Séance en hémicycle du 26 octobre 2022 à 15h00

Résumé de la séance

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  • coopération
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Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, des trois questeurs de la Chambre des conseillers du Royaume du Maroc, MM. Mohamed Salem Benmassaoud, Abdelilah Hifdi et Miloud Maasside. Ils sont accompagnés par le secrétaire général de la Chambre des conseillers.

Mmes et MM. les ministres, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs, se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Notre collègue Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc, est présent à leurs côtés. Ils ont rencontré hier les questeurs du Sénat, ainsi que Roger Karoutchi et les membres du groupe d’amitié.

La visite de nos collègues questeurs et le jumelage en cours entre nos deux assemblées sont le reflet du partenariat qui nous unit et de l’importance des relations d’amitié entre la France et le Maroc.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter aux trois questeurs de la Chambre des conseillers du Maroc la plus cordiale bienvenue au Sénat français.

Applaudissements prolongés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Monsieur le ministre, la semaine dernière, Mme la Première ministre présentait sa stratégie « France Nation verte ». Dans ce cadre, « Mieux se déplacer » figure parmi les six thématiques ayant un effet direct sur la vie des Français à l’horizon des années 2030 et 2050.

Pour autant, le Gouvernement se donne-t-il les moyens dès à présent, en 2022 pour 2023, de ses ambitions dans le domaine des mobilités vertes ?

À l’heure où nos transports publics du quotidien sont plus que jamais nécessaires, qu’il s’agisse du ferroviaire dans nos régions ou des transports collectifs urbains et ruraux, à l’heure où ils apparaissent bons pour le pouvoir d’achat, bons pour la décarbonation et bons pour la vitalité économique de nos territoires, ne risquons-nous pas, faute d’engagements à la hauteur, de laisser se dégrader ces services et de compromettre les chances d’un « New Deal des transports publics » ?

Comment ces services publics essentiels pourront-ils se maintenir au cours des prochains mois sans encadrement des coûts de l’énergie et sans plafonnement des prix de l’électricité ferroviaire ?

Comment nos trains régionaux et nos futurs réseaux express métropolitains pourront-ils prospérer si les montants des péages ferroviaires, qui sont déjà les plus élevés d’Europe, continuent d’augmenter ?

Comment nos transports publics pourront-ils être à l’équilibre si le versement mobilité des employeurs est mis en cause, s’il n’est pas conforté ?

Comment réussir un choc d’offre des transports urbains et l’électrification des bus ?

Comment, enfin, avec les moyens limités prévus dans le projet de loi de finances, moderniser le secteur ferroviaire français, qui pourrait décrocher en Europe ?

Monsieur le ministre, quelle réponse concrète pouvez-vous apporter dès aujourd’hui afin de dégager l’horizon en matière de transports publics et ferroviaires ?

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Monsieur le sénateur Fernique, vous avez raison d’insister sur le caractère absolument central des transports publics et du ferroviaire : ils sont au cœur de notre ambition écologique de neutralité carbone pour 2050 et de transformation profonde de notre économie et de notre société.

Comme Mme la Première ministre a eu l’occasion de le dire dès la constitution du Gouvernement, le ferroviaire est la colonne vertébrale de la mobilité propre. Le projet de loi de finances pour 2023, dont le Sénat aura à connaître dans quelques jours, le démontre déjà, mais je tenais à le signaler.

Je ne partage pas votre point de vue, monsieur le sénateur, lorsque vous dites que le projet de loi de finances prévoit des moyens limités. À cet égard, je rappelle ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire devant la commission de votre assemblée : le PLF ne retrace pas l’ensemble de l’effort public ni de l’effort de l’État en faveur des mobilités vertes, du ferroviaire en particulier.

Au total, l’État mobilise pour 2023 quelque 12 milliards d’euros – c’est un montant qui n’a pas été atteint depuis plus de quinze ans –, dont seulement 4 milliards d’euros figurent directement dans le PLF. Si nous y ajoutons les efforts de la Société du Grand Paris, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France et les montants apportés par de nombreux autres, on parvient à 12 milliards d’euros, dont plus de la moitié sera consacrée au ferroviaire.

Nous devons poursuivre dans cette voie et faire preuve d’ambition. Vous l’avez souligné, il nous faut entretenir notre réseau ferroviaire et nos transports du quotidien. Telle est bien l’ambition du Gouvernement.

Je le dis depuis mon arrivée au ministère, le réseau ferroviaire français constitue une priorité absolue. Les crédits annuels consacrés à ce réseau ont été rehaussés de manière inédite pour dix ans dans le contrat de performance. Et cet effort sera accru dans le projet de loi de finances pour 2023.

Nous attendons le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), auquel certains sénateurs apportent d’ailleurs leur contribution. Puis, nous déclinerons nos priorités dans une programmation actualisée au cours des prochains mois. Dans le même temps, des contrats de plan État-région seront mis en œuvre, dont une part très significative sera réservée aux transports publics et aux transports ferroviaires.

Faut-il étudier d’autres options et travailler sur l’offre et sur une baisse des coûts de l’énergie, comme nous sommes en train de le faire ? Oui ! Nous y réfléchissons, parce que c’est ainsi que nous éviterons des difficultés sur l’offre au cours des prochains mois.

Comme l’ensemble du Gouvernement, je suis prêt à examiner avec le Sénat tous les leviers qu’il est possible d’activer, sur la base du rapport que nous remettra le COI dans les prochains mois.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Monsieur le ministre, il est vraiment urgent d’agir. Le président de la région Grand Est dit qu’il sera peut-être contraint de fermer des lignes. On envisage ici ou là des hausses de tarif.

Monsieur le ministre, agissez vite et fort, pour contrer ces replis face à la crise !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.

Madame la ministre, les causes de la hausse des prix de l’électricité sont multiples : la guerre déclenchée par Poutine et ses conséquences sur l’approvisionnement en gaz ; le défaut d’anticipation et d’entretien du parc nucléaire, qui explique que, à l’heure où nous parlons, près de la moitié de nos réacteurs ne fonctionne pas ; enfin, un système de fixation du prix européen complètement dépassé. Résultat des courses : le prix de l’électricité n’est plus maîtrisé !

Les ménages sont pour le moment plus ou moins protégés grâce au bouclier tarifaire, mais les commerçants, les usines et les entreprises sont, eux, totalement exposés. Il y a deux jours, un boulanger m’a expliqué que, alors que sa facture d’électricité s’était élevée l’année dernière à 2 500 euros, il se voyait proposer pour 2023 un contrat approchant les 20 000 euros ! C’est juste intenable.

Les collectivités pour leur part n’ont aucune visibilité budgétaire, ce qui va bien sûr peser sur leurs investissements et sur leurs capacités à assurer les services du quotidien. Il existe des dispositifs de soutien, mais ils sont trop restrictifs et trop complexes.

Certes, une question de fond se pose : quel mix énergétique pour quelle indépendance ? Mais là, maintenant, tout de suite, dans les tout prochains jours, nous avons besoin d’une réponse coordonnée à l’échelle européenne. Et l’on peut dire que cela ne commence pas très bien…

Le plan d’aide de 200 milliards d’euros qui a été voté par l’Allemagne est de nature à créer une concurrence déloyale. Le sommet européen qui s’est tenu la semaine dernière n’a pas apporté les réponses espérées. Le conseil des ministres franco-allemand s’est transformé en un déjeuner à l’Élysée…

Or le temps presse. Les entreprises et les collectivités doivent renouveler leurs contrats avant le 31 décembre prochain. Elles s’interrogent et ne savent pas si elles doivent ou non signer la proposition de leur fournisseur d’énergie.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les négociations avec nos partenaires européens et quelles mesures sont envisagées ?

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Monsieur le sénateur Verzelen, vous soulignez à juste titre l’action du Gouvernement pour protéger les ménages, mais également les entreprises de moins de 10 salariés et les petites collectivités locales. Je rappelle en effet que le bouclier énergétique que nous avons mis en place permet à ces dernières de bénéficier du prix de l’électricité le plus bas d’Europe.

Cela étant, vous avez raison, il faut aller plus loin. Il faut à présent travailler pour nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) et nos grandes entreprises, mais aussi trouver un dispositif pour les collectivités locales qui ne sont actuellement pas couvertes par le bouclier énergétique.

De premières propositions ont été faites, vous le savez. Nous avons ainsi prévu un filet de sécurité pour amortir le choc de la hausse du prix de l’électricité.

Nous agissons également à l’échelon européen. Monsieur le sénateur, les Vingt-Sept sont parvenus à un consensus, lors du dernier Conseil européen, sur des mesures très claires de coordination. Ils ont ainsi demandé à la Commission de formuler des propositions, afin de mettre en place des corridors pour contenir le prix du gaz, de découpler le prix du gaz et de l’électricité, pour faire baisser le prix de cette dernière, d’instituer une plateforme d’achat commun du gaz et de mettre en œuvre des mesures qui sont techniques, mais très importantes, visant à permettre des coupe-circuits sur le marché financier d’échange d’électricité et de gaz.

Il s’agit là d’avancées majeures, et c’est le Président de la République qui les a obtenues.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Par ailleurs, vous le savez, je travaille également à l’échelon national, avec Bruno Le Maire et Christophe Béchu, à la mise en place d’une garantie électricité et d’aides qui soient adaptées à chacune des situations.

Pour les PME, nous sommes en train de finaliser un dispositif qui devrait a priori les protéger partiellement. Pour les ETI et les grandes entreprises, Bruno Le Maire négocie actuellement une augmentation des aides du cadre Ukraine et un relâchement des conditions pour en bénéficier.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous sommes au travail pour faciliter la vie de ces entreprises. Nous y consacrons 10 milliards d’euros dans le cadre de notre trajectoire budgétaire.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement a finalement changé de politique et décidé de rapatrier collectivement toutes les femmes et les enfants des djihadistes…

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Karoutchi, je suis tenté de vous répondre : « Parce que », …

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

… mais cela ne vous conviendrait pas, ce que je puis comprendre.

En réalité, nous n’avons rien changé.

Tout d’abord, nous procédons à des rapatriements chaque fois que c’est possible en termes de sécurité pour nos agents, auxquels, bien sûr, je veux rendre hommage.

Ensuite, notre doctrine n’a pas évolué d’un millimètre : il faut que les femmes concernées demandent à être rapatriées.

Enfin, leur rapatriement donne lieu à une judiciarisation systématique. À cet égard, j’indique que toutes les femmes rapatriées ont fait l’objet d’un mandat de dépôt, sauf une pour raisons médicales.

Ces femmes ont choisi de nous combattre là où elles sont allées. C’est un acte volontaire, qui mérite que nous judiciarisions et que nous le fassions avec toute la sévérité requise.

Vient ensuite le problème des enfants, à l’égard desquels nous avons un devoir d’humanité et de vigilance.

Nous avons un devoir d’humanité, parce que ce sont des enfants, parce qu’ils n’ont rien demandé, parce qu’ils sont Français et parce qu’ils sont, comme le disent certains pédopsychiatres, des « bombes à retardement » et qu’il faut veiller sur eux, car les laisser là-bas, c’est prendre le risque que, un jour, ils reviennent ici pour commettre des abominations.

Nous avons ensuite un devoir de vigilance, évidemment, dans le cadre d’un suivi pluridisciplinaire, à la fois psychologique, psychiatrique et éducatif.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Je ne pense pas que nous ayons bougé d’un millimètre. D’ailleurs, je me suis longuement exprimé sur cette question voilà quelques jours devant la commission des lois du Sénat.

(Sourires.) – qu’elle était claire et précise. Si vous souhaitez davantage de renseignements, je vous suggère donc, monsieur Karoutchi, de la lire !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

M. le président Buffet a dit de mon intervention – j’en rosis encore ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, si ces femmes demandent à revenir, c’est parce que nous ne les avons pas déchues de la nationalité française

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je me permets de vous rappeler également que, lorsqu’elle était garde des sceaux en 2019 et 2020, Nicole Belloubet nous avait dit ici même que la France préférait que les jugements aient lieu en Irak, dans des tribunaux mixtes, et que, puisque cela n’était pas faisable dans tous les cas, la France ferait du cas par cas et ne ferait revenir que des gens ne présentant aucune dangerosité.

M. Pierre Laurent s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je vous rappelle que c’est Donald Trump qui avait demandé à la France et à l’Europe de rapatrier les épouses des djihadistes. À l’époque, le président Macron avait répondu qu’il n’en était pas question, que c’était beaucoup trop dangereux pour la sécurité des Français.

En termes de sécurité, en quoi la situation des Français de 2022 est-elle différente de celle de 2019 ?

Monsieur le garde des sceaux, il est positif que la justice s’occupe des femmes qui reviennent, mais vous savez très bien que la plupart d’entre elles ont continué dans les camps de détention en Syrie à vanter sur les réseaux sociaux les mérites de Daech et des attentats et à se targuer de continuer la lutte des djihadistes en France et ailleurs. Voilà qui nous avons fait rentrer !

Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour commencer, permettez-moi de saluer la mémoire des gendarmes récemment décédés et d’adresser une pensée à leurs familles et à leurs collègues.

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique. Le groupe Imerys a annoncé la mise en exploitation minière, d’ici à 2027, d’un gisement de lithium dans l’Allier, qui sera l’un des plus grands d’Europe. C’est une bonne chose.

En effet, le lithium connaît un essor considérable, car il est indispensable à la révolution numérique et à la transition écologique. Il est notamment nécessaire dans les batteries des véhicules électriques. On estime aujourd’hui que les besoins en lithium augmenteront de 42 % d’ici à 2040, et certains experts craignent une pénurie d’ici à 2030.

Il s’agit tout d’abord d’une bonne nouvelle d’un point de vue stratégique : ce projet est bon pour notre souveraineté énergétique, alors que nous dépendons aujourd’hui entièrement de la Chine pour nous approvisionner en lithium. L’annonce du groupe Imerys permet d’affirmer de nouveau que notre pays et l’Union européenne ont enfin besoin de mener une politique minière ambitieuse et responsable.

Le projet Emili, pour Exploitation de mica lithinifère par Imerys, est également une bonne nouvelle écologique, car il n’y aura pas de décarbonation sans électrification.

Enfin, le projet présente un intérêt économique, Imerys évoquant la création de 1 000 emplois directs et indirects dans la région.

Cependant, ce projet n’est pas neutre. À cet égard, je souhaite attirer votre attention et vous interroger sur la gestion des risques sociétaux et environnementaux associés à cette exploitation.

La consommation d’énergie, les rejets toxiques, notamment, sont fréquemment pointés du doigt. D’après Imerys, cette mine sera exemplaire d’un point de vue écologique et respectera le standard international Irma, afin de limiter les nuisances.

Encore une fois, ce projet est une bonne chose, mais son acceptabilité sociale ne doit pas être sous-estimée. Là où sont annoncés des projets d’extraction minière, des collectifs se constituent. Aussi est-il nécessaire de rassurer l’opinion publique en instaurant des normes respectueuses de notre environnement.

Aussi, comment le Gouvernement compte-t-il accompagner le respect de ces engagements et l’acceptabilité du projet à l’échelon local ? La mine durable va-t-elle enfin voir le jour en France ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Madame la sénatrice Gacquerre, je vous remercie tout d’abord de souligner que ce projet participe d’une politique de transition énergétique qui anticipe : il ne vise pas à remplacer une dépendance aux énergies fossiles par une dépendance à d’autres matières premières critiques, comme le lithium, le nickel ou le cobalt.

Vous le savez, le projet d’Imerys s’inscrit dans le plan France 2030. Il fait partie des cinq projets que nous soutenons afin de recréer une chaîne de valeur autour des métaux critiques qui seront absolument nécessaires à la production de batteries électriques. Vous savez combien cela compte dans notre territoire commun du Pas-de-Calais et, plus largement, des Hauts de France, où nous accueillons la Vallée européenne de la batterie électrique. Nous aurons besoin de ces matières premières.

Pour aller plus loin, cela fait désormais plus de dix-huit mois que nous travaillons, dans le cadre européen et national, à la création d’une filière responsable autour de ces métaux critiques.

Notre travail s’articule autour de trois actions.

Premièrement, il s’agit de sécuriser des approvisionnements à l’étranger dans des mines appliquant le référentiel de mine responsable, que défend au sein de la Commission européenne le vice-président Sefcovic.

Deuxièmement, il s’agit de mettre en place toutes les actions de recyclage nécessaires. Cela fait partie des projets que nous soutenons dans le cadre du plan France 2030. Il nous faut faire en sorte que toutes les matières qui entrent sur le territoire français, d’une manière ou d’une autre, puissent être réutilisées, afin de nous éviter d’avoir à chercher dans nos sous-sols des matières premières critiques.

Troisièmement, nous devons, de manière responsable, étudier la faisabilité du développement de mines responsables à l’échelon européen.

Il existe des mines responsables. Je pense à la mine de tungstène en Autriche qui avait été présentée lors du Conseil « compétitivité » que j’avais organisé à Lens sur ce thème. Cette mine est située au milieu d’un parc naturel et prouve que l’on peut agir de manière responsable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous agirons donc en ce sens à l’échelon tant national qu’européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, notre système de santé vit une crise majeure. Il est à bout de souffle. Des urgences aux services pédiatriques, en passant par la neurologie et la psychiatrie, tous les voyants sont au rouge à l’hôpital public, sur l’ensemble du territoire. Les personnels sont épuisés et les soignants partent petit à petit, dégoûtés par leurs conditions de travail dégradées depuis de longs mois.

Plus de 4 000 professionnels en pédiatrie viennent de lancer un appel au Président de la République, dénonçant les conditions désastreuses de prise en charge des enfants : transferts multiples, affectation dans des services adultes non appropriés, sorties trop précoces, déprogrammation d’opérations, mise en danger de petits patients.

Cette situation n’est pas la faute de la bronchiolite. Elle est le résultat de la politique menée depuis des années dans les hôpitaux, à coups de restrictions budgétaires successives et irresponsables !

Des cris d’alarme sont lancés régulièrement par des professionnels. Notre groupe les relaie ici, dans l’hémicycle, mais vous les ignorez, comme tous vos prédécesseurs.

Face à l’urgence de la situation et à la mobilisation des professionnels, vous avez dû annoncer le déblocage de 150 millions d’euros, un plan blanc et des assises de la pédiatrie au printemps. Cela n’a convaincu personne, tant la crise est grave et structurelle.

Allez-vous enfin entendre l’appel de ces professionnels, qui parlent de « perte de sens » dans leur métier, « conséquence de la gouvernance bureaucratique et de la tarification à l’activité » ?

Allez-vous, comme ils vous le demandent, rouvrir des lits dans les services de pédiatrie, mettre fin à la fuite des soignants et recruter des jeunes passionnés ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Debut de section - Permalien
François Braun

Madame la sénatrice Cohen, comme vous pouvez l’imaginer, je suis de très près le problème de notre hôpital public. Je le suis depuis plusieurs semaines et me trouve en contact avec les professionnels de la pédiatrie, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises. Je le suis depuis mon arrivée au ministère et même, pour être honnête, depuis de nombreuses années !

Vous dites que l’hôpital ne va pas bien depuis plusieurs mois. Permettez-moi de vous dire qu’il ne va pas bien depuis plusieurs dizaines d’années

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Braun

Depuis 2017, le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés pour l’hôpital et lui ont octroyé 53 milliards d’euros en plus, pour répondre à des problèmes certes conjoncturels, mais également structurels.

Vous évoquez la pédiatrie et l’épidémie de bronchiolite. Cette dernière survient plus tôt que précédemment, alors que l’hôpital – vous l’avez dit et je partage votre point de vue – est à bout de souffle. Je tiens d’ailleurs à saluer au passage mes anciens collègues et les soignants de tous les services, qui travaillent dans des conditions difficiles.

La bronchiolite est une pathologie qui fait peur, et je comprends l’inquiétude des parents. Je rappelle toutefois qu’elle est très majoritairement bénigne et qu’elle doit être prise en charge en priorité par les médecins généralistes.

Debut de section - Permalien
François Braun

Sous l’impulsion de la Première ministre, des réponses conjoncturelles sont apportées. Ainsi, 150 millions d’euros supplémentaires ont été débloqués pour répondre aux problèmes aigus d’un certain nombre de services de pédiatrie en général, et pas uniquement des services d’urgence pédiatriques.

En outre, une réponse plus structurelle est apportée à l’ensemble du système hospitalier. En pédiatrie, des travaux commenceront dès la semaine prochaine. Ils aboutiront au printemps à des assises de la pédiatrie – je les ai annoncées –, qui nous permettront de prendre de véritables décisions structurelles pour ce secteur.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le diagnostic, il est connu. C’est l’ordonnance qui est mauvaise !

Vous nous dites que vous accordez des millions d’euros supplémentaires, mais les professionnels vous demandent à grands cris d’embaucher et vous disent que vos solutions ne sont pas bonnes !

Pour sa part, notre groupe n’a pas voté les budgets austéritaires qui mettent l’hôpital à genoux. Quand allez-vous rehausser l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à hauteur de l’inflation ? Vous ne le faites même pas en 2023 !

Vous n’écoutez pas les professionnels, vous n’écoutez pas les parlementaires et vous dites : « Tout va bien ! ». Or cela va très mal !

Il faut que vous agissiez de toute urgence. Il n’y a rien de pire que de devoir trier les patients et de choisir entre deux enfants !

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Franchement, c’est honteux de dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La responsabilité n’est pas du côté des professionnels de santé : elle est du côté du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Nous rencontrons les professionnels : ils sont très en colère contre vous. Agissez !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

Madame la ministre, la baisse de fréquentation des salles de cinéma, d’environ 25 % par rapport à 2019, inquiète les professionnels du secteur. D’autres évolutions, comme la consommation de films ou de séries sur les plateformes à domicile, les inquiètent également.

Le cinéma français doit certainement se réinventer, mais nous devons le préserver. Simone, Les Harkis, Novembre, Un Beau Matin, L ’ Innocent : la rentrée montre la vitalité, la diversité et la singularité du cinéma français.

Son système repose sur la mutualisation, les films à succès finançant les films plus fragiles. N’oublions pas que le cinéma d’auteur est né en France dans les années 1950, en réaction au cinéma américain, plus industriel, qui faisait appel aux têtes d’affiche. N’oublions pas non plus que les films dits « du milieu », qui font aussi la spécificité du cinéma en France, souffrent beaucoup.

« La photographie, c’est la vérité, et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde » disait Jean-Luc Godard. Pour que cette vérité émerge, il faut choisir une mise en scène, il faut un chef opérateur, il faut des comédiens, des dialogues écrits ou des silences, des ellipses. Il faut de la qualité.

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

M. Julien Bargeton. Madame la ministre, quelles appréciations portez-vous sur les évolutions en cours, qu’elles soient structurelles ou conjoncturelles ? Quelles perspectives pouvez-vous offrir aux professionnels ? Enfin, comment redonner aux Français l’envie de rejoindre les salles obscures et garantir le financement de notre système unique ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Julien Bargeton, je vous remercie de nous donner l’occasion de parler de cinéma en ce jour où nous lançons une campagne de communication pour soutenir les salles.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Nous avons tous une bonne raison d’aller au cinéma – je suis sûre que c’est aussi votre cas, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le but de cette campagne, qui doit durer un mois, est de mobiliser nos citoyens et de leur donner envie d’aller en salle voir les films en grand. À plus long terme, je suis persuadée que nous avons tous de bonnes raisons de croire en l’avenir du cinéma.

En effet, la France reste une nation de cinéphiles. Certes, nous avons perdu un quart du public par rapport à l’avant-covid, mais c’est bien pire ailleurs. La fréquentation a ainsi diminué de 60 % en Italie, de 50 % en Corée du Sud, de 40 % en Espagne ou en Allemagne. Notre filière résiste, et les Français demeurent cinéphiles.

Par ailleurs, l’État accompagne le nouvel élan de la jeunesse, en finançant partiellement avec le pass Culture 2, 5 millions de places : 76 % des jeunes interrogés disent aller plus régulièrement au cinéma grâce à lui. Enfin, la filière se réinvente et reste très mobilisée.

Dans les années 1980 et 1990, on nous prédisait la mort du cinéma avec l’avènement de la télévision. La fréquentation avait chuté à 110 millions de spectateurs, avant de doubler par la suite, grâce aux efforts de la filière, qui s’est réinventée, et de l’État, qui a été à ses côtés.

Le soutien de l’État à la filière du cinéma n’a jamais été aussi fort, avec un arsenal unique au monde : 300 millions d’euros pendant la crise sanitaire, 500 millions d’euros d’aides annuelles versées par le Centre national du cinéma (CNC), 100 millions d’euros de crédits d’impôt et 350 millions d’euros dans le cadre du plan France 2030.

Je le dis à notre jeunesse : il y a énormément de bons films à voir en famille pendant les vacances de la Toussaint.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Allez au cinéma, beaucoup d’émotions vous attendent !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le ministre chargé des transports, 11 000, c’est le nombre de TER supprimés dans les Hauts-de-France depuis le 1er janvier dernier ; 129, c’est le nombre de trains retirés dans les Hauts-de-France pendant les vacances de la Toussaint, au prétexte que les élèves ne se déplacent plus pour des raisons scolaires ; trois heures et demie, c’est le temps pendant lequel ont attendu, la semaine dernière, des usagers à la gare du Nord, avant de s’entasser dans le dernier train de vingt-trois heures trente.

Je vous parle là de trains supprimés, cette malédiction qui s’abat sur les voyageurs quand ils arrivent en gare, à Paris, Beauvais, Lens, Saint-Quentin ou ailleurs ! Je vous parle de ma région, mais la même situation prévaut partout en France, y compris en Île-de-France.

Monsieur le ministre, les usagers quotidiens du train sont des salariés, qui utilisent ce moyen de transport pour se rendre de leur lieu de travail à leur domicile. S’ils prennent le train, le métro ou le RER, c’est parce qu’ils ne peuvent pas se loger là où ils travaillent ou qu’ils ne peuvent pas travailler là où ils vivent. Ils ont accepté cette distance parce qu’il y avait une offre de transports collectifs, laquelle constitue un élément structurant de leur organisation de vie.

L’imprévisibilité de ces transports a donc pour conséquence de désorganiser totalement leur existence. Elle met leur emploi en danger et insécurise les parents, qui ne savent jamais à quelle heure ils pourront aller chercher leurs enfants à l’école. Et j’ai une pensée toute particulière pour ces femmes qui prennent le train à Creil le matin ou le soir pour aller faire le ménage dans les bureaux.

Les conséquences sont multiples : maltraitance des voyageurs, report sur la voiture et augmentation des émissions de CO2, désorganisation du travail et de l’économie française…

Monsieur le ministre, il y a urgence ! Que faites-vous ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, GEST, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Madame la sénatrice Rossignol, je souscris à vos propos sur les « galères » vécues par un certain nombre de nos concitoyens dans les Hauts-de-France, ainsi que dans d’autres régions confrontées à des difficultés spécifiques dans les transports publics.

La priorité que j’ai décrite il y a quelques minutes, en réponse au sénateur Fernique, n’est pas théorique : nous avons augmenté cette année les moyens pour le réseau et les transports du quotidien.

Toutefois, pour répondre à une situation difficile, il faut que nous nommions les choses de manière précise et que chacun assume ses responsabilités.

Nous parlons de transports régionaux. Il y a donc une situation spécifique aux Hauts-de-France, dont je discuterai de nouveau prochainement avec le président de la région, Xavier Bertrand. J’ai également évoqué le sujet avec Jean-François Rapin, ici même au Sénat, il y a une semaine. Chacun doit être prêt à investir les moyens nécessaires, en particulier la région, qui a la responsabilité d’organiser les trains express régionaux. Il faut le dire !

L’État interviendra pour soutenir un certain nombre de projets, en particulier le réseau express métropolitain, à propos duquel j’ai échangé avec le président Damien Castelain pour résoudre le problème de la livraison du train Alstom dans les prochains mois.

Nous agissons pour notre part sur ce qui relève de notre responsabilité. J’aurai en fin de semaine une réunion avec le PDG de la SNCF, car des questions d’offre se posent du côté de l’opérateur, et je veux que l’État joue pleinement son rôle. Mais chaque situation est spécifique.

Ainsi, les suppressions de train pour les vacances que vous avez évoquées dans les Hauts-de-France tiennent pour beaucoup à des pénuries de recrutement. Je ne me résous pas à ce que cette situation perdure dans les mois à venir. Il faut accélérer les recrutements, et la SNCF a lancé un plan exceptionnel de 440 recrutements pour les seuls TER de la région Hauts-de-France.

En travaillant ensemble – région, État et opérateur SNCF –, nous améliorerons la situation dans les prochains mois. Oui, madame la sénatrice, vous avez raison, c’est difficile, mais chacun doit assumer ses responsabilités financières, d’organisation et de moyens.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, les Français se sont découverts depuis quelques années un engouement croissant pour le tourisme en montagne, un environnement au mode de vie si particulier.

S’agissant de l’autre versant, celui de la vie montagnarde, la loi Montagne a permis de déployer des politiques adaptées à l’altitude.

En matière d’agriculture, la loi pose ainsi un double principe : celui, général, de la préservation de l’activité contre les préjudices causés par les actes de prédation, et celui de la régulation, pour maintenir l’existence de l’élevage. Si des mesures ont été mises en place, notamment après la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées en 2018 et la propagation du loup sur l’ensemble du territoire, le malaise des éleveurs persiste en même temps que les prédations.

L’été dernier, le loup était à peine identifié dans le massif du Hautacam, dans les Hautes-Pyrénées, que l’on comptait déjà 26 attaques et 43 brebis tuées, malgré la grande réactivité des services de l’État, que je salue – ils se sont très tôt tenus aux côtés des éleveurs.

Il en est de même dans l’Hérault, en Lozère, dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans de nombreux autres départements touchés de plein fouet par la prédation du loup.

Aujourd’hui, le problème des prédations demeure, malgré les demandes fortement relayées par le Sénat. Face à l’ampleur du phénomène, l’Association nationale des élus de la montagne a adopté jeudi dernier une motion rappelant l’obligation de défense de l’agropastoralisme et une meilleure gestion des grands prédateurs. Ne l’oublions pas, l’agropastoralisme est une activité agricole d’excellence qui joue un rôle de régulation de la végétation, en même temps qu’elle contribue au développement de l’activité économique et touristique.

Aussi, monsieur le ministre, ma question sera simple : quelles mesures nouvelles comptez-vous prendre pour répondre à la demande des éleveurs, dont l’activité pastorale continue d’être menacée ? Nos éleveurs sont aujourd’hui à bout. Ils attendent des décisions fermes et efficaces !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Madame la sénatrice Carrère, je vous remercie de poser cette question sur l’équilibre entre l’agropastoralisme et, en particulier, la présence du loup.

Comme vous le savez, j’étais en fin de semaine dans le Doubs et les deux départements de la Savoie, notamment pour discuter de cette question prégnante. J’ai rencontré un éleveur dont le troupeau venait d’être victime d’un prédateur et j’ai pu mesurer son sentiment de détresse, d’impuissance et d’incompréhension face à cette menace.

Je veux rappeler aussi que le pastoralisme est un modèle exemplaire en matière de tourisme et de biodiversité. Il faut préserver le loup, mais aussi les autres formes de biodiversité qui sont garanties par les activités de pastoralisme et d’agriculture extensive.

Comment pouvons-nous agir ? Tout d’abord, le Président de la République a pris cet été des engagements dans votre département, madame la sénatrice : au niveau européen, nous travaillons sur le statut de l’espèce à partir de données scientifiques ; à l’échelon national, une seconde brigade loup sera créée.

Avec mes collègues Christophe Béchu et Bérangère Couillard, je travaille aussi sur ce sujet dans le cadre du plan national loup, qui prévoit notamment une simplification des procédures de prélèvement et d’indemnisation. Trop souvent, cette dernière ne tient pas compte de l’ensemble des préjudices subis, se limitant aux animaux tués et oubliant les disparitions d’animaux ou la perte génétique – un élément important.

Il faut également travailler à un dénombrement qui fasse consensus, pour pouvoir effectuer dans de bonnes conditions le prélèvement de 19 % de la population recensée.

Mme Frédérique Puissat proteste.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Nous devons enfin nous pencher sur le statut des patous, qui pose des questions juridiques pour les éleveurs quand ces chiens viennent, ici ou là, mordre un touriste.

Madame la sénatrice, Christophe Béchu, Bérangère Couillard et moi-même entendons bien tracer le chemin qui permettra de préserver l’agropastoralisme. Nous le devons aux éleveurs et à la biodiversité – à toute la biodiversité !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

Madame la ministre, depuis le 2 septembre dernier, le groupe Canal+ a cessé de diffuser les cinq chaînes du groupe TF1 à la suite d’un différend commercial concernant le renouvellement du contrat de leur distribution.

La justice a eu l’occasion de se prononcer à deux reprises sur ce différend, qui pénalise tout particulièrement les foyers situés en zone rurale et en zone de montagne, car ils reçoivent la télévision numérique par satellite.

En considérant que la loi ne crée aucune obligation de reprise des chaînes de la TNT, la télévision numérique terrestre, à la charge de Canal+, et qu’aucun contrat écrit signé avec le groupe TF1 n’obligeait Canal+ à mettre à disposition ces chaînes, la cour d’appel de Paris a, certes, clarifié la situation du point de vue du droit, mais elle n’a pas résolu les difficultés rencontrées par des millions de Français.

Le Gouvernement est resté très discret depuis deux mois sur cette situation, tandis que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a proposé plusieurs fois sa médiation, estime qu’elle n’a pas les moyens juridiques d’imposer un compromis.

Dans ces conditions, que comptez-vous faire, madame la ministre, pour permettre aux Français qui en sont aujourd’hui privés d’accéder à la TNT ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Hugonet, je partage vos préoccupations.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Vous l’avez dit, cette situation résulte d’un différend commercial et d’une négociation qui n’aboutit pas. Il ne m’appartient pas de m’immiscer dans cette dernière

Marques de déception sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Dès le début de ce conflit, j’ai écrit au président du groupe Canal+, en appelant à son sens des responsabilités et de l’intérêt général, pour éviter de priver des millions de Français de l’accès aux cinq chaînes du groupe TF1. Pour l’instant, toutefois, la négociation n’a toujours pas abouti.

Vous avez rappelé les décisions de justice et les déclarations de l’Arcom, monsieur le sénateur. Une modification de la loi sera probablement nécessaire à l’avenir pour éviter que ce type de situation ne se reproduise et que des téléspectateurs ne soient pris en otage par ces négociations. Nous y travaillerons ensemble, je l’espère, mesdames, messieurs les sénateurs.

À court terme, je sais que les discussions ont repris avec Canal+ après la nomination de M. Rodolphe Belmer à la tête de TF1. Espérons collectivement que les deux groupes parviendront à un accord qui permettra de rétablir au plus vite l’accès aux chaînes gratuites de la TNT.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Madame la ministre, l’adage dit que l’espoir fait vivre, et vous nous appelez en l’occurrence à espérer… Mais la réalité est simple : la loi de 1986, modifiée à plus de 80 reprises, qui sous-tend tout l’écosystème de l’audiovisuel, est aujourd’hui à genoux.

Votre collègue Franck Riester, ici présent, avait commencé à porter une réforme malheureusement rapidement abandonnée en rase campagne pour cause de covid…

Nous sommes prêts, au Sénat, à travailler sur cette loi de 1986 pour la revisiter, car nous devons la mettre à jour en raison de l’émergence des plateformes numériques et des nouveaux usages des chaînes de télévision. Nous vous appelons à engager ce chantier, madame la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.

Pendant que les médias français étaient occupés par le feuilleton du 49.3 à l’Assemblée nationale, les conclusions du dernier sommet européen étaient à la limite de la débâcle pour la France, consacrant l’échec de cinq ans de politique européenne française, pourtant présentée comme le projet phare du Président de la République.

Les Allemands et une partie des pays européens ont fait prévaloir leur point de vue sur le prix du gaz et nous renvoient aux problèmes de maintenance de nos centrales nucléaires.

L’accord de principe sur un bouclier antimissile entre plusieurs pays européens autour de l’Allemagne, dont l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, s’est félicitée, nous laisse isolés sur le concept d’une Europe de la défense, malgré le conflit en Ukraine.

En ce qui concerne le spatial, l’Allemagne s’oppose au principe de préférence européenne et développe seule, en mer du Nord, un projet de « port spatial » dédié aux microlanceurs.

Force est de constater le recul de notre influence en Europe, où la France se voit en même temps reprocher une certaine arrogance.

Les dissensions dans le couple franco-allemand sont telles qu’il a fallu pour la troisième fois reporter le sommet entre nos deux pays, qui devait se tenir aujourd’hui à Fontainebleau.

Ces multiples alertes doivent être entendues. L’Allemagne est au centre du jeu européen depuis le Brexit et regarde désormais plus vers l’est et vers les Balkans que vers Paris. Elle défend ses intérêts et s’affirme comme le leader de l’Union européenne, au sein de laquelle les pays du Nord lui sont acquis depuis longtemps.

Madame la secrétaire d’État, quelles leçons tire la France de cette situation ? Comment nous éviter un isolement sur le plan international et au sein de l’Union européenne ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Mme Laurence Boone, secrétaire d ’ État auprès de la ministre de l ’ Europe et des affaires étrangères, chargée de l ’ Europe. Monsieur le sénateur Todeschini, nous n’avons absolument pas la même vision des choses.

Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Je vous rappellerai pour commencer que l’Europe est confrontée, en raison de la guerre en Ukraine, à des enjeux communs en matière d’énergie et de défense, qui se déplaceront ensuite vers d’autres domaines économiques, y compris le spatial.

Ces enjeux communs se reflètent également avec le changement géostratégique, en particulier l’évolution de la position de la Chine. Tous les pays font face à ces enjeux, mais de façon différente.

Durant la crise de la covid-19, les économies de services étaient les plus affectées. Aujourd’hui, avec la crise de l’énergie, ce sont les économies manufacturières qui le sont au premier chef. L’Allemagne, en particulier, fait face à des conditions très difficiles de fourniture d’énergie – elle doit en trouver ailleurs qu’en Russie – et de prix.

Face à ces enjeux, que faisons-nous ? Lors du Conseil européen, le Président de la République a invité le chancelier Scholz à discuter. Et c’est lui qui a réussi à unifier les positions, pour que nous ayons à la fin du Conseil un communiqué qui étudie toutes les mesures énergétiques pouvant être spécifiques à chaque pays.

C’est aussi parce que ces problèmes de défense, d’énergie et de réorganisation du monde ne vont pas se résoudre en un claquement de doigts que le Président de la République a invité le chancelier Scholz à venir déjeuner.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

D’ici aux 60 ans du traité de l’Élysée, nous allons travailler ensemble, pour converger sur tous ces sujets.

Toutefois, voyez-vous, ce sont des efforts qui demandent plus que des paroles : ils exigent des actions et du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Madame la secrétaire d’État, il vous semble difficile de me répondre. À vous entendre, « tout va très bien, madame la marquise »…

Il faudrait relire le discours que le Président de la République avait prononcé à propos de l’Europe à la Sorbonne. Vous dites que tout va se résoudre autour d’un déjeuner. Mais, tous les médias le disent clairement, on ne parle du couple franco-allemand qu’en France. Pour le reste, c’est l’Allemagne qui mène le bal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Le Président de la République avait utilisé l’expression d’« encéphalogramme plat » à propos de l’Otan.

J’ai peur que, aujourd’hui, ce soit également l’encéphalogramme plat pour le projet européen.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Depuis Aristide Briand, la religion ne peut faire obstacle à la loi. La République a peu à peu donné à la laïcité une dimension singulière dans l’enceinte de nos écoles.

Pourtant, le mois dernier, tout comme on publie les chiffres du chômage, vous annonciez, monsieur le ministre, 313 atteintes à la laïcité, qui sont en réalité autant de violations de la loi.

À défaut de nous rassurer, vous affirmez ne pas avoir la main qui tremble. Vous rappelez que les équipes Valeurs de la République ont été renforcées, tout comme la formation des professeurs. Enfin, vous annoncez un plan de communication sur les réseaux sociaux pour réduire l’action des influenceurs.

Face à un projet politique radical, celui de l’islamisme, ne pensez-vous pas plutôt qu’il faudrait d’abord appliquer la loi dans toute sa rigueur ?

La semaine dernière, un proviseur parisien l’expliquait dans une interview : on sanctionne un collégien qui fume, mais des élèves qui portent des tenues religieuses, c’est plus compliqué, faute d’un cadre précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

M. Max Brisson. Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous donner à tous les chefs d’établissement de France un cadre et des instructions précises pour qu’ils aient la certitude, face à ces violations de la loi, d’avoir le soutien de leur hiérarchie ? Il faut appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly et MM. Daniel Chasseing, Christian Bilhac et Hussein Bourgi applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Debut de section - Permalien
Pap Ndiaye

M. Pap Ndiaye, ministre de l ’ éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Brisson, en la matière, vous avez raison, la boussole, c’est la loi de 2004. Celle-ci, je le répète, doit être appliquée de façon ferme et stricte.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Pap Ndiaye

Vous avez évoqué les équipes Valeurs de la République : nous parlons de plusieurs centaines de personnes à l’échelle du territoire, que nous renforcerons encore cet automne. Vous avez aussi rappelé nos efforts de formation des enseignants.

Des sanctions ont déjà été prises contre des élèves récalcitrants ; d’autres le seront au terme des procédures engagées. Nous allons d’ailleurs, après vérifications, préciser les choses en matière de sanctions. Celles-ci peuvent aller jusqu’à l’exclusion définitive des élèves concernés, et des mesures de cette nature ont déjà été prises.

Vous avez également mentionné la question des réseaux sociaux. Sur le plan juridique, il est délicat de s’attaquer directement à ces comptes et ces influenceurs néfastes, qui ne veulent de bien ni aux élèves, ni à l’école, ni à la République. Mais nous sommes très actifs sur cette question, et je vais prochainement recevoir un certain nombre de dirigeants de ces réseaux sociaux pour les mettre face à leurs responsabilités. Nous serons très vigilants en la matière.

La laïcité, c’est une question de sanctions – vous avez rappelé mes propos : je n’aurai pas la main qui tremble –, mais aussi de pédagogie.

Nous devons mener la bataille pour faire comprendre que la laïcité est une liberté, la possibilité d’une transmission de savoirs sans interférence, la garantie de l’émancipation et de l’éducation des futurs citoyens de la République.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Paul Prince applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Monsieur le ministre, je crains que vous ne répondiez pas aux chefs d’établissement. Ceux-ci se sentent seuls. Ils veulent des consignes claires pour ne pas avoir à interpréter et à arbitrer. De grâce, ne les laissez pas seuls !

Votre collègue Gérald Darmanin parle d’une « offensive islamiste » qui vise les plus jeunes et qui passe aussi par l’école.

Monsieur le ministre, précisez le cadre, donnez des instructions aux chefs d’établissement et soutenez-les : il faut leur assurer que, désormais, toute violation de la loi sera sanctionnée.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ma question concerne plusieurs ministères, mais s’adresse d’abord à Mme la ministre de la culture, qui a la tutelle sur les collections publiques.

En juillet 2020, pour célébrer le cinquante-huitième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, la France a restitué à Alger 24 crânes détenus au musée de l’Homme, supposés être ceux de chefs de la résistance tués pendant la conquête coloniale. Or une enquête du New York Times vient de révéler que la majorité de ces crânes seraient non identifiés ou d’origine incertaine.

Certains parlent d’imbroglio ou de procédure imparfaite, d’autres de scandale d’État. Il semble que le travail du comité d’experts scientifiques franco-algérien qui œuvrait depuis 2018 à l’identification des crânes, condamné à la plus stricte confidentialité, ait été écourté. Pourquoi ? Si nous ne contestons nullement sur le fond ce geste hautement symbolique de réconciliation, pourquoi a-t-il été dénaturé ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il formellement décidé seul d’une convention de dépôt, et non d’un acte législatif de restitution, tout en en revendiquant l’appellation ?

Madame la ministre, le Parlement, pourtant garant des collections nationales, a été totalement contourné dans cette affaire, et je le regrette. Nous sommes en droit d’obtenir des réponses.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Rachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Madame la sénatrice Morin-Desailly, je vous remercie de votre engagement de longue date sur ce sujet.

Cet enjeu me tient également à cœur. La politique de restitution consiste à regarder notre histoire en face et à nouer des relations de partenariat et d’amitié nouvelles avec d’autres pays et d’autres peuples. C’est un chemin subtil, respectueux, qui n’est celui ni du déni ni de la repentance, mais celui de la reconnaissance.

Les crânes algériens que vous mentionnez ont été déposés, et non restitués. Les autorités françaises et algériennes ont mis en place en décembre 2017 un comité mixte, qui était chargé d’identifier formellement ces restes humains dans les réserves du Muséum national d’histoire naturelle.

Un travail d’étude rigoureux a duré dix-huit mois. La commission est arrivée à la conclusion que 24 crânes sur 45 remplissaient toutes les conditions pour être restitués, et c’est sur cette base consensuelle et documentée qu’ils ont été remis sous la forme d’un dépôt à l’Algérie. Il n’a jamais été dit le contraire.

Je vous renvoie d’ailleurs au communiqué final du comité intergouvernemental de haut niveau, qui, dans son paragraphe 19, mentionne précisément des « restes humains présumés algériens conservés dans les collections publiques françaises ». Toutes les précautions nécessaires avaient donc été prises.

Au-delà de ce cas spécifique, dont nous aurons l’occasion de reparler, nous allons travailler ensemble à une loi-cadre fixant une doctrine, une méthode et des critères de restitution sur ce sujet des restes humains, mais aussi sur ceux des biens spoliés juifs – un cas très différent –, des biens pillés pendant la colonisation en Afrique ou de ceux qui ont été pris de façon illégale ou illégitime.

Je ne doute pas que nous aurons de riches débats lors de l’examen de ce projet de loi.

M. Alain Richard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je me réjouis de ce travail partagé, enfin !

Le Sénat, comme vous le savez, a déjà engagé des travaux très importants en la matière. Pierre Ouzoulias, Max Brisson et moi-même, avec le soutien de notre président de commission Laurent Lafon, avons d’ores et déjà formulé des propositions.

Par ailleurs, un texte de loi a été voté à l’unanimité de notre assemblée en janvier dernier sur la question des restes humains dits « sensibles ». Si ce texte avait été définitivement voté, il aurait totalement résolu la question des restitutions de crânes à l’Algérie.

Au demeurant, il me semble malgré tout que vous défendez l’indéfendable, madame la ministre. J’ai là les conclusions de la commission chargée d’examiner les propositions de restitution de ces restes humains d’origine algérienne, qui s’est réunie le 25 juin 2020.

Elle alerte sur un risque de protestations en raison du caractère précipité et autoritaire de l’opération. Elle note aussi que les modalités imposées par l’urgence diplomatique interrompent le travail de mémoire réalisé par le comité d’experts. Elle souligne enfin que le ministère de la culture a été écarté de cette procédure, tout comme le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mme Catherine Morin-Desailly. Il faut remettre de l’ordre dans ce sujet, pour souligner l’importance du bien-fondé de la réconciliation des mémoires.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Robert et M. Mickaël Vallet applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sont actuellement 6 500 soignants en pédiatrie qui ont signé une lettre ouverte au Président de la République, dans laquelle ils dénoncent les mises en danger quotidiennes des patients dans des services saturés.

En cause, l’épidémie de bronchiolite et des services hospitaliers très fragilisés, qui peinent à recruter et à garder du personnel, notamment paramédical. Pourtant, l’épidémie de bronchiolite est habituelle à l’automne, donc prévisible.

Monsieur le ministre, cette situation n’est malheureusement pas nouvelle. En 2019, déjà, faute de place en réanimation, des enfants ont dû être transférés hors de la région Île-de-France. Mais, aujourd’hui, ce problème se pose avec acuité sur l’ensemble du territoire. Des enfants sont régulièrement transférés d’un hôpital à l’autre, parfois même à plus de 200 kilomètres.

Comment en est-on arrivé là ?

Les capacités d’accueil des services se dégradent en raison de la fermeture de lits et du manque de personnel soignant.

On n’a pas assez de médecins libéraux, on restreint l’accès aux urgences et on ne fait plus appel aux kinésithérapeutes pour les bronchiolites. Pourtant, d’après une étude de la plateforme AquiRespi, l’offre de soins en kinésithérapie respiratoire permet de réduire de 13 % les consultations pédiatriques au CHU de Bordeaux le week-end.

C’est toujours le même constat : le Gouvernement n’a rien anticipé et gère la pénurie avec des rustines. Le déclenchement des plans blancs oblige à déprogrammer des interventions chirurgicales pour une simple épidémie de bronchiolite, sans qu’il y ait véritablement de perspective d’amélioration.

Vous avez annoncé le déblocage de 150 millions d’euros pour les services en tension à l’hôpital, notamment en pédiatrie. Pour autant, monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il enfin de mettre en œuvre des mesures structurelles, en revalorisant significativement la permanence des soins de nuit, du week-end et des jours fériés, en augmentant le nombre de pédiatres, en libéral et à l’hôpital, et en acceptant que les kinésithérapeutes puissent de nouveau intervenir pour lutter contre l’épidémie de bronchiolite, comme c’était le cas auparavant ?

Mme Laurence Cohen applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Debut de section - Permalien
François Braun

Madame la sénatrice Lassarade, je vous remercie de revenir, au travers de votre question, aux problèmes liés à la bronchiolite et, plus largement, à la situation dans nos hôpitaux. Vous savez que ce problème me préoccupe particulièrement.

Je veux cependant apporter quelques précisions à ce que je viens d’entendre.

Non, on ne trie pas les enfants à l’entrée de l’hôpital. Les mots ont un sens, madame la sénatrice, et celui-ci ajoute artificiellement de l’inquiétude et de l’angoisse chez les parents. Pis, il peut inciter au renoncement aux soins, ce qui est dangereux.

Je le redis avec force, notre système de santé dans son ensemble prend en charge tous les enfants en situation de détresse, dans le cadre de parcours de soins identifiés pour répondre aux besoins. Je le répète, toutes les bronchiolites ne doivent pas aller à l’hôpital.

S’agissant de ce parcours, vous parlez de la place des kinésithérapeutes. Voilà plusieurs mois, la Haute Autorité de santé a relevé que certaines pratiques de kinésithérapie habituelles réalisées sur les bronchiolites étaient dangereuses et qu’il fallait y mettre fin. La place de ces professionnels est donc désormais beaucoup moins importante dans le traitement de cette pathologie précise.

Comment savoir où faire prendre en charge son enfant victime d’une crise de bronchiolite avec des difficultés respiratoires ? Je le redis aux parents, si vous ne savez pas et que vous n’avez pas de médecin traitant, composez le 15, pour appeler le Samu, le service d’aide médicale urgente.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François Braun

Vous trouverez des professionnels compétents, qui pourront vous diriger vers le meilleur parcours de soins pour votre enfant. En effet, je le répète, ce n’est pas toujours l’hôpital ; c’est bien souvent le médecin traitant. Je vous invite à aller voir ces professionnels, que ce soit à Bordeaux ou à Créteil.

En ce qui concerne la problématique plus large de l’hôpital, je vous rejoins, madame la sénatrice. Nous avons des problèmes structurels qui ne sont malheureusement pas nouveaux.

L’un de mes engagements est justement de travailler sur les problèmes structurels globaux de l’hôpital, et pas uniquement sur la filière pédiatrique. C’est ce que porte le PLFSS pour l’année prochaine, dont nous aurons l’occasion, je pense, de discuter dans les semaines qui viennent. Je pourrai alors plus librement vous détailler l’ensemble des mesures destinées à restructurer notre système de santé et l’hôpital public.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Merillou

Madame la secrétaire d’État chargée de la ruralité, vous avez promis dans la presse, le 19 octobre dernier, de travailler main dans la main avec les élus ruraux.

Le même jour, l’Association des maires de France (AMF) publiait un rapport sur la nécessaire préservation du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR). Or, sur ce sujet, les élus attendent toujours une main tendue. Pour l’heure, pas de calendrier. Pourquoi tant d’opacité ? De la clarté, voilà ce qu’exige la ruralité ! Depuis 1995, les ZRR sont des vecteurs essentiels du développement et de l’attractivité de nos territoires. Leur fin annoncée, en décembre 2023, inquiète les élus.

Ce dispositif concerne aujourd’hui près de 14 000 communes et engage 320 millions d’euros, une somme dérisoire au vu des effets positifs observés sur les territoires : implantations d’entreprises, de médecins et d’acteurs économiques. Bref, il a pu contribuer à redonner vie à nombre de nos villages.

Les auteurs du rapport sénatorial d’avril 2022 et les ruraux saluent son efficacité. À l’instar de l’AMF, madame la secrétaire d’État, ils vous demandent de reconduire un dispositif réformé, en prenant en compte les évolutions des territoires, en concertation avec leurs élus.

Il nous faut notamment revenir à l’échelle des communes, instituer deux niveaux de classement, sans parler de toute une série d’autres mesures. Bref, le travail est prémâché. Emparez-vous-en ! Posons les fondations d’une nouvelle politique de dynamisation des zones rurales.

En ces temps troublés pour les collectivités locales, nous devons accompagner ces dernières, nous concerter avec elles et leur donner de la visibilité.

Aussi, madame la secrétaire d’État, quel dispositif entendez-vous mettre en place pour pallier la disparition des ZRR ? Quelle place auront les élus dans l’élaboration de ce dispositif ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ruralité.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Monsieur le sénateur Serge Mérillou, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont été créées par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, et je sais le rôle déterminant qu’a joué le Sénat dans l’adoption de ce texte.

Le législateur a souhaité prendre en compte les difficultés spécifiques liées au maintien de l’activité en milieu rural, et, de façon plus générale, soutenir des parties de notre territoire qui sont en déprise démographique ou économique. Pour atteindre ce but, les ZRR ont été adossées à un régime d’exonération fiscale et sociale. Aujourd’hui, ce sont 13 712 communes, représentant 16 % de la population française, qui sont classées en ZRR.

Je suis très attachée à ce dispositif, qui reconnaît la fragilité des territoires ruraux et qui doit prendre fin au 31 décembre 2023. Afin de préparer l’avenir, le Premier ministre Jean Castex avait confié une mission parlementaire aux sénateurs Frédérique Espagnac et Bernard Delcros, ainsi qu’aux députés Anne Blanc et Jean-Noël Barrot.

Cette mission parlementaire sur une éventuelle prorogation témoigne de notre attachement commun à ce dispositif. Aujourd’hui, il convient de poursuivre le travail que nous avons engagé pour en définir l’avenir.

Dès le 26 juillet dernier, soit quelques jours après ma prise de fonctions au Gouvernement, je répondais à l’invitation du sénateur Delcros pour travailler sur cette question. Le 25 août, je « planchais » avec le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et certains membres de son bureau, et, le 8 septembre, avec les coprésidentes de la commission ruralité de l’AMF.

Cette après-midi même, avec Christophe Béchu, je reçois officiellement les membres de la mission parlementaire. Nous ferons un premier travail sur les quatorze propositions de leur rapport.

Vous le voyez, le Gouvernement est au travail pour envisager l’avenir des ZRR.

Nous avons par ailleurs confié une mission d’appui, avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), à M. François Philizot, inspecteur général de l’administration et président du conseil d’orientation de l’Observatoire des territoires, afin, avec Christophe Béchu, de formuler des propositions à Mme la Première ministre au début de l’année 2023.

Ces propositions se nourriront d’un large travail de concertation avec le groupe Ruralité en cours de constitution à l’Assemblée nationale, ainsi que, je l’espère, avec un groupe Ruralité institutionnalisé au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Cela, c’est notre affaire, madame la secrétaire d’État !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Si, bien entendu, vous en décidez ainsi, monsieur le président.

Ces concertations seront complétées par des rencontres avec des associations d’élus.

Croyez bien, monsieur le sénateur, que je vous tiendrai informé de nos travaux. J’utiliserai toute mon énergie pour faire en sorte que le Gouvernement continue de reconnaître la fragilité des territoires ruraux.

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État. Cela, c’est mon affaire !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Je ferai de mon mieux pour les accompagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Serge Mérillou, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Merillou

À Eymet, dans mon département, lors du congrès des maires ruraux, vous avez déclaré aux habitants du monde rural qu’ils étaient une chance pour notre pays, madame la secrétaire d’État.

Prouvez-le, en donnant aux territoires ruraux les moyens nécessaires pendant qu’il est encore temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Monsieur le ministre chargé des transports, samedi dernier, se tenait en Savoie une conférence de presse destinée à présenter la tribune cosignée par des élus syndicalistes, des représentants des associations, des élus locaux et des parlementaires.

Nous étions plus de 200, toutes sensibilités politiques confondues, à rappeler nos engagements pour le chantier ferroviaire du Lyon-Turin et notre choix du scénario « grand gabarit » pour ses accès, à la suite de la consultation que vous avez menée. Le Gouvernement devait prendre une position officielle en début d’année ; ce n’est toujours pas fait. Je vous rappelle mes courriers restés sans réponse.

En retardant cette décision, vous ouvrez une brèche à une minorité d’activistes, qui se prétendent écologistes, mais qui tiennent des discours contradictoires. Ils cherchent à effrayer la population par la désinformation, en s’appuyant depuis plus de trente ans sur les thèmes à la mode du moment : roches radioactives, roches amiantifères… Aujourd’hui, avec les sécheresses, ils pointent les atteintes aux sources d’eau. Pourtant, l’entreprise binationale TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin) suit de façon très sérieuse ce sujet, en lien avec les élus locaux.

C’est par le ferroutage que nous réussirons à diminuer nos émissions carbonées et à améliorer la qualité de l’air dans nos vallées. La ligne historique n’en a pas la capacité, et nous devons en parallèle libérer des sillons pour les transports de voyageurs du quotidien. La légitimité démocratique à faire des choix qui engagent l’avenir de nos enfants appartient aux élus, et non à une poignée de militants opposés au projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Monsieur le ministre, ne vous laissez pas impressionner et prenez les décisions attendues. Il ne s’agit plus d’être pour ou contre ce tunnel, mais d’en déterminer ses accès et d’en assurer leur financement.

Aussi mes questions sont simples.

D’une part, quand comptez-vous confirmer officiellement le scénario retenu ?

D’autre part, l’Union européenne a annoncé 50 % de financement pour les accès. Vous n’avez pas postulé à son appel à projets « opération ferroviaire », alors que le percement du tunnel est en cours. Quand le ferez-vous ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Florence Blatrix Contat et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Madame la sénatrice Berthet, pour être clair, je partage votre engagement et votre sentiment sur l’intérêt incontestable de ce projet.

Il est important sur le plan écologique, vous l’avez rappelé, par le développement du ferroviaire, en particulier du fret, qu’il implique. Il est essentiel, pour les mêmes raisons, sur le plan économique. C’est un grand projet européen que nous devons faire avancer. Il a d’ailleurs été confirmé au plus haut niveau dans le traité d’amitié entre la France et l’Italie, voilà moins d’un an.

Les concertations ont été engagées, selon un calendrier que vous connaissez et qui est transparent, par le préfet de région, M. Pascal Mailhos. Il y a eu concertation avec les élus de toutes les collectivités qui peuvent être amenées à financer la question des accès, et ce travail s’est terminé au début de l’année 2022. Dès que j’ai pris mes fonctions, j’ai repris le travail de concertation, pour que nous passions maintenant à la partie concrète et financière, comme je m’y suis engagé devant le Parlement dès le mois de juillet dernier.

Je me suis rendu à Lyon dès le mois de septembre pour échanger avec l’ensemble des collectivités financeuses. J’ai constaté, comme vous l’avez rappelé, que le scénario qui avait la nette préférence de l’immense majorité des collectivités, pour ce qui concerne les accès, était le scénario dit « grand gabarit ».

J’ai demandé qu’il y ait une concertation et j’ai mandaté le préfet à cette fin, afin que, d’ici au début de l’année prochaine, il y ait en face de cette ambition ferroviaire une ambition budgétaire, car ce scénario est aussi le plus coûteux.

Si les collectivités sont prêtes à s’engager, …

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

… nous le serons aussi.

À présent, il faut que chacun dise ce qu’il est prêt à mettre concrètement sur la table, de manière sonnante et trébuchante. Pour notre part, nous sommes prêts à nous engager, mais aussi à mobiliser les financements européens sur la section transfrontalière.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, qui sera bientôt soumis à votre vote, les crédits sont là. Toute la programmation est intégralement respectée. J’ai eu encore hier un entretien avec la Commission européenne pour que les financements sur cette section transfrontalière soient rapidement mobilisés.

Il n’y a aucun désengagement à cet égard, et quand le scénario sur les accès sera arrêté sur les plans ferroviaire et budgétaire, nous postulerons évidemment aux financements européens. En effet, comme vous l’avez rappelé, l’Union européenne nous a indiqué qu’elle était prête à mobiliser jusqu’à 50 % des financements sur ces accès.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

L’État sera au rendez-vous, mais il faut que tout le monde le soit également, y compris les collectivités.

J’ai pris cet engagement au nom de l’État au mois de septembre dernier. Je le répète, nous attendons maintenant la concertation financière d’ici au début de l’année prochaine. Pour ma part, j’ai respecté les engagements que j’avais pris devant vous en juillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je me permets de le rappeler, ce point figure dans l’article 10 du traité dont le Sénat doit aujourd’hui discuter de la ratification, en séance publique, à partir de seize heures trente. Votre vote, mes chers collègues, permettra donc de valider ce scénario.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.

La crise de l’énergie que nous connaissons est sans précédent. Si la situation semble revenir à la normale sur le front des carburants, nous devons nous préparer à des coupures d’électricité et de gaz. Sans être certaines, ces coupures sont possibles, la guerre en Ukraine et ses effets atroces sur la population de ce pays ayant malheureusement servi de révélateurs à une situation qui se dégradait depuis plusieurs années, faute d’anticipation.

S’agissant de l’électricité, la moitié des réacteurs nucléaires sont encore à l’arrêt, et EDF ne cesse de différer leur remise en service. À cela s’ajoutent les grèves dans les centrales, qui réduisent encore un peu plus nos capacités de production et l’effort de maintenance.

Les énergies renouvelables, bien qu’elles soient importantes, ne sont pas pilotables. En absence de vent, de soleil et de nucléaire, ce sont les centrales à gaz qui prendront le relais. Nous approchons de l’hiver, et certains spécialistes nous annoncent qu’il pourrait être rigoureux.

S’agissant du gaz, nos réserves sont pleines, mais elles ne représentent que les deux tiers de la consommation hivernale des PME et des particuliers. Les entreprises gazo-intensives ont déjà été prévenues qu’elles pourraient avoir à subir des coupures préjudiciables à leur activité. Les Français sont prêts à faire des efforts, mais ils accepteront mal de ne pas être prévenus à temps.

Aussi, madame la ministre, comment allez-vous procéder avec les entreprises pour les inciter à s’arrêter ? Avec quels délais et pour combien de temps ? Comment allez-vous procéder à l’égard des particuliers, des collectivités, des établissements scolaires ? À quels horaires et selon quels délais ? Comment comptez-vous organiser ces coupures pour les situations particulières, médicales ou sociales ? Quelle utilisation ferez-vous des compteurs Linky ?

À bien nommer les choses, on contribue à régler les problèmes du pays.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Monsieur le sénateur Bonneau, vous avez raison de le rappeler, cette crise énergétique est la plus grave que nous connaissons depuis les années 1970, avec le quasi-arrêt des livraisons en Europe du gaz russe. De quoi parle-t-on ? De 40 % du gaz qui approvisionnait l’Europe. Cette situation crée aujourd’hui un stress sur notre système énergétique. Ce n’est pas propre à la France, puisque l’ensemble du continent est concerné. Nous agissons d’ailleurs ensemble, de façon solidaire.

Par ailleurs, nous avons également à faire face à une moindre production d’électricité d’origine nucléaire, à cause de soucis de maintenance, sur lesquels nous travaillons, et hydraulique, du fait des sécheresses que nous avons connues cet été.

Dans ce contexte, le Gouvernement a pris toutes les décisions nécessaires pour préparer le passage de l’hiver dans les meilleures conditions.

Vous l’avez rappelé, les stocks stratégiques de gaz sont pleins en France, mais également dans toute l’Europe, sur l’initiative de notre pays, je le rappelle. Nous avons aussi procédé à une augmentation de nos capacités d’approvisionnement en gaz naturel – les stocks sont pleins, mais les terminaux continuent à acheminer du gaz à pleine capacité –, ainsi qu’à une augmentation de la puissance de certains barrages hydrauliques. Nous avons enfin préservé nos capacités de production cet été pour les réserver à l’hiver. Je ne mentionnerai pas toutes les décisions que nous avons prises pour préparer cet hiver.

Vous avez évoqué la situation d’EDF : je veux saluer ici l’accord qui a été trouvé dans l’entreprise et la reprise du travail qui a eu lieu ce week-end, pour, précisément, faire en sorte que l’on continue à remettre en état nos centrales nucléaires, afin qu’elles puissent produire cet hiver. Cela a été fait en grande responsabilité par les organisations syndicales et par la direction d’EDF.

Enfin, vous m’interrogez sur les actions en cas de risques sur le réseau. RTE, qui est notre expert en la matière, évoque des risques très limités de difficultés cet hiver si nous connaissons des températures normales.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous agissons donc en fonction de ces prévisions : interruptibilité, effacement, sécurisation des interconnexions et, s’agissant du scénario ultime de coupure, un plan est activé, avec seulement deux heures d’interruption par jour. Je ne développerai pas davantage, mon temps de parole étant largement dépassé.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

M. François Bonneau. Madame la ministre, permettez-moi d’insister sur les coupures de gaz qui pourraient toucher les entreprises. Il faudra que, en amont, elles soient associées à une concertation sur la durée de ces interruptions, car elles peuvent avoir des conséquences très graves pour certaines sociétés.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 2 novembre, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 26 voix pour, 19 voix contre – à la nomination de M. Luc Rémont aux fonctions de président-directeur général d’Électricité de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle l’examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, adoptée à Macolin le 18 septembre 2014, signée par la France à Strasbourg le 2 octobre 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 604 [2021-2022], texte de la commission n° 894 [2021-2022], rapport n° 893 [2021-2022]).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l’approbation de l’accord pour la mise en place d’un mécanisme d’échange et de partage de l’information maritime dans l’océan Indien occidental (ensemble une annexe), adopté à Balaclava le 29 avril 2018, signé par la France à Nairobi le 26 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Est autorisée l’approbation de l’accord régional sur la coordination des opérations en mer dans l’océan Indien occidental (ensemble une annexe), adopté à Balaclava le 29 avril 2018, signé par la France à Nairobi le 26 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 407 [2021-2022], texte de la commission n° 756 [2021-2022], rapport n° 757 [2021-2022]).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux relatif au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, signé à Bâle le 13 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux, signé à Bâle le 13 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 848 [2021-2022], texte de la commission n° 898 [2021-2022], rapport n° 897 [2021-2022]).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la convention portant création de l’Organisation internationale pour les aides à la navigation maritime (ensemble une annexe), signée à Paris le 27 janvier 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 522 [2021-2022], texte de la commission n° 8, rapport n° 7).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée (projet n° 847 [2021-2022], texte de la commission n° 896 [2021-2022], rapport n° 895 [2021-2022]).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis aujourd’hui à votre disposition pour débattre du projet de loi visant à ratifier le traité pour une coopération bilatérale renforcée entre la France et l’Italie, dit « traité du Quirinal », signé à Rome le 26 novembre 2021 et adopté par l’Assemblée nationale le 28 juillet dernier.

Le traité du Quirinal, de par sa portée générale, est d’une ampleur sans précédent pour un traité conclu avec l’Italie. Il façonnera l’histoire de la relation franco-italienne au cours des prochaines décennies. Le choix de tenir la cérémonie de signature au palais présidentiel italien, sur la colline du Quirinal, en présence des plus hautes autorités de nos deux pays a témoigné du caractère exceptionnel et historique de cet événement.

Entre-temps, un nouveau gouvernement italien a pris ses fonctions le 22 octobre dernier, sous la présidence de Mme Meloni, marquant le début d’une nouvelle phase pour l’Italie. La présidente du Conseil a pu s’en entretenir avec le Président de la République dimanche dernier à Rome.

Durant cette phase, des différences politiques s’exprimeront sans doute entre nos gouvernements – c’est légitime entre deux démocraties –, mais, nous en sommes convaincus, la France devra poursuivre l’ambition du traité du Quirinal : exploiter davantage l’immense potentiel de nos relations.

Ces relations s’appuient sur une amitié de longue date, riche d’échanges entre nos deux États, mais aussi et surtout entre nos peuples, nos sociétés civiles, nos intellectuels et nos économies, qui communiquent et interagissent naturellement depuis des siècles, parfois au sein d’un même bassin de vie.

Le traité du Quirinal vise à structurer encore davantage nos échanges et nos coopérations en instaurant un cadre institutionnel formalisé, à tous les niveaux de coopération. Depuis la signature de ce traité, ces échanges et ces coopérations ont déjà commencé à se structurer et à se renforcer à l’échelle nationale, mais aussi régionale, communale, ou encore au sein de la société civile et entre acteurs économiques.

Cette habitude de travail doit nous permettre d’approfondir nos coopérations sur les sujets d’intérêt commun. Elle vise aussi à stabiliser et à ancrer dans le temps long une relation qui a connu des hauts et des bas, au service de nos peuples et de l’Europe.

Le traité du Quirinal porte des valeurs et des objectifs profondément européens. Il nous rappelle combien les convergences entre la France et l’Italie ont constitué l’un des ciments du projet européen. Il traduit l’ambition de travailler ensemble pour faire face aux défis considérables auxquels est confrontée l’Union européenne.

L’Italie est un partenaire indispensable pour porter l’agenda de souveraineté et d’autonomie stratégique de l’Union européenne, préserver l’unité européenne et continuer de développer une réponse commune à la guerre en Ukraine.

Les coopérations bilatérales prévues par le traité ont elles aussi une dimension européenne, dans la mesure où elles contribuent à renforcer notre Union, y compris par une meilleure intégration de nos territoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je reviendrai à présent sur quelques dispositions clés de cet accord.

Premièrement, le traité vise à approfondir notre coopération en matière de défense, dont la pertinence croît davantage encore avec le retour de la guerre sur notre continent.

Il souligne la solidarité qui lie nos deux pays en cas d’agression contre nos territoires respectifs. Si cette disposition est conforme aux engagements internationaux auxquels nous avons souscrit – charte de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), traités européens –, il s’agit néanmoins d’un symbole fort, a fortiori dans le contexte international dégradé, qui nous impose plus que jamais de renforcer notre unité.

Deuxièmement, la Méditerranée est désignée comme un espace de coopération privilégié dès le préambule du traité. Cet espace, stratégique pour nos deux pays, doit bien sûr être au cœur de la coordination franco-italienne sur de nombreux plans : en matière de politique de voisinage, de développement et d’économie bleue, de sécurité ou d’environnement. Toute notre attention doit également se porter sur cet espace dans le cadre de notre coopération bilatérale autour de la gestion de notre frontière maritime commune.

Troisièmement, s’appuyant sur une relation économique déjà intense, la France et l’Italie devront favoriser des rapprochements équilibrés entre leurs acteurs économiques. Cette proximité permettra une meilleure connaissance réciproque entre les entreprises françaises et italiennes et favorisera la présence et le développement, mutuellement bénéfique, des industries de nos deux pays dans les secteurs clés de l’autonomie stratégique européenne : le numérique, la transition écologique ou encore l’industrie spatiale.

Quatrièmement, la coopération transfrontalière transversale sera renforcée pour réaliser des projets concrets au bénéfice des habitants des régions frontalières, répondant ainsi à des enjeux de mobilité, de secours, de développement économique et de protection de l’environnement.

Un comité de coopération frontalière, inspiré du très utile modèle franco-allemand et associant les parlementaires, est institué par ce texte. Il permettra de porter des projets conjoints en levant les obstacles, souvent réglementaires, mais pas seulement, qui sont liés à la frontière.

Cinquièmement, et enfin, le rapprochement de nos jeunesses constitue un axe fort de ce traité. Nous construirons une véritable stratégie pour favoriser des liens durables entre les jeunes Français et les jeunes Italiens. Un service civique franco-italien sera ainsi mis en place : 150 volontaires effectueront, chaque année, une mobilité croisée entre la France et l’Italie. Plus largement, les mobilités des élèves, des apprentis et des étudiants seront développées.

Je n’évoquerai pas devant vous l’ensemble des dispositions de ce traité extrêmement riche, car il me faudrait pour cela bien plus que quelques minutes. J’insisterai simplement sur un point : ce traité, si vous le ratifiez, sera structurant pour l’avenir de notre relation de long terme avec l’Italie, et nous nous attacherons à sa pleine application. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu particulièrement important pour les populations vivant à la frontière.

En conclusion, j’évoquerai un aspect central de la relation institutionnelle franco-italienne : la diplomatie parlementaire. Il est indispensable que nos deux parlements soient pleinement impliqués dans le dialogue franco-italien.

Je sais, à cet égard, toute l’implication des présidents Jean-François Rapin et Hervé Marseille et je me réjouis de la structuration déjà avancée des relations du Sénat avec le Parlement italien. Je salue également les échanges anciens entre groupes parlementaires d’amitié de part et d’autre des Alpes, qui, j’en suis convaincue, seront de nouveau très utiles sous cette législature.

Voilà les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce traité de coopération bilatérale renforcée entre la France et l’Italie.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Bouchet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée.

Mieux connu sous le nom de « traité du Quirinal », cet accord a été signé dans le palais accueillant la présidence de la République italienne le 26 novembre 2021 par Emmanuel Macron et le chef du gouvernement italien, Mario Draghi, en présence du président italien Sergio Mattarella.

Ce texte a été adopté en commission le 27 septembre dernier. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a demandé que cette convention de partenariat soit débattue en procédure normale, ce que j’approuve totalement. Mais je rappelle que nous ne pouvons amender ce projet de loi : il sera soit adopté, soit rejeté par notre assemblée.

L’actualité politique italienne apporte un éclairage nouveau sur nos relations bilatérales, qui ont déjà connu des hauts et des bas ces dernières années.

Au printemps 2018, l’arrivée au pouvoir de l’alliance entre la Ligue, parti d’extrême droite, et le Mouvement 5 étoiles a fait prospérer des narratifs anti-élites et anti-européens, voire anti-français. Le summum de la crise a été atteint en janvier 2019, lorsque le vice-président du Conseil, M. Di Maio, du Mouvement 5 étoiles, a apporté son appui au mouvement des « gilets jaunes ». L’ambassadeur français, M. Christian Masset, a été rappelé en France le 7 février 2019 ; cela ne s’était jamais produit depuis 1940, lorsque Mussolini avait déclaré la guerre à la France…

Encore récemment, l’avis de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, rendu le 29 juin 2022, défavorable à la mise à exécution des demandes d’extradition de dix anciens militants d’extrême gauche pour « faits de terrorisme » a fortement ému l’opinion publique italienne. Les propos tenus par le Président de la République française et l’annonce d’un pourvoi en cassation par le parquet ont eu un fort effet d’apaisement en Italie, à quelques jours seulement de la ratification du traité du Quirinal par le Sénat italien.

La constitution d’une nouvelle coalition composée du Mouvement 5 Étoiles et du Parti démocrate à l’été 2019, puis l’arrivée de Mario Draghi à la présidence du Conseil en février 2021, ont relancé le processus du traité du Quirinal.

Les excellentes collaborations bilatérales entre la France et l’Italie, soutenues par différents secteurs de la société civile, ont également contribué au rapprochement, aboutissant à la signature du traité le 26 novembre 2021.

Les domaines de coopération prévus par le traité sont particulièrement étendus : affaires étrangères, sécurité et défense, affaires européennes, politiques migratoires, justice et affaires intérieures, coopération économique, industrielle et numérique, droits sociaux, développement durable, espace, enseignement et recherche, culture et jeunesse, enfin coopération transfrontalière.

Les objectifs de coopération sont précisés et déclinés de manière plus opérationnelle dans une feuille de route révisable chaque année en fonction de l’évolution des priorités et de l’environnement international et européen, dont la première version a été signée en même temps que le traité.

Plusieurs mécanismes de consultation et de coopération sont prévus par le traité, afin de développer une culture administrative commune et des habitudes de consultation qui favoriseront l’émergence d’un « réflexe franco-italien ».

Ce rapprochement sera favorisé par les formats de consultation réguliers inscrits dans le traité pour tous les domaines.

Un comité stratégique paritaire composé des secrétaires généraux des ministères des affaires étrangères assurera l’application du traité, qui tend à aménager des espaces d’échanges interministériels et administratifs.

Sur le plan gouvernemental sont notamment prévus la relance du Conseil franco-italien de défense et sécurité, un forum de concertation économique, des réunions bilatérales annuelles pour différents ministres, ou encore un dialogue sur les transports. De plus, chaque trimestre, un membre du gouvernement de l’un des deux États prendra part au conseil des ministres de l’autre État.

Sur le plan administratif, plusieurs instances de concertation thématiques seront créées, par exemple en matière de migrations et d’asile ou de sécurité intérieure. Des échanges de fonctionnaires seront également permis.

En ce qui concerne les sociétés civiles, un Conseil franco-italien de la jeunesse sera constitué et un service civique franco-italien mis en place.

Ce réflexe franco-italien se traduira également sur le plan européen : l’article 3 du traité prévoit que les deux États présenteront des positions communes, notamment en ce qui concerne le recours à la majorité qualifiée étendue ou l’adoption de nouvelles règles budgétaires. La feuille de route mentionne d’ailleurs expressément la révision du pacte de stabilité.

Le sujet de la réforme de la politique européenne migratoire et d’asile a fait l’objet de négociations plus soutenues. Un compromis a été trouvé : « Travailler ensemble à une réforme en profondeur et à une mise en œuvre efficace de la politique migratoire et d’asile européenne. »

En outre, le texte comporte un volet parlementaire : en préambule sont reconnues « l’importance et la vitalité de la coopération entre leurs parlements respectifs et le rôle que la diplomatie parlementaire joue dans les liens entre leurs pays ». S’agissant de cette dernière, il est d’ailleurs prévu de la « renforcer à travers des formes de coopérations permanentes, notamment entre [les] commissions respectives [des chambres] ».

L’Assemblée nationale et la Chambre des députés ont d’ailleurs déjà conclu un protocole de coopération, le 29 novembre 2021.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a pour sa part organisé un déplacement en Italie, du 1er au 4 décembre 2021, mené par le président Christian Cambon et au cours duquel la conclusion d’un accord de coopération avec le Sénat italien a été évoquée.

Un traité comme celui du Quirinal est très rare en Europe : il s’agit seulement du second traité bilatéral signé par la France après celui de l’Élysée, paraphé avec l’Allemagne en 1963 et complété en 2019 par celui d’Aix-la-Chapelle.

Le traité du Quirinal a été ratifié en Italie par la Chambre des députés le 25 mai et par le Sénat le 5 juillet, à chaque fois à une très large majorité. Au Sénat italien, seuls les sénateurs d’opposition du groupe Fratelli d’Italia et quelques non-inscrits antieuropéens dissidents du Mouvement 5 étoiles ont voté contre – 21 voix – ou se sont abstenus – 5 voix.

En France, l’Assemblée nationale s’est prononcée à l’unanimité des suffrages exprimés pour sa ratification, le 28 juillet 2022. Le Sénat français est donc la dernière chambre à être saisie du projet de loi.

La coïncidence entre l’examen par le Sénat du présent projet de loi et l’investiture de Giorgia Meloni comme présidente du Conseil nous pousse à nous interroger sur la volonté de cette dernière de mettre en œuvre le traité du Quirinal.

En effet, on s’en souvient, ce sont majoritairement les parlementaires de son parti, Fratelli d’Italia, qui ont voté contre la ratification du traité. Leur principal argument était qu’ils avaient été tenus dans l’ignorance du texte. Ils ajoutaient que, en tant que parti d’opposition, ils ne pouvaient signer un chèque en blanc au gouvernement. De façon plus implicite, ils considéraient le traité comme servant avant tout les intérêts français.

Dans un récent entretien, Georgia Meloni expliquait ne pas être convaincue par l’idée de poursuivre l’intégration européenne au moyen de traités bilatéraux, mais que, « maintenant que le traité est en vigueur et nous donne un cadre, il appartient aux gouvernements et aux hommes politiques de lui donner un contenu ».

On peut constater que, à l’approche du pouvoir, Giorgia Meloni a mis de l’eau dans son vin. Sa coalition promettait ainsi, dans son programme, le « respect des alliances internationales, des engagements envers l’Alliance atlantique et du soutien à l’Ukraine face à l’invasion de la Fédération russe ». Elle a d’ailleurs été la seule à soutenir sans ambiguïté le gouvernement Draghi sur le plan international et sur l’envoi d’armes à l’Ukraine.

En outre, elle a exprimé son souhait d’une Europe plus stratégique et géopolitique, au sein de laquelle l’Italie devra prendre toute sa place.

Les récents propos tenus par Sylvio Berlusconi sur sa proximité avec Vladimir Poutine ont pu choquer, mais les élections des présidents des chambres et les nominations ministérielles ont montré que la coalition était dominée par Giorgia Meloni. Le fondateur de Forza Italia ne pèse sans doute pas autant qu’il l’affirme.

Enfin, si des positions divergentes affleuraient sur différents sujets, ne devrions-nous pas capitaliser sur ce qui pourrait nous rapprocher ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Bouchet

La mise en œuvre du traité du Quirinal, notamment dans les secteurs de l’armement et de l’espace, pourra à ce titre jouer le rôle d’un test pour nos relations bilatérales.

La visite d’Emmanuel Macron à Rome le week-end dernier, à l’occasion du Forum pour la Paix, marque sa volonté de maintenir le dialogue et son respect pour le choix démocratique des Italiens.

Pariant sur la victoire du réalisme sur l’idéologie, je préconise l’adoption de ce projet de loi autorisant la ratification du traité du Quirinal, sur lequel, je vous le rappelle, le Sénat est la dernière des quatre chambres concernées à se prononcer.

Applaudissements.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

M. Hervé Marseille . Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de commencer, permettez-moi de saluer Son Excellence Mme Emanuela d’Alessandro, nouvelle ambassadrice d’Italie en France, qui nous fait l’honneur de sa présence dans la tribune présidentielle de notre hémicycle.

Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Connu sous le nom de « traité du Quirinal », le traité de coopération bilatérale renforcée entre l’Italie et la France a fait l’objet de nombreuses et longues négociations.

Après une crise diplomatique et une crise sanitaire, il a finalement été conclu le 26 novembre dernier au palais du Quirinal et vient sceller une relation dense et privilégiée, une longue amitié entre nos deux pays.

Comme vous le savez, l’Italie et la France font partie des pays fondateurs de la communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), puis de la Communauté européenne économique (CEE) – nous voyons bien que l’Europe, depuis son origine, c’est aussi l’énergie.

Le traité de Rome, signé en 1957 dans la capitale italienne, illustre le rôle essentiel joué par l’Italie dans la construction du projet européen. Nos échanges politiques avec l’Italie existent depuis longtemps, et des sommets bilatéraux ont été organisés sur différents sujets.

Pour autant, le manque de cadre et d’habitudes dans les relations politiques et administratives entre nos deux États expose trop dangereusement les relations bilatérales aux variations de majorité, tant en Italie qu’en France.

La ratification permettra à nos représentants respectifs d’afficher sur les scènes internationale et européenne des positions mieux accordées, donc plus influentes.

Le traité du Quirinal s’inscrit dans l’esprit du traité de l’Élysée de 1963. Celui-ci avait posé les jalons du couple franco-allemand, offert une base solide à une coopération régulière et lancé un dialogue systématique entre l’Allemagne et la France.

La France et l’Italie comptent 515 kilomètres de frontières communes. Elles partagent à la fois des espaces naturels, des infrastructures et des bassins de vie. Les enjeux de cet espace frontalier sont donc multiples : sécurité, environnement, économie ou encore transport de voyageurs et de marchandises.

L’objectif du traité du Quirinal est simple : organiser la relation bilatérale en lui donnant un cadre et des orientations stratégiques qui permettront de l’inscrire dans la durée.

Les négociations, entamées dès 2018, avaient alors montré la grande proximité de nos deux gouvernements et notre convergence sur de nombreux objectifs, notamment européens.

Je rappellerai quelques propositions essentielles et concrètes formulées dans le traité.

La politique étrangère qui sera menée aura vocation à stabiliser et à préserver la mer Méditerranée occidentale et orientale et s’appuiera sur une meilleure concertation de nos pays pour la défense de positions communes au sein de l’Otan et de l’Union européenne.

La politique de défense instaurera une collaboration stratégique étroite et de haut niveau, impliquant une assistance mutuelle en cas d’agression sur le territoire de l’un des deux États.

Le traité vise également à promouvoir une politique de sécurité, au travers de la création d’une unité opérationnelle franco-italienne, afin de mieux coordonner les actions contre les réseaux d’immigration clandestine, la criminalité, la corruption et la fraude. Je rappelle combien l’Italie, sur le plan de l’immigration, a souvent été abandonnée à elle-même : nous devons accompagner ses efforts.

Une politique agricole privilégiera et protégera la qualité des produits, les appellations d’origine protégée (AOP) ou les indications géographiques protégées (IGP).

Un service civil commun pour les jeunes sera instauré.

De plus, les ministres des deux pays seront invités aux conseils des ministres de chaque côté des Alpes, sur le modèle du traité d’Aix-la-Chapelle.

Le traité comporte également un volet parlementaire, en reconnaissant l’importance de la coopération entre nos parlements respectifs – je vous remercie, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, de l’avoir souligné dans vos propos liminaires.

Le 25 septembre dernier, les Italiens ont choisi de placer à la tête de leur pays Mme Giorgia Meloni. Cette dernière avait déclaré à propos du traité du Quirinal que cet accord n’était pas démocratique, car le Parlement italien n’avait pas été consulté, et qu’il servait d’abord les intérêts français. Elle avait même dénoncé un « impérialisme français ». De même, lors de l’examen de la ratification au Sénat italien, le parti Fratelli d’Italia et ses alliés ont voté contre la ratification ou se sont abstenus.

Nous considérerons qu’il ne s’agissait que de péripéties de campagne, même si elles étaient préoccupantes.

Si la position initiale de Giorgia Meloni peut faire naître des doutes sur l’application du traité, des signes encourageants ont été donnés depuis lors. Ainsi, hier, lors de sa déclaration de politique générale, la présidente du Conseil italien a rappelé, à dessein, que l’Italie faisait pleinement partie de l’Europe et qu’elle souhaitait une intégration européenne plus efficace.

Madame la secrétaire d’État, le Président de la République a rencontré Mme Meloni lors de son déplacement en Italie le week-end dernier – je considère que c’est une bonne chose. Le sujet européen a-t-il bien été évoqué lors de leurs échanges ? La mise en œuvre du traité est-elle bien à l’ordre du jour des agendas politiques respectifs ? Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur cet aspect des choses. Vous l’avez compris, le groupe Union Centriste appelle de ses vœux toute action en ce sens.

À l’heure où les équilibres mondiaux sont bouleversés et où la guerre a fait son retour sur le sol européen, il est plus que nécessaire de sceller durablement entre la France et l’Italie une coopération historique porteuse d’ambitions communes.

L’impulsion décisive du gouvernement de M. Draghi et le précieux concours du président Mattarella ont abouti au traité du Quirinal. Il ne doit pas être entravé, pour le bien de l’Union européenne auquel nos deux pays travaillent depuis longtemps.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de la ratification du traité de coopération entre la France et l’Italie.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devons approuver aujourd’hui la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée.

Il y a quelques mois, cette étape n’aurait pas suscité beaucoup de commentaires. Bien que tumultueuses à la fin de la dernière décennie, nos relations avec l’Italie ont depuis lors connu une embellie. C’est d’ailleurs dans ce contexte d’apaisement diplomatique entre Paris et Rome que le traité dit « du Quirinal » a pu être signé, sans ambages, le 26 novembre 2021.

Oui, mais voilà : les récentes élections législatives en Italie ont porté au pouvoir Giorgia Meloni. La situation politique italienne, source d’inquiétudes, justifie à elle seule, disons-le, notre débat d’aujourd’hui.

L’appartenance de la Première ministre au parti d’extrême droite Fratelli d’Italia et sa prétendue admiration pour Mussolini ont de quoi susciter des interrogations… J’ajouterai que les déclarations pro-poutiniennes de certains membres de son équipe gouvernementale et les discours conservateurs de certains autres font peser une menace sur les valeurs auxquelles la France est attachée.

Pour autant, ne devons-nous pas dissocier le traité, qui est un engagement de long terme entre la France et l’Italie, de la nouvelle donne politique italienne, qui, elle, est conjoncturelle par nature ? Les dirigeants passent, les traités restent…

Parce qu’il engage nos deux pays sur la voie d’une coopération étroite dans de nombreux domaines, ce traité n’est-il pas, d’une certaine façon, l’un des moyens de maintenir l’Italie dans le giron de la démocratie ?

Je pense aux dispositions visant à multiplier les échanges entre nos administrations, ainsi que les partenariats entre nos économies et nos territoires – ceux qui sont transfrontaliers, en particulier. Je pense également à l’article 9, qui place la jeunesse au cœur de la relation franco-italienne, ou encore aux engagements pris dans le domaine de la défense pour renforcer les coopérations capacitaires et opérationnelles, spatiales et industrielles.

Tous ces volets devraient permettre de conforter notre amitié avec l’Italie, un pays avec lequel, rappelons-le, nous avons la culture latine en partage.

Ce traité est aussi un levier pour développer une vision européenne commune, comme le rappelle son article 3, selon lequel les deux États « œuvrent ensemble pour une Europe démocratique, unie et souveraine et pour le développement de l’autonomie stratégique européenne ».

À cet égard, la Première ministre italienne a donné des gages à Bruxelles, puisqu’elle a rappelé hier devant les députés que l’Italie faisait pleinement partie de l’Union européenne et de l’Otan. « On va juger un peu sur les actes », pour reprendre la formule employée par le Président de la République, dimanche dernier. Nous verrons, mais nous pouvons parier que, en raison de sa dépendance économique au plan de relance européen – près de 200 milliards d’euros – à la suite de la pandémie, Rome ne s’éloignera guère de l’Europe, car tel n’est pas son intérêt.

Il est de la responsabilité de l’Union européenne, en retour, d’appréhender davantage les défis qui, parfois, mettent à l’épreuve la cohésion européenne. Je pense en particulier à la question migratoire, à laquelle les pays européens bordant la Méditerranée, placés en première ligne, doivent faire face. Le traité bilatéral entre la France et l’Italie qui nous occupe aujourd’hui inclut ce sujet. C’est une bonne chose, surtout si notre pays arrive à imposer les valeurs qui sont les siennes.

Mes chers collègues, ce traité laisse entrevoir, au moins sur le papier, un approfondissement de la coopération franco-italienne. Mais il nous faudra être vigilants sur son application, car ceux qui dirigent l’Italie aujourd’hui n’ont pas voté en faveur du traité lorsqu’ils étaient dans l’opposition. En attendant, il conviendra de tirer tout le monde vers le haut, si j’ose dire, et d’autoriser la ratification de ce traité approuvé à l’unanimité par nos collègues députés.

Enfin, maintenons notre confiance dans le peuple italien, car il nous faut garder à l’esprit leurs bonnes intentions originelles et nous souvenir, en signe d’espoir, d’où vient le chant Bella Ciao.

C’est pourquoi mon groupe approuvera ce projet de loi de ratification.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Raimond-Pavero

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, rares sont les nations dont on peut dire, sans emphase excessive, qu’elles sont des nations sœurs. L’Italie et la France, sans conteste, en font partie.

Au fil du temps, nos relations ont naturellement connu bien des vicissitudes, et nos contacts ont été aussi fructueux que tumultueux. Comment, en vingt siècles d’histoire partagée, pourrait-il en être autrement ?

Compte tenu de la richesse de notre passé commun, dresser un inventaire exhaustif des influences que chaque pays ou société a exercées sur l’autre serait un exercice sans doute impossible. La profondeur des liens qui nous unissent se retrouve d’ailleurs jusque dans le Palais du Luxembourg où nous siégeons : il fut construit dans un style italien, pour une reine de France venue d’Italie.

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Raimond-Pavero

Retenons simplement que si, tout au long de l’histoire, des guerres ont pu nous opposer et des différends nous éloigner, la culture nous a toujours rapprochés. Elle est le terreau d’une relation qui trouve ses moteurs dans une géographie commune, dans des liens économiques profonds et dans une nécessité de répondre ensemble aux défis contemporains.

Ainsi, nous partageons plus de 500 kilomètres de frontières alpines et une partie de la mer Méditerranée, où nous sommes confrontés aux mêmes enjeux environnementaux, migratoires et stratégiques. À la faveur des 82 milliards d’euros d’échanges de biens et de services en 2019, la France et l’Italie sont l’une pour l’autre des partenaires commerciaux de tout premier plan.

Jusqu’à présent, le rapport, évident et naturel, que nous entretenons avec nos voisins transalpins ne s’est traduit par aucun traité d’amitié ou de coopération globale.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui tend à combler ce manque. Il sanctuarise en quelque sorte notre relation, la structure et la met en valeur, avec, en filigrane, l’ambition de la hisser au niveau de celle que nous entretenons avec l’Allemagne. Nos deux pays, ainsi que l’Union européenne qu’ils ont contribué à fonder, ont naturellement tout à y gagner.

Certes, nous sommes appelés à en autoriser la ratification au lendemain des élections parlementaires du 25 septembre 2022, qui ont vu les citoyens italiens placer en tête de leurs suffrages une coalition qui suscite des interrogations et, parfois, des inquiétudes.

Toutefois, permettez-moi de souligner que le peuple italien s’est exprimé souverainement et que son choix doit évidemment être respecté. Gardons-nous d’utiliser l’examen du traité du Quirinal pour adresser un message, voire une sanction, aux électeurs italiens ou au gouvernement qu’ils ont choisi et qui vient à peine de se constituer.

Au reste, ce texte réaffirme des valeurs essentielles et n’a pas vocation à créer des obligations réciproques. Il a pour ambition de proposer une matrice, afin de développer un « réflexe franco-italien » et de renforcer, par les échanges, la compréhension réciproque de nos sociétés et la coopération entre nos institutions.

C’est bien aux gouvernements, actuels et futurs, aux administrations, aux collectivités et aux sociétés civiles situées des deux côtés des Alpes qu’il appartiendra de faire vivre, ou non, le cadre posé par ce traité. Celui-ci est appelé à se déployer dans nombre de domaines : affaires étrangères, sécurité, défense, politique migratoire, économie, enseignement, culture et coopération transfrontalière.

La France et l’Italie ont des choses à se dire, à partager et à apporter à l’Union européenne dans son ensemble. Je pense en particulier aux dispositions concernant la sécurité et la défense. Dans le contexte actuel, dont nous débattons encore ce soir, il n’est nul besoin de rappeler qu’il s’agit d’un domaine fondamental, pour ne pas dire vital.

Nous faisons face à de nombreux défis et à de nouvelles crises dans le bassin méditerranéen. Cette situation et cette période d’instabilité où les enjeux sont considérables traduisent l’exigence et la nécessité de renforcer notre coopération pour la sécurité de l’Union européenne.

Nous bénéficions de convergences réelles, en particulier notre souci constant à l’égard de la Méditerranée et de tout ce qui affecte la stabilité de ses rives. Cet aspect figure d’ailleurs en bonne place au sein du traité.

Toutefois, nous pourrions rapprocher davantage nos visions stratégiques, qui ne sont pas toujours synchrones. À titre d’exemple, si la réflexion sur l’autonomie stratégique progresse en Italie également, j’ai pu constater lors d’un déplacement à Rome à la fin de l’année dernière que nous ne mettions pas forcément les mêmes éléments derrière ce concept. Nos coopérations industrielles et opérationnelles, intenses, mais limitées à une poignée de secteurs, mériteraient également d’être élargies.

Je me réjouis donc que le traité et sa feuille de route institutionnalisent un dialogue stratégique soutenu et qu’ils mettent l’accent sur les synergies capacitaires et opérationnelles, ainsi que sur les alliances à développer entre nos industries de défense.

Saluons en outre la volonté d’avancer ensemble dans le secteur spatial, qui est si stratégique. Nos liens sont déjà nombreux en la matière, mais nous devrons immanquablement apprendre à mieux unir nos forces avec cet autre poids lourd européen du secteur spatial, si nous voulons faire face à une concurrence internationale de plus en plus rude.

Il était également important que le traité aborde les questions migratoires, qui ont été un point de discorde majeur ces dernières années, conduisant parfois à la brouille diplomatique.

Elles ne sont pas éludées, même si, il faut bien le reconnaître, elles sont traitées de façon assez sommaire. Retenons qu’un mécanisme de concertation renforcée est créé au niveau ministériel et que celui-ci pourra s’appuyer sur une unité opérationnelle conjointe.

Nos mésententes passées l’ont prouvé : en Méditerranée comme dans les Alpes, nous ne trouverons pas de solution efficace sans concertation. Notre groupe restera bien sûr extrêmement attentif aux évolutions de la situation migratoire sur le terrain, mais ces nouveaux dispositifs sont en soi un progrès.

Je dirai un mot enfin sur la jeunesse. Nous savons tout le rôle qu’a joué l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) dans le resserrement des liens entre la France et l’Allemagne. Depuis soixante ans, près de 10 millions de jeunes ont pu, grâce à cette structure, participer à des programmes d’échange, faisant ainsi de la coopération franco-allemande une relation humaine, et pas seulement institutionnelle.

Dans ce domaine, les échanges transalpins ne partent pas d’une page blanche, loin de là ! Mais la création par ce traité d’un Conseil franco-italien de la jeunesse et d’un service civique franco-italien viendra accélérer et amplifier les contacts noués par ceux qui feront l’avenir de nos deux pays.

C’est peut-être la réussite de ce type de dispositifs qui, finalement, offrira le meilleur gage de succès du traité du Quirinal, car, au-delà des inévitables fluctuations de toute relation bilatérale, c’est bien le lien profond entre nos deux peuples qui permettra à ce texte de résister à l’épreuve du temps.

L’expérience passée nous incite à l’optimisme. Nous avons aujourd’hui l’occasion solennelle de réaffirmer et de consolider l’amitié profonde que se portent les nations française et italienne. Le groupe Les Républicains la saisira et soutiendra la ratification de ce traité.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti, M M . André Gattolin et Thierry Cozic applaudissent également .

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France et l’Italie entretiennent une relation de très longue date, en raison de la proximité de nos deux pays, mais également de notre histoire commune.

Au temps des Gaulois et des Romains, nos cultures s’influençaient déjà. Nos pays ont connu ensemble la Renaissance – le Palais du Luxembourg n’en est-il pas l’un des exemples ? Cette relation est, pour ainsi dire, l’une des composantes les plus essentielles de notre civilisation. Plus récemment, nous avons construit, ensemble, l’Union européenne – nous faisons tous les deux parties des six pays fondateurs.

Le 25 septembre dernier, Mme Giorgia Meloni a remporté les élections parlementaires en Italie. Cette nouvelle donne politique est particulièrement inquiétante dans le pays qui a vu naître le fascisme. L’Italie n’est cependant pas un cas isolé. D’autres élections dans l’Union européenne illustrent la progression de l’extrémisme politique. C’est ainsi que, en France, répartis entre la gauche et la droite, les extrêmes sont arrivés en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Il souffle sur l’ensemble des pays européens un vent de radicalité.

Néanmoins, chaque peuple est souverain. Le peuple italien a voté. Il faut respecter le résultat de ce scrutin, même si cela ne nous empêche pas de combattre les idées qui ont conduit à la victoire de Mme Meloni. Les membres du groupe Les Indépendants ont toujours lutté contre les extrémismes. Ils regrettent que ce ne soit pas le cas de toutes les formations politiques de notre pays.

Nous sommes convaincus que l’avenir des peuples européens se trouve dans l’Union. C’est pourquoi nous sommes favorables aux initiatives qui renforcent la coopération entre les États, au travers de laquelle nous pouvons faire vivre nos idées et nos valeurs.

Le traité signé le 26 novembre 2021 avec la République italienne concerne un très grand nombre de sujets. Il resserre la coopération de nos deux pays dans des domaines majeurs : les affaires étrangères, la défense, la justice ou encore les politiques migratoires.

Il s’agit de sujets essentiels pour nos deux pays. Nous avons besoin de travailler ensemble pour avancer sur nombre de ces enjeux. Au-delà de ces sujets régaliens, le traité concerne également l’économie et le développement durable, qui sont deux des priorités les plus importantes de nos pays et de nos peuples. C’est grâce à notre coopération que nous pourrons améliorer la situation de nos concitoyens et de nos entreprises.

Ce traité ne se concentre pas seulement sur l’amélioration de l’existant : il prépare l’avenir en renforçant la coopération de nos pays sur des sujets de pointe, comme le numérique ou l’espace. Nos deux pays se donnent les moyens de bâtir un avenir meilleur.

Cependant, nous serons particulièrement attentifs aux évolutions politiques de notre voisin. La nouvelle donne politique en Italie ne correspond pas à nos valeurs. Une vigilance constante s’impose tant sur les sujets de politique intérieure que sur ceux qui sont relatifs aux institutions européennes.

Nous pensons que cela ne doit tout de même pas nous détourner de la coopération. L’Italie et la France ont besoin l’une de l’autre, car c’est en travaillant ensemble que nous pourrons faire rayonner nos idées et nos valeurs.

Le traité signé est tout à fait conforme à notre conviction selon laquelle nous avons besoin de plus d’Union européenne et d’une meilleure intégration. L’ensemble des membres de notre groupe votera donc en faveur de la ratification de ce traité.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe écologiste a demandé, pour deux raisons, le retour à la procédure normale pour le vote du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération bilatérale entre la France et l’Italie, dit « traité du Quirinal ».

Tout d’abord, il s’agit seulement du second traité de cette nature signé par la France avec un pays européen, le précédent étant le traité de l’Élysée signé en 1963 par le président de Gaulle et le chancelier Adenauer. Ce traité a jeté les bases du couple franco-allemand, qui est aujourd’hui encore, en dépit des tensions actuelles, le moteur de la construction européenne. Ce traité, dont le Parlement doit autoriser la ratification au moyen du projet de loi qui nous est soumis, est donc un acte politique extrêmement fort du pouvoir exécutif.

Ensuite, ce traité a été signé par les présidents Macron et Draghi alors que l’Italie vit un tournant de son histoire politique – curieusement, vous en avez peu parlé, madame la secrétaire d’État –, en raison de la victoire de la coalition entre l’extrême droite et la droite qui a permis l’accession de la dirigeante fasciste Giorgia Meloni à la présidence du conseil des ministres.

Cette victoire de l’extrême droite dans l’un des pays fondateurs de l’Union européenne est un moment d’une gravité extrême. Elle doit émouvoir tous les républicains que nous sommes. Disons-le clairement : elle est en grande partie le résultat d’un échec de la politique communautaire.

C’est tout d’abord l’échec des politiques d’austérité qui ont prévalu après la crise économique de 2008, appauvrissant et affaiblissant considérablement les pays du sud de l’Europe.

C’est ensuite l’échec de notre politique migratoire, notamment des règlements Dublin I, II et III, qui, en refusant le droit de libre installation des personnes migrantes et en forçant l’enregistrement des demandes d’asile dans le premier pays européen visité, ont laissé les pays méditerranéens, au premier rang desquels l’Italie, répondre seuls au défi migratoire.

N’exonérons pas les dirigeants italiens – je pense surtout au triste sire Berlusconi – de leurs responsabilités, mais reconnaissons celles de la France et de l’Union européenne. L’ironie, c’est que si nous avions conclu et appliqué ce traité du Quirinal il y a vingt ans, nous aurions sans doute évité à l’Italie de sombrer dans l’abîme fasciste.

Les ambitions affichées en matière de souveraineté économique, notamment industrielle, l’objectif de « soutenir une politique européenne de migration et d’asile et des politiques d’intégration fondées sur les principes de responsabilité et de solidarité partagées entre les États membres, et prenant pleinement en compte la particularité des flux migratoires à leurs frontières respectives », ainsi que les dispositions favorisant la construction d’un « réflexe franco-italien », permettent à Rome de sortir de son relatif isolement sur la scène européenne.

Nous avons bien conscience que prolonger l’isolement du gouvernement italien n’endiguera en rien la montée du nationalisme et de l’euroscepticisme qui ont permis la victoire de l’extrême droite. Nous ne voulons pas rejeter ce traité, qui porte en lui une ambition historique pour l’amitié franco-italienne.

Néanmoins, aujourd’hui, à l’heure où les héritiers de Mussolini ont pris le pouvoir, le préalable à toute coopération franco-italienne renforcée doit être l’intransigeance absolue sur le respect de la démocratie, des droits fondamentaux, des droits des femmes et des droits des minorités.

Aussi, nous vous demandons les garanties et les précisions qui nous semblent nécessaires, surtout après votre intervention, madame la secrétaire d’État.

La France suspendra-t-elle l’application du traité si ces droits sont bafoués ? Refusera-t-elle de remettre à la justice italienne des militants antifascistes qui, victimes de la répression politique, se réfugieraient sur son sol ? Envisage-t-elle d’organiser chaque année un sommet intergouvernemental avec un pouvoir fasciste ? Souhaite-t-elle poursuivre la normalisation de l’extrême droite que le Président de la République semble avoir entamée dimanche soir dernier ?

Ce traité est historique ; sa portée symbolique est exceptionnelle. Aussi, au regard du contexte politique actuel, nous avons besoin de garanties fermes du Gouvernement pour nous prononcer en faveur de sa ratification ; à défaut, nous serions contraints de nous abstenir.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est non sans émotion que je prends aujourd’hui la parole pour exprimer la totale adhésion du groupe RDPI à ce traité franco-italien de coopération, déjà ratifié par les deux chambres italiennes, ainsi que par l’Assemblée nationale en juillet dernier.

Mon émotion est personnelle, bien qu’elle soit partagée par ceux d’entre nous, nombreux, qui ont des ascendances transalpines. Ceux-là vivent avec amertume les montagnes russes qui, trop souvent, régissent les relations entre nos deux pays et parfois entre nos deux peuples.

Mes deux grands-pères ont quitté l’Italie il y a près d’un siècle pour fuir le fascisme. Ils se sont vite intégrés, ont trouvé épouse ici en France et ont choisi de ne pas apprendre la langue de Dante à leurs enfants. L’Italie est longtemps restée une blessure familiale. Lorsque j’ai voulu étudier l’italien au collège, ma mère a décrété que, non, ce serait l’allemand – la langue, selon elle, des bons élèves.

C’est à l’âge adulte que j’ai finalement découvert le pays de mes aïeux, sa culture, sa langue, allant jusqu’à adhérer à cet Ovni politique qu’est le Partito Radicale de feu Marco Pannella. Concrètement, c’est grâce au biculturalisme qui s’est avivé en moi que j’ai véritablement saisi l’enjeu fondamental de la construction européenne.

J’ai compris que l’Union européenne, toute formidable avancée qu’elle fut et qu’elle demeure, ne pouvait pas tout. J’ai également compris que les leviers les plus essentiels pour bâtir un authentique vivre ensemble européen, c’est-à-dire la culture, l’éducation et l’agir politique, demeuraient des compétences nationales. Elles étaient donc trop peu partagées entre les États membres.

Les dépenses publiques en faveur de l’enseignement et de la culture, qui pèsent en moyenne plus de 5 % de nos PIB nationaux respectifs, ne représentent qu’à peine 1, 4 % du budget global de l’Union européenne, qui, rappelons-le, n’équivaut lui-même qu’à un peu plus de 1 % du PIB de l’ensemble des pays européens !

Vivre en Européen ne se décrète pas. On peut vivre sous le même toit, européen, et ne pas s’aimer. C’est le cas quand nous ne voyons pas ce qu’autrui tient de nous en lui, et réciproquement.

Au-delà des guerres et des rivalités qui nous ont déchirés, il est urgent aujourd’hui de retrouver les longs fils souvent oubliés de notre histoire et de notre culture commune, pour construire ensemble un destin partagé. Après les horreurs du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale, la réconciliation franco-allemande a été le plus important défi de l’Europe des décennies qui ont suivi : ce qui paraissait impensable en 1945 s’est bel et bien réalisé. Sans cette réconciliation, jamais la réunification allemande et l’ouverture de l’Union à son flanc est n’eurent été possibles.

Le traité de l’Élysée de 1963 instaurant une coopération renforcée dans les domaines de la diplomatie, de la jeunesse et de la culture a joué un rôle majeur dans le processus de rapprochement avec l’Allemagne.

Il est clair que nous n’avons que trop attendu pour avoir une approche similaire avec l’Italie, qui est notre second partenaire économique et surtout le pays avec lequel notre filiation historique et culturelle est la plus ancienne et la plus intense !

À l’heure où la guerre sévit de nouveau en Europe et où les relations internationales se brutalisent, il devient impératif d’apaiser nos querelles de cousinage et de voisinage et de raviver les liens qui nous unissent.

Le traité qui nous est aujourd’hui proposé est bien plus ambitieux que celui de l’Élysée, tant les domaines de coopération envisagés sont vastes et nombreux. Bien sûr, sa mise en œuvre effective importera davantage que le symbole de sa ratification.

Certes, l’Italie vient de se doter d’un gouvernement dont la principale composante politique, Fratelli d’Italia, est la seule formation qui s’est opposée à sa ratification. Toutefois, le réalisme, plus encore que l’optimisme, me conduit à penser qu’avoir une posture dans l’opposition est une chose, mais que se trouver en situation de responsabilité en est une autre.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les propos de notre collègue Gattolin m’ont touché.

Je partage comme lui des origines italiennes. Je n’aurai pas son lyrisme – j’en serais bien incapable – pour dire à quel point ce moment est important pour la très nombreuse communauté française d’origine italienne. Lorsque l’on parle en dernier – ou en avant-dernier, ma chère collègue Assassi – l’inconvénient est que tout a été dit, ou à peu près, sur le contenu du traité

Mme Éliane Assassi approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Je me concentrerai donc sur l’une des questions qui nous occupent tous ce soir : que va-t-il advenir de ce traité dans les prochains mois et années ? Il peut rester un simple parchemin – une lettre morte, sans aucune conséquence – ou, à l’inverse, servir de tremplin à une véritable coopération approfondie entre nos deux pays – c’est ce que nous souhaitons et que nous défendrons.

La France et l’Italie sont deux importants partenaires commerciaux. La France est la deuxième destination des étudiants italiens en échange à l’étranger et le deuxième pays d’origine des étudiants en échange en Italie. Le Medef, le Mouvement des entreprises de France, et le patronat italien ont des liens très étroits. Et nos relations culturelles et universitaires sont très intenses.

Bien sûr, la droite, et non pas l’extrême droite – en Italie, la droite correspond à l’extrême droite en France, tandis que la droite française équivaut au centre droit italien –, a gagné les élections. Elle ne s’est guère montrée francophile jusqu’à présent. Comme plusieurs intervenants l’ont souligné, le parti de Mme Meloni, Fratelli d’Italia, a voté contre ce traité.

La Ligue aussi a voté contre, considérant qu’il servait avant tout les intérêts français. Il faut d’ailleurs prendre conscience que, d’après les sondages, près de 40 % des Italiens éprouvent de l’antipathie pour la France. Oui, de l’antipathie… Ils nous reprochent notre « suffisance », voire notre « arrogance », selon leurs propres termes. Ce sentiment est partagé par d’autres peuples européens.

Il suffit, du reste, d’observer le traitement médiatique qui a été réservé des deux côtés des Alpes au traité du Quirinal : on en a beaucoup parlé en Italie, comme d’un événement très important ; on l’a à peine évoqué en France – vingt secondes au journal de vingt heures, et encore.

Que va faire le nouveau gouvernement italien de ce traité ? On entend souvent le terme « postfasciste » – j’ai même entendu « fasciste » dans la bouche de mon prédécesseur à cette tribune, Guillaume Gontard – pour décrire Mme Meloni. C’est un peu rapide.

Certes, sa trajectoire s’inscrit dans l’histoire du mouvement néofasciste, le MSI italien, et une partie de son entourage et de ses électeurs revendiquent la filiation mussolinienne, à commencer par le président du Sénat, Ignazio Benito La Russa. Il est toutefois faux de dire qu’elle aurait imposé sa domination sur la droite italienne en proposant, cent ans après, une sorte de nouvelle marche sur Rome.

Comme vous, j’ai lu beaucoup de tribunes et de chroniques. Et je déjeunais hier encore avec Marc Lazar, l’un des meilleurs spécialistes actuels de l’Italie contemporaine. Mme Meloni a réussi une forme de synthèse entre le cadre géopolitique de l’Alliance atlantique, le cadre économique de l’Union européenne et des valeurs très conservatrices sur le plan sociétal, notamment sur l’avortement et sur le rapport aux minorités ou à la communauté LGBT.

Elle s’est donc livrée avec succès à une opération compliquée, pour se recentrer et pour rassurer les milieux économiques et financiers, comme les alliés de l’Italie. Elle a même tourné une vidéo en français pour apaiser notre pays pendant la campagne électorale. Elle a ainsi indiqué que son gouvernement avait une ligne claire en politique étrangère, faisant « pleinement partie, et la tête haute, » de l’Union européenne et de l’Otan.

J’ajoute que, lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement italien, hier, elle a abjuré le fascisme, notamment les lois raciales de 1938 – heureusement !

Pour autant, va-t-elle réaffirmer la prééminence des nations et de leur souveraineté, à rebours du traditionnel européisme – un terme positif dans ma bouche – italien ? Va-t-elle emprunter la voie polonaise ou hongroise, au regard, en particulier, des valeurs européennes ? Il reviendrait, le cas échéant, à la Commission européenne et au Parlement européen de le constater et d’y répondre.

À ce jour, il faut noter qu’elle a nommé à des postes clés des personnalités qui situent son gouvernement dans une continuité européenne et internationale : M. Antonio Tajani, un ancien président du Parlement européen, aux affaires étrangères, et M. Giorgetti, qui était déjà ministre dans le gouvernement de Mario Draghi, à l’économie et aux finances.

J’ajoute que son gouvernement n’est pas certain de durer aussi longtemps qu’elle le souhaiterait, car sa majorité est composite, tiraillée entre les berlusconiens, d’un côté, et la Ligue du Nord, de l’autre…

En tout cas, le peuple italien a voté. Il faut prendre acte de son choix et éviter les jugements hâtifs, sauf à nous retrouver de nouveau taxés d’arrogance. Madame la secrétaire d’État, pardonnez-moi de relever que vous avez eu, il y a quelques jours, une déclaration pour le moins maladroite, et qui a été ressentie ainsi.

Depuis longtemps, l’Italie comprend mal notre relation privilégiée avec l’Allemagne et elle estime en être injustement exclue. Saisissons l’occasion de donner à notre lien avec elle l’importance qu’il mérite. C’est à l’échelle du temps long qu’un traité peut être jugé : donnons-lui du temps.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce traité historique. Et pour ma part, je le ferai avec enthousiasme !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

C’est parfait. C’est cela qu’il fallait dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité pour une coopération bilatérale renforcée entre notre pays et l’Italie, signé le 26 novembre 2021, que nous examinons aujourd’hui, contient plusieurs mesures qui recueillent notre approbation.

Toutefois, comme je me plais souvent à dire, il y a le texte et il y a le contexte. Nous ne pouvons ignorer les résultats des récentes élections italiennes, postérieures au vote unanime de l’Assemblée nationale.

La belle devise de l’Europe, « Unie dans la diversité », risque d’être malmenée avec l’arrivée au pouvoir en Italie d’une coalition de droite au sein de laquelle on trouve les Frères d’Italie, un parti qui lui-même n’est pas de droite, mais d’extrême droite et issu de la mouvance postfasciste.

La présidente de ce parti, Mme Giorgia Meloni, est aujourd’hui la Première ministre italienne, et cela n’augure rien de bon selon nous. On ne peut ignorer cette situation et faire comme s’il ne s’agissait que d’un mauvais moment à passer. Ce n’est pas le cas : la situation est grave.

Parmi les nombreuses mesures de ce traité de coopération bilatérale renforcée figure un durcissement des règles migratoires entre nos deux pays. Or Mme Meloni milite en faveur d’une politique très stricte dans ce domaine et plaide pour la fermeture des ports, afin d’empêcher les navires d’organisations non gouvernementales (ONG) de débarquer des migrants. Elle entend par ailleurs multiplier les centres de surveillance et les expulsions.

À titre d’exemple, en août 2019, elle a fait preuve d’une rigidité glaciale : alors que le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms transportait 147 migrants à son bord, les partis politiques italiens se sont déchirés à propos de leur accueil. Face à cela, Mme Meloni a fait une déclaration effrayante : elle envisageait de créer un blocus naval pour empêcher l’embarquement des migrants depuis la Libye ou la Tunisie.

En outre, le traité présente une source d’inquiétude supplémentaire : la coopération pour une politique migratoire y est appréhendée sous un prisme répressif et non solidaire. Le texte ne contient ainsi aucune proposition pour organiser des opérations conjointes de sauvetage des migrants, comme l’opération Mare Nostrum, lancée après le drame de Lampedusa en 2013.

Cette vision conduit à des situations dramatiques. Depuis plusieurs années, on ne compte plus les migrants morts en Méditerranée, devenue un véritable cimetière. Le rapport de l’agence de l’ONU compétente, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), répertorie 2 836 décès et disparitions en Méditerranée centrale depuis 2021. Nous craignons que les positions de la nouvelle Première ministre ne fassent qu’aggraver cet enfer.

Les choix politiques anti-immigration portés par Mme Meloni ne rendent pas hommage à l’histoire de l’Italie, à la richesse de sa culture, à la diversité de ses cultures et à son apport dans le rayonnement du pays.

Comme je l’ai indiqué, nombre des mesures de ce traité de coopération entre nos deux pays et, surtout, entre nos deux peuples sont acceptables. Mais comment ignorer cette épée de Damoclès qui plane sur le devenir de ceux qui quittent leur pays pour fuir la guerre, la famine, le réchauffement climatique ou l’atteinte à leur dignité humaine ?

Les choix de Mme Meloni ne tendent pas la main. Pour notre part, nous sommes avec Paul Éluard, qui écrivait : « Une main tendue, une main ouverte / Des yeux attentifs, / Une vie, la vie à se partager ».

Par amitié pour le peuple italien et en raison des liens forts qui nous unissent à lui, nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais ramener ce débat à sa juste mesure.

Tout d’abord, les traités sont signés entre les peuples et entre les pays. L’accord proposé à notre ratification n’a pas été conclu avec l’actuel gouvernement italien, lequel est issu, du reste, d’élections libres. Il a été préparé par l’ancien gouvernement de M. Draghi.

Ses dispositions s’imposent au gouvernement français comme au gouvernement italien. Il reviendrait à ce dernier, le cas échéant, de le dénoncer, mais cela ne semble pas être son projet, et l’on ne peut faire peser ce soupçon sur ses intentions. Laissons sa chance à un gouvernement démocratiquement élu.

Je rappelle, par ailleurs, combien nous avons besoin de renforcer et d’approfondir notre relation avec l’Italie. Mes collègues de la commission des affaires étrangères et de la défense débattent régulièrement avec moi et avec les personnalités qui nous rendent visite des problématiques concernant la Méditerranée. Ils savent combien les sujets relatifs à la défense reposent sur la France, l’Italie et l’Espagne. Ces États sont quelque peu responsables de la situation dans cette région du monde.

Il faut donc donner sa chance à ce traité. L’Italie est un grand pays ; tant de liens d’histoire, de culture, de civilisation, d’économie et de défense nous unissent !

Je souhaite que la réponse du Sénat soit une approbation très franche de cet approfondissement de la relation amicale entre nos deux pays. Et je forme le vœu que Mme l’ambassadrice d’Italie, qui se rend pour la première fois dans notre assemblée, ne soit pas déçue par la sagesse des sénateurs.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Nous avons pu entendre bien des manifestations d’amitié envers le peuple italien, de la part de nombreux sénateurs, comme M. Gattolin.

Monsieur Gontard, je vous laisse la responsabilité du qualificatif que vous avez utilisé. Je note, quant à moi, que Mme Meloni, dans son discours de politique générale devant la Chambre des députés italienne, s’est exprimée elle-même sur son rapport à l’histoire de l’Italie et qu’elle a dit que le fascisme en avait constitué le point le plus bas.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Cela ne signifie pas que nous partagions la ligne politique du gouvernement italien. Nous porterons même une offre politique très différente dans la perspective des élections européennes de 2024. Il s’agira d’un combat politique légitime, qu’il faudra mener de manière respectueuse de nos démocraties et de nos électeurs. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit avec ce traité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il faut dire la vérité, madame la secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Madame la sénatrice, laissez-moi parler, je vous prie.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Pour ma part, je vous ai laissé vous exprimer sans vous interrompre…

M. le président de la commission, M. le rapporteur et Mme la sénatrice Mélot ont très bien défini le contenu de ce traité : c’est une structure, une matrice, et il sera ce que nos deux peuples en feront.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Il y a bien des collaborations possibles. À nous de saisir ou non ces occasions qui se présenteront.

Dans le domaine automobile, par exemple, nous avons Stellantis en commun ; dans celui des microprocesseurs, STMicroelectronics, qui va bientôt ouvrir une usine en France, à Crolles, près de Grenoble. Nous avons des intérêts de défense conjoints, en raison de notre frontière méridionale, mais aussi de synergies opérationnelles dans le cadre d’opérations extérieures, comme Irini.

Nous sommes liés également par des coopérations industrielles relatives à l’espace, qui sont institutionnelles, comme en témoignent nos travaux en commun au sein de l’Agence spatiale européenne, mais pas seulement.

Pensons, surtout, car c’est l’un des aspects les plus importants du sujet, au rapprochement entre les jeunes Français et les jeunes Italiens. C’est cela qui créera l’amitié entre nos pays. C’est cela qui donnera naissance à une union forte et démocratique. À ce titre, on peut évoquer les services civiques ou différentes formes de mobilité.

Il faut également insister sur la coopération transfrontalière, qui est, à mon sens, l’expression même de l’amitié, mais aussi, parfois, des difficultés auxquelles fait face la mise en œuvre de l’Union européenne.

La question des migrations a été soulevée. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, nous avons avancé sur le pacte sur la migration et l’asile. Deux mots résument nos efforts : responsabilité et solidarité. Responsabilité dans l’accueil des migrants, qui arrivent très souvent en Italie ; solidarité de la part des pays où les flux sont secondaires, comme la France.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous remercier de ces débats riches et intéressants, qui ont permis d’exprimer l’amitié entre nos deux peuples.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC. – M. Sébastien Meurant applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée, signé à Rome le 26 novembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voterai ce traité, car je souhaite que la France ne rompe pas ses liens avec notre voisin et qu’elle ne se cache pas pour rencontrer les autorités italiennes.

Les deux sœurs latines semblent trouver les voies d’un apaisement constructif, qui ouvre de nombreux chemins de coopération, et je souhaite que cela continue. Parmi ces pistes, la coopération transfrontalière occupe une place remarquée.

On notera avec intérêt la mention de « services publics communs » en matière de transport routier et ferroviaire. Cela concerne le projet le plus illustre, le Lyon-Turin, mais aussi la ligne de chemin de fer Coni-Vintimille, qui passe par la France, et le tunnel routier de Tende, deux infrastructures transfrontalières particulièrement touchées par la tempête Alex.

J’appelle votre vigilance sur l’impérieux besoin de modernisation de ces ouvrages. Les deux États doivent s’y employer, aux côtés des collectivités.

Je vous encourage toutefois à ne pas être candides : ce traité consacre des instances de dialogue politique bilatérales qui existent déjà depuis longtemps, comme les commissions intergouvernementales (CIG), lesquelles n’ont pas vraiment donné satisfaction. J’ai en particulier à l’esprit la révision de la convention d’exploitation de la ligne de la Roya, qui date de 1970.

La nouvelle structure créée par le traité, le comité de coopération frontalière, pourrait n’être qu’un paravent bureaucratique s’il ne s’accompagne pas d’une impulsion politique lui permettant de lever certains obstacles.

Vitaminé par le traité du Quirinal, j’accorde à cet accord franco-italien un satisfecit, à la condition qu’il soit véritablement fécond, notamment sur la question qui m’occupe, celle des transports.

Aussi, vrai ritorno du couple franco-italien ou coquille vide ? Je suis un éternel optimiste et je veux y croire !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Mes chers collègues, il s’agit, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, d’un vote compliqué.

Vous le savez, les écologistes sont depuis toujours profondément pro-européens et fédéralistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

L’intensification de la collaboration entre les pays membres et entre les peuples est pour nous un élément fondamental de la construction européenne et du renforcement du projet européen dans son ensemble.

Nous savons aussi que ce traité est là pour durer – plus longtemps, je l’espère, que le gouvernement italien actuel. Il devrait évidemment lui survivre et poursuivre ses effets dans des circonstances différentes.

Pour autant, il entre en vigueur dans un contexte : la montée de l’extrême droite dans un certain nombre de pays.

Je note que mon collègue considère visiblement qu’il n’y a pas d’extrême droite en Italie… Je tiens, pour ma part, que Giorgia Meloni est une dirigeante néofasciste et j’assume ces propos.

L’Assemblée nationale a ratifié ce traité dans une situation différente, avant les élections, mais il s’est passé quelque chose cet été : le gouvernement de M. Draghi est tombé, un autre lui a succédé, qui porte des valeurs totalement opposées aux nôtres, mais aussi à celles de l’Union européenne dans son ensemble.

Notre question est la suivante : que ferait le Gouvernement si les droits et les libertés fondamentales étaient menacés en Italie ? Je forme le vœu que ce ne soit jamais le cas, mais je ne sais pas ce qu’il adviendra. Comment comptez-vous appliquer ce traité, dès lors ? Quelles garanties pouvez-vous apporter à ce sujet ?

Madame la secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à cette question, et je n’ai pas bien compris comment, si l’Italie prenait un chemin que, je l’espère, elle ne prendra pas, nous collaborerions avant les conseils des ministres. Allons-nous vraiment coordonner nos positions ?

Nous n’avons pas eu de réponse, et je le regrette. Si vous le pouvez, il n’est pas trop tard pour nous les apporter. À défaut, nous serons contraints de nous abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, en tant que président du groupe d’amitié France-Italie au Sénat, je fais miens les propos tenus par le président Cambon.

Les dirigeants sont élus démocratiquement. Nous n’avons pas à nous immiscer dans les choix des autres pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

M. Hervé Marseille. Sinon, nous bâtirions une Europe dans laquelle nous ne parlerions plus avec les Polonais, avec les Hongrois, avec les Suédois, avec les Autrichiens… Il faudrait changer la dimension des salles de réunion européennes, pour opter pour des cabines téléphoniques !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Il est légitime d’avoir des opinions ou des sensibilités et de les exprimer, mais les traités sont faits pour durer.

Ce qui est important, c’est la relation entre la France et l’Italie, non la relation entre un gouvernement et un autre. Les gouvernements changent et, parfois, cela va très vite. Nous sommes d’ailleurs nous-mêmes dans une situation qui n’est pas formidable ; il ne me semble pas qu’il nous appartienne de donner des leçons…

Nous devons marquer durablement le lien très fort entre la France et l’Italie. C’est la raison pour laquelle nous travaillons au Sénat, dans le cadre du groupe d’amitié, avec nos amis italiens, lesquels disposent, au demeurant, d’un groupe d’amitié unique pour leurs deux assemblées.

Ce travail parlementaire est important ; c’est lui qui a permis, au moment des crises, de continuer à agir pour maintenir le contact, exprimer nos points de vue et essayer de faire évoluer les situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

M. Hervé Marseille. C’est pourquoi j’appelle une nouvelle fois à voter la ratification de ce traité.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Madame la sénatrice Vogel, vous connaissez les valeurs que nous portons et vous les partagez. Vous connaissez aussi les valeurs qui fondent l’Union européenne, son cadre légal et réglementaire, cet État de droit qui s’applique à tous, y compris à la France.

Je ne vais pas spéculer sur les actions du gouvernement italien : ce n’est pas mon rôle.

Ce traité sera ce que nous en ferons. C’est un traité d’amitié entre deux peuples. Il est à construire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée.

Le projet de loi est adopté définitivement. – Applaudissements sur toutes les travées, à l ’ exception de celles des groupes GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.