Intervention de Muguette Dini

Réunion du 21 juin 2011 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi, amendements 43 1 2012

Photo de Muguette DiniMuguette Dini, corapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre commission s’est saisie pour avis de l’article 8 du projet de loi de finances rectificative, car, outre qu’il porte sur une question relevant de notre champ de compétence, il traite d’un thème qui nous est cher, celui du développement de l’apprentissage et de l’alternance.

C’est un sujet dont nous reparlerons d’ailleurs prochainement lorsque nous examinerons la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, dont cet article 8 faisait initialement partie. À cet égard, je vous prie d’excuser l’absence de Sylvie Desmarescaux, corapporteur pour avis du présent projet de loi et rapporteur de la proposition de loi que je viens d’évoquer, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui. Elle sera bien évidemment présente lorsqu’il s’agira de défendre le texte qu’elle rapporte au fond.

J’en reviens au problème de l’insertion professionnelle des jeunes.

Avec un taux de chômage au niveau intolérable de 21, 4 % à la fin de 2010, il est devenu urgent d’actionner tous les leviers permettant d’assurer leur entrée rapide et durable sur le marché du travail.

La mesure présentée ici traduit les engagements du Président de la République, annoncés dans son discours du 1er mars 2011 à Bobigny. Avec comme objectif de porter à 800 000 le nombre de jeunes suivant une formation en alternance d’ici à 2015, contre 600 000 aujourd’hui, il a invité le Gouvernement à agir de manière volontariste en faveur de l’alternance.

Cet article comporte deux mesures. La première, d’ordre technique, consiste à transformer le Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage, le FNDMA, en un compte d’affectation spéciale. La seconde, à visée incitative, consiste à renforcer les obligations pesant sur les employeurs en matière d’embauche d’alternants. Elle instaure, sur la base de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, un système d’incitation fiscale de bonus-malus récompensant les comportements vertueux et sanctionnant ceux qui le sont moins.

La création d’un compte d’affectation spéciale constitue une avancée notable qu’il convient de saluer, car elle permettra de sanctuariser les moyens aujourd’hui consacrés au FNDMA.

Je vais laisser les questions de technique budgétaire au président et au rapporteur général de la commission des finances, mais nous savons qu’un compte d’affectation spéciale est le seul moyen, en droit budgétaire, d’affecter directement une recette à une dépense. Or les recettes du FNDMA provenant essentiellement de la taxe d’apprentissage, il ne me semble pas illégitime qu’elles soient affectées au financement des centres de formation d’apprentis et des actions en faveur des apprentis, d’autant que le système de bonus-malus devrait permettre une augmentation des moyens financiers disponibles chaque année.

Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses avantages, l’information du Parlement sur les dépenses et recettes de ce compte s’en trouvera améliorée, puisqu’un projet annuel de performance et un rapport annuel de performance seront publiés à l’occasion de la présentation du budget.

Je m’attarderai davantage sur la seconde partie de l’article 8, qui traite de la réforme de la contribution supplémentaire à l’apprentissage.

L’article 8 instaure un système de bonus-malus afin de mieux calibrer la sanction applicable aux entreprises de plus de 250 salariés qui ne respectent pas le quota d’apprentis imposé par la loi : les entreprises réfractaires paieront davantage, tandis que celles qui emploient beaucoup d’alternants percevront un bonus. Cette réforme prévoit donc, d’une part, de porter de 3 % à 4 % le quota de salariés en alternance qu’une entreprise doit respecter pour ne pas être redevable de la contribution et, d’autre part, de moduler le barème de la taxe en fonction de l’écart par rapport à l’objectif, ce qui rompt avec le taux uniforme actuel.

Cette mesure de justice et d’équité enverra un signal positif aux employeurs : les entreprises qui ne feront aucun effort en matière d’alternance paieront désormais six fois plus que celles qui se rapprocheront du quota. La commission des affaires sociales y est donc favorable. Toutefois, elle a émis trois réserves.

Elle déplore tout d'abord que les modalités de mise en œuvre du bonus, et notamment son montant, ne soient pas définies par le projet de loi, mais renvoyées à un décret. Il conviendra de s’assurer que le financement du bonus ne se fera pas au détriment d’actions plus structurelles en faveur de l’apprentissage, comme les conventions d’objectifs et de moyens que l’État est en train de conclure avec les régions.

Elle regrette ensuite que la budgétisation du financement de l’alternance demeure inachevée. En effet, les crédits affectés à ce secteur proviennent de sources multiples et sont partagés entre différents postes budgétaires, ce qui nuit tant à la lisibilité de l’action publique qu’à l’évaluation de la politique en faveur de l’alternance. La question du périmètre budgétaire mériterait donc d’être reposée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012.

La commission des affaires sociales tient enfin à rappeler que, par l’accord national interprofessionnel sur l’accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise, conclu le 7 juin dernier, les partenaires sociaux ont demandé au législateur d’apporter des modifications au système de bonus-malus. Ils proposent de lui substituer un régime reposant sur la fixation d’un objectif de progression du nombre de contrats en alternance à l’échelle de la branche. Or cela conduirait à exonérer de la contribution supplémentaire à l’apprentissage les entreprises peu vertueuses, mais qui appartiennent à une branche professionnelle qui l’est globalement. Dès lors, ne peut-on craindre un affaiblissement du dispositif proposé par le Gouvernement, qui combine, de manière équilibrée, incitation et sanction financières ?

Quoi qu’il en soit, l’article 8 a le mérite de relancer le débat sur le rôle de l’alternance dans l’accès des jeunes et des demandeurs d’emploi au marché du travail ainsi que sur les moyens à lui accorder. C’est la raison pour laquelle notre commission est favorable à son adoption.

Ce sujet ayant été étudié de manière plus approfondie par notre collègue Sylvie Desmarescaux, j’aborderai maintenant l’aspect auquel je me suis plus spécialement intéressée.

Au cours des débats, un article 18 bis a été ajouté au projet de loi par l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement. Cet article concerne la tarification, par les hôpitaux, des dépenses relatives à des patients couverts par l’aide médicale d’État, l’AME ; il entre donc pleinement dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales, et c'est pourquoi celle-ci a souhaité s’en saisir.

Je décrirai brièvement l’objet de l’article 18 bis nouveau.

La mise en place de la tarification à l’activité, la fameuse T2A, a été progressive et s’est accompagnée d’une période transitoire en ce qui concerne les modalités selon lesquelles les hôpitaux facturent leurs dépenses à l’assurance maladie. De fait, les hôpitaux ont pu continuer à facturer les dépenses relatives aux patients couverts par l’AME sur la base d’une ancienne tarification, qui varie selon les établissements et que ceux-ci fixent en s’appuyant sur des critères différents de ceux à partir desquels sont établis les tarifs de la T2A. Or ce système a malheureusement perduré, de sorte que les hôpitaux facturent aujourd’hui un tarif différent selon que le patient est couvert ou non par un régime d’assurance maladie. C’est d’ailleurs ce mécanisme artificiel qui explique en grande partie l’augmentation du coût de l’AME pour l’État.

Cette absence de transparence et cette hétérogénéité entre établissements avaient conduit notre commission, sur l’initiative de son rapporteur général, Alain Vasselle, à déposer un amendement d’appel lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Notre collègue estimait en effet, à juste titre, que la mise en place de la T2A devait au contraire conduire à une convergence des tarifs, quitte à ce que des dotations forfaitaires compensent un certain nombre de situations. Au reste, depuis deux ans et demi, une dotation incluse dans l’enveloppe des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, est précisément affectée à la prise en charge des patients en situation de précarité.

L’article 18 bis vise à aligner les tarifs. Il correspond donc à ce que nous avions préconisé l’an dernier. Pour autant, il demeure insatisfaisant dans la mesure où le passage à la facturation normale ne s’accompagne d’aucun délai ni d’aucune compensation. Or la différence entre les deux tarifs est estimée à environ 130 millions d’euros par an. Qui plus est, cette somme sera concentrée sur les quelques hôpitaux qui accueillent le plus de patients couverts par l’AME. Ainsi, la suppression de la tarification dérogatoire coûterait environ 46 millions d’euros à la seule Assistance publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP, ce qui augmenterait mécaniquement son déficit de 50 % sans qu’elle ait aucun moyen de s’adapter.

La commission des affaires sociales estime que l’unification de la tarification constitue une mesure de transparence et d’équité, mais qu’elle doit être accompagnée d’une augmentation de l’enveloppe des MIGAC pour les établissements concernés, et assortie d’une période de transition. C'est pourquoi notre commission a déposé l’amendement n° 43, qui vise à reporter au 1er mars 2012 l’entrée en vigueur de cette mesure, le 1er mars étant la date habituelle de renouvellement de la tarification hospitalière. Ce délai permettra de conserver le principe de l’unification de la tarification, tout en nous donnant le temps d’élaborer un mécanisme de financement, à la fois équilibré et satisfaisant pour tous, que nous examinerons lors du débat sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je souhaite enfin dire un mot de l’article 20, qui, en un sens, relève également du champ de compétence de la commission des affaires sociales.

Cet article crée une contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros, perçue pour toute instance introduite devant une juridiction administrative ou devant une juridiction judiciaire en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale. Son champ d’application est donc extrêmement large.

Or, au vu des auditions que nous avons organisées ces derniers jours, je ne suis pas certaine que cette mesure convienne à toutes les situations. Dans le champ prud’homal ou social, par exemple, le public concerné est particulièrement vulnérable ; dès lors, conditionner l’accès à la justice au paiement de ces 35 euros, sauf pour les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, est manifestement inadapté dans de nombreux cas. Nous en reparlerons à l’occasion de l’examen des amendements.

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