nombreux territoires.

Au fond, ce texte évite les questions essentielles : faut-il, ou non, des mesures de coercition ? Quid de la formation initiale ? Quelle concertation avant de légiférer ? Pour notre groupe, sur ces sujets comme sur d’autres, la concertation doit précéder la loi, et non la suivre. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :

Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés328Pour l’adoption232Contre 96Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Merci, monsieur le ministre, pour votre écoute et pour l’avis de sagesse que vous avez émis sur cette proposition de loi. Merci, mes chers collègues, pour la qualité de nos échanges.

Avec cette proposition de loi du président Retailleau, nous n’avions pas la prétention de tout régler, mais il était important que ce texte soit voté aujourd’hui. La situation actuelle en matière d’accès aux soins étant insupportable pour un grand nombre de patients et pour les élus, une première réponse était nécessaire.

Ce texte constitue un pas. Il n’aura pas pour conséquence de retirer des internes à l’hôpital public, bien au contraire. Peut-être la venue de médecins juniors dans les territoires évitera-t-elle l’arrivée de patients aux urgences. On parle toujours du lien entre ville et hôpital. L’hôpital ira mieux si la médecine de ville va mieux.

On demande aux internes en médecine générale de faire un pas, mais aussi au ministère en termes de reconnaissance, aux médecins généralistes installés, que l’on sollicite pour qu’ils deviennent maîtres de stage, et à la Faculté, pour qui l’on facilite la maîtrise de stage au plus près des lieux d’exercice.

Tel est l’intérêt de cette proposition de loi, que je vous remercie d’avoir adoptée.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-deux, est reprise à dix-huit heures cinquante-trois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Nos collègues Amel Gacquerre et Anne-Catherine Loisier souhaitent rectifier leur vote sur le scrutin n° 3 portant sur l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Elles souhaitaient voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Nos collègues Charles Guené, Gérard Longuet, Albéric de Montgolfier et Damien Regnard souhaitaient également voter pour ce même projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle le débat sur les finances locales, organisé à la demande de la commission des finances.

Dans le débat, la parole est à M. Vincent Éblé, au nom de la commission qui a demandé ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques nous permet désormais, en amont de la discussion du projet de loi de finances, de consacrer un débat à la situation des finances locales. Nous sommes tous d’accord pour dire que cet exercice est bienvenu.

Madame la ministre, vous souhaitez supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en deux ans, prétendument pour améliorer la compétitivité de nos entreprises industrielles. En fait, cette suppression ne bénéficierait qu’à hauteur de 40 % à ces dernières. Elle bénéficierait en revanche à nombre de sociétés du secteur tertiaire. En supprimant la CVAE, vous ne ciblez pas les entreprises industrielles. Pour soutenir la compétitivité de notre industrie, ne faudrait-il pas mieux conserver ces moyens pour faire face à la crise énergétique qui touche celle-ci de plein fouet ?

Par ailleurs, la compensation proposée a été calculée en prenant en compte deux années de crise sanitaire pendant lesquelles nous avons observé une contraction du produit de la CVAE. Pourtant, l’État a déjà perçu le montant de la CVAE pour 2023 qui, lui, est dynamique. La ficelle est trop grossière pour ne pas fâcher les bénéficiaires ainsi lésés !

La Première ministre s’est certes engagée à abonder ponctuellement le nouveau Fonds vert du montant de la dynamique de 2023, mais cela n’affecte pas le socle de la compensation de la CVAE. Cela revient donc à diminuer la somme fixée pour cette compensation…

Les incidences du schéma de compensation sur les indicateurs financiers des collectivités territoriales, qui n’interviendraient certes qu’à compter de 2024, n’ont pas à ce jour été évaluées, ni leurs conséquences éventuelles corrigées.

Sur ce point, le projet de loi de finances pour 2023 se limite pour l’heure à un renvoi bien trop large au pouvoir réglementaire. Cela me rappelle la suppression de la taxe d’habitation, pour laquelle des problèmes de compensation subsistent, notamment du fait de la réforme des indicateurs financiers. Vous vous attaquez au sujet de la CVAE alors que celui de la taxe d’habitation n’est pas clos.

Après les contrats de Cahors, vous souhaitez poursuivre aujourd’hui avec le nouveau pacte de confiance le mouvement visant à recentraliser le fonctionnement des collectivités territoriales.

Je note d’ailleurs que l’article correspondant a été supprimé à l’Assemblée nationale… Pourquoi ? Parce qu’il était irréaliste ! Il fixait le plafonnement de la progression des dépenses de fonctionnement à un niveau inférieur d’un demi-point à celui de l’inflation. Des sanctions étaient même prévues en cas de dépassement. Cela ne me semble pas acceptable, d’autant plus que l’on ne connaît ni les critères ni l’organisation précise de ce nouveau dispositif coercitif. Madame la ministre, votre copie est à revoir !

Il convient de sortir de l’ère du soupçon à l’égard de nos élus locaux, d’autant plus que ceux-ci sont contraints par des règles budgétaires bien plus exigeantes que celles qui s’appliquent à l’État et au Gouvernement – et, madame la ministre, cela se voit. Pour respecter vos engagements européens, vous souhaitez faire des économies sur le dos des collectivités territoriales, qui sont plus vertueuses que vous !

Face à la hausse des coûts de l’énergie, de nombreuses collectivités, même celles qui sont en bonne santé financière, se voient dans l’obligation de décaler des travaux importants ou des projets d’investissement, notamment en faveur de la transition énergétique.

Madame la ministre, votre seul souci devrait être de permettre aux collectivités territoriales de conserver une épargne brute significative afin de couvrir des investissements nouveaux, sachant en outre que le montant de leur facture énergétique est estimé, dans le rapport de notre collègue Françoise Gatel, à 11 milliards d’euros.

Le bouclier tarifaire et le plafonnement des prix de l’électricité à 180 euros le mégawatt sont certes utiles, mais ils ne compenseront que de manière insatisfaisante l’augmentation des charges des collectivités.

Oui, ces collectivités peuvent participer à l’effort de redressement de nos comptes publics, mais un échange constructif avec les associations d’élus est nécessaire au préalable. Souvenons-nous que les comptes des collectivités territoriales ne peuvent être en déséquilibre.

Actuellement, les finances locales connaissent un effet de ciseaux du fait d’une forte progression des dépenses non compensées par une augmentation équivalente de leurs recettes.

Madame la ministre, le processus de mitage fiscal organisé méthodiquement transforme peu à peu les principaux impôts directs locaux en compensations, puis en dotations, sur lesquelles les élus locaux n’exercent ni pouvoir de taux ni pouvoir d’assiette.

Au regard du contexte actuel, l’enjeu majeur est de mieux coordonner les finances locales, sociales et étatiques plutôt que de revenir à un idéal d’État central qui ne peut et ne doit plus être.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme le vice-président de la commission des finances.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom du rapporteur général, Jean-François Husson, qui ne peut être présent dans l’hémicycle cet après-midi.

Ce débat sur la situation des finances des collectivités territoriales constitue une avancée importante, permise par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), à laquelle le rapporteur général tenait particulièrement.

Pour cadrer ce débat, un premier constat s’impose : il faut d’emblée dissiper l’illusion que la situation financière des collectivités territoriales est favorable. Elle est au contraire d’une grande hétérogénéité. Dès lors, raisonner à partir de moyennes globales n’a pas grand sens.

Quelle est la réalité ? Tout d’abord, à la fin de l’année 2021, près de 46 % des communes disposaient d’une épargne brute encore inférieure à son niveau de 2019. La crise sanitaire a laissé des traces budgétaires dans de très nombreuses collectivités, frappées désormais par les conséquences de la guerre en Ukraine. Une première réponse a été apportée cet été avec l’adoption, dans la loi de finances rectificative, d’un filet de sécurité pour le bloc communal et de mesures spécifiques pour les départements et les régions.

Ce filet de sécurité est le fruit d’un travail réalisé par les différents groupes de l’Assemblée nationale. Le Sénat l’a renforcé de façon significative en y incluant les charges liées au relèvement du point d’indice de la fonction publique, à la hausse des prix de l’énergie et à la forte inflation sur les produits alimentaires.

Ce dispositif a le mérite d’exister pour préserver les collectivités qui auront connu le plus de difficultés en 2022. Pour autant, sa portée n’est plus adaptée à une situation qui continue de se dégrader depuis la rentrée. De nombreuses collectivités voient se dresser un mur lors du renouvellement de leurs contrats de fourniture d’électricité et de gaz et ne savent pas à ce stade comment équilibrer leur budget pour l’année prochaine.

Des mesures puissantes et efficaces doivent donc être prises dans le projet de loi de finances pour protéger les collectivités qui en ont besoin. Le Gouvernement doit comprendre que si nous les laissons dans cette impasse financière, nous agissons contre notre propre intérêt. Car ce sont bien elles qui ont la capacité de mener, dans nos territoires, les projets d’investissement indispensables, en particulier ceux qui nous permettront de mettre en œuvre et de réussir, au plus près des besoins, la transition écologique indispensable à notre pays.

Ce débat budgétaire ne doit toutefois pas être limité aux épreuves de l’année à venir. L’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 nous donnera également l’occasion de nous prononcer globalement sur la stratégie de redressement des comptes publics, en particulier sur la juste part que doivent prendre les collectivités territoriales à cet effort.

Bien que le solde des collectivités territoriales soit excédentaire de près de 5 milliards d’euros en 2021 et que leur dette représente moins de 9 % de la dette publique totale, le Gouvernement fait le choix de leur demander un effort très substantiel de baisse de leurs dépenses de fonctionnement de 0, 5 % par an en volume.

Dans le même temps, si l’on neutralise l’effet des dépenses du plan d’urgence, du plan de relance et plus globalement des dépenses de crise, il apparaît que l’État ne réaliserait pas le moindre effort sur ses dépenses et que celles-ci progresseraient même sur la période de programmation.

Les membres de notre assemblée comme les élus locaux ne sauraient accepter sans réagir les méthodes d’un État qui entend réduire la dette publique tout en continuant d’aggraver la sienne, ou encore baisser les impôts en supprimant ceux des autres ! §La proposition de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en est une nouvelle illustration.

En conclusion de son propos, le rapporteur général souhaitait évoquer le prétendu « pacte de confiance ». On nous affirme que les mesures prévues n’ont rien à voir avec les contrats de Cahors. Il faut donc croire que c’est par étourderie que le Gouvernement a laissé, à l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), plusieurs paragraphes entièrement copiés-collés depuis l’article 29 de la précédente loi de programmation qui instituait les contrats de Cahors…

Si une première année de « liberté surveillée » est accordée, elle précède la mise en œuvre d’un mécanisme de correction extrêmement contraignant, appliqué au terme d’un raisonnement par strates de collectivités pour le moins douteux. De nouvelles sanctions ont par ailleurs été imaginées, notamment l’exclusion des dotations d’investissement de l’État.

Nous sommes donc bien loin de la « nouvelle méthode » qui avait été annoncée. Les collectivités territoriales savent pourtant pertinemment qu’il existe entre elles et l’État une communauté de destin et que la réussite de notre pays passe par le redressement de ses finances publiques. Elles ont consenti de très importants efforts par le passé pour maîtriser leurs dépenses et sont prêtes à les poursuivre, sous réserve de réciprocité de la part de l’État. C’est une question de justice.

Au-delà des mots, nous attendons plus que jamais des actes, mais des actes de confiance !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des finances, madame la vice-présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un plaisir et un honneur de prendre part avec vous à ce premier débat consacré aux finances locales.

Ce nouvel outil démocratique a été rendu possible par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Il constitue, selon moi, une avancée pour notre pays et pour nos collectivités, en introduisant de manière inédite un temps consacré aux finances locales dans le cours de l’examen des projets de loi de finances.

J’ai déjà pu me livrer à cet exercice vendredi dernier à l’Assemblée nationale, avec mon collègue Gabriel Attal. Comme le veut le fonctionnement de nos institutions, c’est aujourd’hui au Sénat, chambre des territoires, que j’ai l’occasion de m’y livrer de nouveau, selon des modalités légèrement différentes.

Gabriel Attal, Christophe Béchu et moi-même avons en effet suivi une méthode renouvelée dans l’élaboration du volet territorial du projet de loi de finances pour 2023, conformément à la volonté du Président de la République et de la Première ministre. Notre démarche a consisté à échanger en continu, en amont, avec les associations d’élus, afin de coconstruire des mesures qui répondent aux besoins des territoires et aux attentes de nos concitoyens.

Nous les avons toutes reçues, à plusieurs reprises, jusqu’à la présentation du projet de loi de finances (PLF) au Comité des finances locales le 26 septembre, quelques heures après sa présentation en conseil des ministres.

Après le temps de la concertation, nous sommes désormais entrés dans celui de la construction d’un budget protecteur, bien sûr, mais aussi d’un budget sincère, qui prend en compte l’impératif de maîtrise de nos finances publiques et la participation indispensable de chacun à cet effort.

Cet esprit de responsabilité et cet impératif d’action ont été nos deux guides dans la conception du PLF pour 2023. Ce sont aussi, je n’en doute pas, les deux principes qui guideront son examen par le Sénat.

Face à la progression inédite de l’inflation et à l’envolée des coûts de l’énergie, les défis auxquels les collectivités territoriales doivent faire face imposent un soutien accru de l’État.

Dès cet été, le Gouvernement a proposé des mesures fortes dans la loi de finances rectificative, que vous avez enrichie et votée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je pense en particulier au filet de sécurité de 430 millions d’euros pour aider les communes et les intercommunalités les plus fragiles à faire face à la hausse du point d’indice et des prix de l’alimentation et de l’énergie.

Nous savons que certaines collectivités ont besoin de cette aide au plus vite. C’est pourquoi, comme l’a annoncé Gabriel Attal, dès la parution du décret le 13 octobre et jusqu’au 15 novembre, elles pourront déposer une demande qui leur permettra d’obtenir un acompte de 50 %, lequel sera versé avant le 15 décembre.

Nous avons par ailleurs alloué 120 millions d’euros aux départements, qui versent le revenu de solidarité active (RSA), afin de compenser intégralement la hausse de 4 % de cette prestation prévue par l’État. Nous avons également instauré le recouvrement total par l’État auprès des régions de la hausse de 4 % des rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle.

Nous accentuons encore cet accompagnement de l’État dans le cadre du PLF pour 2023.

Un amendement du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale vise à prolonger le filet de sécurité pour les dépenses énergétiques en 2023. Le bouclier tarifaire sera prolongé, ce qui permettra de limiter à 15 % la hausse des prix de l’électricité pour 80 % des communes. Nous prévoyons aussi de quintupler l’enveloppe à destination des communes en grande difficulté, à hauteur de 10 millions d’euros, et surtout de ne pas plafonner les bases fiscales, afin de laisser toute autonomie aux collectivités sur leur dynamique fiscale.

Ces mesures permettront aux collectivités de faire face dans l’immédiat à leurs surcoûts financiers, mais il nous faudra aussi agir à d’autres échelles.

Au niveau du marché européen de l’énergie, tout d’abord, nous devrons chercher à réguler les prix et à capter les superprofits réalisés par les grands groupes énergétiques du fait de cette situation de tension.

Nous devons aussi, chacun à notre échelle, suivre les recommandations formulées par la Première ministre dans le plan de sobriété.

Toutefois, résoudre durablement la crise que nous connaissons impose aussi d’effectuer des changements profonds de notre modèle, en favorisant la transition écologique et la transition énergétique dans tous les territoires.

C’est pourquoi il est prévu dans le projet de loi de finances pour 2023 d’augmenter d’un tiers les moyens consacrés à la dotation de biodiversité pour 2023, qui avaient déjà été doublés en 2022, pour atteindre un montant de 30 millions d’euros.

Il est également prévu de mettre en œuvre un fonds vert d’un montant inédit de près de 2 milliards d’euros. Ses crédits seront attribués selon des règles simples, décentralisées et sans appel à projets. Tout partira des initiatives des élus, selon une méthode lisible et reconnue, celle du dialogue entre les élus et leur préfet de département ou de région.

La Première ministre a par ailleurs annoncé vendredi dernier que 200 millions d’euros seront spécifiquement alloués aux départements.

Accompagner les collectivités territoriales, c’est avant tout leur donner les moyens d’agir, en sécurisant leur financement et en leur assurant une visibilité à long terme.

Ainsi, avec la Première ministre, nous avons souhaité porter une hausse de 320 millions d’euros de la dotation globale de financement (DGF), les augmentations de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) étant financées par l’État et non par écrêtement des crédits des autres communes. Cette augmentation, inédite depuis treize ans, est un acte fort du Gouvernement.

La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, quant à elle, permettra à notre pays de gagner en compétitivité sans amoindrir les ressources des collectivités. Elle sera en effet intégralement compensée et territorialisée par l’attribution d’une part supplémentaire de TVA, mais aussi par sa dynamique, dès 2023.

La compensation, l’année prochaine, correspondra aux sommes que l’État aurait dû reverser aux collectivités en 2023 au titre de la CVAE. Il n’y aura pas d’année blanche, rien ne sera conservé par l’État.

Elle sera également territorialisée : ceux qui accueillent davantage d’activités seront davantage compensés, sur le fondement de critères précisés dans un décret en Conseil d’État. Un travail est d’ailleurs en cours avec les associations d’élus. Sur ce sujet comme sur les autres, l’écoute et la concertation devront primer.

Notre souci de préserver les marges de manœuvre des collectivités transparaît enfin dans le maintien de leurs dotations d’investissement, pour un montant de près de 2 milliards d’euros, comme l’année précédente.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voici les principaux éléments des concours de l’État aux collectivités pour 2023.

Notre pays et nos collectivités ne manquent pas d’atouts pour relever les défis qui sont les nôtres. Nous avons toujours su construire, au cours de notre histoire, dans ces situations de crise, des consensus responsables, au service de l’intérêt général. Je sais que ce sera une nouvelle fois le cas, car, au-delà du débat démocratique indispensable, les postures et les effets de manche ne font plus illusion aux Français. Nos concitoyens ne se satisferont pas d’une nouvelle représentation du spectacle sempiternellement rejoué du combat entre les Montagnards et les Girondins.

C’est collectivement que les Français nous jugeront : sur notre bilan, nos réussites et notre capacité à améliorer concrètement leur qualité de vie.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la ministre, mes chers collègues, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque intervention, pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répliquer, pour une minute.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Hervé Maurey.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le quinquennat de François Hollande, caractérisé par la baisse drastique des dotations, à hauteur de 11 milliards d’euros, Emmanuel Macron, lors de son accession à la présidence de la République en 2017, a voulu donner des assurances aux collectivités locales en matière financière.

L’annonce d’une stabilisation du niveau de la dotation globale de fonctionnement avait ainsi été favorablement accueillie.

Malheureusement, la désillusion fut rapide. Dès l’été 2017, le Gouvernement décida d’une réduction de 300 millions d’euros des crédits dédiés aux collectivités, de la suppression de la réserve parlementaire et de la quasi-suppression des emplois aidés.

Quant à la DGF, si son montant a en effet été stabilisé globalement, la réalité pour les communes, à titre individuel, est tout autre, puisque la moitié d’entre elles ont vu leur dotation diminuer ces cinq dernières années.

Les collectivités ont également vu leurs leviers fiscaux considérablement réduits par les réformes fiscales qui se poursuivent aujourd’hui, au détriment de leur autonomie financière.

Dans le même temps, les collectivités locales ont dû faire face à deux chocs sans précédent, la crise sanitaire et l’inflation.

Le choc de la crise sanitaire a coûté 7 milliards d’euros aux collectivités, dont 3, 2 milliards d’euros au seul bloc communal.

D’un côté, les pertes de recettes se sont élevées à 3, 4 milliards d’euros pour le bloc communal ; de l’autre, la compensation a été limitée à 270 millions d’euros au titre des pertes de recettes fiscales et domaniales et à 250 millions au titre du dispositif d’aide aux services publics industriels et commerciaux (Spic) et aux services publics administratifs (SPA).

À présent, c’est au choc de l’inflation que les collectivités locales doivent faire face.

Je rappelle que j’ai attiré l’attention du Gouvernement dès le mois de février sur les conséquences de l’augmentation des prix de l’énergie, à l’époque sans aucune écoute de sa part…

Le Gouvernement a accru ce choc en juillet en augmentant le point d’indice, pour un surcoût de 2, 3 milliards d’euros. Le Gouvernement n’avait pas jugé utile de prévoir un dispositif de compensation pour les collectivités.

Si l’Assemblée a introduit un filet de sécurité, qui a été considérablement amélioré par le Sénat, notamment grâce aux apports du groupe Union Centriste, auquel j’ai l’honneur d’appartenir, celui-ci reste toutefois très limité. Il ne devrait en effet bénéficier qu’à 5 000 à 8 000 communes ou groupements, et se limiter à l’année 2023, alors que ces collectivités font face, dès aujourd’hui, à d’importants surcoûts.

Ce dispositif pose question et je souhaiterais que ce débat soit l’occasion de nous éclairer sur le système d’avances prévu. Quelles communes vont en bénéficier ? Quand et comment ?

Vous avez évoqué précédemment la nécessité de déposer un dossier, madame la ministre, mais la plupart des communes ne savent même pas si elles peuvent prétendre à ce filet de sécurité ! Des clarifications s’imposent. Nous serions très heureux de vous entendre sur ce point.

À notre grande surprise, le projet de loi de finances pour 2023, dont nous aurons l’occasion de reparler prochainement, ne prévoyait pas, dans la version initiale déposée à l’Assemblée nationale, de prolongation de ce filet de sécurité l’année prochaine.

L’augmentation de 320 millions d’euros de la DGF annoncée par la Première ministre et présentée comme « une première depuis treize ans » représente en réalité une revalorisation de 1, 2 % de son montant total, quand l’inflation est de plus de 5 %. Nous sommes bien loin de l’indexation de la DGF sur l’inflation demandée par les associations d’élus.

Comme vous l’aurez compris, les élus, et plus particulièrement les maires, sont inquiets des perspectives financières pour leurs collectivités.

J’ajouterai que dans le contexte de transfert de la taxe d’aménagement à l’intercommunalité, certaines situations sont particulièrement complexes. Ce dispositif a été voté par l’Assemblée nationale sans aucune concertation. Il faudra en reparler lors de l’examen du projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je ne peux que vous appeler à revoir votre copie sur le prochain PLF pour permettre aux collectivités de faire face à cette période particulièrement difficile.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, y a-t-il encore une décentralisation dans notre pays ? La question mérite d’être posée. Car si l’on décentralise les compétences, la fiscalité, elle, reste jacobine !

Ce gouvernement fait preuve de démagogie fiscale sur le dos des collectivités territoriales.

On a osé parler de « suppression » de la taxe d’habitation, mais rien n’est supprimé pour le contribuable. Les propriétaires supportent la hausse de la taxe foncière et les locataires celle des loyers qui en découle.

Avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les communes finissent de perdre toute autonomie fiscale : peu de ressources propres et plus de ressources réellement dynamiques. Prises au piège, elles sont contraintes de racketter les propriétaires en augmentant la taxe foncière.

Du fait de la hausse des prix de l’énergie de plus de 250 %, de la flambée des prix matières premières, de la restauration scolaire et de l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires, les communes n’ont plus de marges de manœuvre.

En ce moment, les maires et leurs adjoints aux finances préparent leur budget pour 2023 et ils s’arrachent les cheveux ! Ils font face à une explosion de leurs dépenses de fonctionnement.

Pourtant, depuis le printemps dernier, je demande en vain au Gouvernement un bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie pour les collectivités !

Cet été, on a eu droit, en pleine canicule, à la fermeture de piscines, comme dans les Bouches-du-Rhône, à Cabriès. Cet hiver, on risque la suppression des décorations et des fêtes de Noël.

Pendant ce temps, l’État obèse refuse de descendre de notre dos et de sortir ses mains de nos poches.

La crise qui s’installe montre, une fois encore, l’inefficacité de l’État et la pertinence de la gestion locale. Mais le Gouvernement ne veut rien entendre.

L’État répond par des soins palliatifs à l’asphyxie des collectivités locales : des aides, des hausses des dotations, mais plus de ressources propres.

Les communes restent tributaires du bon vouloir de Bercy et en sont réduites à faire la manche. La Banque postale prévoit une baisse de 11, 3 % de son épargne brute cette année. En 2023, les communes épuiseront en quelques mois la totalité de leur budget de fonctionnement. Sans changement, nous allons vers un blackout fiscal communal.

La Cour des comptes, dans son rapport de la semaine dernière, propose que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) soient recentrés sur le bloc communal. Une telle mesure permettrait aux communes de retrouver une ressource dynamique. Ce serait un juste retour sur investissement, pour elles qui œuvrent avec constance pour l’attractivité du territoire. Cela leur permettrait notamment de financer leurs dépenses de fonctionnement.

Décentraliser la fiscalité, c’est garantir le principe constitutionnel de consentement à l’impôt de nos concitoyens. Quiconque a les pieds dans le réel comprendra qu’il s’agit là d’un enjeu majeur.

Rendre aux communes leur autonomie fiscale, c’est à cela, et à rien d’autre, que nous devons travailler, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à saluer la tenue de ce débat instauré par la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, adoptée à la fin de l’année dernière.

Cette nouvelle loi organique contribue à la difficile tâche de moderniser le cadre des lois de finances. Certains avaient même envisagé la création d’une loi spécifique relative aux finances locales, sur le modèle de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous nous contentons aujourd’hui d’un débat, mais les enjeux politiques des finances locales, conjugués à une technicité de plus en plus complexe, rendent sans doute inévitable à terme la discussion d’un texte budgétaire spécifique.

Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances locales est éclairant, en particulier sur les comparaisons internationales. Les finances locales ne représentent en France que 20 % de la dépense publique, soit un niveau inférieur à la moyenne des pays européens, où les dépenses des collectivités locales représentent plutôt 40 % de la dépense publique.

Certes, les modèles étatiques et les périmètres de compétences sont différents. Néanmoins, ces comparaisons permettent de remettre les choses en perspective : les collectivités se voient toujours reprocher un manque de rigueur budgétaire alors qu’elles sont les seules à présenter chaque année un solde à l’équilibre. Si les collectivités représentent un cinquième de la dépense publique, elles ne contribuent quasiment pas au déficit public.

Au-delà de ces considérations d’ordre général, la situation financière des collectivités est évidemment très diverse. Globalement, voire paradoxalement, les collectivités sont sorties de la crise sanitaire avec des finances plus saines qu’avant la crise, grâce aux économies qui ont été réalisées et aux aides accordées par le Gouvernement. Toutefois, cela cache des situations individuelles très contrastées. Je concentrerai mon propos sur les finances communales et celles des départements.

Le bloc communal a été le plus affecté par les dernières réformes de la fiscalité : suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et bientôt suppression complète de la CVAE. S’il tire encore aujourd’hui les deux tiers de ses ressources de la fiscalité locale, celle-ci tend à être remplacée par le transfert d’impôts nationaux. La question qui se pose aujourd’hui est donc bien entendu celle de l’autonomie financière, alors que la différenciation territoriale devient un enjeu politique majeur.

Cette question concerne aussi les départements. Davantage financés par des impôts nationaux et des dotations, ils font face à une montée en puissance de leurs interventions dans le domaine social. Je pense en particulier aux départements ruraux, qui sont souvent en déprise démographique et appelés à accompagner le vieillissement de la population avec des ressources fiscales propres assez peu dynamiques.

Bien sûr, la solidarité nationale doit jouer grâce aux transferts d’impôts nationaux, mais là aussi se pose la question de la soutenabilité d’un modèle de décentralisation où l’on accepte de différencier, voire de donner à terme un pouvoir réglementaire d’adaptation, mais sans véritable autonomie financière correspondant à l’autonomie de décision.

Face au retour de l’inflation, le Gouvernement a pris en loi de finances rectificative des mesures qui ont aidé les collectivités à faire face, que je salue. Une enveloppe supplémentaire de 430 millions d’euros a ainsi été prévue afin de compenser la hausse des prix de l’énergie et la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires.

Néanmoins, je ne vous apprends pas l’inquiétude des élus pour 2023, madame la ministre. C’est pourquoi ces derniers souhaitent que ce soutien soit pérennisé en loi de finances. Les amendements adoptés en commission à l’Assemblée nationale la semaine dernière semblent confirmer cette pérennisation, ce dont je me réjouis.

Mon groupe soutiendra, dans tous les cas, les mesures visant à donner aux collectivités les moyens correspondant à leurs missions, ces dernières étant indispensables à notre cohésion sociale.

Quoi qu’il en soit, la principale mesure du projet de loi de finances pour 2023 est bien évidemment la suppression en deux ans de la part restante de CVAE. La compensation par le versement d’une fraction de TVA est annoncée « à l’euro près, pérenne et dynamique ». Nous vous prenons au mot, madame la ministre et nous veillerons au respect de cet engagement dans le temps.

En matière de dotations de l’État, le Gouvernement poursuit la politique du précédent quinquennat, marquée par une grande stabilité. La dotation globale de fonctionnement reste comprise entre 26 et 27 milliards d’euros, malgré l’inflation. Les montants des dotations de péréquation comme la DSU et la DSR seront revalorisés dans les mêmes proportions que les années précédentes.

En l’état actuel des débats sur le projet de loi de finances, et dans l’attente de la mise en œuvre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, il reste difficile d’entrevoir l’architecture financière qui sera finalement retenue pour les collectivités. Des incertitudes demeurent, comme l’illustrent les débats chaotiques sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Au vu du contexte économique et social que connaît notre pays, les collectivités territoriales, comme nos concitoyens, ont besoin de clarté, de prévisibilité et de sérieux.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question essentielle est de savoir si, depuis un certain temps, nous respectons la Constitution. Ses articles 72 à 74 décrivent longuement ce qu’est l’autonomie des collectivités.

Vous n’y êtes pour rien, madame la ministre, mais en quoi cette autonomie est-elle respectée quand on supprime progressivement la taxe professionnelle, la taxe d’habitation, la CVAE et que l’on met en place un encadrement d’État, qu’on l’appelle « accords de Cahors », « pacte de confiance » ou autre ?

Il y a beaucoup de pactes, mais une seule réalité : les élus locaux perdent le pouvoir ! Ils perdent la capacité d’agir sur leur territoire, parce qu’ils perdent la capacité de financer leurs projets.

Vous dites que le Gouvernement compense, madame la ministre, mais ce n’est pas la même chose. En recentralisant l’impôt, on fait en sorte que les collectivités dépendent de dotations de l’État, lesquelles sont assez rarement alignées sur l’inflation. Cela revient à dire finalement que la gestion des élus locaux est si peu fiable qu’il faut la recentraliser et qu’il appartient à l’État et à son administration, par définition bien plus doués que les élus locaux, de gérer le tout. Il y a un réel problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je me souviens très bien de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, annonçant ici même, à la fin de l’année 2012, une remise à plat de l’ensemble de la fiscalité nationale et locale l’année suivante. Nous devions enfin trouver un équilibre… Inutile de dire que la table ronde annoncée n’a jamais eu lieu !

En réalité, quels qu’ils soient, les gouvernements rognent très progressivement, mais constamment depuis vingt ans, le pouvoir des élus locaux.

Les maires, à la fois étranglés financièrement et responsables devant leur population, n’ont plus aujourd’hui la capacité de faire face.

Madame la ministre, il y a encore peu, vous étiez maire de Beauvais et vous savez très bien que, quand on réduit les dotations comme on l’a fait durant le mandat de François Hollande ou quand on supprime la taxe d’habitation sans guère de négociations, on réduit le pouvoir et la capacité d’action des élus locaux. Il y a alors une dégradation du lien entre la population, d’une part, les collectivités locales et leurs élus, d’autre part.

Je prends un autre exemple qui, je l’espère, ne prospérera pas : la commission des finances de l’Assemblée nationale a récemment adopté un amendement visant à fixer un seuil de hausse pour la taxe foncière, l’État étant censé compenser au-delà de ce seuil…

Vous le voyez bien, les collectivités n’auront bientôt plus aucune ressource pour agir ; elles attendront que l’État veuille bien leur donner un minimum pour survivre. Ce n’est pas cela l’autonomie !

La Cour des comptes reconnaît elle-même que l’autonomie des collectivités locales a été remise en cause au fil des années. Je regrette simplement que la Cour n’aille pas plus loin en demandant clairement à l’État de faire cesser cette évolution qui dure depuis vingt ans et qui se traduit par une dépendance de plus en plus grande des collectivités envers l’État et par une place de plus en plus faible des projets locaux, pourtant décidés par les élus et la population.

Cette évolution se poursuit, on l’a vu, alors même que le contexte est complètement fou. Face aux crises sanitaire et énergétique que nous connaissons, tout le monde essaie de trouver des solutions et il est évident que nos collectivités vont trinquer ! Il faut dire les choses clairement : si nous n’instaurons pas un bouclier énergétique pour les collectivités, si nous ne trouvons pas une solution acceptable sur la CVAE, si nous n’apportons pas une réponse à toutes les collectivités – pas seulement à 80 % des communes, madame la ministre ! –, alors les collectivités locales ne pourront plus agir. Pourquoi ne leur permet-on pas d’exister ?

Les élus locaux, qui vont peut-être être amenés à supprimer des services publics faute de capacités financières, sont responsables devant la population – c’est bien elle qui les élit et qui leur demande des comptes. Il faut corriger cette profonde anomalie et redonner aux élus leur pouvoir d’agir.

Pour conclure, je tiens à dire que je soutiens la proposition faite par Éric Berdoati devant l’Association des maires d’Île-de-France : mettre en place, à l’instar du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un projet de loi de financement des collectivités locales. Cela donnerait aux collectivités locales de la visibilité et les placerait peut-être sur un pied d’égalité avec l’État pour négocier leurs moyens financiers et leur autonomie.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Martine Filleul applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dit le Sénat conservateur, mais il est des changements que nous accueillons bien volontiers. Ainsi, l’organisation, en amont de l’examen du projet de loi de finances, d’un débat sur les finances locales est une nouveauté qui a tout pour nous plaire.

La réforme de la loi organique relative aux lois de finances, il y a un an, en a fait un jalon du débat budgétaire. C’est une première. C’est l’occasion pour nous, avant d’entrer dans le dur des discussions, de faire le point sur la situation des collectivités.

Dans le rapport qu’elle a présenté en commission des finances la semaine dernière, la Cour des comptes a posé un diagnostic clair et ouvert des pistes de réformes, dont chacun peut s’emparer.

L’autre particularité de ce débat, c’est qu’il a lieu au début du quinquennat, donc au début d’une nouvelle séquence politique. Nos discussions ne peuvent, à cet égard, faire l’impasse sur le programme du Président de la République qui a été réélu.

Le Président de la République s’est engagé à poursuivre le chemin tracé depuis la crise sanitaire et le plan de relance, en baissant les impôts de production via notamment la suppression de la CVAE. Ce n’est pas spontanément le souhait le plus partagé parmi les élus locaux que nous sommes… Nous aurons tout loisir, durant l’examen du projet de loi de finances, de débattre des modalités techniques et du calendrier de mise en œuvre de cette suppression.

Mais ce débat est l’occasion de prendre un peu de hauteur et de discuter des grandes orientations que nous souhaitons donner à la réforme de la fiscalité locale.

Je rappellerai d’abord pourquoi nous sommes favorables, par principe, à la réduction des impôts de production.

En 2020, avant la baisse de la CVAE, ces impôts représentaient plus de 5, 3 % du PIB en France, contre 2, 6 % dans l’Union européenne et seulement 0, 8 % en Allemagne.

Or ces impôts sont injustes pour les entreprises, parce qu’ils pèsent non pas sur les bénéfices, mais sur les facteurs de production. Ils sont surtout contre-productifs, car ils pénalisent tout particulièrement les entreprises industrielles.

La suppression de ces impôts est donc une bonne nouvelle pour notre industrie et, indirectement, pour nos territoires. Si cela n’affectait pas les finances des collectivités locales, je pense que le Sénat ne pourrait que s’en réjouir. Mais c’est notre rôle de nous assurer que cette suppression sera aussi une bonne nouvelle pour les collectivités.

Or, en l’espèce, je partage certaines des craintes exprimées ici. Le problème est non pas la suppression de cet impôt, mais bien son remplacement et la territorialisation de sa compensation – vous avez évoqué cette question, madame la ministre.

L’affectation d’une fraction de TVA donne certes aux collectivités des ressources fiscales dynamiques, ce qui peut rassurer, mais elle les prive d’un levier de politique économique.

Cette nouvelle dépossession, engagée après la suppression de la taxe d’habitation, contribue à placer davantage les collectivités sous la coupe de l’État. Elle est mal vécue – vous êtes élue locale, vous le savez, madame la ministre –, même si la territorialisation que vous avez annoncée permet de rassurer.

La préservation de l’autonomie financière des collectivités – Roger Karoutchi en a parlé – ne doit pas se faire aux dépens de leur autonomie fiscale, déjà réduite comme peau de chagrin. Je sais, madame la ministre, que Christophe Béchu et vous-même partagez l’objectif de préserver cette autonomie.

Or les collectivités ont montré leur capacité à tenir les comptes : à la fin de 2021, Christine Lavarde l’a mentionné, elles dégageaient un excédent budgétaire de 5 milliards d’euros, certes en raison des circonstances, mais surtout parce qu’elles savent être prudentes.

Depuis cet excédent, la reprise à la sortie de la crise sanitaire et les tensions en Ukraine ont tiré les coûts de fonctionnement à la hausse. Aujourd’hui, les élus locaux font face à des augmentations qui les placent dos au mur.

Dans son rapport, la Cour des comptes propose plusieurs pistes de réforme afin de remettre à plat le financement des collectivités.

L’une de ces pistes consiste à partager la fiscalité nationale. C’est une piste qui a le mérite de garantir aux collectivités des ressources dynamiques, qui suivent le cours de l’inflation.

La Cour propose aussi d’attribuer un type d’impôt par strates de collectivité. Cette piste a le mérite de clarifier les choses, mais elle ne répond pas aux préoccupations des collectivités. L’urgence est non pas de remettre la fiscalité à plat, mais de sauvegarder l’autonomie financière des collectivités, qui doivent garder la maîtrise de leur destin et de leurs politiques, particulièrement lors des crises comme celle de l’énergie que nous traversons.

Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ? Il y va de la préservation des services publics de proximité. Nos élus locaux sont inquiets. Ils attendent des engagements forts de la part du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Marc Laménie et Alain Richard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les précédents orateurs ont évoqué beaucoup de chiffres. Pour ma part, je démarrerai mon propos en citant Pablo Neruda :

« Je t’aime,

« Je t’aime d’une manière inexplicable,

« De nature inavouable,

« De façon contradictoire.

« Je t’aime…

« Avec mes états d’âme qui sont nombreux,

« Et mes changements d’humeurs continuels. »

C’est une déclaration d’amour magnifique et ce sont les mots que nous aurions aimé entendre de la part de l’État à l’endroit des collectivités territoriales.

Alors oui, l’histoire entre l’État et les collectivités locales est ancienne. Elle est inscrite dans la Constitution et est marquée par 1983 et les lois de décentralisation. Depuis, les collectivités sont là et font preuve d’efficacité : boucliers de proximité, acteurs essentiels de l’investissement public, de l’emploi et des solidarités.

Le Gouvernement auquel vous appartenez ne cesse de déclarer sa flamme et son soutien aux plus grandes entreprises, en leur accordant des dizaines de milliards d’euros sans contrepartie écologique ou sociale. La situation de Total en est l’illustration ultime et caricaturale. Je vous rappelle que Total et les cinq plus grandes entreprises fossiles réalisent un profit cumulé de 2 600 dollars par seconde.

Madame la ministre, les collectivités territoriales sont des entreprises de service public innovantes, qui méritent soutien, liberté d’action et confiance.

Qui, pendant la pandémie, a organisé les distributions de masques et de colis alimentaires, la désinfection des salles de classe et l’accueil des enfants des professions prioritaires ou encore le suivi des personnes âgées, isolées ou malades ?

Qui a mis en place des centres de vaccination pour répondre aux enjeux de santé publique que le Président de la République annonçait ?

Qui a rétabli le dialogue durant la crise des « gilets jaunes » ? Qui investit dans les transports collectifs, la transition énergétique et écologique afin que tiennent les solidarités locales ?

Les collectivités locales sont un atout puissant et vous les mettez au pain sec, quand le budget de 2021 a offert, aux entreprises du CAC 40, 56 milliards d’euros non conditionnés et largement redistribués en dividendes…

Au nom de quoi l’État, dont les déficits s’aggravent, veut-il contraindre les choix politiques des collectivités dont la gestion est équilibrée ? Elles contribuent à 70 % des investissements publics et par leurs budgets de fonctionnement à la cohésion sociale – le fonctionnement n’est pas un gros mot, c’est l’outil nécessaire des services à la population.

Les collectivités locales sont le laboratoire de politiques publiques innovantes et des transitions pour notre pays.

Les transports propres, les bâtiments économes en énergie, la renaturation des villes, le développement des énergies renouvelables, la protection des forêts, des littoraux et de la biodiversité sont au cœur des dynamiques portées par nos territoires. La diversité de leurs politiques permet des expériences fructueuses.

Si vous leur accordiez la confiance, mais sans le contrat, madame la ministre, vous mesureriez leurs capacités à accompagner les défis de notre société en termes sociaux et écologiques.

Vous mettez en place un bouclier tarifaire pour tous les citoyens, y compris pour les plus riches d’entre eux, et pour les entreprises, mais vous ne prévoyez rien pour permettre aux collectivités de continuer à chauffer les écoles, les collèges, les lycées, les équipements sportifs, les médiathèques, les théâtres, les centres de santé ou encore les crèches. Rien non plus pour les hôpitaux d’ailleurs, autre sujet essentiel !

Laissez les collectivités moduler le versement mobilité pour faire face aux enjeux du transport en commun. Laissez-les taxer davantage Airbnb, les résidences secondaires, les logements vacants, les hôtels de luxe pour faire face à la crise du logement dans les zones touristiques.

La Cour des comptes a fait des propositions à la suite de la saisie de notre excellente commission des finances. Les associations d’élus portent haut et fort une contribution responsable et le Parlement, notre chambre comme l’Assemblée nationale, vous invite à les entendre. Pas seulement à nous écouter, madame la ministre, mais bien à nous entendre.

Entendez-les ! Entendez-nous ! Ne supprimez pas la CVAE, indexez la DGF, taxez ceux qui réalisent des profits exceptionnels dans ce contexte de crise et financez ainsi un bouclier tarifaire pour toutes les institutions publiques. Supprimez les contrats, mais faites confiance à celles et ceux qui, au quotidien, sont au service de nos concitoyens et incarnent le service public de proximité.

Mettez fin au désarmement financier de l’État et des collectivités. Osez la confiance, osez délaisser ce jacobinisme surplombant au profit d’un véritable partenariat avec les collectivités locales, osez la République décentralisée !

Les élus locaux ne veulent pas devenir des sous-préfets anémiés, qui sauraient ce qu’il faut pour leur territoire, mais qui seraient tout juste bons à expliquer à leurs concitoyens qu’ils ne peuvent pas le faire !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le président de la commission des finances, Claude Raynal, qui a demandé au mois de janvier dernier à la Cour des comptes une enquête sur les finances locales. Les conclusions nous ont été présentées la semaine dernière et elles nous permettent aujourd’hui de prendre un peu de hauteur dans ce débat.

Car, derrière ce débat, nous touchons aux principes les plus structurants de l’organisation de notre République. Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, les collectivités territoriales ont pris une place prépondérante dans cette organisation. Notre Constitution reconnaît désormais la décentralisation comme l’un de ses principes fondateurs et consacre le caractère prioritaire de l’action des collectivités et le principe de subsidiarité.

C’est ainsi que la question du financement des collectivités territoriales devient fondamentale pour l’efficacité de l’action publique et pour l’égalité entre les territoires et entre les citoyens. Au fond, nous ne pouvons pas dissocier la question du financement de celle des compétences.

Le Premier président de la Cour des comptes a rappelé la semaine dernière que le système de financement des collectivités est à bout de souffle, qu’il est illisible et imprévisible, mais aussi que les inégalités se creusent entre certains territoires.

Et ce n’est pas un fait nouveau ! Il y a treize ans, la Cour faisait le bilan des réformes territoriales. L’enchevêtrement des compétences qu’elle relevait alors préfigurait la sédimentation budgétaire que nous constatons aujourd’hui et l’essoufflement du modèle de financement.

L’introduction de la clause de compétence générale a conduit à accélérer ce processus. Les transferts ont été réalisés de façon désordonnée et par à-coups.

La cacophonie budgétaire est souvent la conséquence des hésitations ou des tergiversations du législateur et des changements de doctrine de l’administration.

On finance par prélèvement sur les recettes de l’État l’affectation d’une nouvelle compétence, puis on prévoit une rétrocompensation quelques années plus tard, quand la compétence est affectée ailleurs. À la fin, plus personne ne s’y retrouve !

Il y a treize ans, la Cour des comptes rappelait que la nouvelle phase de décentralisation lancée en 2003 aurait pu être l’occasion d’un nouveau départ. Mais déjà l’échec était flagrant aux yeux de la Cour. Les gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé ont échoué. Treize ans plus tard, le constat sur les finances locales rejoint celui qui est posé sur les compétences.

Alors, si nous voulons débattre de ce sujet, il nous faut nous mettre d’accord sur le constat. Je me contenterai de rappeler les éléments présentés la semaine dernière par la Cour.

Les collectivités locales ont connu un excédent de 4, 7 milliards d’euros à la fin de l’année 2021 en raison d’une dynamique des recettes très supérieure à celle des dépenses. C’est une situation qui contraste très nettement avec celle des autres administrations publiques. Et la crise sanitaire a renforcé cet écart.

En 2021, l’État porte la quasi-totalité du déficit – 89 % –, alors que les collectivités locales sont en excédent. C’est la conséquence d’un fort soutien de l’État tout au long de la crise, mais également des réformes successives de la fiscalité locale, compensées par des ressources pérennes et dynamiques.

Mais ne nous y trompons pas : derrière cette question, nous sommes face à un véritable choix de doctrine, qui devra intervenir dans les années qui viennent. Et les scénarios de la Cour permettent d’en peser les conséquences.

La liberté qui va avec le levier de fiscalité locale s’accompagne nécessairement d’un recul de l’État dans son rôle de garant de la stabilité des ressources des collectivités. Nous devrons donc faire des choix.

Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, affirmait déjà : « Considérer qu’il est trois acteurs autonomes, de même niveau, l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales, n’est pas réaliste. En réalité, l’État est le seul maître du jeu. Car, précisément, il fixe les règles du jeu. Les finances publiques sont un tout, et l’État porte la responsabilité pleine et entière de leur évolution. »

Pour nous, parlementaires, élus locaux et citoyens, cela signifie trois choses.

La première, c’est que dans un contexte de contrainte forte sur nos finances publiques, chacun doit prendre sa part au rétablissement des comptes de la Nation. Et toute réforme des finances locales devra prendre en compte ce juste équilibre entre l’État et les collectivités locales dans la réduction du déficit. Élus de nos territoires, nous ne devons jamais oublier la responsabilité collective qui nous incombe s’agissant des finances de la Nation.

La deuxième, et c’est ce qu’affirmait le Premier président, toute réforme d’ampleur devra se faire en concertation avec les élus. Cela nous oblige à laisser de côté nos querelles du moment pour discuter avec responsabilité du juste niveau d’organisation et de l’adéquation des ressources aux besoins.

Là encore, le rapport de 2009 est sans appel sur les échecs du passé. Pour atteindre une véritable péréquation, il aurait fallu accepter de remettre en cause certaines situations acquises, mais cela n’a pas été fait. Et, je cite le Premier président, à l’époque, « l’objectif de péréquation est resté secondaire ».

Dans ce contexte, et tributaire des erreurs du passé, le projet de loi de finances pour 2023 apporte la seule réponse possible sans recourir à une réforme radicale. Je pense à l’annonce par la Première ministre de l’augmentation de la DGF pour compenser les variations à la baisse qu’aurait pu entraîner la péréquation – Mme la ministre vient de nous confirmer cette annonce. Il s’agissait de trouver la solution la plus équilibrée pour compenser les variations annuelles et préserver nos collectivités sans peser trop lourdement sur nos finances publiques.

La troisième enfin, c’est que nous devons accepter de revoir en profondeur le système de péréquation pour mettre fin aux inégalités de destin et rétablir l’égalité entre les territoires. Je cite de nouveau le Premier président dans sa présentation de 2009 : « La République, c’est la solidarité nationale et il ne faudrait pas que la décentralisation devienne l’alibi de son affaiblissement ».

La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. La question qui doit dès lors nous occuper est celle de l’équilibre entre le principe d’autonomie financière consacré dans la Constitution, l’équité, la cohésion entre les territoires et la responsabilité de chacun du point de vue de nos finances publiques.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les finances locales sont-elles devenues les variables d’ajustement des comptes publics ? De contrats de Cahors en pactes de confiance, l’autonomie financière et la libre administration des collectivités territoriales ne seront bientôt plus que de lointains souvenirs.

Madame la ministre, comprenez l’inquiétude des élus locaux, qui, de crise en crise, doivent toujours faire plus avec moins du fait des incessantes modifications de ressources que vous leur imposez : suppression de la taxe d’habitation sous le précédent quinquennat ; suppression de la CVAE sous celui-ci ; etc.

Transformer ainsi des recettes fiscales en dotations pose problème à plusieurs égards : c’est une réelle perte d’autonomie ; c’est couper le lien entre le territoire et les habitants ; c’est acter de fait une diminution des recettes.

L’inquiétude se transforme en colère lorsque ces mêmes élus entendent ici et là que les finances locales se portent bien. C’est d’ailleurs ce que m’avait répondu le ministre des comptes publics lorsque je l’avais alerté sur ce sujet en mars dernier – il est vrai qu’il était alors question d’une ponction de 10 milliards d’euros sur les finances locales.

Depuis, avec l’augmentation – nécessaire – du point d’indice et la hausse du coût des matières premières, des denrées alimentaires et de l’énergie, les collectivités locales sont au bord de l’asphyxie, enfin celles qui peuvent encore respirer…

Prenons l’exemple d’une commune que je connais bien pour l’avoir administrée pendant vingt ans. Comment peut-elle faire face à une augmentation de 1 million d’euros de sa facture d’électricité, alors que son budget de fonctionnement dépasse à peine les 5 millions ? Beaucoup d’autres communes, petites ou grandes, rurales ou urbaines, doivent faire face à la même situation.

Il en est de même pour les départements, dont les finances sont déjà affectées par le manque de compensation des dépenses liées au Ségur de la santé et à l’évolution des allocations individuelles de solidarité, particulièrement le RSA, pour lequel le fonds d’urgence ne fera pas la maille.

Au-delà de leurs dépenses propres, les collectivités doivent aussi faire face aux difficultés des organismes ou établissements qu’elles financent. La situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est particulièrement préoccupante. Que dire de celle des services d’incendie et de secours (Sdis) ? Nous le voyons bien, cette crise financière a des répercussions sur l’ensemble des services publics.

Devant l’explosion des coûts, nous avons voté cet été un filet de sécurité. S’il était initialement censé concerner 22 000 communes, seul un tiers d’entre elles y serait éligible. Il est donc urgent de revoir la copie, notamment les critères d’accès, afin que ce filet puisse jouer pleinement son rôle.

La réponse du Gouvernement doit être à la hauteur de l’enjeu. Aujourd’hui, que nous proposez-vous ? Les pactes de confiance ! Quelle que soit la manière dont on les nomme, ces pactes constituent une double peine pour les collectivités : baisse des dotations du fait de la non-indexation sur l’inflation, d’une part, contrôle de la dépense, d’autre part. Il s’agit purement et simplement d’un contrat léonin.

Au-delà de toute autre considération, comment imposer une réduction des dépenses à des collectivités qui ne peuvent pas, en raison de l’inflation, estimer leurs coûts ? Pour la seule électricité, selon les dates d’échéances des marchés, les choix énergétiques passés ou les modes d’indexation, les surcoûts peuvent être de 10 %, 100 %, 300 %, voire plus dans certains endroits.

De même, il est difficile d’avoir un peu de lisibilité sur les intérêts de la dette, sauf à pouvoir prévoir les taux de 2023, dont personne ne peut à ce jour connaître l’évolution.

Ainsi amputées de toute marge de manœuvre, quelles perspectives reste-t-il aux collectivités ?

Contribuer au seul redressement des comptes publics ? C’est oublier le rôle primordial des collectivités en matière d’investissement public, un investissement qui assure la bonne tenue du tissu économique local et contribue à la préservation de l’emploi.

C’est oublier le rôle majeur que jouent les collectivités dans notre pays et les actions qu’elles portent au quotidien, au plus près des populations, en finançant des services publics de proximité en tout point du territoire.

Madame la ministre, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions n’en peuvent plus d’être si peu considérés. Nos collectivités locales ont besoin de véritables relations de confiance avec l’État et non d’une mise sous tutelle déguisée.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur les finances locales intervient dans un climat de défiance réciproque entre l’État tutélaire et des collectivités asphyxiées par la hausse de leurs coûts de fonctionnement. L’énergie, les denrées alimentaires, la revalorisation du point d’indice et la hausse du coût des matériaux menacent directement les projets d’investissement.

La colère des maires est partout, nous la soutenons, et se heurte à des préfets démunis. Les garants de la puissance publique dans les territoires sont sans solution. Le Gouvernement invite les collectivités à la sobriété, mais il est temps de prendre la mesure des responsabilités.

La sobriété, mais pour qui ? Il est paradoxal que la relance de l’économie soit mise à mal par des mécanismes de marché déraisonnés, alors que les collectivités sont les premiers investisseurs publics français. Ce paradoxe est entretenu par une relation financière et politique insincère entre l’État et la démocratie locale.

Les élus communaux, plus que jamais, les conseillers départementaux et régionaux consacrent le plus clair de leur temps à quémander leur dû à l’État, à quémander des dotations qui ne viennent pas.

Ce phénomène s’est accru à cause du démantèlement de la fiscalité locale mis en œuvre au cours du précédent quinquennat d’Emmanuel Macron.

La suppression de la taxe d’habitation pour l’ensemble des Français a marqué une première atteinte, grave, à l’autonomie fiscale des collectivités. La baisse des impôts dits de production en est une deuxième, à laquelle vient s’ajouter la suppression totale de la CVAE sur les deux prochaines années.

Ces deux réformes ont affaibli en même temps l’État et les collectivités locales, mais aussi, et surtout, la relation entre le citoyen-contribuable, son territoire et l’activité économique.

Pis, les ménages, les travailleurs modestes en particulier, sont ceux qui financent des baisses d’impôts qu’ils ne payaient pas ! C’est une vérité, madame la ministre : alors que 93 % des ressources de TVA, assises principalement sur la consommation de tous les ménages et sur les entreprises de moins de dix salariés, étaient destinées à l’État en 2017, cette part a diminué pour atteindre 50, 6 % en 2021. Chaque année, ce sont donc 41 milliards d’euros qui échappent à l’État. Sans cette évaporation fiscale, le déficit du budget général serait déjà résorbé de près d’un tiers !

L’État procède à un transfert de fiscalité, tout en s’employant avec peu de succès à éponger sa dette sur le dos des collectivités territoriales. Nous ne le rappellerons jamais assez, elles sont toujours à l’équilibre, envers et contre tout : malgré les transferts de compétences, malgré les baisses de charges, malgré la disparition de la principale part de fiscalité économique. Ces renoncements sont ceux de gouvernements successifs. Pourquoi les PME et les travailleurs devraient-ils payer pour compenser cette forme de lâcheté ?

Cette accélération sans précédent de la quasi-disparition de l’autonomie fiscale des collectivités puise un début d’encouragement dans la loi de finances rectificative pour 1982, dans laquelle l’État a institué et pris en charge des allégements de la part salaire de la base de la taxe professionnelle. Ces allégements pour les ménages et sur la taxe professionnelle sont lourds de conséquences puisqu’ils sont compensés par l’État, qui devient dès lors le premier contribuable local.

La démocratie tourne sur elle-même, quand le contribuable perd de vue l’utilité de ses prélèvements sociaux et fiscaux. Dès 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) relevait « une compatibilité de plus en plus compromise entre, d’une part, une évolution du dispositif par des aménagements à la marge, successifs et sédimentés, et d’autre part, les objectifs d’efficacité économique, de rendement budgétaire, d’équité sociale et d’acceptabilité politique ».

La situation que nous connaissons est l’aboutissement d’une logique qui conduit nos collectivités dans le mur. Elle ne peut faire que des perdants, dès lors que les collectivités constatent une décorrélation entre leurs charges et leur capacité budgétaire, fruit de compensations dépassées par l’évolution démographique, par une inflation qui érode en euros constants ces transferts et par des besoins sociaux et environnementaux nouveaux.

Face à la hausse des prix de l’énergie et à la décision du Gouvernement de revaloriser de seulement 3, 5 % le point d’indice, le fameux filet de sécurité voté à l’été comporterait, je l’entends ici ou là, des trous dans la raquette… À ce niveau, il ne s’agit pas de jouer au tennis avec une raquette de ping-pong, madame la ministre !

Le filet de sécurité, c’est 430 millions d’euros, tandis que la seule augmentation du point d’indice représente 1, 14 milliard d’euros ! Les factures énergétiques augmentent, elles, entre 30 % et 300 %, selon l’Association des maires de France (AMF).

Les propositions de mon groupe sont claires, ambitieuses et responsables, madame la ministre.

D’abord, il faut indexer dès le prochain projet de loi de finances la DGF sur l’inflation, et ce de façon pérenne, comme le demandent les élus, afin d’assurer la continuité des services publics.

Il faut ensuite sanctuariser dans la Constitution l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes.

Par ailleurs, il faut maintenir la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et refondre un impôt économique territorial avec une liberté de taux pour les communes.

En outre, il faut étendre les tarifs réglementés de vente de l’électricité à toutes les communes, et pas seulement à certaines d’entre elles.

M. Éric Bocquet acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Enfin, il faut revenir sur la suppression annoncée des tarifs réglementés du gaz.

Madame la ministre, les élus locaux sont responsables…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

… et font face, de même que leurs représentants.

N’en déplaise au Gouvernement, les oppositions sont utiles.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, questionner les finances locales revient à s’interroger sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Au cours de la dernière décennie, ces relations ont été largement bouleversées par les réformes successives portant sur l’organisation territoriale, la fiscalité ou les concours financiers de l’État. Dans un récent rapport sur le financement des collectivités territoriales, la Cour des comptes souligne l’augmentation des ratios d’autonomie financière, alors que l’autonomie fiscale se réduit.

L’autonomie financière croît pour des raisons mathématiques et n’est absolument pas le signe d’un renforcement des marges de manœuvre financières des collectivités locales. Quant à l’autonomie fiscale, elle se réduit comme peau de chagrin, victime d’une emprise accrue de l’État central sur les collectivités territoriales, notamment les communes.

Après la suppression de la taxe d’habitation ou le reversement obligatoire d’une fraction de la taxe d’aménagement des communes aux intercommunalités, le Gouvernement a annoncé la disparition progressive de la CVAE. Le groupe Union Centriste souhaite un report de cette réforme, afin de pouvoir en débattre en profondeur.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Et que l’on ne s’avise pas de nous dire que l’on porte un coup aux entreprises : il s’agit de protéger l’autonomie fiscale des collectivités locales et le lien important entre ces dernières et leurs entreprises.

Nous avons donc affaire, une nouvelle fois, à une fiscalité par procuration, téléguidée par l’exécutif national. Alors que la libre administration des collectivités est toujours et encore structurellement grignotée, les contraintes progressent. Toujours dans son rapport publié ce mois-ci, la Cour de comptes indique que l’évolution des dépenses des collectivités locales – leurs dépenses de fonctionnement ont connu une hausse de 2, 4 % en 2021 – s’explique en partie par l’accroissement de leurs compétences sous l’effet de la décentralisation.

La réalité se révèle bien plus complexe. Cette tendance s’explique plutôt par une triple évolution, à commencer par la multiplication des normes imposées aux collectivités locales. Elle représente un milliard d’euros dans le projet de loi de finances dont nous allons discuter dans quelques semaines. Je rappelle que l’indexation de la DGF équivaudrait, elle aussi, à un milliard d’euros de dépenses complémentaires. Il faut comparer les choses, madame la ministre.

Ensuite, l’élargissement des périmètres des intercommunalités a entraîné, rappelons-le, une forte hausse des coûts.

Enfin, l’échelon local a joué un rôle croissant dans l’amortissement des effets des crises écologique, économique et sanitaire – je pense en particulier à la crise du covid-19.

Ne l’oublions pas, mes chers collègues, nos communes, intercommunalités, départements et régions assurent le dernier kilomètre de la vie de nos concitoyens. Comme cela est régulièrement rappelé, elles représentent 70 % de l’investissement public, mais sont responsables de moins de 9 % de la dette.

Le Gouvernement a récemment appelé à la mise en place d’un énième pacte de confiance. Sur le principe, nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette proposition, mais cela ne doit pas se traduire par l’instauration de contrats léonins, comme l’une de nos collègues l’a dit précédemment.

Si le premier mandat d’Emmanuel Macron fut décevant en matière de décentralisation, à l’image de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), et marqué par des relations parfois houleuses avec les collectivités territoriales, ce pacte doit être envisagé comme un facteur d’aide à la croissance et non comme outil de contrainte de la gestion locale. Pour cela, il faut fixer des objectifs communs aux territoires et leur donner des libertés qui leur permettent de les atteindre en fonction de leur situation.

Plus encore, j’en appelle à la différenciation territoriale et à la confiance envers les élus. Par exemple, à court terme, la révision des valeurs locatives doit prendre en compte le taux d’inflation, indispensable à la sécurisation des ressources locales. Autre illustration, et je ne doute pas que Jean-Baptiste Blanc l’évoquera également, le financement nécessaire à la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) est une variable à intégrer dans les discussions, afin qu’il soit comptabilisé dans les futurs concours financiers de l’État.

Madame la ministre, nous allons prochainement entamer la discussion du PLF. Je souhaite que ce débat se fasse dans la confiance et permette de donner aux collectivités locales les moyens d’agir dans le dernier kilomètre, auquel nos concitoyens sont particulièrement sensibles.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Blanc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport sur les finances publiques locales, annexé au projet de loi de finances, est un document de 208 pages, riche en chiffres et en informations, mais, comme l’a dit Jean-Michel Arnaud, il ne comprend quasiment rien sur la règle nouvelle qui suscite des inquiétudes considérables dans de nombreux territoires souvent en fusion : celle du zéro artificialisation nette, que nous appellerons le ZAN.

Cette règle a été définie sans les outils qui permettraient d’en assurer la mise en œuvre, laissant les collectivités démunies face à un tel écart entre l’objectif qui leur est assigné et les moyens à leur disposition.

J’alerte une nouvelle fois le Gouvernement sur cette question. Tous les élus locaux, quelle que soit leur appartenance politique, nous ont fait part de leurs inquiétudes, qui sont très nombreuses, comme je l’ai constaté lors du tour de France que j’ai effectué et qui m’a conduit à visiter quasiment un département sur deux.

La quasi-absence du mot « artificialisation » dans les différents rapports du Gouvernement démontre l’insuffisante réflexion de ce dernier sur la manière dont les obligations imposées aux collectivités seront financées.

Plusieurs pistes sont à explorer.

La première est le fonds Friches. De nombreux projets visant à revitaliser des espaces délaissés ont été déposés dans le cadre de ce fonds, auxquels seul manquait un équilibre économique pour pouvoir émerger. Mais que devient le fonds Friche ? Le Président de la République a annoncé sa pérennisation, mais il ne constitue plus que l’un des volets du fonds d’accélération de la transition écologique ou fonds vert : son objectif est désormais limité au recyclage de 1 000 hectares de friches par an. Les documents budgétaires n’indiquent pas clairement ses crédits. C’est insuffisant. Les collectivités auront besoin d’un soutien beaucoup plus important pour mener à bien les indispensables actions de recyclage urbain.

La deuxième piste est le levier fiscal, et c’est là peut-être mon message principal : la fiscalité locale n’est pas adaptée à la politique de sobriété foncière. On ne peut pas imposer aux communes une contrainte aussi forte sur l’aménagement local sans que les communes, en particulier, aient une incitation, alors que les réformes successives de la fiscalité locale distendent de plus en plus le lien entre leurs ressources et le résultat de leur action.

La commission des finances a donc saisi le Conseil des prélèvements obligatoires afin qu’il fournisse des pistes sur la manière dont la fiscalité, notamment locale, pourrait favoriser l’atteinte de l’objectif ZAN. Le CPO présentera ses résultats le 26 octobre et ses analyses pourront nourrir nos débats, notamment sur le projet de loi de finances.

En effet, plus d’un an après la promulgation de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les lois de finances successives restent muettes, ou presque, sur la question du financement du ZAN.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit, certes, une adaptation mineure de la taxe d’aménagement : les collectivités locales pourront en exonérer les constructions réalisées sur des sites ayant fait l’objet d’une opération de dépollution. Toutefois, cette mesure n’est de toute évidence pas à la hauteur de l’enjeu, d’autant qu’il s’agit d’une exonération facultative. En outre, son coût pour les collectivités ne sera pas compensé par l’État, alors même que l’objectif est la mise en œuvre d’une politique d’intérêt national. La taxe d’aménagement fait pourtant bien partie des voies à explorer.

D’autres pistes sont évoquées, comme la taxe sur les logements vacants ou l’ancien versement pour sous-densité, mais aussi des incitations directes aux particuliers, telles que le dispositif Denormandie. Les dispositifs fiscaux présentent chacun des avantages, mais aussi des risques de contournement ou d’effet rebond : c’est pourquoi nous aurons besoin de l’éclairage du CPO, dont les rapports font référence.

Je regrette que l’administration, que j’ai déjà interrogée en de nombreuses occasions, n’ait pas déjà conduit cette réflexion : des propositions claires sur le financement du ZAN auraient permis d’apaiser certaines des inquiétudes dans les territoires.

Les collectivités sont en effet soumises à des injonctions contradictoires, comme nous le savons désormais tous. Elles doivent développer le logement, notamment social, et attirer des activités économiques, mais sur quels terrains ? Une enquête du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et d’Intercommunalités de France (AdCF), publiée le mois dernier, montre que la pénurie de foncier est d’ores et déjà une réalité pour une majorité de territoires.

Madame la ministre, comment peut-on réindustrialiser la France si les collectivités ne peuvent pas accueillir d’activités ? Celles-ci effectuent actuellement un travail considérable pour élaborer des solutions et modifier des documents d’urbanisme. Les membres de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette », présidée par Valérie Létard, constatent le haut niveau de réflexion des élus et des acteurs locaux, qui ont des propositions à vous faire, madame la ministre.

Les décrets de mise en œuvre, publiés hâtivement, doivent être corrigés, comme un de vos collègues l’a reconnu dans cet hémicycle. La nomenclature fait encore l’objet de travaux des urbanistes et un certain nombre de grands projets, engagés ou prévus, risquent de consommer une part importante du foncier autorisé dans les dix années à venir.

Le sujet est donc bel et bien explosif. Il faut adapter les recettes fiscales locales aux nouvelles missions des collectivités, dont la transition écologique et la mise en œuvre du ZAN. Aux trois options polaires mises sur la table par la Cour des comptes, je propose d’en ajouter une : la climatisation sans délai du ZAN et de la fiscalité locale.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Cozic

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au gré de nos déplacements dans nos circonscriptions, nous constatons l’inquiétude palpable des élus du bloc communal.

Les dépenses contraintes des mairies s’envolent littéralement. Cela peut vous paraître trivial, madame la ministre, mais il faut bien que les villes chauffent et éclairent leurs équipements publics ! Sur mon territoire, Le Mans Métropole, ces dépenses représentent 4, 5 millions d’euros de surcoût, rien que pour l’énergie.

Il n’est pas inutile de rappeler que nos communes fournissent la nourriture des restaurants scolaires et construisent ou rénovent leur bâti afin d’éviter qu’il ne tombe en décrépitude.

Ce sont précisément toutes ces dépenses liées au fonctionnement du quotidien qui sont en nette hausse du fait de la flambée des prix des matières premières. On sait déjà que, pour la seule année 2022, elles vont globalement grimper de 15 % pour les communes.

Je rappelle que, chaque année, les communes doivent équilibrer leur budget. C’est cette obligation de présenter un budget à l’équilibre qui conduit certains maires à se demander s’ils pourront boucler leur budget pour 2023 sans être contraints de fermer des services publics.

Dans ce contexte, que fait l’État ? Clairement, pas assez !

Pour être réellement efficiente, la DGF doit être revalorisée à hauteur de l’inflation. Je défendrai cette mesure avec mon groupe lors de l’examen du prochain PLF. Ce n’est pas la maigre rallonge de 320 millions d’euros qui permettra de boucher le trou dans la raquette. Après l’aide de l’État, 900 millions font encore défaut.

Si nous en sommes à lutter bec et ongles lors des débats budgétaires pour obtenir plus de moyens, c’est parce que vous avez placé nos collectivités dans une subjective dépendance à l’État, et ce en rognant depuis six ans sur leur autonomie financière.

Vous avez supprimé la majeure partie des impôts dont elles percevaient le produit et pouvaient moduler les taux. Avec vos réformes, vous siphonnez de manière systémique les recettes, plaçant ainsi de fait les communes sous perfusion de dotations que vous pouvez moduler de façon discrétionnaire, madame la ministre.

Je le dis sans détour, ce mode opératoire est insupportable pour la démocratie de proximité, qui œuvre au quotidien au sein du bloc communal.

À en croire les déclarations récentes de Bruno Le Maire, cela ne risque pas d’aller en s’améliorant. Interrogé sur la gestion financière des communes en difficulté, il a déclaré en septembre dernier : « Vous avez des collectivités bien gérées, et d’autres qui sont moins bien gérées, […] qui ne pourront pas se prévaloir de l’aide de l’État. »

Cette déclaration fixe les contours des bien mal nommés « pactes de confiance » prévus dans le projet de loi de programmation des finances publiques, lesquels ont déjà été rejetés à l’Assemblée nationale. Ce texte a de toute façon peu de chances d’être voté, le Gouvernement ne disposant pas aujourd’hui d’une majorité à l’Assemblée nationale !

Une chose est certaine, vous êtes animée par une volonté d’engager une relation « transactionnelle » avec les collectivités territoriales, madame la ministre, voire de personnaliser leurs relations avec l’État.

J’en appelle à toutes les travées de cet hémicycle : un grand débat doit avoir lieu sur une refonte idéologique de la relation entre l’État et les collectivités territoriales. Ce débat ne doit pas porter sur les contingences matérielles et budgétaires, il doit être d’une autre ampleur. Il doit interroger notre rapport à l’impôt local : ne serait-il pas tout aussi démocratique que celui-ci puisse être voté et levé par nos élus locaux ?

Si rien n’est fait, alors le Gouvernement accélérera encore la mise sous tutelle budgétaire des collectivités territoriales, obligeant ces dernières à devoir, à l’avenir, négocier chaque ligne budgétaire. Or, je le répète, cela n’est ni acceptable ni supportable !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’avenir des finances des collectivités locales nous interpelle dans l’immédiat, mais également à moyen terme. Pour l’heure, j’évoquerai tout d’abord le traitement dont elles font l’objet dans le cadre du projet de loi de finances, en mettant en exergue en particulier le bloc communal.

Le Gouvernement, conforté par l’appréciation de la Cour des comptes, vient d’évoquer leur bonne situation financière et leurs excédents, qui friseraient l’insolence, au sortir de la crise financière. Je nuancerai cette assertion et en montrerai le caractère relatif.

Les collectivités locales ne sont pas régies par les mêmes règles de gestion que l’État, et c’est tant mieux. Bordées par la règle d’or, elles ne peuvent créer de la dette à des fins de fonctionnement et doivent gérer leurs finances par la pratique de mise en réserve et d’une gestion prévisionnelle pluriannuelle.

Il est donc curieux que l’État observe la situation des collectivités à l’aune de règles qui ne s’appliquent pas à elles, alors qu’il devrait plutôt songer à s’inspirer de leurs pratiques vertueuses et s’astreindre à faire ce qu’il entend imposer aux autres. Je veux parler ici du contrat dit de confiance.

Je rappelle à cet égard que notre République garantit la libre administration des collectivités locales aux termes de l’article 72 de la Constitution, comme l’a indiqué Roger Karoutchi précédemment.

Durant le quart de siècle écoulé, les collectivités ont consenti des efforts financiers sans précédent. Il m’apparaît de bonne justice de les évoquer, d’autant que les fonds qu’elles ont ainsi épargnés entrent positivement dans le solde maastrichtien, pour le plus grand bénéfice de la France.

Afin de permettre à notre pays de conserver une trajectoire acceptable, les collectivités ont ainsi renoncé progressivement à la taxe professionnelle comme à la taxe d’habitation, en contrepartie de dotations moins dynamiques. Elles ont subi durant quatre ans la contribution au redressement des finances publiques, qui a entraîné une amputation drastique de leur DGF, pour la voir ensuite figée et contributrice à la péréquation verticale. Si l’on avait paramétré pour elles une loi de programmation spécifique sur cette période, on constaterait qu’elles ont consenti une perte de l’ordre de 50 milliards d’euros au bénéfice de la Nation.

Malgré l’inflation et la crise énergétique, nous ne revendiquerons pas l’indexation d’une DGF en état de déliquescence avancée et nous admettrons le principe d’un filet de sécurité et de dotations ciblées sur les plus vulnérables, mais nous disons haut et fort que le compte n’y est toujours pas et que les collectivités n’admettent pas d’être fustigées par un État impécunieux.

Force est de constater que les collectivités n’ont aujourd’hui aucune visibilité sur leur avenir à moyen terme, dans un système financier désormais menacé d’obsolescence. Je veux m’en expliquer.

La suppression de la taxe d’habitation et la perspective de celle de la CVAE ont totalement achevé la désarticulation du cadre sous-tendu par des indices désormais privés de sens. Les collectivités ne disposent plus des perspectives nécessaires pour gérer leur dynamique et doivent s’en remettre à la diligence de la direction générale des collectivités locales pour la mise en œuvre d’une péréquation au fil de l’eau.

Ainsi que vient de le confirmer la Cour des comptes dans son rapport, réalisé à la demande de notre commission des finances, le système est aujourd’hui « complexe et à bout de souffle ».

Les collectivités locales sont désormais à la merci de la suppression ou de l’affectation nouvelle d’un impôt, décidée d’en haut. Elles n’ont plus aucune visibilité dans un monde désormais aléatoire et complexe, alors qu’elles sont aux prises avec un système financier devenu incohérent.

Nous nous sommes attelés, au Sénat, à résoudre cette équation, mais elle est devenue insoluble, faute d’une boussole, face aux scénarios aussi pluriels que ceux que la Cour a évoqués dans ses travaux. Il faudrait que l’État mette fin au démantèlement erratique des ressources des collectivités et pose les bases d’une réforme dans le cadre d’un dialogue construit avec elles et d’une nouvelle gouvernance.

Les collectivités le méritent, car elles sont des actrices majeures de notre République d’un point de vue démocratique et sociétal. Par ailleurs, elles réalisent 70 % de l’investissement public.

Madame la ministre, quand allez-vous mettre cet ouvrage sur le métier ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conclusion de ce débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai, dans le temps qui m’est imparti, de répondre à la majorité de vos interventions.

Je commencerai par certains points précis qui ont été abordés sur les mesures du PLF pour 2023, avant de répondre plus globalement sur les enjeux qui ont été évoqués, à savoir la nécessité d’une réforme de la fiscalité locale et d’un nouvel élan de décentralisation dans notre pays.

Sur les questions les plus techniques, je reviendrai vers chacun d’entre vous pour vous apporter une réponse circonstanciée.

Monsieur le sénateur Capus, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, la suppression de la CVAE n’entraînera pas, je le répète, une baisse des ressources des collectivités territoriales, bien au contraire. Sa compensation intégrale par l’attribution d’une nouvelle fraction de TVA et sa dynamique garantiront aux collectivités une meilleure prévisibilité et une meilleure visibilité sur leurs recettes, alors que la CVAE était très volatile.

Ensuite, sur la compensation, à l’écoute des élus, nous avons justement souhaité introduire un mécanisme de moyenne pour lisser la volatilité de la CVAE d’une année sur l’autre, en intégrant l’année 2023 dans le calcul.

La compensation l’année prochaine correspondra aux sommes que l’État aurait dû verser aux collectivités en 2023 au titre de la CVAE. Rien ne sera conservé. La dynamique de cette compensation sera territorialisée. Je le redis, un territoire accueillant plus d’activités recevra plus de TVA.

Monsieur le sénateur Cozic, je tiens à souligner, tout d’abord, que le choix de non-indexation la DGF sur l’inflation date non pas d’aujourd’hui, mais de 2010.

Pour autant, le Gouvernement a pris la décision, inédite depuis treize ans, d’augmenter la DGF de 320 millions d’euros. Je rappellerai que, entre 2008 et 2014, les dotations des collectivités ont subi une baisse de plus de 11 milliards d’euros.

Par ailleurs, nous avons fait le choix d’une action ciblée, en mettant un œuvre le filet de sécurité et un bouclier tarifaire, ou encore le fonds d’urgence pour les communes en difficulté financière. Cela nous permet de soutenir en priorité celles qui en ont le plus besoin, car, comme vous le savez, les situations de chaque collectivité sont extrêmement diverses.

De manière plus générale, je pense que les interventions de MM. les sénateurs Guené et Rambaud, sans être exhaustives, ont permis de faire ressortir l’ensemble de vos doutes, de vos interrogations, qui reposent sur un constat que nous partageons tous, en réalité.

Notre modèle des finances locales est aujourd’hui complexe et marqué par une longue sédimentation, qu’ont accentuée les réorganisations successives du partage des compétences entre les différentes strates des collectivités territoriales. Cette situation peut parfois donner l’impression d’affecter les principes cardinaux qui président aux finances locales, notamment l’autonomie des collectivités territoriales.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, dont votre chambre a eu l’heureuse initiative, il faut d’abord rappeler qu’il s’agit là davantage d’une impression que d’une réalité : l’autonomie financière, telle qu’elle est mesurée par les ratios définis en 2004, progresse.

C’est la part croissante de la fiscalité nationale au sein des ressources propres des collectivités qui nourrit chez les élus le sentiment d’une perte de maîtrise et d’une déconnexion de leurs ressources avec les réalités de leur territoire.

À mon sens, le Président de la République a été très clair, dans son discours prononcé en Mayenne le 10 octobre, sur sa volonté de lancer le nouveau chapitre de décentralisation dont notre pays a besoin. Je pense en effet que notre modèle est à repenser : il faut le remettre à plat, le simplifier, pour qu’il fasse à nouveau sens pour chacun, pour les élus locaux comme pour nos concitoyens. Il faut repenser notre système d’administration décentralisée pour que les responsabilités accompagnent à chaque niveau le pouvoir normatif et les financements.

Cela implique nécessairement des choix politiques forts, comme le souligne la Cour des comptes. Le Gouvernement est prêt à faire de tels choix. Cependant, la Cour souligne également que cette refonte de notre système de décentralisation ne peut être conduite qu’en étroite concertation avec l’ensemble des parties concernées, c’est-à-dire les collectivités territoriales, les élus et, bien sûr, le Parlement, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de parvenir à un consensus dans l’intérêt général de notre pays.

Aussi, je ne me prononcerai pas aujourd’hui sur le détail du scénario envisagé par la Cour des comptes. Il s’agit d’un travail prospectif particulièrement précieux, qui alimentera sans aucun doute le grand chantier que nous souhaitons mener.

À cet égard, je vous remercie de vos interventions, qui nourrissent ma réflexion personnelle sur ce sujet, mais notre démarche de coconstruction ne serait pas véritablement sincère, vous en conviendrez, si nous cherchions, en amont, à figer le débat par des positions arrêtées. Nous avons bien sûr un objectif, une boussole et des convictions, qui nous guideront dans nos échanges à venir, mais il ne s’agit en aucun cas d’un schéma préconçu, puisque c’est ensemble que nous construirons le nouveau modèle décentralisé de notre pays.

Monsieur le sénateur Requier, dans votre intervention, vous mettez en garde contre les promesses illusoires, et je suis d’accord avec vous. Comme le disait Jean-Pierre Raffarin, qui siégeait encore sur ces travées il n’y a pas si longtemps : « La politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et repousser toujours la résolution des problèmes du quotidien. » Le nouveau chapitre de décentralisation que nous souhaitons ouvrir n’est pas le retour d’une vieille antienne ; c’est la réponse nécessaire aux limites de notre système.

Cette refonte, que nous souhaitons construire avec vous, impose à tous, à l’État, mais aussi à toutes les collectivités, de jouer le jeu de cette remise à plat, qui remettra nécessairement en cause de nombreuses situations établies.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme le vice-président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Mme Christine Lavarde, vice-président de la commission des finances . Monsieur le président, je suis certaine que le rapporteur général de la commission des finances, auquel il revenait de faire cette conclusion, s’il avait été parmi nous ce soir, aurait fait remarquer avec malice au Gouvernement qu’il doit avoir un problème de vocabulaire : après avoir expérimenté une nouvelle définition du dialogue, nous venons de voir apparaître ce soir une nouvelle acception du mot « débat ». Nous aurions, je pense, tous souhaité un débat plus interactif, conforme en tout cas à l’esprit de la réforme de la Lolf.

Bravo ! sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que vous avez par moments procédé à une réécriture de l’histoire. Vous avez même persévéré en ce qui concerne le filet de sécurité. Celui-ci a été non pas voulu par le Gouvernement, mais imposé par les députés, puis complété par les sénateurs dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Je tenais à ce que cela soit bien rappelé.

Par ailleurs, avec l’indexation des valeurs locatives professionnelles, vous ne faites pas un cadeau aux collectivités : vous ne faites qu’appliquer le droit ! Depuis plusieurs années, les valeurs locatives évoluent comme l’inflation, sur la base de l’indice du mois de novembre.

Plusieurs intervenants, notamment Pascal Savoldelli, ont rappelé les erreurs de la majorité à laquelle vous appartenez désormais, notamment la distension du lien entre les usagers des services publics locaux et le coût de fourniture de ces services. Je me souviens avec émotion que tel était l’objet de ma première question d’actualité au Gouvernement, en octobre 2017. Cela fait donc cinq ans que nous constatons ces égarements, dans lesquels vous semblez vouloir persévérer avec la suppression annoncée de la CVAE.

Comme plusieurs intervenants l’ont demandé, notamment Roger Karoutchi, les collectivités ont besoin d’une certaine visibilité à moyen et long termes pour pouvoir mener des projets, s’engager. Cette visibilité, le précédent gouvernement nous l’avait annoncée. Je me souviens ainsi que, lors des auditions de ministres par la commission des finances, lorsque nous demandions, par exemple, l’affectation d’une partie des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux collectivités locales pour financer les dépenses de transition écologique, on nous répondait que ce n’était pas le bon moment et qu’il fallait attendre le projet de loi de financement des collectivités locales. Or cette loi, que plusieurs d’entre vous ont réclamée encore aujourd’hui, n’est jamais arrivée.

Madame la ministre, les sénateurs ont eu le courage cet après-midi de dire la vérité, vous ne pouvez pas y être insensible, je le sais. Les différents orateurs ont esquissé des pistes d’évolution pour les textes budgétaires à venir. Le rapporteur général de la commission des finances, qui a suivi notre débat depuis son domicile, vous adresse un message par ma voix : si vous savez écouter la Chambre haute, alors tout devient possible !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les finances locales. Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Alain Richard.