Intervention de Alexandra Borchio Fontimp

Réunion du 20 octobre 2022 à 10h30
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alexandra Borchio FontimpAlexandra Borchio Fontimp :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que répondre aux victimes de violences, dont certaines, hélas, ne peuvent même plus nous entendre ?

En tout état de cause, tous les mots prononcés dans cet hémicycle aujourd’hui n’apaiseront en rien la douleur des coups répétés d’un conjoint violent.

Espérons néanmoins que ce débat puisse faire évoluer la cause des femmes et des hommes victimes de violences conjugales, afin que la peur change de camp une bonne fois pour toutes, qu’un véritable cadre protecteur et rassurant pour les victimes soit enfin mis en place, qu’elles ne se sentent plus seules et abandonnées à leur sort et qu’elles gardent ce qu’elles ont de plus précieux : leur liberté et leur dignité.

Alors, le ton doit être humble, et la volonté politique ambitieuse ! Réunis pour examiner ce texte défendu par notre collègue Valérie Létard, nous ne pouvons que la féliciter pour sa proposition, qui va dans le bon sens : rendre aux victimes de violences conjugales une indépendance financière, condition sine qua non pour qu’elles se libèrent enfin des chaînes de l’angoisse de la violence.

Ce texte est le fruit d’un consensus transpartisan. C’est avec honneur que j’en défends donc la teneur et en réaffirme la qualité.

Le Sénat s’est saisi depuis de nombreuses années de ce sujet et demeure une source inépuisable de propositions lorsqu’il s’agit d’introduire des mesures efficaces et protectrices envers les victimes de violences conjugales. Le récent rapport sur les zones blanches de l’égalité doit appeler toute l’attention du Gouvernement sur la particularité, notamment, des zones rurales, qui apparaissent malheureusement comme des terreaux intarissables de féminicides.

Si des moyens supplémentaires sont engagés pour endiguer cet effroyable fléau, il nous revient de veiller avec beaucoup de vigilance qu’ils puissent bénéficier à toutes et tous de façon égalitaire, et cela en tout point de l’Hexagone et des outre-mer. L’égalité entre les êtres, ce plébiscite de tous les jours, passe aussi par une égalité entre les territoires. Nous devons collectivement revoir notre copie pour que personne ne soit laissé sur le bord de la route.

À trente-six jours de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, affirmons d’abord notre reconnaissante admiration à celles qui ont trouvé les ressources pour demander de l’aide, entamer un processus de reconstruction et témoigner. Osons clamer enfin, car il le faut, que le combat pour l’égalité est une lutte de tous les instants, une bataille permanente, et que le moindre relâchement nous est interdit.

Alors que les Françaises et les Français décompteront les heures avant le passage en 2023, d’autres procéderont déjà au décompte des femmes lâchement assassinées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Le 1er janvier dernier, Muriel, Lisa et Éléonore ouvraient ce bal funeste illustrant les dysfonctionnements dramatiques de notre système judiciaire. Nous devons enfin comprendre que la non-assistance à personne en danger ne peut plus durer.

Pour preuve, un rapport de l’inspection générale de la justice de 2019 sur les homicides conjugaux indique que, si 41 % des victimes avaient alerté les forces de sécurité, 82 % des mains courantes et procès-verbaux de renseignement judiciaire n’avaient donné lieu à aucune investigation, tandis que 80 % des plaintes avaient abouti à un classement sans suite. Avant d’envisager d’autres réformes, il est urgent, pour celles qui sont encore en vie, d’appliquer les lois existantes.

La responsabilité individuelle ne doit pas se diluer dans la responsabilité collective. La parole politique, la loi et la justice ont le pouvoir de remettre ce monde à l’endroit, ce monde où la victime a trop longtemps été la coupable.

Et il nous faut penser au futur et ne pas hypothéquer la liberté de nos filles et de nos fils en laissant se perpétrer la violence devant eux, parce que ne pas arrêter la violence, c’est en engager une reproduction mécanique à l’égard de la génération suivante.

Comment ignorer qu’un enfant témoin présente quatre fois plus de chance de devenir auteur de violences conjugales et six fois plus de chance de devenir victime ?

Les études démontrent qu’ils subissent des traumatismes comparables à ceux que les personnes confrontées à la guerre développent. Comment tolérer encore en 2022 une telle destruction de l’enfance ?

Il y a urgence à agir sur les plans de la détection, de la prise en charge et de la protection des victimes de violences, tout en s’assurant de la mise hors d’état de nuire des personnes violentes. Il est urgent de protéger, soutenir et accompagner celles qui sont, chaque jour, humiliées, esseulées et violentées.

Chère Valérie Létard, je vous remercie de contribuer, grâce à vos travaux et aux dispositions de cette proposition de loi, à un meilleur accompagnement des victimes. Au-delà de ces avancées incontestables, la protection des victimes face aux violences doit rester une priorité collective. Le travail ne s’achèvera jamais tant qu’il y aura des êtres atteints de cette folie de suprématie sur l’autre, avec la violence comme seule arme d’affirmation.

Poursuivons tous ensemble ce chantier ô combien essentiel pour l’humanité.

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