Il faut en effet distinguer les véhicules qui utilisent l'hydrogène avec une pile à combustible, c'est-à-dire un moteur électrique, de ceux qui injectent de l'hydrogène dans un moteur thermique.
Cette première technologie concernera-t-elle aussi les véhicules légers, ou seulement les véhicules lourds ? Je ne le sais pas à l'heure actuelle.
La distribution de l'hydrogène sous pression sur l'ensemble du territoire pose aussi des difficultés, notamment en termes de sécurité. Pour les flottes de véhicules, cette technologie fait sens ; elle sera en revanche plus complexe à généraliser pour le marché des véhicules légers de particuliers.
Quoi qu'il en soit, notre message reste celui de la neutralité technologique. Il nous apparaît primordial de laisser ouvertes toutes les options technologiques.
Pour l'instant, l'hydrogène reste très coûteux, mais des progrès sont très certainement à attendre au regard des niveaux d'investissement actuels.
Quant à l'hydrogène que l'on injecte à la place du carburant dans un moteur thermique, c'est une piste de réflexion, même si cette technologie présente aussi des inconvénients en termes de rendement et d'émissions, car elle ne permet pas d'atteindre le zéro émission à l'échappement.
L'automobile est un marché de masse qui nécessite des investissements très lourds ; il est donc difficile de retenir des options qui ne concerneraient que des volumes très limités.
Par ailleurs, encore faut-il disposer, en amont, d'infrastructures de production d'hydrogène décarboné, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Si c'est pour utiliser de l'hydrogène « gris », cela n'a aucun sens.
L'installation de bornes de recharge, c'est notre sujet numéro un, et nous n'avons de cesse d'en discuter avec les pouvoirs publics. Certains constructeurs comme Tesla ont, dès le départ, opté pour une stratégie d'intégration complète allant jusqu'aux bornes de recharge. C'est un beau succès, mais on parle là de véhicules dont le coût est au minimum de 60 000 euros, ce qui offre des possibilités financières importantes. Stellantis et Renault, de leur côté, doivent déjà tellement investir dans leur coeur de métier qu'il leur est difficile d'être présents partout à la fois. Ils essayent surtout d'investir dans la production des batteries afin de retrouver un peu d'indépendance et de limiter la complexité des chaînes d'approvisionnement, a fortiori avec la crise des semi-conducteurs.
Mais ils commencent aussi à s'impliquer dans le déploiement des bornes de recharge, aux côtés d'autres acteurs privés, qui investissent de plus en plus. Dans le contrat de filière, les pouvoirs publics s'engageaient sur la création de 100 000 points de recharge accessibles au public fin 2022. Nous en sommes à 72 000, c'est donc insuffisant.
Un plan a été échafaudé pour les autoroutes, mais les bornes ne sont pas encore très nombreuses, et il faut aussi penser aux autres lieux.
Les bornes rapides ont été installées là où la puissance électrique nécessaire était disponible. Mais là où elle ne l'est pas, il faut commencer par deux à trois ans de travaux très lourds pour y apporter la puissance, ce qui nécessite des investissements considérables. Nous continuons à pousser très fort ce sujet, mais nous sommes inquiets. On ne peut pas demander aux acteurs de l'automobile de faire tous les investissements en même temps, même s'ils doivent bien entendu s'impliquer.
Les copropriétés restent aussi un enjeu considérable, moins de 1% d'entre elles étant équipées pour le moment.
Vous avez raison également sur les bornes de recharge bidirectionnelles, surtout dans le contexte de tensions que nous connaissons actuellement sur le marché de l'électricité. Dès 2030, nous devrions disposer dans les batteries de voiture d'une quantité d'électricité disponible assez significative, et cela peut faire sens d'en utiliser une partie, ne serait-ce que 5%, hors utilisation. Comment favoriser l'installation de ces bornes intelligentes, qui coûtent plus cher ? Elles seraient surtout utiles à domicile et dans les copropriétés, mais je ne suis pas sûr qu'elles émergent sans aides ciblées.
Le nombre de véhicules électriques est 2,5 fois plus important en Chine qu'en Europe, et ce pays dispose également de 8 à 10 fois plus de bornes de charge rapides, grâce à une logique de planification.
Nous avons un problème de poule et d'oeuf. Aujourd'hui, les bornes de recharge ne sont pas encore très rentables, mais il faut impérativement les développer si nous voulons aller au-delà d'un usage de la voiture électrique limité à la deuxième voiture dans certains foyers.
Un réseau dense de bornes de recharge permettra aussi d'éviter la course à l'échalote sur les batteries de grande capacité, qui ne sont pas bonnes pour l'environnement.
Il faut absolument accélérer le déploiement des bornes si nous voulons réussir, et nous avons besoin de votre aide au niveau des territoires.
On a imposé une trajectoire aux constructeurs ; ils accélèrent, sachant que le moteur thermique est condamné, mais ils craignent vraiment une inadéquation de l'infrastructure.
Sur l'empreinte carbone du véhicule électrique, il faut en effet raisonner en analyse de cycle de vie. Si j'ai évoqué l'empreinte carbone de la production, c'est pour montrer à quel point produire en France fait sens en la matière. Nous avons d'ailleurs beaucoup regretté que la réglementation ne se fonde pas sur une analyse complète du cycle de vie, et certains pays comme l'Allemagne, n'ont pas réellement intérêt à cela, car ils sont moins performants en la matière...
S'il y a bien un pays où le développement du véhicule électrique est pertinent, c'est la France : son usage devient en effet rapidement très intéressant en raison du faible contenu carbone de notre électricité - même si celui-ci tend à augmenter actuellement.
En revanche, dans un pays comme la Pologne, on peut très franchement se poser la question. L'infrastructure est inexistante, et ce pays a tellement d'autres combats à mener. L'objectif est un peu déconnecté de la réalité.
La trajectoire retenue me semble très risquée - en février dernier, les énergéticiens assuraient qu'il n'y avait aucun problème d'électricité disponible pour assurer la montée en puissance des véhicules électriques ; aujourd'hui, on craint de manquer d'électricité...
Mais évitons toute ambigüité : pour les constructeurs, le débat est clos. Il faut donc réussir ! Si nous devions faire machine arrière, ce serait trop tard, nos industries auraient désarmé et il faudrait importer des véhicules thermiques.
Par ailleurs, il n'y a pas de temps à perdre, car la part de marché des véhicules chinois ou coréens dans l'électrique est beaucoup plus importante que dans le thermique. Pourquoi ? Parce que le verrou technologique du thermique a été levé.
Le rétrofit est une solution coûteuse, mais qui peut s'avérer pertinente dans certains cas, à condition que le véhicule ait encore une valeur résiduelle importante. On ne va pas engager des dépenses de 8 000 euros sur un véhicule qui ne vaut plus que 3 000 euros... Pour les utilitaires, cela peut avoir beaucoup de sens. D'ailleurs, les zones à faibles émissions (ZFE) constituent un défi considérable. Un grand nombre de personnes risquent de se retrouver du jour au lendemain dans l'impossibilité d'utiliser leurs véhicules.
La vocation de la PFA est évidemment de défendre l'industrie et les emplois en France. Nous sommes très contents d'avoir Toyota en France, et nous devons maintenant les convaincre d'investir dans notre pays pour les véhicules 100 % électriques.
N'oublions pas que l'industrie automobile est un secteur extrêmement compétitif, avec un tissu de fournisseurs très performants partout dans le monde, certains étant implantés au Maroc ou en Turquie, des pays proches de l'Europe et qui ne sont pas concernés par la crise de l'énergie.
C'est bien de dire qu'il faut produire en France de petits véhicules, mais encore faut-il créer les conditions pour le faire. C'est pourquoi j'évoquais tout à l'heure les zones Green Deal. Selon moi, nous sommes dans une situation véritablement exceptionnelle. Si nous laissons filer l'industrie automobile, des pans entiers de notre industrie risquent de péricliter, car une partie de leur activité dépend aussi de l'automobile.
Nous devons défendre notre industrie, mais ce n'est pas facile dans ce contexte de basculement très rapide vers l'électrique, alors que nous avions un savoir-faire très fort sur le moteur thermique.
Les dernières normes sur les émissions des moteurs thermiques sont d'ailleurs très strictes et les tests effectués récemment montrent que les constructeurs respectent aujourd'hui les exigences. Nous sommes loin du dieselgate, qui avait entraîné des réactions extrêmement fortes.
Je le redis toutefois : en termes de stratégie industrielle, le sujet est largement derrière nous. Les investissements sont déjà très importants, les projets identifiés. Nous devons réussir !
S'agissant des batteries, il faut tout d'abord du lithium. Nous en avons en France, mais acceptera-t-on de l'extraire ? Ensuite, il y a tout le processus de raffinage, effectué à plus de 60% en Chine, qu'il faut impérativement développer en Europe. Nous avons besoin de développer ces capacités en Europe, de monter une chaîne de valeur dans son ensemble, si l'on veut produire en France puis procéder au recyclage des batteries. Il y a un projet de plateforme à Dunkerque, mais acceptera-t-on de développer ce genre d'activités sur notre sol ? Pour l'instant, les gigafactories qui assemblent les cellules et les modules des batteries s'approvisionnent surtout en Chine. De même, les bornes de recharge sont très rarement fabriquées en France.
Quant à l'allègement des voitures, on peut difficilement être contre. Les véhicules électriques sont néanmoins assez lourds, par définition, et la forme SUV leur convient plutôt bien, car elle permet d'avoir un espace suffisant pour loger les batteries, sans parler de l'amélioration de la sécurité passive que le poids des véhicules procure. En outre, par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni - sans parler bien évidemment des États-Unis -, le marché français se distingue déjà par des voitures plutôt petites. L'allègement est donc un axe indispensable de réflexion pour optimiser la consommation d'énergie, de même que l'aérodynamisme, mais le problème n'est pas simple. Les matériaux plus légers coûtent souvent plus cher, et ils peuvent aussi poser des problèmes de recyclage.
Si vous venez faire un tour au Mondial de l'automobile, vous verrez toutefois de nombreuses micro-citadines.