Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 octobre 2022 à 8h35
Justice et affaires intérieures — Extension du contrôle de la cour de justice de l'union européenne cjue aux actes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune pesc susceptible de découler des négociations d'adhésion de l'union européenne ue à la convention européenne des droits de l'homme cedh - communication de mme gisèle jourda et de m. dominique de legge

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Rappelons qu'il y a un conflit de prééminence entre la Cour européenne des droits de l'homme et la CJUE. Ces deux instances ont des fonctions bien distinctes. Ainsi, la seconde s'est longtemps attachée au maintien des règles de concurrence et du marché unique, avec pour instrument principal l'amende. La Cour européenne des droits de l'homme prononce pour sa part une condamnation qui implique la correction d'un acte ou d'une législation contraire à la Convention. Une indemnisation du requérant peut également être requise. Il revient alors aux États d'exécuter l'arrêt, sous le contrôle du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. L'Union européenne prétend avoir une politique des droits de l'homme, mais celle-ci n'est que balbutiante. Pour mettre en cause la Pologne et la Hongrie, elle n'a donc d'autre choix que de s'appuyer sur des mécanismes budgétaires. Ainsi, la CJUE cherche à préserver sa compétence.

Il arrive régulièrement que l'action extérieure de certains États soit mise en cause au titre du respect des droits de l'homme. À Bounti, au Mali, la France a été accusée de bombarder des familles alors que nous y avions identifié des groupes islamistes. Le comité des droits de l'homme de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) - je vous invite à consulter la liste des États qui le composent - a dressé un rapport honteux contre la France, qui ne tient pas debout et est dépourvu de méthodologie d'enquête. Il y a donc un risque de règlements de compte, y compris sur le plan intracommunautaire.

Ce processus est dangereux et il faut rester ferme. On parle de subsidiarité alors que certains États, faute de capacités administratives et juridiques, renvoient des décisions à la CJUE : ce n'est pas acceptable, pour des raisons de souveraineté nationale. Je rappelle qu'un ancien président luxembourgeois de la Commission avait passé des arrangements avec des « petits États » pour renforcer les pouvoirs de celle-ci... Attention à la dérive, ne négligeons pas les enjeux de pouvoir !

Philippe Léglise-Costa a rappelé que la présidence française avait permis d'avancer dans les négociations. Un passage en Coreper peut être bienvenu. Cependant, à un moment, il faut trancher. Un représentant plénipotentiaire n'y suffit pas, la discussion doit remonter au niveau des chefs d'État ou de Gouvernement.

La Secrétaire d'Etat Laurence Boone nous a rappelé la semaine dernière les révolutions récentes de la PESC, avec par exemple le nouveau statut de rival systémique de la Chine. À cet égard, j'ai des doutes sur la compétence des juges de la CJUE en matière de diplomatie, de politique étrangère et de droits de l'homme.

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