Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 3 novembre 2022 à 10h30
Production d'énergies renouvelables — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nos concitoyens regardent avec inquiétude leur facture d’énergie. Ils se posent des questions, car, autour de nous, en Europe, les compteurs s’affolent. Le prix de l’électricité est en hausse de 80 % au Royaume-Uni, de 55 % en Belgique, de 45 % aux Pays-Bas. Une seule solution s’impose : produire plus.

Une électricité abondante, disponible, et bon marché, c’est cela que les Français attendent. À défaut d’offrir cette réponse, ce texte a le mérite d’en apporter une. Les vertus environnementales du renouvelable ne sont plus à démontrer et aident la France à tenir ses engagements internationaux en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

Je salue la volonté du Gouvernement d’amplifier notre production d’énergie bas-carbone. Il était temps ! Je forme le vœu que ce chemin augure d’autres déclics. Je nourris malgré tout un regret : cette politique énergétique est subie et non choisie ; elle se construit au coup par coup : un jour on fragilise le nucléaire, le lendemain on promeut les EnR, demain on réhabilitera le nucléaire, un autre jour on louera l’hydrogène… Tout cela est brouillon et manque de cap comme de vision.

Nous aurions certainement gagné à l’organisation d’un grand débat sur la stratégie et l’avenir énergétique de la France.

Cette volonté d’amplifier et de diversifier notre production bas-carbone ne surgit pas de nulle part. Comme c’est le cas ailleurs dans le monde, nous sommes rattrapés par un dérèglement climatique incontestable et par un contexte international dégradé, qui vient bousculer des approvisionnements et des échanges commerciaux que nous pensions pérennes.

Pour autant, la situation internationale ne doit pas nous faire oublier la réalité nationale, laquelle a contribué, depuis dix ans, à affaiblir notre production d’énergie bas-carbone et à fragiliser l’autonomie énergétique de notre pays. Accélérer les EnR demain, oui, mais pour faire oublier que, hier, on a fermé Fessenheim ; que l’on a renoncé au projet Astrid ; que l’on a vendu puis racheté Alstom Power ; que l’on a repoussé le grand carénage ; que l’on a échoué à pérenniser les EPR (European Pressurized Reactors) ! §Qu’avons-nous fait de notre indépendance énergétique, qui garantissait à la France une énergie abondante, disponible et bon marché ?

Aujourd’hui, nous comptons sur le charbon pour compenser nos réacteurs arrêtés, et nos concitoyens se tournent vers le gaz pour espérer se chauffer. Alors, évidemment, faisons en sorte que, demain, nous puissions pleinement nous appuyer sur le secteur du renouvelable dans le mix énergétique français.

Cependant, madame la ministre, combien de kilomètres carrés de champs photovoltaïques, combien de kilomètres de côtes garnies d’éoliennes en mer seront nécessaires pour répondre aux besoins de la France ? Et quelles précautions devrons-nous prendre en matière d’environnement et de souveraineté énergétique ? Telle doit être la contribution de ce projet de loi aux grands enjeux énergétiques. C’est son ambition et je l’approuve.

Pourtant, ce texte élude certains sujets essentiels.

Accélérer la production des EnR implique leur déploiement massif partout dans les territoires. Dès lors, il est salutaire, voire crucial, de s’interroger sur leur impact environnemental et économique. Soyons lucides : les mettre en œuvre sans discernement et sans quelques précautions reviendrait à financer une industrie venue d’ailleurs. C’est un constat regrettable, mais que chacun connaît : les géants industriels de ces filières sont aujourd’hui principalement chinois, pour le photovoltaïque, danois et allemands, pour l’éolien et l’éolien en mer.

Je souhaite que les entreprises françaises se saisissent des opportunités environnementales et économiques que le texte laisse entrevoir. Veillons, madame la ministre, à encourager et à soutenir les initiatives françaises dans les différents plans d’investissements d’avenir comme dans le plan France 2030. Ne réitérons pas les erreurs du passé : nous n’avons pas su créer une filière industrielle française d’équipements compétitifs et vertueux sur tout leur cycle de vie.

Le traitement des déchets et le recyclage sont également un enjeu impératif des installations démantelées. Accélérer aujourd’hui les implantations, c’est devoir, demain, en subir le coût environnemental, avec tout ce que cela comporte en termes de traitement et de valorisation des déchets. Pour le photovoltaïque, une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) s’est structurée ; ce n’est pas le cas, à ce jour, en ce qui concerne l’éolien.

L’échéance est pourtant déjà là : d’ici à 2025, les premières générations d’éoliennes devront être démantelées. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la masse d’une éolienne est recyclable à 90 %. Toutefois l’essentiel de cette masse se trouve dans les fondations, pour lesquelles des filières existent. Ce n’est pas le cas pour tous les composants, par exemple pour les pales. Or, si nous accélérons le déploiement des éoliennes, il est impératif d’anticiper le traitement de tous les déchets issus de leur démantèlement. Construisons une vision d’avenir à trente ans, sur l’ensemble du cycle de vie des dispositifs implantés.

Dans un souci d’économie circulaire, je me réjouis de l’adoption en commission de mon amendement visant à créer une filière REP, ou tout système équivalent de prévention et de gestion des déchets, pour l’éolien.

Avant de conclure, je souhaite à mon tour remercier notre rapporteur, Didier Mandelli, pour son écoute tout au long de l’examen du texte et pour tout le travail effectué au sein de notre commission. Ce texte, enrichi de l’apport de tous les commissaires, va libérer les énergies dans un secteur qui ne demande qu’à se développer.

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