Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les précédents orateurs ont évoqué beaucoup de chiffres. Pour ma part, je démarrerai mon propos en citant Pablo Neruda :
« Je t’aime,
« Je t’aime d’une manière inexplicable,
« De nature inavouable,
« De façon contradictoire.
« Je t’aime…
« Avec mes états d’âme qui sont nombreux,
« Et mes changements d’humeurs continuels. »
C’est une déclaration d’amour magnifique et ce sont les mots que nous aurions aimé entendre de la part de l’État à l’endroit des collectivités territoriales.
Alors oui, l’histoire entre l’État et les collectivités locales est ancienne. Elle est inscrite dans la Constitution et est marquée par 1983 et les lois de décentralisation. Depuis, les collectivités sont là et font preuve d’efficacité : boucliers de proximité, acteurs essentiels de l’investissement public, de l’emploi et des solidarités.
Le Gouvernement auquel vous appartenez ne cesse de déclarer sa flamme et son soutien aux plus grandes entreprises, en leur accordant des dizaines de milliards d’euros sans contrepartie écologique ou sociale. La situation de Total en est l’illustration ultime et caricaturale. Je vous rappelle que Total et les cinq plus grandes entreprises fossiles réalisent un profit cumulé de 2 600 dollars par seconde.
Madame la ministre, les collectivités territoriales sont des entreprises de service public innovantes, qui méritent soutien, liberté d’action et confiance.
Qui, pendant la pandémie, a organisé les distributions de masques et de colis alimentaires, la désinfection des salles de classe et l’accueil des enfants des professions prioritaires ou encore le suivi des personnes âgées, isolées ou malades ?
Qui a mis en place des centres de vaccination pour répondre aux enjeux de santé publique que le Président de la République annonçait ?
Qui a rétabli le dialogue durant la crise des « gilets jaunes » ? Qui investit dans les transports collectifs, la transition énergétique et écologique afin que tiennent les solidarités locales ?
Les collectivités locales sont un atout puissant et vous les mettez au pain sec, quand le budget de 2021 a offert, aux entreprises du CAC 40, 56 milliards d’euros non conditionnés et largement redistribués en dividendes…
Au nom de quoi l’État, dont les déficits s’aggravent, veut-il contraindre les choix politiques des collectivités dont la gestion est équilibrée ? Elles contribuent à 70 % des investissements publics et par leurs budgets de fonctionnement à la cohésion sociale – le fonctionnement n’est pas un gros mot, c’est l’outil nécessaire des services à la population.
Les collectivités locales sont le laboratoire de politiques publiques innovantes et des transitions pour notre pays.
Les transports propres, les bâtiments économes en énergie, la renaturation des villes, le développement des énergies renouvelables, la protection des forêts, des littoraux et de la biodiversité sont au cœur des dynamiques portées par nos territoires. La diversité de leurs politiques permet des expériences fructueuses.
Si vous leur accordiez la confiance, mais sans le contrat, madame la ministre, vous mesureriez leurs capacités à accompagner les défis de notre société en termes sociaux et écologiques.
Vous mettez en place un bouclier tarifaire pour tous les citoyens, y compris pour les plus riches d’entre eux, et pour les entreprises, mais vous ne prévoyez rien pour permettre aux collectivités de continuer à chauffer les écoles, les collèges, les lycées, les équipements sportifs, les médiathèques, les théâtres, les centres de santé ou encore les crèches. Rien non plus pour les hôpitaux d’ailleurs, autre sujet essentiel !
Laissez les collectivités moduler le versement mobilité pour faire face aux enjeux du transport en commun. Laissez-les taxer davantage Airbnb, les résidences secondaires, les logements vacants, les hôtels de luxe pour faire face à la crise du logement dans les zones touristiques.
La Cour des comptes a fait des propositions à la suite de la saisie de notre excellente commission des finances. Les associations d’élus portent haut et fort une contribution responsable et le Parlement, notre chambre comme l’Assemblée nationale, vous invite à les entendre. Pas seulement à nous écouter, madame la ministre, mais bien à nous entendre.
Entendez-les ! Entendez-nous ! Ne supprimez pas la CVAE, indexez la DGF, taxez ceux qui réalisent des profits exceptionnels dans ce contexte de crise et financez ainsi un bouclier tarifaire pour toutes les institutions publiques. Supprimez les contrats, mais faites confiance à celles et ceux qui, au quotidien, sont au service de nos concitoyens et incarnent le service public de proximité.
Mettez fin au désarmement financier de l’État et des collectivités. Osez la confiance, osez délaisser ce jacobinisme surplombant au profit d’un véritable partenariat avec les collectivités locales, osez la République décentralisée !
Les élus locaux ne veulent pas devenir des sous-préfets anémiés, qui sauraient ce qu’il faut pour leur territoire, mais qui seraient tout juste bons à expliquer à leurs concitoyens qu’ils ne peuvent pas le faire !