Intervention de Brigitte Devesa

Réunion du 20 octobre 2022 à 10h30
Mise en place de comités sociaux et économiques à la poste — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Brigitte DevesaBrigitte Devesa :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Denise Saint-Pé prévoit d’accompagner la réorganisation du dialogue social à La Poste, en créant les conditions nécessaires à la mise en place des CSE, les fameux comités sociaux et économiques.

Pourquoi réorganiser le dialogue social à La Poste ?

Lorsque la loi de transformation de la fonction publique a été votée en 2019, il a été indiqué que certaines dispositions relatives au dialogue social de La Poste s’appliqueraient jusqu’au prochain renouvellement des instances représentatives et syndicales. Les mandats des représentants du personnel arrivant à leur terme, il convient de prévoir le futur cadre du dialogue social qui s’appliquera à La Poste.

Mes chers collègues, cette proposition de loi met en place un cadre en prévoyant l’application du droit commun des relations collectives de travail, sous réserve des adaptations nécessaires aux spécificités de cette entreprise.

Les spécificités de La Poste, quelles sont-elles ?

La Poste assure des missions de service public. Elle joue un rôle majeur dans l’aménagement du territoire. Elle est une entreprise publique particulière qui, du fait de son histoire et de son évolution, possède des caractéristiques particulières, y compris en matière de dialogue social.

Tout comme France Télécom, La Poste est née de la réforme de l’administration des postes et des télécommunications engagée par la loi du 2 juillet 1990. Le 1er mars 2010, elle est devenue une société anonyme à capitaux publics ayant le caractère d’un service public national.

Le personnel de La Poste se caractérise donc par une pluralité de statuts. Parmi les 170 000 collaborateurs de la société anonyme La Poste, les deux tiers sont des salariés de droit privé ; les fonctionnaires sous statuts particuliers et les agents contractuels de droit public représentent un tiers des effectifs.

Pour la représentation individuelle des salariés et agents contractuels, La Poste dispose de commissions consultatives paritaires (CCP), tandis que des commissions administratives paritaires (CAP) assurent cette mission pour les fonctionnaires.

Des comités techniques (CT) exercent des attributions en matière d’organisation et de fonctionnement des services, de règles statutaires et d’égalité professionnelle. Par ailleurs, 637 CHSCT contribuent à la santé et à la sécurité du personnel. Les comités techniques et les CHSCT n’ont, je le rappelle, désormais plus d’équivalent ni dans le secteur privé ni dans le secteur public.

Les activités sociales et culturelles de l’entreprise sont gérées par un conseil d’orientation et de gestion des activités sociales (Cogas).

Ainsi, le droit syndical et les institutions représentatives du personnel de La Poste sont largement issus du droit de la fonction publique.

Les relations collectives de travail s’exercent dans un cadre hybride, combinant droit du travail, droit de la fonction publique et règles spécifiques.

Depuis la loi du 2 juin 1990, le droit syndical de la fonction publique s’applique aux salariés de l’entreprise. Cette loi exclut La Poste des règles du dialogue social qui prévalent dans les entreprises privées, notamment celles qui sont relatives aux délégués syndicaux en matière de négociation collective.

Pour les entreprises privées, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a engagé la fusion des instances, notamment les CHSCT, au sein du comité social et économique. Dans la fonction publique, la loi du 6 août 2019 a substitué les comités sociaux aux comités techniques.

Les mandats des élus aux CHSCT s’achevant le 31 janvier 2023, la proposition de loi prévoit de les prolonger afin de rendre les dispositions relatives aux CSE applicables à La Poste au terme d’une période transitoire de négociation et de mise en place des nouvelles instances.

Dans sa version initiale, l’article 1er prolongeait les mandats en cours des membres des comités techniques et des CHSCT jusqu’à la proclamation des résultats aux élections aux CSE de La Poste et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024.

Comme l’a rappelé Denise Saint-Pé, la commission a repoussé cette date butoir au 31 octobre 2024, considérant que l’entreprise et les représentants du personnel devaient disposer d’un temps suffisant pour mettre en place des instances adaptées au fonctionnement de l’entreprise. En particulier, l’étalement géographique des activités de La Poste nécessite de construire une représentation de proximité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.

Au terme des mandats ainsi prolongés, les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel seront applicables à l’ensemble du personnel de La Poste, comme le prévoit l’article 2, sous réserve d’adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires.

En conséquence, la représentativité syndicale se fondera sur les résultats des élections aux CSE, avec un seuil de 10 % des suffrages exprimés, et les délégués syndicaux disposeront du monopole de la négociation des accords collectifs.

S’appliquera également la règle de l’accord majoritaire. Ainsi, pour être valide, un accord devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles, au lieu de 30 % actuellement.

Cette transformation aura également pour conséquence de faire disparaître les comités techniques, les CHSCT et le Cogas au profit d’un CSE central et de CSE d’établissement dont le nombre reste à déterminer par accord collectif.

Les CSE, qui ont été créés en 2017 pour regrouper les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les CHSCT, disposent de nombreuses prérogatives pour assurer la représentation des salariés.

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, le droit du travail confie aux CSE la mission d’assurer l’expression collective des salariés sur la gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, ainsi que sur l’organisation du travail, la formation professionnelle et les techniques de production. Ils disposent de prérogatives spécifiques en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

Dans les entreprises et établissements d’au moins 300 salariés, une commission dédiée, la CSSCT, ou commission santé, sécurité et conditions de travail, doit être instaurée en son sein. Enfin, le CSE assure la gestion des activités sociales et culturelles dans l’entreprise.

Afin de tenir compte des particularités de La Poste, l’article 2 crée un organisme représentant les fonctionnaires de l’entreprise, le conseil des questions statutaires, ayant vocation à être consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs à leurs statuts. Pour assurer la représentation individuelle du personnel, les CAP et les CCP seront conservées.

Cette transformation substantielle du cadre des relations sociales s’appuiera sur un régime transitoire fixé par l’article 3.

En effet, pour préparer l’installation des CSE et l’organisation des élections professionnelles, La Poste devra s’appuyer sur un ensemble de règles issues du code du travail avant la mise en place des CSE.

Pendant cette période transitoire, l’entreprise pourra négocier des accords pour l’organisation des élections et la détermination du fonctionnement et des attributions des futurs CSE avec les organisations syndicales disposant de sièges dans les comités techniques. Le texte prévoit, par dérogation au droit syndical actuellement applicable à La Poste, des conditions de validité des accords alignées sur celles qui prévalent en droit du travail, afin d’assurer l’applicabilité des accords après la constitution des CSE.

Au total, la commission a considéré que cette proposition de loi offrait un cadre sécurisé et adapté pour faire évoluer le dialogue social à La Poste, tout en garantissant la juste représentation de l’ensemble du personnel.

La proposition de loi pose ainsi le cadre qui sera applicable aux relations collectives de travail à La Poste. Il reviendra ensuite à l’entreprise et aux représentants du personnel de faire vivre le dialogue social pour définir l’architecture des nouvelles instances et organiser les élections professionnelles.

Ce chantier de grande ampleur pour l’entreprise, qui s’accompagne d’un changement culturel majeur, du fait de son passage au droit syndical du secteur privé, a déjà franchi une première étape : un accord de méthode a été conclu au mois de septembre 2022 afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation en vue de la mise en place des nouvelles instances.

Cette proposition de loi donne à l’entreprise les outils nécessaires pour franchir les étapes suivantes, en concertation avec les représentants du personnel, afin de mener à bien cette réforme qui dotera La Poste d’un cadre de dialogue social ambitieux.

Sous réserve de l’adoption de quelques amendements techniques, je vous invite donc, mes chers collègues, au nom de la commission, à adopter cette proposition de loi.

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