Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 18 octobre 2022 à 14h30
Formation des internes en médecine générale et lutte contre les déserts médicaux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas sortie du chapeau ; M. Bruno Retailleau l’a rappelé. Nous en parlons depuis plusieurs années avec le Conseil national de l’ordre des médecins et la conférence des doyens des facultés de médecine. Lors de l’audition que nous avons menée en début d’année, qui a réuni l’Association nationale des étudiants en médecine de France et la conférence des doyens, la quatrième année avait été évoquée et avait recueilli l’assentiment, notamment, de cette dernière.

Je voudrais tout d’abord remercier la rapporteure de la commission des affaires sociales de son travail sur ce texte, que j’avais bien évidemment cosigné. Elle a en effet apporté deux clarifications qui me semblent indispensables.

Tout d’abord, sur l’entrée en vigueur, il est parfaitement clair que l’allongement de la durée des études ne s’appliquera pas aux étudiants ayant entamé leur troisième cycle. La réforme suppose en effet une révision de la maquette, ce qui ne s’improvise pas. Par ailleurs, il ne s’agit pas de prendre au dépourvu des internes déjà bien avancés dans leur cursus.

Ensuite, et cette deuxième précision était nécessaire, la réforme ne vise pas à réformer les études de médecine générale uniquement pour répondre à la question de l’accès aux soins dans les territoires sous-denses. Il s’agit de réformer les études de médecine générale pour consolider la formation des futurs médecins en leur permettant de se confronter aux caractéristiques de l’exercice en médecine de ville, sous un régime d’autonomie supervisée.

La crainte des étudiants, nous l’avons entendue dès 2019. La commission avait alors proposé d’aménager la troisième année du cursus pour permettre un an de stage en autonomie supervisée. Cette année s’était ensuite transformée en six mois en commission mixte paritaire. Ils ne se sentaient pas prêts à un exercice autonome, craignaient pour la qualité de leur formation, et redoutaient une affectation forcée dans un lieu non choisi, où ils se trouveraient abandonnés à leur solitude, de surcroît dans des territoires qualifiés, de manière peu engageante, de « déserts ».

Rien de tel dans le texte que nous proposons. Le mode d’exercice est bien celui de l’autonomie supervisée, sous l’autorité de maîtres de stages universitaires formés, avec une formation à l’exercice en ville et, très certainement, à l’exercice coordonné, avec le collectif et la pluriprofessionnalité auxquels les jeunes médecins aspirent.

La formation au premier recours en médecine de ville, à la gestion de l’« entreprise médicale », qui fait actuellement défaut, ou à la compréhension des mécanismes des projets territoriaux – je pense notamment aux centres de perfectionnement du personnel soignant (CPPS) – viendra compléter les cursus. Ce seront de vrais apports pédagogiques pour les futurs médecins.

Nous ne tentons pas de transformer de jeunes internes en médecins de famille à l’ancienne ni d’en mettre un sous chaque clocher. Cela ne correspond plus à la société actuelle.

En revanche, il nous faut réfléchir, en termes d’accès aux soins, à des formes qui peuvent évoluer, dans des territoires donnés. Je pense notamment à des zones d’activité médicale permettant, pour les patients et les médecins, de trouver un équilibre pour ce qui concerne les demandes de recours.

La concurrence entre les territoires est délétère ; il nous faut plus de coopération.

L’acceptation forcée, qui – je le conçois bien correspond au souhait de certains, ne me semble pas envisageable dans le contexte de la démographie médicale et du vieillissement de la population. On ne gère pas la pénurie par la coercition. Il n’existe pas de zones surdotées, en tout cas en secteur 1. Il s’agit d’un phénomène urbain, périurbain et rural.

Dans le cadre de la mission que vous mettrez en place, monsieur le ministre, il faudra associer les ARS, les unités de formation et de recherche (UFR), les représentants des internes, les ordres, les unions régionales des professionnels de santé (URPS) et les élus, pour définir les zones et les lieux de la professionnalisation sur chaque territoire.

Avec ces temps de formation nouveaux, le dispositif crée du temps médical supplémentaire – c’est un point majeur –, en irriguant les territoires chaque année en nouveaux médecins.

La nouvelle maquette incitera les internes en médecine générale à passer leur thèse, échéance qu’ils ont aujourd’hui trop tendance à repousser, ce qui est rédhibitoire pour les installations et qui dément aussi l’idée de retard à l’installation liée à la quatrième année.

Les territoires ont un rôle à jouer pour soutenir le développement des maîtres de stage universitaires – cela a été souligné –, faire valoir leur dynamique et mettre en place de bonnes conditions d’accueil. Les collectivités sont déjà très impliquées, et certaines obtiennent d’excellents résultats.

Il existe déjà 12 000 maîtres de stage universitaires. Certes, leur nombre devra être renforcé pour que les docteurs juniors puissent être accompagnés. Cela me semble tout à fait possible. Bien entendu, cette proposition de loi ne saurait constituer une réponse unique au creux de la démographie médicale auquel nous serons confrontés pendant encore au moins dix ans. À cette question éminemment complexe, les réponses doivent être multiples. Elles vont de la télémédecine aux délégations de tâches, en passant par l’organisation de transports et d’accompagnement pour les patients, etc.

Le texte vise à mieux préparer les étudiants en médecine générale à la médecine de ville, afin qu’ils fassent leur choix de vie et d’exercice en confiance et en pleine connaissance de territoires où ils pourront faire le choix de s’installer.

Faisons ce pari sans tarder, dans un esprit gagnant-gagnant. C’est la raison pour laquelle je voterai évidemment la présente proposition de loi.

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