Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quarante ou cinquante ans, apparaissaient, grâce aux mouvements féministes, les expressions « féminicide » et « violences conjugales ». Il y a trente et un ans était créé le premier numéro d’appel d’État anonyme pour les victimes de violences conjugales. Il y a six ans commençait le décompte des féminicides en France. Il y a cinq ans, #MeToo libérait la parole sur les violences sexuelles, notamment au sein des couples.
Depuis lors, des lois ont été votées en 2014, 2018 et 2020 pour tâcher de pallier nos manquements. Mais la France continue d’être un pays où les femmes meurent et sont victimes de violences, parce qu’elles sont des femmes. Le décompte de nos mortes est à 102 féminicides pour 2022.
Nous ne cessons de dire tous les ans en novembre et en mars à toutes les victimes de violences que nous les croyons. Croire la parole est essentiel, mais, quand on est cru, encore faut-il pouvoir partir de chez soi, fuir son conjoint violent, en avoir la possibilité économique.
Nous vivons encore dans un monde où la réalité est que, dans les couples hétérosexuels, la majorité des hommes gagnent plus d’argent que leurs conjointes, l’écart de revenus étant de 47 % en faveur des hommes. Cet écart se creuse avec les séparations conjugales.
Face à cet état de fait, le texte proposé par notre collègue Valérie Létard prévoit l’attribution d’un prêt aux femmes victimes de violences afin de leur donner les moyens de partir de chez leur conjoint violent et d’engager des actions judiciaires.
Le principe d’un prêt, c’est qu’il doit être remboursé. Or il peut paraître difficile de demander à une femme victime de violences d’accepter un prêt, certes à taux zéro, car elle devra s’engager à le rembourser, en supposant qu’elle en aura les moyens.
De plus, 80 % des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite, si bien que, en l’état actuel de la réalité de notre pays vis-à-vis du traitement judiciaire des violences conjugales, les femmes devront, sauf exception, rembourser ce prêt.
Enfin, même si la procédure aboutit à une condamnation, la CAF pourra utiliser les dommages et intérêts obtenus pour réparation de violences, alors que ceux-ci, auxquels nul n’aurait touché si la victime avait eu les moyens, ont vocation à réparer les préjudices subis.
Je pense également aux Françaises qui résident à l’étranger, qui me semblent en partie oubliées par ce texte et auxquelles nous devons aussi protection. En effet, les victimes devront être inscrites sur le registre des Français établis hors de France et porter plainte ou faire un signalement en France ou dans le pays de résidence.
Or plus de la moitié des Français qui vivent à l’étranger ne sont pas inscrits sur ce registre – on peut estimer que c’est une erreur de leur part, mais c’est la réalité. Je regrette donc que cette inscription soit obligatoire. On se lance rarement dans de telles démarches administratives lorsque l’on est victime de violences conjugales…
Cela dit, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de ce texte, qui constitue malgré tout une avancée, un petit pas dans la bonne direction.
Cette proposition de loi ne doit pas faire oublier tout le chemin qu’il reste à parcourir en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, en termes de prévention, de formation et de moyens financiers alloués à la mise en sécurité des victimes et de leurs enfants, à leur reconstruction, à la fin de l’impunité et à la neutralisation des agresseurs.
En attendant, mes chers collègues, je vous invite à ne pas oublier d’aller manifester le 16 novembre avec le collectif Nous toutes contre toutes les violences sexistes et sexuelles. C’est par la rue que nous gagnons les combats !