Intervention de Marie-Claude Varaillas

Réunion du 3 novembre 2022 à 10h30
Production d'énergies renouvelables — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Marie-Claude VaraillasMarie-Claude Varaillas :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte sur la nécessité de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

S’il identifie des solutions pour y parvenir dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’industrie et de l’usage des terres, il insiste sur la nécessité d’une transition juste, tant les inégalités sont flagrantes au niveau mondial. En effet, les 10 % les plus riches sont à l’origine de 36 % à 45 % des émissions, quand les pays les plus pauvres ne sont responsables que de 3 % à 5 % de celles-ci.

En matière de déploiement des EnR, nous faisons figure de mauvais élève, puisque nous sommes le seul pays à ne pas avoir atteint notre objectif de 23 % dans notre consommation finale d’énergie. Je rappelle que cet objectif est de 33 % à l’horizon 2033.

Si le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est favorable au développement des énergies renouvelables au côté de notre mix énergétique historique d’origine nucléaire et hydraulique, il considère cependant qu’elles ne doivent pas être génératrices de nouvelles dérégulations et que leur essor exige la structuration de véritables filières par la puissance publique. Nous savons en effet que la théorie qui consiste à laisser faire le marché se révèle extrêmement coûteuse pour les usagers.

Ce projet de loi, en promouvant une accélération intensive des projets plutôt qu’une planification réfléchie en amont, propose la manière forte, qui comporte le risque de se révéler contre-productive en radicalisant les oppositions et en éloignant les citoyens des enjeux de la transition énergétique.

À l’occasion de la concertation que vous n’avez pas manqué d’organiser autour de ce texte, madame la ministre, nous n’avons pas manqué non plus de nous faire l’écho des élus, associations et citoyens de nos territoires qui, face à des implantations quasi imposées, exigent légitimement de prendre toute leur place en amont des projets.

Dans le rapport présenté au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notre collègue rapporteur Didier Mandelli, qui a remanié ce projet de loi au moyen de 129 amendements, insiste sur les avancées nécessaires en matière d’acceptabilité et de planification des projets.

Il demeure cependant dans ce texte des adaptations de procédures administratives qui constituent des reculs démocratiques, comme la consultation des citoyens par la voie électronique alors que ce sont précisément les territoires concernés par ces implantations qui sont les plus éloignés du numérique.

Dans son avis sur le sujet, le Conseil économique, social et environnemental recommande justement « d’aller chercher la contribution des personnes “silencieuses”, des “invisibles” », « en veillant à prendre en compte l’illectronisme ». Il prône également l’évaluation a posteriori de la concrétisation des engagements des porteurs de projet.

La procédure simplifiée de modification des documents d’urbanisme est de nature à faciliter les atteintes à l’environnement.

Par ailleurs, et vous le savez, madame la ministre, ces nouvelles procédures accélérées ne pourront être efficientes sans un renforcement des moyens humains alloués aux services de l’État, ce que le Conseil d’État n’a pas manqué de relever.

Ce projet de loi défend un modèle visant à décarboner la production qui selon nous doit aller de pair avec la notion de sobriété, au travers notamment du soutien aux transports collectifs dans le ferroviaire et de l’isolation thermique des bâtiments.

Face au prix de l’énergie, face aux attentes des Françaises et les Français, nous devons être le plus efficaces possible. Quelque 13 millions de familles vivent aujourd’hui dans des « passoires thermiques » et se chauffent souvent dans des conditions déplorables. Les 3 000 intoxications au monoxyde de carbone qui ont lieu chaque année nous le rappellent. Il y a urgence à soutenir un grand plan de lutte contre la précarité énergétique susceptible de créer des emplois non délocalisables, avec de vrais résultats en termes de confort et de pouvoir d’achat des ménages.

Par ailleurs, mon groupe ne soutiendra pas les modèles de financement hybride promus dans ce texte en matière de partage de la valeur. Ce système aboutit à différencier le prix de l’énergie en fonction de la localisation des clients, contrevenant ainsi gravement au principe d’égalité entre les usagers. S’il doit y avoir un retour économique lié à la présence de ces installations, celui-ci doit revenir aux collectivités locales qui gèrent l’intérêt général.

L’énergie est un bien commun, un droit fondamental et universel, car il permet l’accès aux autres droits que sont l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la sécurité, à l’égalité entre les hommes et les femmes.

La libéralisation des marchés de l’électricité, engagée en 1996, a conduit à l’éclatement du service public de l’électricité et du gaz. Les EnR doivent être sorties des griffes du marché pour être développées là où elles sont les plus efficaces, en ayant pour critère l’intérêt collectif et celui de la protection de l’environnement.

Si ce projet de loi amendé par la commission comporte effectivement quelques avancées, notre vote dépendra des débats et des amendements qui seront adoptés.

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