J’y reviendrai, monsieur le sénateur.
Nous avons également adressé une circulaire aux préfets afin qu’ils puissent non seulement animer leurs propres équipes, mais aussi aller chercher des solutions, accompagner les élus locaux et mettre à leur disposition des cartographies pour déterminer plus rapidement avec eux les zones les plus propices au développement des énergies renouvelables. La dynamique est lancée et nous avons tenu compte des retours du Conseil national de la transition écologique (CNTE), auquel participent des associations d’élus, des associations environnementales, des organisations syndicales et des représentants d’entreprises.
Nous avons signé, le 29 octobre dernier, le décret relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, hors énergie éolienne, et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, qui réduit à dix mois les périodes de contentieux devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d’appel, entraînant en l’absence de décision du juge un passage automatique à l’instance supérieure.
Ces décisions très pragmatiques montrent que nous abordons le sujet de la production des énergies renouvelables de la manière la plus analytique possible. À quels blocages se heurtent les projets ? Comment les lever ou, autrement dit, comment faire pour que les Français disposent d’une énergie bas-carbone en abondance et à un prix compétitif ?
Quant à la stratégie énergétique du Gouvernement, il me semble que vous la connaissez déjà, puisque lors d’un débat de trois heures, organisé le 12 octobre dernier, la Première ministre – j’étais malheureusement absente, souffrant de la covid-19 – est venue devant vous répondre à toutes les questions sur le sujet.
Vous la connaissez d’autant mieux qu’elle étaye les différents scénarios envisagés par RTE, dont vous auditionniez les représentants, hier encore, sauf erreur de ma part. La construction de ces scénarios est l’aboutissement d’un travail de deux ans sans équivalent dans les autres pays européens et qui n’existe pas de manière aussi approfondie dans les autres pays de l’OCDE. Ce travail a permis d’élaborer pas à pas une perspective de production énergétique sur la base du nucléaire et des énergies renouvelables, en fixant des objectifs potentiels et en traçant des scénarios qui peuvent aussi être de réduction de la consommation, puisque – vous l’avez compris – la sobriété et l’efficacité énergétique sont au cœur des enjeux énergétiques.
Je veux aussi rappeler que, en plus de nous orienter selon cette boussole qui existe bel et bien et que vous connaissez, nous avons aussi respecté la décision du Parlement selon laquelle le Gouvernement devait s’appuyer sur un débat public très large. Lancé en octobre dernier, celui-ci a déjà permis de recueillir 8 000 contributions en moins de deux semaines, ce qui témoigne de l’intérêt des Français pour le sujet.
Par conséquent, nous ne forçons pas le processus, mais nous nous appuyons sur l’acquis de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie. Comme vous avez été nombreux à le signaler, nous sommes en retard sur les énergies renouvelables. Faut-il donc attendre encore, alors que nous sommes tous d’accord – vous l’avez dit unanimement – sur la nécessité d’accélérer ? Bien entendu, nous construirons ensemble la trajectoire de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Il me semble important de revenir sur un point. À aucun moment depuis le lancement du programme électronucléaire, la part du nucléaire n’a dépassé 20 % de notre consommation d’énergie. Il est nécessaire de le rappeler parce qu’il y a souvent une confusion, dans les débats en matière énergétique, entre électricité et énergie. Or l’énergie, c’est aussi la chaleur et le carburant. L’enjeu de la transition énergétique consiste précisément à pouvoir se passer de carburant pour se déplacer et de gaz pour se chauffer. Nous aurons besoin pour cela non seulement de réduire notre consommation, mais aussi de développer le nucléaire.
Le chiffre pourra vous surprendre, mais, depuis l’an 2000, nous avons renforcé notre résilience énergétique de sorte que nous sommes moins dépendants de l’extérieur. Alors que, en 2000, nous dépendions à 72 % des importations pour notre consommation d’énergie, en 2020, nous n’en dépendons plus qu’à 65 %. Il ne s’agit pas de se féliciter d’un tel chiffre, mais de constater que, contrairement aux idées reçues, nous avons réduit notre dépendance aux importations d’énergie. Il est essentiel de le préciser dans ce débat et de ne pas confondre électricité et énergie pour éviter d’entretenir de fausses idées auprès des Français.
Je souhaite moi aussi que nous ayons un débat de fond, dépassionné, sur l’énergie. Il interviendra en 2023 à l’occasion de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, mais vous connaissez déjà les grands axes de ce que nous proposerons, puisque le Président de la République, il y a déjà huit mois, a annoncé très clairement sa volonté de relancer la construction de six nouveaux EPR. Il a également exprimé son souhait de mettre à l’étude le projet de huit EPR additionnels et il a signifié que nous nous engagerions dans une stratégie de réduction de la consommation en nous calant sur les scénarios de RTE. Il a enfin précisé la trajectoire qu’il recommandait en matière d’énergies renouvelables, soit la multiplication par dix d’ici à 2050 de notre production photovoltaïque et l’installation de 40 gigawatts d’éoliennes marines. Nous aurons un débat sur tous ces sujets.
Le Président de la République a également indiqué que nous prolongerions les centrales nucléaires pour une durée maximale, en tenant compte des impératifs de sécurité.
Enfin, lorsque nos prédécesseurs ont lancé le programme électronucléaire, ils l’ont fait pour quarante ans. Personne n’ignorait, lorsque les centrales nucléaires ont été mises en service entre 1977 et le début des années 1980, que, quarante ans plus tard, c’est-à-dire aujourd’hui, nous devrions faire des visites de contrôle qui dureraient plus de six mois. Personne ne l’ignorait, tout comme personne n’ignore que, dans dix ans, il faudra répéter le même exercice dans des conditions plus difficiles encore, puisque les centrales auront dix ans de plus et qu’elles sont soumises comme tout équipement à une forme d’obsolescence liée à leur utilisation. Une partie des composants est remplaçable et cela autant de fois que nécessaire, mais une autre ne l’est pas, c’est notamment le cas des cuves.
Toutes ces évolutions sont connues et sans surprise. La crise énergétique que nous traversons nous montre que les importations sur lesquelles nous avons compté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – pour ne pas remonter à des temps antédiluviens – ne sont pas acquises, que ce soit à cause d’arrière-pensées géopolitiques, notamment dans le cas de la Russie, ou parce que la transition énergétique dans laquelle nous sommes engagés a pour conséquence d’augmenter les prix. Ces importations ne sont pas non plus acquises à un prix compétitif, parce que nous payons – c’est bien légitime – le prix de l’empreinte carbone du pétrole et du gaz. L’enjeu auquel nous devons faire face est celui du dérèglement climatique, dont plus personne ne peut minorer l’impact.