Merci d'organiser cette table ronde. Le dispositif actuel doit beaucoup à vos travaux. Il a permis d'accompagner l'émergence d'un consensus entre les acteurs.
Au premier semestre 2021, les pratiques de piratage sportif concernaient plus de 3 millions d'utilisateurs chaque mois et connaissaient une progression particulièrement dynamique. Contrairement au secteur culturel, le sport ne disposait d'aucune procédure lui permettant de lutter contre le piratage. L'élaboration d'un dispositif dédié était un véritable défi. Il fallait trouver un point d'équilibre entre la nécessité d'instaurer un blocage efficace et rapide et le respect de la liberté de communication et du rôle du juge, qui est le garant des libertés publiques. La nouveauté a consisté à concevoir le rôle d'une autorité administrative, l'Arcom, pour mettre en oeuvre la décision du juge de manière dynamique.
La première étape est la saisine du juge par les fédérations, les ligues ou les chaînes de télévision, en mettant en avant la preuve que des sites portent des atteintes graves et répétées à leurs droits. Il faut que ces atteintes graves et répétées aient été occasionnées par le contenu d'un site en ligne dont l'un des objectifs est la diffusion de compétitions sans autorisation. Le juge statue selon une procédure d'urgence. Il peut prescrire toute mesure susceptible de faire cesser ces atteintes. A ce stade, le juge n'est saisi qu'aux fins de notifier aux fournisseurs d'accès à Internet le blocage du site. En réalité, le dispositif législatif est beaucoup plus large. Il permettrait d'embrasser d'autres acteurs.
L'intervention du juge est suivie par celle de l'Arcom. Dès lors que la décision judiciaire est devenue définitive, mais que la mesure de blocage est contournée par l'apparition de sites miroirs, les ayants droit peuvent saisir l'Arcom en transmettant les données d'authentification des sites illicites. L'Arcom a pour mission, à travers la présence d'agents assermentés, d'instruire ces saisines et de notifier aux fournisseurs d'accès le blocage de ces sites miroirs.
Seul le président du collège, ou les membres qu'il a désignés, peut donner le « top départ » aux fournisseurs d'accès à Internet. Concrètement, nous communiquons aux FAI une liste de noms de domaine correspondant à des services illicites.
Aujourd'hui, nous avons 9 mois de recul. 10 décisions de justice ont été obtenues par des diffuseurs (Canal + et beIN Sports), la LFP, la fédération française de tennis et des organisateurs de compétitions (football, sports mécaniques, tennis). Le tribunal de Paris est compétent pour ce type de litige. Il s'est armé d'une magistrate dédiée qui est en capacité de réagir très rapidement. De la sorte, il rend les décisions dans des délais exceptionnellement courts. Je suis extrêmement admiratif de la manière dont les choses se passent au niveau judiciaire. Le blocage permis par ces 10 décisions de justice embrasse 350 services illicites. Par ailleurs, l'Arcom a été destinataire de 40 saisines. Elle a notifié le blocage de plus de 480 noms de domaine aux FAI.
Nous nous sommes mis en situation de pouvoir répondre dans un délai de quelques jours. Les mesures de blocage sont appliquées par les fournisseurs d'accès dans des délais de quelques heures.
Je tiens vraiment à saluer la qualité du travail d'équipe. D'un bout à l'autre de la chaîne, les différents acteurs (juge, ayants droit, FAI, Arcom) jouent un rôle majeur. A ce stade, les fournisseurs d'accès ne mettent pas en avant les coûts représentés par la mise en oeuvre de ces blocages.
Entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022, l'audience illicite a baissé de moitié, passant de 3,2 millions à 1,7 million d'internautes qui accèdent chaque mois à des sites illicites. Parmi les live streamers qui ont été confrontés à des blocages, 37 % ont cessé leurs pratiques et 15 % ont souscrit un abonnement à une offre légale. Il reste 46 % d'internautes qui poursuivent leurs pratiques illicites. Certains utilisent des moyens de contournement.
La protection des contenus sportifs appelle donc une vigilance accrue, qui semble devoir se décliner selon trois objectifs :
- renforcer, par le biais d'accords, la coopération entre les fournisseurs d'accès à Internet et les titulaires de droits sportifs afin de mettre en oeuvre une solution de blocage automatisée ;
- améliorer les solutions technologiques de blocage et travailler sur un blocage par l'adresse IP ;
- impliquer dans la lutte contre le piratage l'ensemble des intermédiaires techniques de l'écosystème d'Internet, tels que les fournisseurs de système de noms de domaine (DNS), les réseaux privés virtuels (VPN) ou les services d'hébergement.