Intervention de Christian Cambon

Réunion du 26 octobre 2022 à 21h30
Guerre en ukraine et conséquences pour la france — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Nos stocks ne nous permettent même pas d’aider comme nous le voudrions un pays ami, lorsqu’il est agressé. Un seul exemple suffira : à la fin de 2025, nous aurons en stock l’équivalent en munitions de ce qui est tombé la semaine dernière sur l’Ukraine.

Nous en sommes au point où nous devons aussi nous demander si notre soutien militaire à Kiev, même insuffisant, ne dépouille pas à l’excès nos propres forces.

Par conséquent, monsieur le ministre des armées, tirons ensemble les enseignements stratégiques, opérationnels et industriels de ce conflit ukrainien. Ils sont nombreux et complexes. Ce sera – nous le savons – l’enjeu de la prochaine loi de programmation militaire.

Se pose aussi la question centrale de nos coopérations. L’Europe se réveille de sa torpeur stratégique. Elle entend se réarmer et ne s’interdit plus de penser à sa souveraineté. Tant mieux, mais cette prise de conscience se fait pour l’instant à l’ombre du parapluie américain et de son industrie de défense.

Ne nous méprenons pas : l’Otan reste notre alliance la plus solide, la seule – à vrai dire – à pouvoir garantir notre sécurité collective. Il était donc assez prévisible que les Européens cherchent à s’abriter derrière le bouclier atlantique, dans cette tempête. D’autant que, sur le flanc est, le danger n’est pas simplement en Ukraine.

Ainsi, la Biélorussie de Loukachenko marche dans les pas de Vladimir Poutine et s’invente des menaces lituano-polonaises à ses frontières. N’oublions pas cependant tous ces Biélorusses courageux, qui sont opprimés par un régime tout aussi tyrannique. Mme Svetlana Tikhanovskaïa, que nous avons reçue avec le président Larcher et vous aussi, mes chers collègues, dans cet hémicycle, a réussi à fédérer l’opposition biélorusse. Pendant ce temps – ne l’oublions pas –, son mari est en prison, où il est torturé.

Les destins de la Biélorussie et de l’Ukraine ne peuvent être envisagés de façon séparée. Agissons pour que les voix de l’opposition biélorusse résonnent davantage au Conseil de l’Europe, au sein de l’Union européenne et même en France.

Soutenons aussi la Moldavie, menacée de l’intérieur par la présence russe en Transnistrie, et de l’extérieur par sa dépendance totale au gaz russe. Aujourd’hui même, la Moldavie ne peut plus payer son gaz. Or ce pays est dans notre voisinage immédiat et a vocation à rejoindre un jour l’Union européenne. À lui aussi, nous devrions fournir des moyens pour assurer sa défense et son indépendance, comme il ne cesse de nous le demander.

Dans ce contexte, l’Alliance atlantique est capitale, mais elle n’est pas la fin de l’Histoire pour la défense de l’Europe. Nous devons être prêts, nous Français, nous Européens, à faire face seuls, parce que nous y serons peut-être contraints. Qu’en sera-t-il demain face à des menaces que Washington déciderait d’ignorer ou ne pourrait plus traiter parce que les États-Unis seraient déjà engagés ailleurs ?

Je suis convaincu que nous avons une perspective européenne commune en matière militaire, mais c’est un chemin long et sinueux – nous en savons quelque chose. Même pendant la Présidence française de l’Union européenne, nous n’avons pas vraiment réussi à persuader nos partenaires, en particulier allemands, de s’y engager résolument. Avançons donc ensemble partout où cela est possible, mais avançons seuls partout où cela est nécessaire.

C’est pourquoi la prochaine loi de programmation militaire sera fondamentale. L’actuelle loi – j’en donne acte au Président de la République – a permis de stopper l’hémorragie. Celle qui s’annonce devra porter une ambition plus forte encore. Elle devra projeter notre modèle d’armée dans cette nouvelle ère de menace.

Mes chers collègues, à l’heure où nous tenons ce débat, l’avenir n’est malheureusement pas écrit et même l’apocalypse nucléaire ne peut être exclue. Bien sûr, tout doit être entrepris pour ne pas en arriver à cette ultime extrémité. Notre dissuasion est une garantie de sécurité. Il faut le rappeler à chacun et ne pas oublier que sa portée vient aussi de ce qu’elle comprend de menaçant ou d’incertain. Veillons donc à ne pas l’affaiblir en révélant d’emblée une absence de réponse française.

Face au poids des incertitudes, gardons le cap, mes chers collègues. La puissance russe a volé la paix aux Ukrainiens. Elle a tenté de leur ôter leur liberté et leur souveraineté. Ces biens les plus précieux que possède un peuple, l’Ukraine doit les recouvrer et nous devons l’y aider.

Ne cédons rien à la violence, ne cédons rien aux menaces et rien au mensonge. N’offrons pas au Kremlin l’aubaine de nos divisions et opposons-lui un front uni de démocraties fortes et déterminées en Europe et au-delà. C’est bien sûr notre intérêt, mais par-dessus tout ce sera l’honneur de la France.

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