Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom du rapporteur général, Jean-François Husson, qui ne peut être présent dans l’hémicycle cet après-midi.
Ce débat sur la situation des finances des collectivités territoriales constitue une avancée importante, permise par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), à laquelle le rapporteur général tenait particulièrement.
Pour cadrer ce débat, un premier constat s’impose : il faut d’emblée dissiper l’illusion que la situation financière des collectivités territoriales est favorable. Elle est au contraire d’une grande hétérogénéité. Dès lors, raisonner à partir de moyennes globales n’a pas grand sens.
Quelle est la réalité ? Tout d’abord, à la fin de l’année 2021, près de 46 % des communes disposaient d’une épargne brute encore inférieure à son niveau de 2019. La crise sanitaire a laissé des traces budgétaires dans de très nombreuses collectivités, frappées désormais par les conséquences de la guerre en Ukraine. Une première réponse a été apportée cet été avec l’adoption, dans la loi de finances rectificative, d’un filet de sécurité pour le bloc communal et de mesures spécifiques pour les départements et les régions.
Ce filet de sécurité est le fruit d’un travail réalisé par les différents groupes de l’Assemblée nationale. Le Sénat l’a renforcé de façon significative en y incluant les charges liées au relèvement du point d’indice de la fonction publique, à la hausse des prix de l’énergie et à la forte inflation sur les produits alimentaires.
Ce dispositif a le mérite d’exister pour préserver les collectivités qui auront connu le plus de difficultés en 2022. Pour autant, sa portée n’est plus adaptée à une situation qui continue de se dégrader depuis la rentrée. De nombreuses collectivités voient se dresser un mur lors du renouvellement de leurs contrats de fourniture d’électricité et de gaz et ne savent pas à ce stade comment équilibrer leur budget pour l’année prochaine.
Des mesures puissantes et efficaces doivent donc être prises dans le projet de loi de finances pour protéger les collectivités qui en ont besoin. Le Gouvernement doit comprendre que si nous les laissons dans cette impasse financière, nous agissons contre notre propre intérêt. Car ce sont bien elles qui ont la capacité de mener, dans nos territoires, les projets d’investissement indispensables, en particulier ceux qui nous permettront de mettre en œuvre et de réussir, au plus près des besoins, la transition écologique indispensable à notre pays.
Ce débat budgétaire ne doit toutefois pas être limité aux épreuves de l’année à venir. L’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 nous donnera également l’occasion de nous prononcer globalement sur la stratégie de redressement des comptes publics, en particulier sur la juste part que doivent prendre les collectivités territoriales à cet effort.
Bien que le solde des collectivités territoriales soit excédentaire de près de 5 milliards d’euros en 2021 et que leur dette représente moins de 9 % de la dette publique totale, le Gouvernement fait le choix de leur demander un effort très substantiel de baisse de leurs dépenses de fonctionnement de 0, 5 % par an en volume.
Dans le même temps, si l’on neutralise l’effet des dépenses du plan d’urgence, du plan de relance et plus globalement des dépenses de crise, il apparaît que l’État ne réaliserait pas le moindre effort sur ses dépenses et que celles-ci progresseraient même sur la période de programmation.
Les membres de notre assemblée comme les élus locaux ne sauraient accepter sans réagir les méthodes d’un État qui entend réduire la dette publique tout en continuant d’aggraver la sienne, ou encore baisser les impôts en supprimant ceux des autres ! §La proposition de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en est une nouvelle illustration.
En conclusion de son propos, le rapporteur général souhaitait évoquer le prétendu « pacte de confiance ». On nous affirme que les mesures prévues n’ont rien à voir avec les contrats de Cahors. Il faut donc croire que c’est par étourderie que le Gouvernement a laissé, à l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), plusieurs paragraphes entièrement copiés-collés depuis l’article 29 de la précédente loi de programmation qui instituait les contrats de Cahors…
Si une première année de « liberté surveillée » est accordée, elle précède la mise en œuvre d’un mécanisme de correction extrêmement contraignant, appliqué au terme d’un raisonnement par strates de collectivités pour le moins douteux. De nouvelles sanctions ont par ailleurs été imaginées, notamment l’exclusion des dotations d’investissement de l’État.
Nous sommes donc bien loin de la « nouvelle méthode » qui avait été annoncée. Les collectivités territoriales savent pourtant pertinemment qu’il existe entre elles et l’État une communauté de destin et que la réussite de notre pays passe par le redressement de ses finances publiques. Elles ont consenti de très importants efforts par le passé pour maîtriser leurs dépenses et sont prêtes à les poursuivre, sous réserve de réciprocité de la part de l’État. C’est une question de justice.
Au-delà des mots, nous attendons plus que jamais des actes, mais des actes de confiance !