Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 2 novembre 2022 à 15h00
Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 — Discussion générale

Gabriel Attal :

Par conséquent, les économies ou recettes supplémentaires que vous appelez de vos vœux doivent être trouvées ailleurs, monsieur Longuet. Mais je vous rejoins totalement sur le fait que si nous avions un taux d’emploi équivalent à celui de l’Allemagne, j’aurais beaucoup moins de travail, et nous nous poserions beaucoup moins la question de l’équilibre de nos finances publiques. D’ailleurs, les réformes que nous menons sur les retraites, la formation professionnelle, l’apprentissage, les lycées professionnels visent justement à augmenter le taux d’emploi. Si plus de Français ont un travail, nous aurons plus de recettes pour les finances publiques, notamment pour la sécurité sociale.

Sur la question de la décorrélation entre les prix de l’électricité et du gaz, je suis d’accord avec vous. C’est exactement le combat que mène le Gouvernement à l’échelon européen. Ce n’est pas facile, mais je crois que nous progressons ; je ne suis pas directement chargé de ce dossier, mais c’est ce que me disent Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher. Le dernier Conseil européen a permis de dessiner certaines avancées, notamment un plafonnement sur le prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité, ce qui serait une première marche très utile.

Il faut évidemment tenir compte des évolutions démographiques. C’est bien ce que nous avons fait dans ce texte. Il est vrai que nous aurons 500 000 élèves de moins dans l’éducation nationale dans les cinq années à venir. Nous avons connu un boom démographique pendant la période précédente, mais nous arrivons dans le creux de la vague. Nous voulons continuer d’améliorer le taux d’encadrement des élèves – dans tous les départements, c’est une demande forte –, mais nous avons aussi intégré les évolutions démographiques dans la programmation.

Sur la productivité du service public ou la réduction du nombre de fonctionnaires, il est vrai – je l’assume – que nous avons changé de logique par rapport à 2017.

En 2017, Emmanuel Macron s’était engagé – j’avais participé à la campagne présidentielle – à supprimer un certain nombre de postes de fonctionnaires durant le quinquennat. Mais les choses ont évolué, et nous l’assumons, avec la crise des « gilets jaunes ». Nous avons considéré qu’il fallait d’abord engager des réformes qui nous permettraient ensuite de dégager des marges. Cela a été le cas du prélèvement à la source ou de la suppression d’un certain nombre d’impôts. Mon ministère, qui représente entre 4 % et 6 % de l’emploi public, a concentré 80 % des efforts de réductions d’effectifs ces dix dernières années. Vous le voyez, nous savons faire des efforts en matière d’emploi public. Mais nous le faisons à la suite de réformes de modernisation qui permettent de dégager des marges.

En 2022, le Président de la République ne s’est pas engagé sur un nombre de postes de fonctionnaires à supprimer. La candidate de LR l’avait fait, mais sans vraiment dire où ces postes seraient retirés…

Le mandat qui m’a été donné, c’est la stabilité de l’emploi public sur le quinquennat. Un nombre important de créations de postes sont prévues en 2023, notamment dans le régalien.

Stabilité ne veut pas dire immobilisme : nous allons créer 8 500 postes dans la justice, et autant dans la police et la gendarmerie ; nous devrons donc en supprimer ailleurs. La logique globale est de créer des postes déconcentrés, notamment à partir de l’administration centrale, pour privilégier les territoires.

De manière schématique, on peut dire que 10 000 postes de fonctionnaires, c’est 500 millions d’euros. Pour atteindre le niveau d’économies que vous envisagez, il faudrait prévoir la suppression nette de très nombreux postes de fonctionnaires !

Faire des prévisions économiques, c’est évidemment un exercice difficile. Cela fait toujours l’objet de controverses. Nous pouvons en discuter longuement : vous me direz que nos prévisions sont trop optimistes ou ambitieuses ; je vous répondrai qu’elles sont réalistes et étayées.

Mais une chose est sûre : ce qui fait la croissance, ce ne sont ni les prévisions ni les débats de l’année précédente entre politiques ou entre experts ; c’est la confiance dans l’économie. J’ai en tout cas une certitude : nos prévisions, quelles qu’elles soient, ne se réaliseront pas si nous ne continuons pas nos politiques visant à redonner des marges à nos entreprises pour qu’elles puissent investir et recruter. C’est pourquoi il est si important de réduire la CVAE, comme nous le prévoyons, et de poursuivre les actions en faveur de l’emploi, de la formation et de la compétitivité de nos entreprises.

Un mot, maintenant, sur les collectivités locales – nous aurons l’occasion d’y revenir au moment des discussions sur les articles 16 et 23. Je suis tout à fait favorable à ce que la discussion parlementaire permette un rééquilibrage des efforts respectivement demandés à l’État et aux collectivités locales.

Le texte du Gouvernement prévoyait, pour l’État, une baisse de 0, 4 % en volume des dépenses sur le quinquennat, contre 0, 5 % pour les collectivités. La commission des finances du Sénat a proposé 0, 5 % pour tout le monde. J’y suis très ouvert : cette disposition suppose un effort supplémentaire de la part de l’État, mais nous devons être capables, me semble-t-il, de l’assumer.

Cependant, vous demandez aussi que, pour mesurer l’effort de maîtrise des dépenses de l’État, les mesures mises en œuvre dans le cadre de la relance ou pour faire face à la crise ne soient pas prises en compte, ce qui implique de trouver 25 milliards d’euros. Or, dans la copie présentée, on ne demande pas la même chose aux collectivités locales, pour lesquelles les dépenses liées à la relance et à la crise sont bel et bien prises en compte dans le calcul.

En d’autres termes, derrière un apparent équilibre entre l’État et les collectivités locales se niche en réalité un très grand déséquilibre : dans la copie proposée par la commission des finances, les dépenses de l’État sur les cinq années à venir augmenteront de 1, 5 % en valeur, là où elles augmenteront de 10 % en valeur pour les collectivités locales. Cela veut dire, je le redis, qu’il faut trouver 25 milliards d’euros à l’horizon 2025 et 37 milliards d’euros à l’horizon 2027.

Il ne s’agit pas d’imposer une cure d’austérité aux collectivités locales – on a bien vu ce que cela avait donné sous le quinquennat Hollande, avec les baisses brutales de DGF. J’ai entendu M. Breuiller nous reprocher de vouloir baisser les dépenses de fonctionnement des collectivités. Non ! Dans le projet de loi de programmation des finances publiques tel que le Gouvernement l’a présenté, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales augmentent de 21 milliards d’euros sur les cinq années qui viennent ! En aucun cas elles ne baissent : elles vont continuer à progresser. Nous posons simplement un cadre de maîtrise dans la durée, pour l’État et pour les collectivités locales.

Vous nous dites que nous devrions soutenir les collectivités locales ; mais, monsieur Breuiller, nous ne leur avons pas imposé, nous, des baisses brutales et massives de DGF comme sous le quinquennat de François Hollande. Et les écologistes faisaient partie de cette majorité…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion