Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques nous permet désormais, en amont de la discussion du projet de loi de finances, de consacrer un débat à la situation des finances locales. Nous sommes tous d’accord pour dire que cet exercice est bienvenu.
Madame la ministre, vous souhaitez supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en deux ans, prétendument pour améliorer la compétitivité de nos entreprises industrielles. En fait, cette suppression ne bénéficierait qu’à hauteur de 40 % à ces dernières. Elle bénéficierait en revanche à nombre de sociétés du secteur tertiaire. En supprimant la CVAE, vous ne ciblez pas les entreprises industrielles. Pour soutenir la compétitivité de notre industrie, ne faudrait-il pas mieux conserver ces moyens pour faire face à la crise énergétique qui touche celle-ci de plein fouet ?
Par ailleurs, la compensation proposée a été calculée en prenant en compte deux années de crise sanitaire pendant lesquelles nous avons observé une contraction du produit de la CVAE. Pourtant, l’État a déjà perçu le montant de la CVAE pour 2023 qui, lui, est dynamique. La ficelle est trop grossière pour ne pas fâcher les bénéficiaires ainsi lésés !
La Première ministre s’est certes engagée à abonder ponctuellement le nouveau Fonds vert du montant de la dynamique de 2023, mais cela n’affecte pas le socle de la compensation de la CVAE. Cela revient donc à diminuer la somme fixée pour cette compensation…
Les incidences du schéma de compensation sur les indicateurs financiers des collectivités territoriales, qui n’interviendraient certes qu’à compter de 2024, n’ont pas à ce jour été évaluées, ni leurs conséquences éventuelles corrigées.
Sur ce point, le projet de loi de finances pour 2023 se limite pour l’heure à un renvoi bien trop large au pouvoir réglementaire. Cela me rappelle la suppression de la taxe d’habitation, pour laquelle des problèmes de compensation subsistent, notamment du fait de la réforme des indicateurs financiers. Vous vous attaquez au sujet de la CVAE alors que celui de la taxe d’habitation n’est pas clos.
Après les contrats de Cahors, vous souhaitez poursuivre aujourd’hui avec le nouveau pacte de confiance le mouvement visant à recentraliser le fonctionnement des collectivités territoriales.
Je note d’ailleurs que l’article correspondant a été supprimé à l’Assemblée nationale… Pourquoi ? Parce qu’il était irréaliste ! Il fixait le plafonnement de la progression des dépenses de fonctionnement à un niveau inférieur d’un demi-point à celui de l’inflation. Des sanctions étaient même prévues en cas de dépassement. Cela ne me semble pas acceptable, d’autant plus que l’on ne connaît ni les critères ni l’organisation précise de ce nouveau dispositif coercitif. Madame la ministre, votre copie est à revoir !
Il convient de sortir de l’ère du soupçon à l’égard de nos élus locaux, d’autant plus que ceux-ci sont contraints par des règles budgétaires bien plus exigeantes que celles qui s’appliquent à l’État et au Gouvernement – et, madame la ministre, cela se voit. Pour respecter vos engagements européens, vous souhaitez faire des économies sur le dos des collectivités territoriales, qui sont plus vertueuses que vous !
Face à la hausse des coûts de l’énergie, de nombreuses collectivités, même celles qui sont en bonne santé financière, se voient dans l’obligation de décaler des travaux importants ou des projets d’investissement, notamment en faveur de la transition énergétique.
Madame la ministre, votre seul souci devrait être de permettre aux collectivités territoriales de conserver une épargne brute significative afin de couvrir des investissements nouveaux, sachant en outre que le montant de leur facture énergétique est estimé, dans le rapport de notre collègue Françoise Gatel, à 11 milliards d’euros.
Le bouclier tarifaire et le plafonnement des prix de l’électricité à 180 euros le mégawatt sont certes utiles, mais ils ne compenseront que de manière insatisfaisante l’augmentation des charges des collectivités.
Oui, ces collectivités peuvent participer à l’effort de redressement de nos comptes publics, mais un échange constructif avec les associations d’élus est nécessaire au préalable. Souvenons-nous que les comptes des collectivités territoriales ne peuvent être en déséquilibre.
Actuellement, les finances locales connaissent un effet de ciseaux du fait d’une forte progression des dépenses non compensées par une augmentation équivalente de leurs recettes.
Madame la ministre, le processus de mitage fiscal organisé méthodiquement transforme peu à peu les principaux impôts directs locaux en compensations, puis en dotations, sur lesquelles les élus locaux n’exercent ni pouvoir de taux ni pouvoir d’assiette.
Au regard du contexte actuel, l’enjeu majeur est de mieux coordonner les finances locales, sociales et étatiques plutôt que de revenir à un idéal d’État central qui ne peut et ne doit plus être.