Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vise à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques (CSE) à La Poste.
Le statut de cette dernière a beaucoup évolué depuis la loi du 2 juillet 1990, dite loi Quilès, notamment sous l’impulsion du droit européen. Elle est ainsi devenue une société anonyme à capital intégralement public, investie de missions de service public. À ce titre, elle emploie des agents de droit privé et de droit public.
Cette particularité explique un régime de représentation du personnel hybride et original, construit au fur et à mesure des lois qui ont transformé l’entreprise.
Par conséquent, celle-ci a été exclue du champ d’application des dispositions du code du travail prévoyant la mise en place de CSE dans les entreprises de plus de onze salariés, dispositions issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’une des ordonnances dites Macron.
De même, sa nature juridique de personne morale de droit privé l’a empêchée d’entrer dans le champ des dispositions du code général de la fonction publique relatives aux comités sociaux d’administration, nouvelles instances créées dans les administrations, collectivités territoriales et établissements publics par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Néanmoins, la direction de La Poste souhaite prendre en considération les évolutions récentes du droit des relations sociales pour procéder à une mise à jour des institutions représentatives du personnel (IRP) de l’entreprise.
Il n’était pas question de le faire à l’occasion de la loi de transformation de la fonction publique, car il s’agissait alors de la première année de l’actuel mandat des IRP de La Poste. En effet, celles-ci avaient été élues au mois de décembre 2018, avant d’entrer en fonction le 1er février 2019. Le contexte pandémique qui a rapidement suivi a mis une halte bien compréhensible à ce projet, qui aurait été complètement à contretemps en pleine crise sanitaire.
Le dialogue social a donc commencé concrètement sur le sujet au mois de mai 2022, la direction de La Poste faisant à ce moment-là part aux organisations syndicales de son souhait de réorganiser les IRP en comités sociaux et économiques. Dans cette perspective, un accord de méthode a été conclu, en septembre 2022, afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation, en vue de la mise en place des nouvelles instances.
Cette volonté de la direction de La Poste me semble en accord avec son statut de société anonyme, qui plus est s’agissant d’une entreprise employant pour deux tiers de ses effectifs des salariés de droit privé. En outre, le recrutement de fonctionnaires ayant pris fin au début des années 2000, la proportion d’agents sous ce statut ne cesse de diminuer. Enfin, il est à noter qu’il existe déjà des CSE dans certaines filiales de La Poste, ce qui donne à celle-ci une idée du dialogue social pratiqué dans ces instances.
Cependant, les IRP actuelles relèvent encore de la loi du 2 juillet 1990, malgré les évolutions législatives des trente dernières années. Aussi une nouvelle loi est-elle indispensable pour modifier ce texte antérieur.
C’est dans ce but que j’ai déposé cette proposition de loi découpée en trois articles, celle-ci appliquant à l’ensemble des personnels de La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités sociaux et économiques.
Madame la rapporteure, avant de vous laisser dans un instant détailler les différentes mesures contenues dans ce texte, je souhaite insister sur un point qui me paraît de la plus haute importance.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), abrogées en 2017 par l’une des ordonnances Macron, continuent de s’appliquer à La Poste jusqu’au prochain renouvellement des instances.
Or les mandats en cours dans la fonction publique et à La Poste, issus des élections professionnelles de décembre 2018, prendront fin le 31 janvier 2023. Pour autant, aucune disposition ne mentionne le cadre applicable, à l’issue des mandats actuels, au sein des instances de La Poste. Ce vide juridique ne peut que nuire à la sérénité des débats internes à l’entreprise, sérénité indispensable pour que les partenaires sociaux soient en mesure de négocier dans le cadre d’un dialogue social ambitieux.
C’est pourquoi, afin d’accompagner cette transition, le présent texte prolonge jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques le maintien en vigueur des CHSCT et le mandat de leurs membres, ainsi que celui des comités techniques.
Cette extension, initialement prévue pour durer au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024, a été prolongée jusqu’au 31 octobre 2024 par un amendement adopté en commission des affaires sociales. Je soutiens complètement cette modification apportée par notre rapporteure, car elle s’inscrit dans le droit fil de ma priorité et, à n’en pas douter, de celle de mes collègues, à savoir la concorde entre la direction et les organisations syndicales de La Poste.
Dans ces conditions, je pense que ce texte est à même de recueillir une majorité de suffrages sur les travées de la Haute Assemblée. J’espère qu’il en ira de même à l’Assemblée nationale, afin de permettre une adoption conforme de ce texte avant la fin de cette année.
De toute évidence, la mise en place de CSE à La Poste constituera un chantier de grande ampleur, du fait de la coexistence d’une pluralité de statuts. Comme la commission des affaires sociales l’a souligné, il s’agira là d’un changement culturel majeur pour l’entreprise, avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées. Il sera par ailleurs primordial que cette réforme relève le défi de la proximité.
En attendant, ce texte donnera aux partenaires sociaux la visibilité nécessaire pour entamer des discussions qui s’annoncent longues, mais que je souhaite fructueuses.