Intervention de Caroline Cayeux

Réunion du 18 octobre 2022 à 14h30
Finances locales — Conclusion du débat

Photo de Caroline CayeuxCaroline Cayeux :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai, dans le temps qui m’est imparti, de répondre à la majorité de vos interventions.

Je commencerai par certains points précis qui ont été abordés sur les mesures du PLF pour 2023, avant de répondre plus globalement sur les enjeux qui ont été évoqués, à savoir la nécessité d’une réforme de la fiscalité locale et d’un nouvel élan de décentralisation dans notre pays.

Sur les questions les plus techniques, je reviendrai vers chacun d’entre vous pour vous apporter une réponse circonstanciée.

Monsieur le sénateur Capus, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, la suppression de la CVAE n’entraînera pas, je le répète, une baisse des ressources des collectivités territoriales, bien au contraire. Sa compensation intégrale par l’attribution d’une nouvelle fraction de TVA et sa dynamique garantiront aux collectivités une meilleure prévisibilité et une meilleure visibilité sur leurs recettes, alors que la CVAE était très volatile.

Ensuite, sur la compensation, à l’écoute des élus, nous avons justement souhaité introduire un mécanisme de moyenne pour lisser la volatilité de la CVAE d’une année sur l’autre, en intégrant l’année 2023 dans le calcul.

La compensation l’année prochaine correspondra aux sommes que l’État aurait dû verser aux collectivités en 2023 au titre de la CVAE. Rien ne sera conservé. La dynamique de cette compensation sera territorialisée. Je le redis, un territoire accueillant plus d’activités recevra plus de TVA.

Monsieur le sénateur Cozic, je tiens à souligner, tout d’abord, que le choix de non-indexation la DGF sur l’inflation date non pas d’aujourd’hui, mais de 2010.

Pour autant, le Gouvernement a pris la décision, inédite depuis treize ans, d’augmenter la DGF de 320 millions d’euros. Je rappellerai que, entre 2008 et 2014, les dotations des collectivités ont subi une baisse de plus de 11 milliards d’euros.

Par ailleurs, nous avons fait le choix d’une action ciblée, en mettant un œuvre le filet de sécurité et un bouclier tarifaire, ou encore le fonds d’urgence pour les communes en difficulté financière. Cela nous permet de soutenir en priorité celles qui en ont le plus besoin, car, comme vous le savez, les situations de chaque collectivité sont extrêmement diverses.

De manière plus générale, je pense que les interventions de MM. les sénateurs Guené et Rambaud, sans être exhaustives, ont permis de faire ressortir l’ensemble de vos doutes, de vos interrogations, qui reposent sur un constat que nous partageons tous, en réalité.

Notre modèle des finances locales est aujourd’hui complexe et marqué par une longue sédimentation, qu’ont accentuée les réorganisations successives du partage des compétences entre les différentes strates des collectivités territoriales. Cette situation peut parfois donner l’impression d’affecter les principes cardinaux qui président aux finances locales, notamment l’autonomie des collectivités territoriales.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, dont votre chambre a eu l’heureuse initiative, il faut d’abord rappeler qu’il s’agit là davantage d’une impression que d’une réalité : l’autonomie financière, telle qu’elle est mesurée par les ratios définis en 2004, progresse.

C’est la part croissante de la fiscalité nationale au sein des ressources propres des collectivités qui nourrit chez les élus le sentiment d’une perte de maîtrise et d’une déconnexion de leurs ressources avec les réalités de leur territoire.

À mon sens, le Président de la République a été très clair, dans son discours prononcé en Mayenne le 10 octobre, sur sa volonté de lancer le nouveau chapitre de décentralisation dont notre pays a besoin. Je pense en effet que notre modèle est à repenser : il faut le remettre à plat, le simplifier, pour qu’il fasse à nouveau sens pour chacun, pour les élus locaux comme pour nos concitoyens. Il faut repenser notre système d’administration décentralisée pour que les responsabilités accompagnent à chaque niveau le pouvoir normatif et les financements.

Cela implique nécessairement des choix politiques forts, comme le souligne la Cour des comptes. Le Gouvernement est prêt à faire de tels choix. Cependant, la Cour souligne également que cette refonte de notre système de décentralisation ne peut être conduite qu’en étroite concertation avec l’ensemble des parties concernées, c’est-à-dire les collectivités territoriales, les élus et, bien sûr, le Parlement, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de parvenir à un consensus dans l’intérêt général de notre pays.

Aussi, je ne me prononcerai pas aujourd’hui sur le détail du scénario envisagé par la Cour des comptes. Il s’agit d’un travail prospectif particulièrement précieux, qui alimentera sans aucun doute le grand chantier que nous souhaitons mener.

À cet égard, je vous remercie de vos interventions, qui nourrissent ma réflexion personnelle sur ce sujet, mais notre démarche de coconstruction ne serait pas véritablement sincère, vous en conviendrez, si nous cherchions, en amont, à figer le débat par des positions arrêtées. Nous avons bien sûr un objectif, une boussole et des convictions, qui nous guideront dans nos échanges à venir, mais il ne s’agit en aucun cas d’un schéma préconçu, puisque c’est ensemble que nous construirons le nouveau modèle décentralisé de notre pays.

Monsieur le sénateur Requier, dans votre intervention, vous mettez en garde contre les promesses illusoires, et je suis d’accord avec vous. Comme le disait Jean-Pierre Raffarin, qui siégeait encore sur ces travées il n’y a pas si longtemps : « La politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et repousser toujours la résolution des problèmes du quotidien. » Le nouveau chapitre de décentralisation que nous souhaitons ouvrir n’est pas le retour d’une vieille antienne ; c’est la réponse nécessaire aux limites de notre système.

Cette refonte, que nous souhaitons construire avec vous, impose à tous, à l’État, mais aussi à toutes les collectivités, de jouer le jeu de cette remise à plat, qui remettra nécessairement en cause de nombreuses situations établies.

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