Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 26 octobre 2022 à 15h00
Traité de coopération bilatérale renforcée avec l'italie — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité pour une coopération bilatérale renforcée entre notre pays et l’Italie, signé le 26 novembre 2021, que nous examinons aujourd’hui, contient plusieurs mesures qui recueillent notre approbation.

Toutefois, comme je me plais souvent à dire, il y a le texte et il y a le contexte. Nous ne pouvons ignorer les résultats des récentes élections italiennes, postérieures au vote unanime de l’Assemblée nationale.

La belle devise de l’Europe, « Unie dans la diversité », risque d’être malmenée avec l’arrivée au pouvoir en Italie d’une coalition de droite au sein de laquelle on trouve les Frères d’Italie, un parti qui lui-même n’est pas de droite, mais d’extrême droite et issu de la mouvance postfasciste.

La présidente de ce parti, Mme Giorgia Meloni, est aujourd’hui la Première ministre italienne, et cela n’augure rien de bon selon nous. On ne peut ignorer cette situation et faire comme s’il ne s’agissait que d’un mauvais moment à passer. Ce n’est pas le cas : la situation est grave.

Parmi les nombreuses mesures de ce traité de coopération bilatérale renforcée figure un durcissement des règles migratoires entre nos deux pays. Or Mme Meloni milite en faveur d’une politique très stricte dans ce domaine et plaide pour la fermeture des ports, afin d’empêcher les navires d’organisations non gouvernementales (ONG) de débarquer des migrants. Elle entend par ailleurs multiplier les centres de surveillance et les expulsions.

À titre d’exemple, en août 2019, elle a fait preuve d’une rigidité glaciale : alors que le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms transportait 147 migrants à son bord, les partis politiques italiens se sont déchirés à propos de leur accueil. Face à cela, Mme Meloni a fait une déclaration effrayante : elle envisageait de créer un blocus naval pour empêcher l’embarquement des migrants depuis la Libye ou la Tunisie.

En outre, le traité présente une source d’inquiétude supplémentaire : la coopération pour une politique migratoire y est appréhendée sous un prisme répressif et non solidaire. Le texte ne contient ainsi aucune proposition pour organiser des opérations conjointes de sauvetage des migrants, comme l’opération Mare Nostrum, lancée après le drame de Lampedusa en 2013.

Cette vision conduit à des situations dramatiques. Depuis plusieurs années, on ne compte plus les migrants morts en Méditerranée, devenue un véritable cimetière. Le rapport de l’agence de l’ONU compétente, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), répertorie 2 836 décès et disparitions en Méditerranée centrale depuis 2021. Nous craignons que les positions de la nouvelle Première ministre ne fassent qu’aggraver cet enfer.

Les choix politiques anti-immigration portés par Mme Meloni ne rendent pas hommage à l’histoire de l’Italie, à la richesse de sa culture, à la diversité de ses cultures et à son apport dans le rayonnement du pays.

Comme je l’ai indiqué, nombre des mesures de ce traité de coopération entre nos deux pays et, surtout, entre nos deux peuples sont acceptables. Mais comment ignorer cette épée de Damoclès qui plane sur le devenir de ceux qui quittent leur pays pour fuir la guerre, la famine, le réchauffement climatique ou l’atteinte à leur dignité humaine ?

Les choix de Mme Meloni ne tendent pas la main. Pour notre part, nous sommes avec Paul Éluard, qui écrivait : « Une main tendue, une main ouverte / Des yeux attentifs, / Une vie, la vie à se partager ».

Par amitié pour le peuple italien et en raison des liens forts qui nous unissent à lui, nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons.

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