Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 21 juin 2011 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange, corapporteur pour avis :

Ce retard apparaît d’autant plus regrettable que le service médical rendu était faible.

Cette question revêt deux aspects, l’un judiciaire, l’autre politique. Il s’agit en effet de déterminer si les laboratoires Servier ont volontairement caché aux autorités sanitaires la nature du benfluorex, comme le soutiennent l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et la CNAM, qui a engagé une action pénale à son encontre. Dans le même temps, cette affaire met en cause la manière dont est gérée la sécurité sanitaire dans notre pays, et plus spécifiquement notre système de pharmacovigilance. Aucun de ces deux aspects n’a vocation à être traité dans le cadre de ce projet de loi : il appartiendra au juge de trancher le premier ; sur le second, le Sénat a créé une mission d’information qui rendra son rapport à la fin du mois.

Comme vient de le souligner le ministre chargé de la santé, il s’agit aujourd’hui d’assurer aux personnes ayant subi un dommage du fait du benfluorex l’accès le plus rapide à l’indemnisation.

Malgré les nombreux points en discussion, notamment une querelle peut-être mal venue sur le nombre de décès, il existe un fait sur lequel tous s’accordent désormais : le Mediator a pu causer des valvulopathies et des hypertensions artérielles pulmonaires, maladies graves et souvent mortelles.

En janvier dernier, les laboratoires Servier ont reconnu ce risque et se sont déclarés « prêts à participer à la mise en œuvre d’un fonds d’indemnisation [...] dans le cadre de la législation en vigueur et selon des modalités permettant une indemnisation rapide et juste ». La Cour de cassation a alors pris contact avec ses responsables. Toutefois, le 7 avril, le ministre et les associations de patients ont jugé inacceptable leur dernière proposition concernant les conditions d’accès au fonds, car elle maintenait une indemnisation partielle ne permettant pas de couvrir l’ensemble des préjudices. C’est à la suite de cet échec que le Gouvernement a décidé d’élaborer le dispositif qui nous est soumis.

La mission consistant à établir le préjudice et à faire une proposition d’indemnisation aux victimes incombera, en application de cet article, à l’ONIAM. Il s’agit d’une nouvelle évolution du rôle de cet organisme qui avait été conçu, à l’origine, pour que la solidarité nationale garantisse l’indemnisation des victimes d’un « aléa thérapeutique », c’est-à-dire les personnes ayant subi un dommage dont le risque lié aux soins prodigués était connu, mais très peu probable.

Concrètement, comment le mécanisme d’indemnisation prévu à l’article 22 est-il appelé à fonctionner ?

Tout d’abord, qui aura accès au dispositif ? Il s’agit de toute personne ayant pris du Mediator et souffrant d’un déficit fonctionnel, c’est-à-dire d’une atteinte physique. Une personne qui aurait pris du Mediator, mais qui ne présenterait aucun symptôme physique, ne pourrait pas obtenir réparation via l’ONIAM.

Les personnes ayant déjà introduit un recours en justice ou devant les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux pourront choisir de saisir l’ONIAM au titre de cette nouvelle procédure. Ce mécanisme étant spécifique, rapide et gratuit, elles auront tout intérêt à le faire.

Ensuite, comment les dossiers seront-ils instruits ?

Un groupe d’experts chargé de l’étude des dossiers sera constitué au sein de l’ONIAM. Il comprendra une personnalité désignée par les laboratoires Servier, une autre par le Conseil national de l’ordre des médecins, et une autre encore par les associations de patients agréées. L’Assemblée nationale a apporté une importante modification au texte en précisant que ce collège serait présidé par un magistrat. Les experts se prononceront, dans les six mois, sur l’imputabilité médicale du déficit fonctionnel et sur l’ampleur du dommage subi. Ils émettront également un avis sur la responsabilité des personnes que le demandeur aura désignées au moment de déposer son dossier. C’est donc bien la responsabilité qui fonde l’obligation d’indemnisation ; nous reviendrons ultérieurement sur ce point, que contestent les laboratoires Servier.

Le responsable aura trois mois pour chiffrer l’indemnité proposée. Trois possibilités s’ouvriront alors.

Premièrement, l’offre est acceptée par la victime, qui renonce ainsi à toute autre indemnisation du fait des mêmes préjudices.

Deuxièmement, la victime juge l’offre anormalement basse, la refuse et engage une procédure judiciaire. Si le juge confirme cette appréciation, il pourra condamner le responsable à payer la réparation intégrale et ajouter une pénalité maximale de 30 %, qui sera versée à l’ONIAM.

Troisièmement, le responsable refuse de faire une offre dans les délais prévus. C’est alors l’ONIAM qui fera une offre à la victime. Si celle-ci l’accepte, l’Office sera subrogé dans ses droits et pourra se retourner contre tous ceux qu’il estime responsables. Ici encore, le juge pourra majorer les sommes dues d’une pénalité allant jusqu’à 30 % ; son montant aura partiellement pour but de compenser les frais engagés par l’ONIAM.

Afin de permettre à l’ONIAM de financer les indemnisations qu’il proposera, l’article 10 du projet de loi de finances rectificative prévoit d’abonder son budget pour 2011 de 5 millions d’euros. Des postes supplémentaires seront également ouverts pour lui permettre de traiter les dossiers.

Les laboratoires Servier, je l’ai dit, contestent le fait que le collège d’experts émette un avis sur la responsabilité des personnes mises en cause par la victime. Cependant, il est difficile d’imaginer quel pourrait être le fondement de l’obligation d’indemnisation si aucun responsable n’était désigné. On ne pourrait alors faire appel qu’à la solidarité nationale, ou à l’altruisme... Il paraît donc nécessaire que l’indemnisation soit à la charge d’une personne reconnue comme responsable du dommage.

Les laboratoires Servier seront vraisemblablement mis en cause dans tous les dossiers. Je tiens toutefois à préciser qu’une personne, ou une institution privée ou publique, qui se voit imputer un dommage a toujours la possibilité de se retourner contre tous ceux qu’elle estime en être responsables, en tout ou partie. Ce sont les actions intentées par les laboratoires contre l’État et les médecins qui permettront alors au juge de déterminer les responsabilités finales et, éventuellement, les remboursements dus aux laboratoires par les autres acteurs de santé et par l’État.

Ce dispositif a paru équilibré, dans son ensemble, aux membres de la commission des affaires sociales. Ils ont néanmoins considéré que nous ne pouvions faire l’économie d’une réflexion sur l’avenir des fonds du type de celui mis en place pour le Mediator. Si nous créons un nouveau dispositif législatif à chaque fois qu’une nouvelle affaire sanitaire éclate, nous risquons de juxtaposer les textes sans assurer leur cohérence. La commission souhaite donc obtenir du Gouvernement un rapport étudiant les conditions financières de la mise en place d’un fonds pérenne destiné à l’indemnisation des préjudices subis du fait des médicaments.

Sous réserve de cet amendement, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 22 du projet de loi de finances rectificative.

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