Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 2 novembre 2022 à 15h00
Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Cette trajectoire est aussi en trompe-l’œil. Le Gouvernement revendique de diminuer la dépense publique en volume entre 2023 et 2027. Toutefois, il ne prend en compte ni les mesures liées aux crises sanitaire, économique et énergétique ni la charge de la dette. En retenant pour périmètre les seules dépenses « ordinaires », les dépenses publiques enregistrent en réalité une progression de 0, 6 % en volume.

En outre, le Gouvernement impose aux administrations locales et sociales de réaliser un effort d’économies compris entre 25 milliards d’euros et 27 milliards d’euros alors que, dans le même temps, les administrations centrales n’en réaliseront pas.

D’ailleurs, la trajectoire de hausse des crédits des missions budgétaires de l’État inscrite dans le projet de loi montre que le Gouvernement, s’il a choisi les politiques sur lesquelles il souhaite ajouter des crédits, a renoncé à identifier celles sur lesquelles des économies pourraient être réalisées.

Compte tenu de ces éléments, la commission des finances considère que la trajectoire du Gouvernement n’est pas acceptable : d’une part, celle-ci manque d’ambition en termes de redressement des comptes publics et de baisse de la dépense ; d’autre part, on demande moins d’effort à l’État qu’aux autres administrations publiques.

La commission des finances n’a pour autant pas choisi de rejeter le projet de loi. Elle a, pour répondre aux deux principaux écueils identifiés, adopté une nouvelle trajectoire de baisse des dépenses, plus ambitieuse et plus sérieuse, pour retrouver le chemin de l’équilibre.

Ainsi, le texte issu de nos travaux prévoit que les dépenses hors mesures de crise et hors charge de la dette des administrations centrales devront ainsi diminuer de 0, 5 % en volume chaque année dès 2023. Cela correspond exactement à ce qui est demandé aux collectivités territoriales, laissant d’ailleurs à ces dernières le soin de trouver les voies et moyens d’y parvenir…

Cette nouvelle trajectoire permettrait ainsi de ramener le déficit public en dessous de 3 % du PIB dès 2025, ce qui nous paraît être un objectif ambitieux, mais réaliste.

Cette proposition répond à quatre objectifs : premièrement, faire refluer le déficit et l’endettement publics plus rapidement que ne le prévoit le Gouvernement ; deuxièmement, et c’est important, assurer la pleine contribution des administrations centrales ; troisièmement, préserver les dépenses sociales et régaliennes ; quatrièmement, conserver des marges d’intervention face à la crise.

Cette trajectoire impliquerait de réaliser des efforts dès 2023 à hauteur d’environ 4 milliards d’euros en l’état actuel du projet de loi de finances.

Au cours des années 2023 à 2027, nous devrons trouver de nouvelles sources d’économies en mettant en œuvre des réformes structurelles : baisse à long terme des effectifs, engagement d’une réforme des retraites ambitieuse, réorganisation de certains services publics, comme celui de l’audiovisuel, éventuel décalage dans le temps des trajectoires programmatiques d’évolution des crédits de certaines politiques publiques non régaliennes, réformes des prestations sociales… Nous avons du travail, et de nombreuses possibilités s’offrent à nous.

Notre commission des finances a remis 109 rapports depuis 2015. Ceux-ci sont riches de mesures pouvant nourrir nos réflexions.

Cette trajectoire repose également sur un « parallélisme des exigences » pesant sur l’État et les collectivités territoriales, offrant ainsi un juste équilibre, même s’il est difficile, dans la répartition de l’effort réalisé pour maîtriser la dépense publique entre les administrations. Cela nous paraît non seulement de bon sens, mais aussi juste.

Nous ne proposons pas de revenir sur la trajectoire des administrations de sécurité sociale ; elle apparaît déjà relativement ambitieuse au regard des défis qui attendent ces dernières pour les prochaines années.

Les efforts qui sont demandés aux collectivités territoriales dans le projet de loi de programmation tel qu’il a été déposé par le Gouvernement sont substantiels : le texte vise à prévoir une trajectoire des concours financiers de l’État dont la croissance en valeur masque en réalité une contraction de 4 milliards d’euros en volume.

Parallèlement, est également prévu un objectif d’évolution des dépenses locales, le fameux Odedel, correspondant à une diminution des dépenses de fonctionnement de 0, 5 % par an en volume, soit un effort plus rigoureux encore que sous les précédentes lois de programmation.

Déjà par le passé, leur contribution au redressement des finances publiques a été déterminante. Je rappelle ainsi qu’entre 2013 et 2016, les collectivités locales ont porté les deux tiers de la réduction du déficit public tandis qu’elles représentaient moins de 20 % de la dépense publique. De même, elles ont su réaliser 11 milliards d’euros d’économies sur leurs dépenses de fonctionnement entre 2019 et 2021 alors même que les contrats de Cahors n’ont pas été appliqués en 2020 et en 2021.

Les collectivités territoriales ont donc démontré leur esprit de responsabilité face à la nécessité et à l’urgence de rétablir nos comptes publics. C’est la raison pour laquelle la commission a supprimé le système de surveillance et de sanctions des collectivités prévu à l’article 23. Je constate, monsieur le ministre chargé des comptes publics, que nous n’avons pas tout à fait la même lecture de cet article ni la même vision des conséquences de cet encadrement soft. Vous avez reconnu vous-même à l’instant qu’un tel mécanisme n’était pas forcément nécessaire. Dans ce cas, pourquoi le maintenir ? Nous en discuterons tout à l’heure…

En tout état de cause, l’article 23 semble totalement à rebours des engagements du Gouvernement de mettre en place une nouvelle méthode fondée sur la confiance dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Enfin, la commission des finances a enrichi le texte en adoptant plusieurs amendements qui s’inscrivent dans un objectif de maîtrise plus rigoureuse de la dépense ou sont guidés par un souci de vigilance quant à la mise en œuvre effective des mesures figurant dans le texte.

En conclusion, c’est ce texte tel qu’il est issu des travaux de la commission des finances et complété des éventuels amendements que nous pourrions retenir au cours des prochaines heures que je vous propose d’adopter.

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