La Fédération français des télécoms est heureuse d'apporter le témoignage de son expérience dans la mise en oeuvre de la loi du 25 octobre 2021. Cette loi fait de la France l'un des pays d'Europe dont l'arsenal législatif est le plus complet. Nous avons bien conscience des intérêts en jeu concernant la protection des droits sportifs. Nous sommes fiers de participer à la protection de ces droits. Nous avons également le souci de respecter les équilibres que les parlementaires ont pris soin de dessiner entre d'une part la protection des droits fondamentaux tels que la liberté de consultation des sites Internet et d'autre part l'innovation avec le blocage des sites miroirs.
Le mécanisme se déroule en deux étapes. Il y a d'abord une décision du juge, rendue sur saisine des ayants droit au début de chaque compétition ou de chaque saison, qui demande le blocage de sites pirates identifiés et qui donne ensuite pouvoir à l'Arcom d'agir contre de nouveaux sites. Pendant toute la durée de la compétition ou de la saison, les titulaires de droits sportifs saisissent directement l'Arcom pour bloquer les sites miroirs dans des délais plus brefs.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, nous avons protégé un certain nombre de retransmissions sportives. Au total, nous avons bloqué plus de 835 noms de domaine. Nous le faisons grâce à la bonne coopération de tous les acteurs. Nous avons conscience de l'importance d'agir dans des délais brefs.
Nous appelons, sur la base de cette première expérience, à une industrialisation du dispositif. Le législateur a pris soin de proposer une régulation moderne qui prévoit que l'Arcom élabore un modèle d'accord pour tous les acteurs. Nous appelons de nos voeux la mise en place de ce modèle d'accord. C'est pour cela que, de manière constante depuis un an, nous avons fait preuve de bonne volonté et de coopération. En novembre 2021, nous avons proposé un cahier des charges qui permettait la mise en place d'une brique technique pour récupérer de manière automatisée les listes de sites à bloquer auprès de l'Arcom. En début d'année 2022, nous avons proposé un dispositif de coordination des actions des titulaires de droits, de l'Arcom et des opérateurs afin de fluidifier le processus.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, nous agissons avec diligence en mobilisant du personnel habilité, y compris lors d'astreintes. Ces personnels doivent parfois composer avec des demandes multiples. Pour les seuls blocages de droits sportifs, les astreintes nécessitent une personne qui active le blocage de manière manuelle, un ingénieur réseau et un ingénieur DNS. Nous avons également engagé des investissements spécifiques sans perspective certaine d'être compensés. Nous acquittons aussi des honoraires d'avocats sans être compensés, ce qui est paradoxal car dans tous les autres domaines dans lesquels nous agissons en tant que prestataires occasionnels du service public ou auxiliaires de la protection des droits, nous sommes compensés du fait de la loi ou d'accords.
Notre position est guidée par quatre principes : l'égalité de traitement des titulaires de droits ; l'efficience et l'efficacité opérationnelle pour minimiser les coûts d'investissement et les coûts opérationnels ; le respect du principe de proportionnalité ; la compensation des coûts.
Le principe de proportionnalité est au coeur du droit constitutionnel et européen. Il a pour conséquence que doivent être minimisées les atteintes à la liberté de consultation des sites Internet.
Nous ne demandons pas à être rémunérés. Nous demandons simplement à ne pas travailler en pure perte pour le compte d'autres opérateurs privés.
Pour que chacun y trouve son compte, nous proposons d'aller au-delà de ce que prévoit le minimum légal. Ainsi, nous proposons de simplifier les procédures en industrialisant et en automatisant le traitement des demandes. Pour cela, nous avons notamment besoin du calendrier des manifestations sportives et de formats de fichiers harmonisés. Nous nous engageons, avec l'industrialisation, à bloquer des sites en 45mn. Nous demandons simplement la compensation des coûts.
Nous nous proposons de prendre en charge la moitié des 500 000 euros d'investissements de développement initial et la moitié des 150 000 euros annuels de coûts opérationnels courants des blocages de sites. Nous avons évidemment justifié la nature de ces coûts. Nous avons deux étalons de comparaison : l'enjeu économique des droits sportifs (plus d'un milliard d'euros par an) et le coût d'identification des pirates (120 000 euros par an) tel que l'avait chiffré l'inspection générale des finances.
Nous appelons de nos voeux un aboutissement prochain des travaux afin de permettre aux équipes des opérateurs d'agir de manière plus efficace et plus automatisée avec un cadre standardisé. Le système de blocage manuel actuel est précaire eu égard à la volumétrie et aux attentes des détenteurs de droits. Nous avons prouvé notre efficacité. Nous pouvons encore faire un saut qualitatif. Nous souhaitons nous saisir de l'opportunité d'un accord.
Cet accord sera important, mais il ne suffira pas. Nous sommes également prêts à étudier le blocage IP à partir du moment où le cadre est précis. Pour l'instant, nous y voyons beaucoup de difficultés techniques. Il existe des risques de sur-blocage. Néanmoins, nous sommes prêts à mener toutes les études nécessaires. Pour cela, il faut un cadre très clair. Nous sommes prêts à discuter du cahier des charges avec les autres parties. Nous avons besoin d'être sécurisés du point de vue de la responsabilité en cas de sur-blocage et d'être certains que nous serons compensés des nouveaux coûts.
Il existe des moyens de contournement. L'accord et le travail des FAI et des ayants droit ne sera pas suffisant pour enrayer les mécanismes de piratage. Il faudra aussi travailler avec les hébergeurs, les plates-formes d'hébergement, les éditeurs de système d'exploitation, les éditeurs de moteurs de recherche, les éditeurs de VPN et tous ceux qui commercialisent les boîtiers IPTV illégaux. C'est un travail de longue haleine et de long terme.