Intervention de Isabelle Raimond-Pavero

Réunion du 26 octobre 2022 à 15h00
Traité de coopération bilatérale renforcée avec l'italie — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Isabelle Raimond-PaveroIsabelle Raimond-Pavero :

Retenons simplement que si, tout au long de l’histoire, des guerres ont pu nous opposer et des différends nous éloigner, la culture nous a toujours rapprochés. Elle est le terreau d’une relation qui trouve ses moteurs dans une géographie commune, dans des liens économiques profonds et dans une nécessité de répondre ensemble aux défis contemporains.

Ainsi, nous partageons plus de 500 kilomètres de frontières alpines et une partie de la mer Méditerranée, où nous sommes confrontés aux mêmes enjeux environnementaux, migratoires et stratégiques. À la faveur des 82 milliards d’euros d’échanges de biens et de services en 2019, la France et l’Italie sont l’une pour l’autre des partenaires commerciaux de tout premier plan.

Jusqu’à présent, le rapport, évident et naturel, que nous entretenons avec nos voisins transalpins ne s’est traduit par aucun traité d’amitié ou de coopération globale.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui tend à combler ce manque. Il sanctuarise en quelque sorte notre relation, la structure et la met en valeur, avec, en filigrane, l’ambition de la hisser au niveau de celle que nous entretenons avec l’Allemagne. Nos deux pays, ainsi que l’Union européenne qu’ils ont contribué à fonder, ont naturellement tout à y gagner.

Certes, nous sommes appelés à en autoriser la ratification au lendemain des élections parlementaires du 25 septembre 2022, qui ont vu les citoyens italiens placer en tête de leurs suffrages une coalition qui suscite des interrogations et, parfois, des inquiétudes.

Toutefois, permettez-moi de souligner que le peuple italien s’est exprimé souverainement et que son choix doit évidemment être respecté. Gardons-nous d’utiliser l’examen du traité du Quirinal pour adresser un message, voire une sanction, aux électeurs italiens ou au gouvernement qu’ils ont choisi et qui vient à peine de se constituer.

Au reste, ce texte réaffirme des valeurs essentielles et n’a pas vocation à créer des obligations réciproques. Il a pour ambition de proposer une matrice, afin de développer un « réflexe franco-italien » et de renforcer, par les échanges, la compréhension réciproque de nos sociétés et la coopération entre nos institutions.

C’est bien aux gouvernements, actuels et futurs, aux administrations, aux collectivités et aux sociétés civiles situées des deux côtés des Alpes qu’il appartiendra de faire vivre, ou non, le cadre posé par ce traité. Celui-ci est appelé à se déployer dans nombre de domaines : affaires étrangères, sécurité, défense, politique migratoire, économie, enseignement, culture et coopération transfrontalière.

La France et l’Italie ont des choses à se dire, à partager et à apporter à l’Union européenne dans son ensemble. Je pense en particulier aux dispositions concernant la sécurité et la défense. Dans le contexte actuel, dont nous débattons encore ce soir, il n’est nul besoin de rappeler qu’il s’agit d’un domaine fondamental, pour ne pas dire vital.

Nous faisons face à de nombreux défis et à de nouvelles crises dans le bassin méditerranéen. Cette situation et cette période d’instabilité où les enjeux sont considérables traduisent l’exigence et la nécessité de renforcer notre coopération pour la sécurité de l’Union européenne.

Nous bénéficions de convergences réelles, en particulier notre souci constant à l’égard de la Méditerranée et de tout ce qui affecte la stabilité de ses rives. Cet aspect figure d’ailleurs en bonne place au sein du traité.

Toutefois, nous pourrions rapprocher davantage nos visions stratégiques, qui ne sont pas toujours synchrones. À titre d’exemple, si la réflexion sur l’autonomie stratégique progresse en Italie également, j’ai pu constater lors d’un déplacement à Rome à la fin de l’année dernière que nous ne mettions pas forcément les mêmes éléments derrière ce concept. Nos coopérations industrielles et opérationnelles, intenses, mais limitées à une poignée de secteurs, mériteraient également d’être élargies.

Je me réjouis donc que le traité et sa feuille de route institutionnalisent un dialogue stratégique soutenu et qu’ils mettent l’accent sur les synergies capacitaires et opérationnelles, ainsi que sur les alliances à développer entre nos industries de défense.

Saluons en outre la volonté d’avancer ensemble dans le secteur spatial, qui est si stratégique. Nos liens sont déjà nombreux en la matière, mais nous devrons immanquablement apprendre à mieux unir nos forces avec cet autre poids lourd européen du secteur spatial, si nous voulons faire face à une concurrence internationale de plus en plus rude.

Il était également important que le traité aborde les questions migratoires, qui ont été un point de discorde majeur ces dernières années, conduisant parfois à la brouille diplomatique.

Elles ne sont pas éludées, même si, il faut bien le reconnaître, elles sont traitées de façon assez sommaire. Retenons qu’un mécanisme de concertation renforcée est créé au niveau ministériel et que celui-ci pourra s’appuyer sur une unité opérationnelle conjointe.

Nos mésententes passées l’ont prouvé : en Méditerranée comme dans les Alpes, nous ne trouverons pas de solution efficace sans concertation. Notre groupe restera bien sûr extrêmement attentif aux évolutions de la situation migratoire sur le terrain, mais ces nouveaux dispositifs sont en soi un progrès.

Je dirai un mot enfin sur la jeunesse. Nous savons tout le rôle qu’a joué l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) dans le resserrement des liens entre la France et l’Allemagne. Depuis soixante ans, près de 10 millions de jeunes ont pu, grâce à cette structure, participer à des programmes d’échange, faisant ainsi de la coopération franco-allemande une relation humaine, et pas seulement institutionnelle.

Dans ce domaine, les échanges transalpins ne partent pas d’une page blanche, loin de là ! Mais la création par ce traité d’un Conseil franco-italien de la jeunesse et d’un service civique franco-italien viendra accélérer et amplifier les contacts noués par ceux qui feront l’avenir de nos deux pays.

C’est peut-être la réussite de ce type de dispositifs qui, finalement, offrira le meilleur gage de succès du traité du Quirinal, car, au-delà des inévitables fluctuations de toute relation bilatérale, c’est bien le lien profond entre nos deux peuples qui permettra à ce texte de résister à l’épreuve du temps.

L’expérience passée nous incite à l’optimisme. Nous avons aujourd’hui l’occasion solennelle de réaffirmer et de consolider l’amitié profonde que se portent les nations française et italienne. Le groupe Les Républicains la saisira et soutiendra la ratification de ce traité.

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