Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’examiner ce projet de loi, nous sommes nombreux à nous interroger tant sur sa finalité que sur les moyens envisagés. Accélérer, mais pour quoi faire, dans quel but et avec quelle visibilité ?
Madame la ministre, votre objectif primordial est-il de limiter drastiquement nos émissions de carbone ? Dans ce cas, nous ne pouvons que pointer l’incohérence d’une démarche qui consiste à isoler une thématique particulière, celle des seules énergies renouvelables, au lieu d’envisager le sujet du mix énergétique dans sa globalité.
Certes, dans une sorte de parallélisme des formes, le Gouvernement nous proposera d’examiner prochainement un texte analogue concernant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Or ce texte aurait très bien pu être intégré au débat du jour, ce qui aurait eu le mérite de nous conduire à considérer globalement les forces et les faiblesses de notre production électrique.
Nous ne mesurons toujours pas la réalité concrète de la politique du Gouvernement dans le domaine du nucléaire. Quelle est la stratégie du président Macron en la matière ? Est-ce celle des années 2017 à 2019, qui a conduit à la fermeture des réacteurs de Fessenheim et à l’arrêt du programme de recherche Astrid, ou bien celle des années 2020 à 2022 où les annonces de relance du nucléaire se sont succédé sans jamais aboutir à la signature de commandes ? Quand le « en même temps » se traduit par le stop and go, les effets sont catastrophiques.
En outre, la programmation pluriannuelle de l’énergie est intenable. La multiplication d’objectifs plus ambitieux les uns que les autres, fixés à un horizon très lointain, n’y change rien. Comme l’a souligné le rapporteur Didier Mandelli, sa redéfinition aurait dû être un préalable à toute discussion sur les orientations à prendre pour les prochaines décennies. Madame la ministre, c’est encore une occasion ratée de mener un débat de fond qui aurait pu être dépassionné.
Pour accélérer, il faut avoir une certaine visibilité. Du point de vue méthodologique, l’idéal serait d’avoir une feuille de route et un itinéraire clair avant de s’engager sur une voie d’accélération. A minima, connaître la direction de son déplacement est d’une utilité certaine pour quiconque envisage de prendre la route.
Madame la ministre, l’initiative du Gouvernement ne satisfait aucun de ces critères. Il n’y a ni visibilité, ni feuille de route, ni direction bien identifiée ; en définitive même la boussole fait défaut !
Mes chers collègues, sommes-nous certains de vouloir accélérer dans le brouillard, quand il s’agit d’une politique publique essentielle tant pour le développement économique que pour la souveraineté de notre pays ?
D’un point de vue très personnel, tout cela me fait penser à la copie d’un mauvais élève en mathématiques, que le ministre de l’éducation nationale essaierait de nous dissimuler et dans laquelle on trouverait pêle-mêle, sans aucune logique, un tas de théorèmes inappropriés, censés mener à une conclusion dont on ne discernerait plus du tout les contours.
Aussi, dans la grande sagesse du Sénat, que votre Gouvernement reconnaît désormais régulièrement et souligne même tout particulièrement depuis quatre mois, les commissions saisies de ce texte ont tenté de le remodeler pour mieux encadrer certaines dispositions.
Je citerai notamment les simplifications envisagées en matière de droit de l’urbanisme, dont les rapporteurs ont voulu qu’il relève davantage de l’initiative des élus locaux, et le régime de partage de la valeur prévu à l’article 18, qui privilégie une redistribution publique et collective plutôt que celle, privée et individuelle, dont on peut soupçonner qu’elle vise surtout à éteindre le feu des contestations grâce à quelques piécettes empruntées au budget de la Nation.
Je salue donc le travail des rapporteurs qui ont réussi, malgré la confusion des intentions et l’absence de rigueur du Gouvernement dans son approche méthodologique, à produire un texte pragmatique et proche des réalités de terrain.