Intervention de Isabelle Briquet

Réunion du 18 octobre 2022 à 14h30
Finances locales — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Isabelle BriquetIsabelle Briquet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les finances locales sont-elles devenues les variables d’ajustement des comptes publics ? De contrats de Cahors en pactes de confiance, l’autonomie financière et la libre administration des collectivités territoriales ne seront bientôt plus que de lointains souvenirs.

Madame la ministre, comprenez l’inquiétude des élus locaux, qui, de crise en crise, doivent toujours faire plus avec moins du fait des incessantes modifications de ressources que vous leur imposez : suppression de la taxe d’habitation sous le précédent quinquennat ; suppression de la CVAE sous celui-ci ; etc.

Transformer ainsi des recettes fiscales en dotations pose problème à plusieurs égards : c’est une réelle perte d’autonomie ; c’est couper le lien entre le territoire et les habitants ; c’est acter de fait une diminution des recettes.

L’inquiétude se transforme en colère lorsque ces mêmes élus entendent ici et là que les finances locales se portent bien. C’est d’ailleurs ce que m’avait répondu le ministre des comptes publics lorsque je l’avais alerté sur ce sujet en mars dernier – il est vrai qu’il était alors question d’une ponction de 10 milliards d’euros sur les finances locales.

Depuis, avec l’augmentation – nécessaire – du point d’indice et la hausse du coût des matières premières, des denrées alimentaires et de l’énergie, les collectivités locales sont au bord de l’asphyxie, enfin celles qui peuvent encore respirer…

Prenons l’exemple d’une commune que je connais bien pour l’avoir administrée pendant vingt ans. Comment peut-elle faire face à une augmentation de 1 million d’euros de sa facture d’électricité, alors que son budget de fonctionnement dépasse à peine les 5 millions ? Beaucoup d’autres communes, petites ou grandes, rurales ou urbaines, doivent faire face à la même situation.

Il en est de même pour les départements, dont les finances sont déjà affectées par le manque de compensation des dépenses liées au Ségur de la santé et à l’évolution des allocations individuelles de solidarité, particulièrement le RSA, pour lequel le fonds d’urgence ne fera pas la maille.

Au-delà de leurs dépenses propres, les collectivités doivent aussi faire face aux difficultés des organismes ou établissements qu’elles financent. La situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est particulièrement préoccupante. Que dire de celle des services d’incendie et de secours (Sdis) ? Nous le voyons bien, cette crise financière a des répercussions sur l’ensemble des services publics.

Devant l’explosion des coûts, nous avons voté cet été un filet de sécurité. S’il était initialement censé concerner 22 000 communes, seul un tiers d’entre elles y serait éligible. Il est donc urgent de revoir la copie, notamment les critères d’accès, afin que ce filet puisse jouer pleinement son rôle.

La réponse du Gouvernement doit être à la hauteur de l’enjeu. Aujourd’hui, que nous proposez-vous ? Les pactes de confiance ! Quelle que soit la manière dont on les nomme, ces pactes constituent une double peine pour les collectivités : baisse des dotations du fait de la non-indexation sur l’inflation, d’une part, contrôle de la dépense, d’autre part. Il s’agit purement et simplement d’un contrat léonin.

Au-delà de toute autre considération, comment imposer une réduction des dépenses à des collectivités qui ne peuvent pas, en raison de l’inflation, estimer leurs coûts ? Pour la seule électricité, selon les dates d’échéances des marchés, les choix énergétiques passés ou les modes d’indexation, les surcoûts peuvent être de 10 %, 100 %, 300 %, voire plus dans certains endroits.

De même, il est difficile d’avoir un peu de lisibilité sur les intérêts de la dette, sauf à pouvoir prévoir les taux de 2023, dont personne ne peut à ce jour connaître l’évolution.

Ainsi amputées de toute marge de manœuvre, quelles perspectives reste-t-il aux collectivités ?

Contribuer au seul redressement des comptes publics ? C’est oublier le rôle primordial des collectivités en matière d’investissement public, un investissement qui assure la bonne tenue du tissu économique local et contribue à la préservation de l’emploi.

C’est oublier le rôle majeur que jouent les collectivités dans notre pays et les actions qu’elles portent au quotidien, au plus près des populations, en finançant des services publics de proximité en tout point du territoire.

Madame la ministre, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions n’en peuvent plus d’être si peu considérés. Nos collectivités locales ont besoin de véritables relations de confiance avec l’État et non d’une mise sous tutelle déguisée.

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