Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est l’un des chemins de recherche pour préserver et améliorer notre système de soins, sur tous nos territoires.
La médecine générale est la seule spécialité à n’avoir que trois années de formation en troisièmecycle, sans phase de consolidation ni d’accès au statut de docteur junior. Le dispositif proposé vise à mettre en place une quatrième année, véritable année de professionnalisation. Les internes réaliseront plusieurs stages en autonomie supervisée et en ambulatoire, tout en préparant mieux leur installation.
Longtemps mentionnée comme piste de réflexion pertinente, cette quatrième année permettrait l’arrivée chaque année de plusieurs milliers de médecins juniors, affectés en priorité dans des zones où l’offre de soins est faible. Ce serait aussi l’occasion pour ces jeunes professionnels de découvrir et apprécier d’autres lieux et d’autres modes de vie.
Plusieurs véhicules législatifs nous permettront de débattre davantage d’une telle mesure, le Gouvernement l’ayant inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce dont je me félicite. Nous sommes tous à la recherche de solutions pour consolider la formation de nos médecins, faciliter leur installation et également permettre à chaque citoyen d’obtenir les soins qu’il nécessite, sans inégalité. La mesure s’inscrit ainsi dans une logique plus globale et effective d’amélioration de la santé pour tous.
En complément d’autres dispositifs déjà mis en œuvre par l’État et nos collectivités, elle nécessitera d’assurer un nombre suffisant de maîtres de stage. Grâce à l’effort engagé, le nombre de praticiens habilités a connu une hausse de 9, 6 % entre 2019 et 2021.
Il faut inciter davantage les médecins à candidater et faciliter les procédures, en ciblant les territoires où l’offre de soins est très insuffisante.
En outre, l’exercice de la médecine a changé. Les jeunes professionnels ont désormais des souhaits qu’il faut prendre en compte si l’on souhaite assurer leur venue sur nos territoires et leur installation dans la durée : profession du conjoint, éducation des enfants, services publics, sécurité, mais aussi organisation du travail et existence d’un réseau de professionnels paramédicaux et de spécialistes ; ce dernier critère suppose d’ailleurs d’augmenter aussi le nombre de maîtres de stage universitaires dans les autres spécialités. C’est donc en réalité un ensemble de mesures qu’il faut prendre.
J’en suis d’autant plus persuadé que je viens d’un territoire non pas sous-doté, mais – j’y insiste – « sous-sous-doté ». J’aimerais d’ailleurs saluer le travail réalisé par mes collègues de la commission des affaires sociales sur le système de soins à Mayotte.
L’offre de soins, en médecine de ville en particulier, y est balbutiante : vingt-sept médecins généralistes libéraux, dont sept maîtres de stage, pour ainsi dire aucun spécialiste, et ce pour 300 000 habitants. À La Réunion, le département voisin, dont la population est presque trois fois plus nombreuse, on compte 1 200 médecins généralistes et plus de 160 maîtres de stage. Mayotte n’a pas de CHU. Son centre hospitalier doit pallier les lacunes d’accès aux soins primaires ; il est constamment sous tension et multiplie les évacuations sanitaires vers La Réunion.
Les Mahorais qui en ont les moyens vont se soigner hors du département, à La Réunion ou en métropole. Les autres renoncent souvent aux soins, même essentiels. L’état de santé de la population se situe très en deçà de la moyenne nationale. La sécurité sociale est toujours régie par des dispositions spécifiques, mais je suis heureux de constater que la convergence progresse via notamment l’extension à Mayotte, dans le PLFSS pour 2023, de la complémentaire santé solidaire ; vous savez que les médecins libéraux du département sont nombreux à n’avoir pas signé de convention avec la sécurité sociale, ce qui pose beaucoup de problèmes, l’absence de remboursement incitant certains malades à rester à la maison…
Cette quatrième année d’internat apprendrait beaucoup aux internes qui la feraient chez nous et serait une chance pour l’île. Je souligne d’ailleurs la création, sur l’initiative du centre hospitalier de Mayotte, d’une agence territoriale de recrutement qui a reçu cette année le grand prix de l’innovation en ressources humaines. Elle vise l’ensemble des acteurs de santé du territoire et doit permettre de centraliser le recrutement, d’accompagner les candidats, de renforcer l’attractivité et de fidéliser les personnels.
Les obstacles sont nombreux dans nos territoires, et les problèmes se posent de manière particulièrement intense et urgente à Mayotte.
Cette proposition de loi contribue en partie à les lever. Le groupe RDPI votera en sa faveur.