Intervention de André Vallini

Réunion du 26 octobre 2022 à 15h00
Traité de coopération bilatérale renforcée avec l'italie — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André ValliniAndré Vallini :

Je me concentrerai donc sur l’une des questions qui nous occupent tous ce soir : que va-t-il advenir de ce traité dans les prochains mois et années ? Il peut rester un simple parchemin – une lettre morte, sans aucune conséquence – ou, à l’inverse, servir de tremplin à une véritable coopération approfondie entre nos deux pays – c’est ce que nous souhaitons et que nous défendrons.

La France et l’Italie sont deux importants partenaires commerciaux. La France est la deuxième destination des étudiants italiens en échange à l’étranger et le deuxième pays d’origine des étudiants en échange en Italie. Le Medef, le Mouvement des entreprises de France, et le patronat italien ont des liens très étroits. Et nos relations culturelles et universitaires sont très intenses.

Bien sûr, la droite, et non pas l’extrême droite – en Italie, la droite correspond à l’extrême droite en France, tandis que la droite française équivaut au centre droit italien –, a gagné les élections. Elle ne s’est guère montrée francophile jusqu’à présent. Comme plusieurs intervenants l’ont souligné, le parti de Mme Meloni, Fratelli d’Italia, a voté contre ce traité.

La Ligue aussi a voté contre, considérant qu’il servait avant tout les intérêts français. Il faut d’ailleurs prendre conscience que, d’après les sondages, près de 40 % des Italiens éprouvent de l’antipathie pour la France. Oui, de l’antipathie… Ils nous reprochent notre « suffisance », voire notre « arrogance », selon leurs propres termes. Ce sentiment est partagé par d’autres peuples européens.

Il suffit, du reste, d’observer le traitement médiatique qui a été réservé des deux côtés des Alpes au traité du Quirinal : on en a beaucoup parlé en Italie, comme d’un événement très important ; on l’a à peine évoqué en France – vingt secondes au journal de vingt heures, et encore.

Que va faire le nouveau gouvernement italien de ce traité ? On entend souvent le terme « postfasciste » – j’ai même entendu « fasciste » dans la bouche de mon prédécesseur à cette tribune, Guillaume Gontard – pour décrire Mme Meloni. C’est un peu rapide.

Certes, sa trajectoire s’inscrit dans l’histoire du mouvement néofasciste, le MSI italien, et une partie de son entourage et de ses électeurs revendiquent la filiation mussolinienne, à commencer par le président du Sénat, Ignazio Benito La Russa. Il est toutefois faux de dire qu’elle aurait imposé sa domination sur la droite italienne en proposant, cent ans après, une sorte de nouvelle marche sur Rome.

Comme vous, j’ai lu beaucoup de tribunes et de chroniques. Et je déjeunais hier encore avec Marc Lazar, l’un des meilleurs spécialistes actuels de l’Italie contemporaine. Mme Meloni a réussi une forme de synthèse entre le cadre géopolitique de l’Alliance atlantique, le cadre économique de l’Union européenne et des valeurs très conservatrices sur le plan sociétal, notamment sur l’avortement et sur le rapport aux minorités ou à la communauté LGBT.

Elle s’est donc livrée avec succès à une opération compliquée, pour se recentrer et pour rassurer les milieux économiques et financiers, comme les alliés de l’Italie. Elle a même tourné une vidéo en français pour apaiser notre pays pendant la campagne électorale. Elle a ainsi indiqué que son gouvernement avait une ligne claire en politique étrangère, faisant « pleinement partie, et la tête haute, » de l’Union européenne et de l’Otan.

J’ajoute que, lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement italien, hier, elle a abjuré le fascisme, notamment les lois raciales de 1938 – heureusement !

Pour autant, va-t-elle réaffirmer la prééminence des nations et de leur souveraineté, à rebours du traditionnel européisme – un terme positif dans ma bouche – italien ? Va-t-elle emprunter la voie polonaise ou hongroise, au regard, en particulier, des valeurs européennes ? Il reviendrait, le cas échéant, à la Commission européenne et au Parlement européen de le constater et d’y répondre.

À ce jour, il faut noter qu’elle a nommé à des postes clés des personnalités qui situent son gouvernement dans une continuité européenne et internationale : M. Antonio Tajani, un ancien président du Parlement européen, aux affaires étrangères, et M. Giorgetti, qui était déjà ministre dans le gouvernement de Mario Draghi, à l’économie et aux finances.

J’ajoute que son gouvernement n’est pas certain de durer aussi longtemps qu’elle le souhaiterait, car sa majorité est composite, tiraillée entre les berlusconiens, d’un côté, et la Ligue du Nord, de l’autre…

En tout cas, le peuple italien a voté. Il faut prendre acte de son choix et éviter les jugements hâtifs, sauf à nous retrouver de nouveau taxés d’arrogance. Madame la secrétaire d’État, pardonnez-moi de relever que vous avez eu, il y a quelques jours, une déclaration pour le moins maladroite, et qui a été ressentie ainsi.

Depuis longtemps, l’Italie comprend mal notre relation privilégiée avec l’Allemagne et elle estime en être injustement exclue. Saisissons l’occasion de donner à notre lien avec elle l’importance qu’il mérite. C’est à l’échelle du temps long qu’un traité peut être jugé : donnons-lui du temps.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce traité historique. Et pour ma part, je le ferai avec enthousiasme !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion