Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 19 octobre 2022 à 15h00
Évolution de la formation de sage-femme — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ainsi que la rapporteure du texte, Mme Raymonde Poncet Monge, d’avoir fait inscrire ce texte à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

Cette proposition de loi, très attendue par les sages-femmes, sera, je l’espère l’occasion de faire entendre la voix de ces professionnelles et de promouvoir la reconnaissance et la valorisation que cette profession mérite.

Au fil du temps, parallèlement à la médicalisation et à la technicisation croissante des accouchements, le rôle des sages-femmes a évolué et leurs compétences se sont élargies, mais leur statut, lui, est resté inchangé. En effet, alors que le code de la santé publique reconnaît le métier de sage-femme comme une profession médicale, les actes de ces professionnelles ne sont que partiellement reconnus dans les nomenclatures.

Cette situation est paradoxale, car, en raison du manque de gynécologues, les sages-femmes sont devenues les relais et les piliers indispensables du parcours de santé des femmes.

Ainsi, depuis quelques années, elles exercent de nouvelles activités en dehors du champ traditionnel de la grossesse, telles que le suivi gynécologique, la prescription de contraceptifs, la pratique de l’IVG, la préparation à l’assistance médicale à la procréation, ainsi que la prévention et l’éducation à la sexualité.

Cet enrichissement de leurs compétences a nécessairement conduit à enrichir leur formation initiale, qui paraît aujourd’hui trop dense, bien plus en tout cas que celle des autres professions médicales. En effet, les études de sage-femme comportent un volume supérieur de 1 246 heures par an par rapport à certaines formations médicales qui durent au minimum six ans.

Cette intensité des études nuit au bien-être étudiant et à l’attractivité des études en maïeutique. Selon l’Association nationale des étudiants sages-femmes (Anesf), en 2018, plus de deux tiers des étudiants en maïeutique souffraient de symptômes dépressifs.

Face à ces constats, il était indispensable de réformer la formation des sages-femmes et, à cet égard, la présente proposition de loi comporte des avancées que nous saluons.

À l’article 1er, le texte parachève l’intégration universitaire des sages-femmes, afin de lutter contre les inégalités entre les différentes écoles. En effet, aujourd’hui, 24 écoles sur 35 fonctionnent encore selon une régulation et un financement à l’échelon régional, 11 ayant opté pour un financement universitaire. Cela crée une disparité préjudiciable.

Ainsi, dans certaines écoles, les financements régionaux n’ont pas évolué et la réforme du numerus apertus de l’année dernière n’a pu être mise en œuvre. Le nombre de places de formation pour les sages-femmes n’a donc pas augmenté. En donnant aux universités la compétence d’agréer et de financer les écoles, le texte renforce le statut médical des sages-femmes.

La création, à l’article 1er bis, d’un statut de sage-femme agréée maître de stage des universités, à l’instar de ce qui existe pour les médecins généralistes, représente une avancée importante dans l’encadrement des étudiants et dans la valorisation de l’encadrement des sages-femmes.

L’article 2, qui consacre la mise en place d’un troisième cycle universitaire, répond à une demande forte de la profession, et le groupe SER, qui soutient depuis longtemps cette mesure, se félicite de sa mise en œuvre dès la rentrée 2024. Nous regrettons néanmoins qu’il ne soit pas prévu de renforcer la formation continue des sages-femmes en portant le nombre de jours de formation de 2, 5 à 15 par an, comme le demandent les syndicats et l’ordre de cette profession.

L’article 3 offre aux doctorants de la filière maïeutique la possibilité d’exercer simultanément leur activité professionnelle et des activités d’enseignement et de recherche, afin de renforcer l’attractivité de la profession.

Enfin, l’article 4 de la présente proposition de loi reconnaît l’activité de sage-femme comme une activité de pratique médicale au sein de la nomenclature des activités françaises de l’Insee. Cette mesure répond à une demande récurrente de la profession et met fin à une situation injustifiée au regard de ses activités.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, comporte de réelles avancées pour la reconnaissance de la profession de sage-femme. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la soutiendra.

Néanmoins, la réforme de la formation ne représente qu’une partie de la réponse à apporter au sentiment de déclassement et au besoin d’attractivité de cette profession. Depuis de nombreux mois, les sages-femmes alertent les pouvoirs publics sur leurs conditions de travail, et, face au silence de ces derniers, elles manifestent et font grève.

Par conséquent, les sujets restant en suspens, tels que la rémunération, encore inférieure à celle des autres professions médicales, les conditions de travail – nous sommes loin du modèle « une femme, une sage-femme », mis en place par certains de nos voisins européens –, le manque de personnel ou la révision du décret de périnatalité, devront faire prochainement l’objet d’autres textes.

Aujourd’hui, une sage-femme est amenée à prendre en charge jusqu’à trois patientes par garde de douze heures en salles de naissance et jusqu’à vingt-cinq en suites de couches. Dans ce contexte, il paraît difficile pour les sages-femmes de consacrer assez de temps à l’accompagnement correct de tous les couples qu’elles doivent suivre.

Les conditions de travail dégradées ont des conséquences sur la santé mentale des sages-femmes et, dans le milieu hospitalier, près de 40 % d’entre elles font un burn-out. Le métier de sage-femme est tellement en perte d’attractivité que l’on enregistre en France près de 20 % de postes vacants.

Je me permets donc de vous interpeller, madame la ministre, sur la nécessité d’un texte plus large sur la périnatalité et l’accompagnement de la santé des femmes et des nouveau-nés, dans la lignée du rapport sur les 1 000 premiers jours.

Ce texte est d’autant plus nécessaire que l’Agence nationale de santé publique note, dans son rapport du 20 septembre dernier sur la santé périnatale, de grandes inégalités territoriales et une aggravation de la situation.

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