Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 213 000, c’est le nombre de femmes qui déclarent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année.
Les chiffres, nous le savons, sont plus qu’alarmants. En 2020, une femme meurt tous les trois jours et demi sous les coups de son mari ou de son ex-mari. En 2021, quelque 122 femmes et 21 hommes sont ainsi décédés. Ces violences touchent tous les territoires et toutes les catégories sociales. Elles sont toujours, lorsque l’issue n’est pas mortelle, source d’isolement et de vulnérabilité chez la victime, trop souvent livrée à elle-même, seule face à son bourreau.
Face au calvaire que vivent de trop nombreuses victimes, nous devons agir.
Agir, en protégeant les personnes victimes de violences conjugales. C’est l’ambition de la loi de 2010 que le Parlement et le Gouvernement ont renforcée sous la précédente législature et qui permet au juge des affaires familiales de statuer sur des mesures de protection sans que la personne ait déposé plainte. Le nombre d’ordonnances n’a cessé d’augmenter depuis 2015 ; il a même doublé en cinq ans.
Agir, en éloignant le conjoint violent, car ce ne doit pas être systématiquement à la victime de quitter le domicile. C’est l’objectif du bracelet anti-rapprochement, dispositif de surveillance électronique créé par la loi du 28 décembre 2019, qui permet de géolocaliser la victime et son agresseur, ce qui constitue l’une des mesures les plus protectrices en matière de violences conjugales.
Je pense également à l’instauration du référé violences conjugales, procédure qui permet au juge d’ordonner l’éviction du conjoint violent et l’attribution du domicile conjugal à la victime.
Agir, en apportant assistance aux victimes en situation de vulnérabilité et en grave danger. C’est la raison pour laquelle le dispositif téléphone grave danger, accessible sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, a été généralisé, afin de permettre à toutes les victimes de violences conjugales d’y avoir accès sur l’ensemble du territoire. Il permet d’alerter et de faire intervenir immédiatement, grâce à la géolocalisation, les forces de l’ordre en cas de menaces ou de violences.
Un numéro unique, le 3919, a par ailleurs été déployé, et l’examen de cette proposition de loi doit nous permettre d’en faire la promotion à destination de toutes les femmes victimes ou en danger.
Agir, enfin, pour l’avenir des victimes. C’est tout l’objet du pacte Nouveau départ, annoncé en septembre dernier par Mme la ministre, qui accompagnera les victimes de violences de façon globale grâce à la mobilisation d’aides sociales, l’accès à la formation, l’aide au retour à l’emploi, l’hébergement d’urgence ou encore un soutien psychologique.
Pourtant, malgré ces avancées salutaires et l’action du Gouvernement, la situation est critique, mes chers collègues. Trop de femmes, par peur de se retrouver seules avec leur conjoint violent, s’enferment dans le déni, parfois la honte, et renoncent à porter plainte ou à s’enfuir.
Face à ces drames, il est de la responsabilité du législateur d’apporter des solutions concrètes. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Déposé par Valérie Létard, ce texte, dont j’ai l’honneur d’être cosignataire, vise à créer une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales.
Le groupe RDPI partage son objectif, puisque le dispositif permettra à la victime de s’extraire, avec ses enfants, d’une situation de danger, en lui apportant une aide garantissant son autonomie financière.
Protéger la mère, c’est aussi protéger les enfants. Ces enfants sont en effet les victimes directes, lorsqu’ils sont eux-mêmes frappés ou menacés, ou indirectes, lorsqu’ils sont tout simplement exposés à ces violences. Par ailleurs, ils sont souvent instrumentalisés pour maintenir une certaine emprise du conjoint violent sur la victime.
Les études récentes montrent que les enfants traumatisés par ces violences ont davantage de problèmes de santé, comme des retards de croissance, et qu’ils présentent dix à dix-sept fois plus de troubles du comportement que les enfants qui vivent dans un foyer sans violence.
Nous sommes néanmoins sceptiques quant à la notion de prêt, car devoir rembourser cette aide pourrait, dans de nombreux cas, être synonyme d’insécurité chez les femmes victimes en situation de précarité qui en subiraient les effets sur le plan financier. Mais je ne doute pas que Valérie Létard nous apportera des réponses complémentaires visant à pallier les difficultés que ce dispositif pourrait entraîner.
En tout état de cause, et malgré cette réserve, notre groupe soutiendra sans réserve cette proposition de loi.