Intervention de André Gattolin

Réunion du 26 octobre 2022 à 15h00
Traité de coopération bilatérale renforcée avec l'italie — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est non sans émotion que je prends aujourd’hui la parole pour exprimer la totale adhésion du groupe RDPI à ce traité franco-italien de coopération, déjà ratifié par les deux chambres italiennes, ainsi que par l’Assemblée nationale en juillet dernier.

Mon émotion est personnelle, bien qu’elle soit partagée par ceux d’entre nous, nombreux, qui ont des ascendances transalpines. Ceux-là vivent avec amertume les montagnes russes qui, trop souvent, régissent les relations entre nos deux pays et parfois entre nos deux peuples.

Mes deux grands-pères ont quitté l’Italie il y a près d’un siècle pour fuir le fascisme. Ils se sont vite intégrés, ont trouvé épouse ici en France et ont choisi de ne pas apprendre la langue de Dante à leurs enfants. L’Italie est longtemps restée une blessure familiale. Lorsque j’ai voulu étudier l’italien au collège, ma mère a décrété que, non, ce serait l’allemand – la langue, selon elle, des bons élèves.

C’est à l’âge adulte que j’ai finalement découvert le pays de mes aïeux, sa culture, sa langue, allant jusqu’à adhérer à cet Ovni politique qu’est le Partito Radicale de feu Marco Pannella. Concrètement, c’est grâce au biculturalisme qui s’est avivé en moi que j’ai véritablement saisi l’enjeu fondamental de la construction européenne.

J’ai compris que l’Union européenne, toute formidable avancée qu’elle fut et qu’elle demeure, ne pouvait pas tout. J’ai également compris que les leviers les plus essentiels pour bâtir un authentique vivre ensemble européen, c’est-à-dire la culture, l’éducation et l’agir politique, demeuraient des compétences nationales. Elles étaient donc trop peu partagées entre les États membres.

Les dépenses publiques en faveur de l’enseignement et de la culture, qui pèsent en moyenne plus de 5 % de nos PIB nationaux respectifs, ne représentent qu’à peine 1, 4 % du budget global de l’Union européenne, qui, rappelons-le, n’équivaut lui-même qu’à un peu plus de 1 % du PIB de l’ensemble des pays européens !

Vivre en Européen ne se décrète pas. On peut vivre sous le même toit, européen, et ne pas s’aimer. C’est le cas quand nous ne voyons pas ce qu’autrui tient de nous en lui, et réciproquement.

Au-delà des guerres et des rivalités qui nous ont déchirés, il est urgent aujourd’hui de retrouver les longs fils souvent oubliés de notre histoire et de notre culture commune, pour construire ensemble un destin partagé. Après les horreurs du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale, la réconciliation franco-allemande a été le plus important défi de l’Europe des décennies qui ont suivi : ce qui paraissait impensable en 1945 s’est bel et bien réalisé. Sans cette réconciliation, jamais la réunification allemande et l’ouverture de l’Union à son flanc est n’eurent été possibles.

Le traité de l’Élysée de 1963 instaurant une coopération renforcée dans les domaines de la diplomatie, de la jeunesse et de la culture a joué un rôle majeur dans le processus de rapprochement avec l’Allemagne.

Il est clair que nous n’avons que trop attendu pour avoir une approche similaire avec l’Italie, qui est notre second partenaire économique et surtout le pays avec lequel notre filiation historique et culturelle est la plus ancienne et la plus intense !

À l’heure où la guerre sévit de nouveau en Europe et où les relations internationales se brutalisent, il devient impératif d’apaiser nos querelles de cousinage et de voisinage et de raviver les liens qui nous unissent.

Le traité qui nous est aujourd’hui proposé est bien plus ambitieux que celui de l’Élysée, tant les domaines de coopération envisagés sont vastes et nombreux. Bien sûr, sa mise en œuvre effective importera davantage que le symbole de sa ratification.

Certes, l’Italie vient de se doter d’un gouvernement dont la principale composante politique, Fratelli d’Italia, est la seule formation qui s’est opposée à sa ratification. Toutefois, le réalisme, plus encore que l’optimisme, me conduit à penser qu’avoir une posture dans l’opposition est une chose, mais que se trouver en situation de responsabilité en est une autre.

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