Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00
Audition de M. Luc Rémont candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président-directeur général pdg d'électricité de france edf

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Luc Rémont, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de Président-directeur général (PDG) du groupe EDF, une mission des plus importantes, à laquelle notre commission est très attentive.

Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition, devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique, ouverte à la presse et retransmise sur notre site Internet - je salue les journalistes et les salariés du groupe EDF qui nous écoutent. Elle sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que le dépouillement doit être effectué simultanément avec l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale entendant M. Rémont après nous, nous dépouillerons les bulletins à la mi-journée.

En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne peut procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs exprimés dans les deux assemblées représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Avant de passer la parole à notre collègue Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie » et rapporteur sur cette nomination, je souhaite rappeler solennellement ici la gravité de la crise énergétique que nous traversons. La guerre russe en Ukraine a évidemment une incidence considérable sur le marché gazier et, par voie de conséquence, sur le marché électrique, en raison du principe du coût marginal qui les lie. De plus, notre production d'électricité nucléaire est au plus bas, avec une perspective de moins de 300 térawattheures (TWh) pour cette année, compte tenu du phénomène désormais bien connu de corrosion sous contrainte, qui a touché 30 réacteurs sur 56 cette année. Nous avons été la première instance parlementaire à évoquer directement et précocement ce sujet, ainsi que ses implications sur notre sécurité d'approvisionnement, dès février dernier, dans le cadre des travaux de nos collègues Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau.

Dans ce contexte, très dégradé, nous déplorons les hésitations du Gouvernement. On légifère dans le désordre, alors qu'il aurait fallu commencer par la programmation, puis le nucléaire, puis le renouvelable. Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables ne comportait, jusqu'à notre examen hier soir en commission, aucune disposition sur l'hydroélectricité, pourtant notre première source d'électricité renouvelable. La présentation en Conseil des ministres du projet de loi d'accélération de l'énergie nucléaire a été reportée, laissant en suspens la relance de cette filière, annoncée en octobre 2021 et février 2022. Enfin, nous sommes dans le flou s'agissant de notre cap énergétique, l'objectif de réduction à 50 % de notre production nucléaire et la fermeture de 12 réacteurs, au-delà de ceux de Fessenheim, étant toujours inscrits dans la loi et le règlement. C'est ubuesque !

Ce manque de cap est aussi palpable dans les relations entre le Gouvernement et le groupe EDF. Votre prédécesseur, Jean-Bernard Lévy, a été mis publiquement en cause par le Président de la République, le 6 septembre dernier, sur un manque d'anticipation de la relance du nucléaire. Mais pour permettre aux opérateurs économiques d'anticiper, c'est au pouvoir politique de leur donner un cap. Or, au-delà des effets d'annonces, le Gouvernement a beaucoup louvoyé. Nous l'avons dit dans une lettre ouverte, avec notre collègue Daniel Gremillet.

Le Gouvernement a multiplié les décisions qui nous semblent défavorables au groupe EDF : la fermeture des réacteurs de Fessenheim, en mars et juin 2020, c'est une perte de 1,8 gigawatt et de 2 000 emplois directs et indirects ; le relèvement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), en février 2022, c'est un manque de 10 milliards d'euros. Autant de moyens en moins, alors que le groupe est grevé d'une dette de 43 milliards d'euros et confronté à un « mur d'investissements », pour relancer le nucléaire et accélérer le renouvelable. L'équation est très complexe. Et la nationalisation du groupe, très floue, ne la règle aucunement. À défaut d'action gouvernementale, notre commission a gelé le plafond de l'Arenh à 120 TWh et relevé son montant à 49,5 euros par mégawattheure (MWh), non sans difficultés, dans le cadre de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat d'août dernier : c'est donc une question à laquelle nous sommes très attentifs...

Vous arriveriez donc, Monsieur Rémont, dans un contexte de crise, d'urgence, avec une conjoncture chaotique et des chantiers titanesques. Si votre nomination était confirmée par le Parlement, vous seriez, en quelque sorte, un capitaine en pleine tempête mais doté, il est vrai, d'une solide expérience. Nous avions auditionné votre prédécesseur à six reprises ces dernières années ; je ne doute pas que nous serons appelés à nous revoir en cas de confirmation...

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