Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 26 octobre 2022 à 15h00
Traité de coopération bilatérale renforcée avec l'italie — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe écologiste a demandé, pour deux raisons, le retour à la procédure normale pour le vote du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération bilatérale entre la France et l’Italie, dit « traité du Quirinal ».

Tout d’abord, il s’agit seulement du second traité de cette nature signé par la France avec un pays européen, le précédent étant le traité de l’Élysée signé en 1963 par le président de Gaulle et le chancelier Adenauer. Ce traité a jeté les bases du couple franco-allemand, qui est aujourd’hui encore, en dépit des tensions actuelles, le moteur de la construction européenne. Ce traité, dont le Parlement doit autoriser la ratification au moyen du projet de loi qui nous est soumis, est donc un acte politique extrêmement fort du pouvoir exécutif.

Ensuite, ce traité a été signé par les présidents Macron et Draghi alors que l’Italie vit un tournant de son histoire politique – curieusement, vous en avez peu parlé, madame la secrétaire d’État –, en raison de la victoire de la coalition entre l’extrême droite et la droite qui a permis l’accession de la dirigeante fasciste Giorgia Meloni à la présidence du conseil des ministres.

Cette victoire de l’extrême droite dans l’un des pays fondateurs de l’Union européenne est un moment d’une gravité extrême. Elle doit émouvoir tous les républicains que nous sommes. Disons-le clairement : elle est en grande partie le résultat d’un échec de la politique communautaire.

C’est tout d’abord l’échec des politiques d’austérité qui ont prévalu après la crise économique de 2008, appauvrissant et affaiblissant considérablement les pays du sud de l’Europe.

C’est ensuite l’échec de notre politique migratoire, notamment des règlements Dublin I, II et III, qui, en refusant le droit de libre installation des personnes migrantes et en forçant l’enregistrement des demandes d’asile dans le premier pays européen visité, ont laissé les pays méditerranéens, au premier rang desquels l’Italie, répondre seuls au défi migratoire.

N’exonérons pas les dirigeants italiens – je pense surtout au triste sire Berlusconi – de leurs responsabilités, mais reconnaissons celles de la France et de l’Union européenne. L’ironie, c’est que si nous avions conclu et appliqué ce traité du Quirinal il y a vingt ans, nous aurions sans doute évité à l’Italie de sombrer dans l’abîme fasciste.

Les ambitions affichées en matière de souveraineté économique, notamment industrielle, l’objectif de « soutenir une politique européenne de migration et d’asile et des politiques d’intégration fondées sur les principes de responsabilité et de solidarité partagées entre les États membres, et prenant pleinement en compte la particularité des flux migratoires à leurs frontières respectives », ainsi que les dispositions favorisant la construction d’un « réflexe franco-italien », permettent à Rome de sortir de son relatif isolement sur la scène européenne.

Nous avons bien conscience que prolonger l’isolement du gouvernement italien n’endiguera en rien la montée du nationalisme et de l’euroscepticisme qui ont permis la victoire de l’extrême droite. Nous ne voulons pas rejeter ce traité, qui porte en lui une ambition historique pour l’amitié franco-italienne.

Néanmoins, aujourd’hui, à l’heure où les héritiers de Mussolini ont pris le pouvoir, le préalable à toute coopération franco-italienne renforcée doit être l’intransigeance absolue sur le respect de la démocratie, des droits fondamentaux, des droits des femmes et des droits des minorités.

Aussi, nous vous demandons les garanties et les précisions qui nous semblent nécessaires, surtout après votre intervention, madame la secrétaire d’État.

La France suspendra-t-elle l’application du traité si ces droits sont bafoués ? Refusera-t-elle de remettre à la justice italienne des militants antifascistes qui, victimes de la répression politique, se réfugieraient sur son sol ? Envisage-t-elle d’organiser chaque année un sommet intergouvernemental avec un pouvoir fasciste ? Souhaite-t-elle poursuivre la normalisation de l’extrême droite que le Président de la République semble avoir entamée dimanche soir dernier ?

Ce traité est historique ; sa portée symbolique est exceptionnelle. Aussi, au regard du contexte politique actuel, nous avons besoin de garanties fermes du Gouvernement pour nous prononcer en faveur de sa ratification ; à défaut, nous serions contraints de nous abstenir.

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