Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des sujets sur lesquels nous devons nous exprimer avec la plus grande précaution. C’est le cas des violences conjugales, parce qu’il s’agit de situations où la violence s’immisce dans l’intime, où l’amour s’abîme dans l’horreur et dans la haine, où les problématiques sont aussi complexes que révoltantes.
Cette précaution ne doit pas nous empêcher d’agir, bien au contraire. Seulement, il convient de privilégier la voie du pragmatisme à celle de l’idéologie, la mesure et l’action aux condamnations à l’emporte-pièce. C’est pourquoi je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Valérie Létard, dont le travail répond précisément à cette exigence.
Que le dispositif de la proposition de loi soit directement inspiré par une expérimentation conduite par des acteurs de terrain a de quoi nous rassurer à cet égard. Ces acteurs de terrain, qu’il s’agisse des services sociaux de proximité ou des associations de soutien aux victimes de violences conjugales, sont unanimes sur la question : le soutien aux victimes doit passer par une aide d’urgence, facilement accessible et rapidement décaissable.
En effet, comme je le disais en préambule, les victimes de violences conjugales sont particulièrement fragiles et précaires, puisqu’elles partagent bien souvent le même domicile et les mêmes revenus que leur bourreau. En conséquence, les victimes n’ont aucun moyen d’échapper à ces violences, qui sévissent au sein même du foyer.
D’où le cercle vicieux de la violence, qui s’installe de manière pernicieuse dans la normalité d’un couple, où les sévices, tout d’abord isolés, commencent à se répéter, puis à devenir de plus en plus graves. Et puisque les victimes n’ont pas les moyens de s’échapper, ces violences finissent par se banaliser : elles deviennent régulières, bien souvent quotidiennes ; bientôt, les victimes ne peuvent plus s’y opposer ni même les éviter.
Que faire face à cette banalisation du mal ? Que faire, alors même que les victimes ont parfois tendance à occulter ou à nier les violences qu’elles subissent, parce qu’un lien affectif les unit encore à leur bourreau ?
La proposition de loi que nous allons examiner vise précisément à offrir à ces victimes l’espoir d’une échappatoire. En prévoyant la possibilité de débloquer en trois jours un pécule pour permettre à la victime de se mettre à l’abri, nous apportons une réponse concrète pour briser ce cercle vicieux de la violence.
En commission, j’ai fait part de plusieurs interrogations relatives à la sécurisation du dispositif, notamment pour ce qui concerne les modalités de versement de l’avance et de son recouvrement.
Je crois que l’adoption des amendements proposés par la rapporteure a contribué à renforcer le dispositif. Les précisions apportées, notamment pour mieux définir les critères d’octroi, rendront le dispositif envisagé plus efficace et plus opérant.
Pour dire clairement les choses, c’est toute la difficulté de ce dispositif qui doit apporter une réponse rapide pour faire face à l’urgence d’une situation, en évitant à tout prix que l’irréparable ne se produise. C’est cet objectif qui nous oblige à veiller, en priorité, à la célérité du dispositif. Cela n’exclut pas une forme de contrôle, mais il est nécessaire que ce contrôle intervienne ex post, c’est-à-dire après le versement de l’avance, afin de ne pas ralentir une procédure dans laquelle la mise à l’abri d’une victime tient parfois à peu de chose.
En conclusion, je crois que le travail en commission a amélioré une initiative parlementaire de grande qualité, qui répond aux préoccupations issues du terrain. Nous avons déposé un amendement qui vise à répondre à un angle mort de la proposition de loi et qui a pour objet le versement par les mutuelles sociales agricoles de cette avance.
Le groupe Les Indépendants soutient cette initiative. J’espère qu’elle sera largement adoptée par le Parlement et rapidement mise en œuvre par le Gouvernement.