Commission des affaires économiques

Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Luc Rémont, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de Président-directeur général (PDG) du groupe EDF, une mission des plus importantes, à laquelle notre commission est très attentive.

Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition, devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique, ouverte à la presse et retransmise sur notre site Internet - je salue les journalistes et les salariés du groupe EDF qui nous écoutent. Elle sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que le dépouillement doit être effectué simultanément avec l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale entendant M. Rémont après nous, nous dépouillerons les bulletins à la mi-journée.

En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne peut procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs exprimés dans les deux assemblées représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Avant de passer la parole à notre collègue Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie » et rapporteur sur cette nomination, je souhaite rappeler solennellement ici la gravité de la crise énergétique que nous traversons. La guerre russe en Ukraine a évidemment une incidence considérable sur le marché gazier et, par voie de conséquence, sur le marché électrique, en raison du principe du coût marginal qui les lie. De plus, notre production d'électricité nucléaire est au plus bas, avec une perspective de moins de 300 térawattheures (TWh) pour cette année, compte tenu du phénomène désormais bien connu de corrosion sous contrainte, qui a touché 30 réacteurs sur 56 cette année. Nous avons été la première instance parlementaire à évoquer directement et précocement ce sujet, ainsi que ses implications sur notre sécurité d'approvisionnement, dès février dernier, dans le cadre des travaux de nos collègues Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau.

Dans ce contexte, très dégradé, nous déplorons les hésitations du Gouvernement. On légifère dans le désordre, alors qu'il aurait fallu commencer par la programmation, puis le nucléaire, puis le renouvelable. Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables ne comportait, jusqu'à notre examen hier soir en commission, aucune disposition sur l'hydroélectricité, pourtant notre première source d'électricité renouvelable. La présentation en Conseil des ministres du projet de loi d'accélération de l'énergie nucléaire a été reportée, laissant en suspens la relance de cette filière, annoncée en octobre 2021 et février 2022. Enfin, nous sommes dans le flou s'agissant de notre cap énergétique, l'objectif de réduction à 50 % de notre production nucléaire et la fermeture de 12 réacteurs, au-delà de ceux de Fessenheim, étant toujours inscrits dans la loi et le règlement. C'est ubuesque !

Ce manque de cap est aussi palpable dans les relations entre le Gouvernement et le groupe EDF. Votre prédécesseur, Jean-Bernard Lévy, a été mis publiquement en cause par le Président de la République, le 6 septembre dernier, sur un manque d'anticipation de la relance du nucléaire. Mais pour permettre aux opérateurs économiques d'anticiper, c'est au pouvoir politique de leur donner un cap. Or, au-delà des effets d'annonces, le Gouvernement a beaucoup louvoyé. Nous l'avons dit dans une lettre ouverte, avec notre collègue Daniel Gremillet.

Le Gouvernement a multiplié les décisions qui nous semblent défavorables au groupe EDF : la fermeture des réacteurs de Fessenheim, en mars et juin 2020, c'est une perte de 1,8 gigawatt et de 2 000 emplois directs et indirects ; le relèvement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), en février 2022, c'est un manque de 10 milliards d'euros. Autant de moyens en moins, alors que le groupe est grevé d'une dette de 43 milliards d'euros et confronté à un « mur d'investissements », pour relancer le nucléaire et accélérer le renouvelable. L'équation est très complexe. Et la nationalisation du groupe, très floue, ne la règle aucunement. À défaut d'action gouvernementale, notre commission a gelé le plafond de l'Arenh à 120 TWh et relevé son montant à 49,5 euros par mégawattheure (MWh), non sans difficultés, dans le cadre de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat d'août dernier : c'est donc une question à laquelle nous sommes très attentifs...

Vous arriveriez donc, Monsieur Rémont, dans un contexte de crise, d'urgence, avec une conjoncture chaotique et des chantiers titanesques. Si votre nomination était confirmée par le Parlement, vous seriez, en quelque sorte, un capitaine en pleine tempête mais doté, il est vrai, d'une solide expérience. Nous avions auditionné votre prédécesseur à six reprises ces dernières années ; je ne doute pas que nous serons appelés à nous revoir en cas de confirmation...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Madame la présidente, monsieur Rémont, mes chers collègues, cette audition est tout sauf formelle, elle est éminemment stratégique car l'enjeu est de redonner un cap au groupe EDF, dans la situation de crise énergétique et de dette financière rappelée par notre présidente. Ce cap sera déterminant pour relancer le nucléaire et accélérer le renouvelable. Il sera déterminant pour la capacité des ménages à supporter les coûts de l'énergie, celle de nos entreprises à maintenir leur compétitivité, celle de notre production industrielle à se relocaliser dans nos territoires. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant notre commission, j'ai la conviction que, dans un pays, il y a deux formes de souveraineté : alimentaire et énergétique.

Ma première interrogation concerne votre parcours. Diplômé de l'école polytechnique, vous avez été conseiller ministériel au début des années 2000. Vous avez travaillé à la direction générale de l'armement et à celle du trésor, avez exercé dans le secteur bancaire puis avez intégré Schneider Electric en 2014, dont vous êtes actuellement le directeur général des opérations internationales. Ce solide parcours est toutefois un peu éloigné des missions de production ou de fourniture d'énergie, telles que celles du groupe EDF. En quoi votre parcours peut-il vous aider dans vos fonctions ? De plus, on lit dans la presse que vous auriez conseillé la vente de la branche énergie d'Alstom à General Electric, lorsque vous étiez dans le secteur bancaire : est-ce le cas et quel enseignement en tirez-vous ?

Ma deuxième interrogation concerne le groupe EDF. Ces dernières années, ont été successivement annoncés par le Gouvernement le projet « Hercule », devenu « Grand EDF », puis la nationalisation du groupe. Quel est votre point de vue sur l'organisation du groupe ? Une réforme est-elle toujours à l'agenda, avec une scission des activités nucléaire et renouvelable ? Pensez-vous que la Commission européenne puisse accepter, en l'absence de réforme, une nouvelle régulation du nucléaire existant et le règlement du contentieux hydroélectrique ? Votre prédécesseur avait souhaité la révision de l'Arenh, qu'il qualifiait de « poison », et la mise à l'abri des concessions, via un mécanisme de quasi-régie : êtes-vous sur la même ligne ? La nationalisation vous semble-t-elle suffisante pour répondre aux défis financiers, économiques et sociaux du groupe ?

Ma troisième interrogation a trait à la relance du nucléaire. En juillet dernier, nous avons adopté à la quasi-unanimité un rapport très complet intitulé « Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir » : tout est dit dans le titre ! Dans ce rapport, nous appelons à redresser rapidement la production du parc existant. Pouvez-vous nous rassurer sur le phénomène de corrosion sous contrainte ? Quelle est votre analyse ? Quelles sont vos prévisions de production et de calendrier ? Avez-vous mis en oeuvre le procédé de contrôle par ultrasons, plus rapide, des réacteurs ? Quel est l'impact financier sur le programme du Grand Carénage ? Où en est la mise en service de la centrale de Flamanville, que nous avons eu le plaisir de visiter, le 10 juillet dernier ?

Dans notre rapport, nous plaidons pour un mix énergétique majoritairement nucléaire d'ici 2050, afin de réaliser concrètement le scenario « N03 » du Réseau de transport d'électricité (RTE). Pour ce faire, nous souhaitons la commande ferme, non pas de 6, mais de 14 European Pressurized Reactors (EPR) et de 4 GW de Small Modular Reactors (SMR). Nous y interrogeons aussi quelques impensés de la relance annoncée du nucléaire : pour RTE, il manque 3 EPR en l'absence de prolongation au-delà de 60 ans, et 9 EPR dans l'hypothèse d'une réindustrialisation profonde - que nous souhaitons tous. Quel scenario et quel nombre de réacteurs ont votre préférence ?

Il faut également convenir d'un modèle de financement. À l'échelon européen, ce financement passe par un consortium d'électro-intensifs, un prêt de l'opérateur ou de l'État, ou encore des fonds propres en contrepartie d'un prix de long-terme, fixe ou révisable. S'agissant de la France, la Cour des comptes a indiqué que le groupe ne pourrait pas assumer tout seul ce financement. Quel est votre appréciation des choses ? Enfin, une relance du nucléaire nécessite des compétences : la construction de 6 EPR, c'est déjà 30 000 emplois ! Certes, le groupe et la filière ont réalisé un effort considérable sur ce plan, mais est-ce à la hauteur du défi ? L'État ne devrait-t-il pas s'engager davantage à leurs côtés ?

Ma quatrième interrogation a trait aux énergies renouvelables et au vecteur hydrogène. Le groupe EDF est très engagé pour le déploiement de l'énergie solaire, de l'éolien en mer, de l'hydrogène, du stockage ou de l'électromobilité. Les objectifs de 30 GW du plan solaire de 2017, de 10 GW du plan stockage de 2018 et de 3 GW du plan hydrogène de 2022, sont-ils encore d'actualité ? Ne faudrait-il pas les rehausser, au-regard de l'ambition du Paquet « Ajustement 55 » ? Et pourquoi ne pas fixer d'objectif en matière d'éolien en mer ? Dans notre rapport, avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, nous évoquons notre souhait de développer l'hydrogène aux côtés du nucléaire, car la stratégie française en la matière doit avant tout se fonder sur un hydrogène issu du réseau d'électricité : partagez-vous cette position ? Pensez-vous que le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables soit suffisant au regard des besoins de la transition énergétique, car il est muet sur l'hydroélectricité et l'hydrogène ?

Ma dernière question concerne le marché européen de l'électricité, étant donné que la crise énergétique actuelle est aussi une crise européenne. D'une part, les objectifs fixés par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » vous semblent-ils réalistes ? Dans le cadre de nos travaux, avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone, nous avons relevé un manque de neutralité technologique entre énergie renouvelable et bas-carbone et entre hydrogène renouvelable et bas-carbone. Cela nous semble mettre en cause le droit souverain des États de définir leur mix énergétique. Partagez-vous cette opinion ? D'autre part, les mesures proposées par le plan RePowerEU vous paraissent-elles suffisantes ? La révision du marché européen de l'électricité, avec un découplage du prix de l'électricité de celui du gaz, est souvent évoquée : est-elle souhaitable ?

Debut de section - Permalien
Luc Rémont

C'est un honneur de me présenter devant votre commission à la demande du Président de la République qui vous a saisi du projet de me nommer comme PDG d'EDF, si le conseil d'administration d'EDF le propose et si le Parlement l'approuve.

Par l'importance de sa mission et grâce aux succès qui ont émaillé son histoire, EDF est une fierté nationale dont nos concitoyens attendent légitimement beaucoup. Les générations de femmes et d'hommes qui ont façonné cette entreprise peuvent être fiers de leur contribution au développement de notre pays depuis 1946. Et c'est convaincu du rôle essentiel, stratégique, qu'EDF joue et aura à jouer dans les prochaines décennies et de l'ampleur de la responsabilité de diriger cette entreprise unique, que je me présente devant vous.

Je dois surmonter ma réticence à parler de moi pour vous dire d'abord deux choses, l'une générale, l'autre plus personnelle, avant de vous décrire brièvement mon parcours.

La première, c'est que je vois ce rôle de PDG d'EDF moins comme une fonction que comme une mission. L'énergie, la transition énergétique, l'électricité et son prix pour la société, le nucléaire, les énergies renouvelables et les réseaux et, englobant tout cela, l'avenir d'EDF dans les temps que nous traversons, ceci suppose la mobilisation de toutes les énergies, à commencer par la mienne. Je voudrais simplement vous dire que j'y suis prêt et aussi que je suis convaincu que tous les personnels de l'entreprise le sont également.

Le second point est plus personnel. Si je suis prêt à assumer cette mission que la présidente a qualifié de « difficile », c'est parce que j'y trouve l'occasion de porter à leur aboutissement les idéaux de ma jeunesse. Je crois avoir servi l'intérêt général dans tous les postes que j'ai occupés, y compris ceux du secteur privé. Mais EDF, pour le dire familièrement, c'est autre chose. C'est peut-être la mission d'une vie pour un homme qui, au moment des études et des concours républicains, a rêvé d'être ingénieur, de servir l'industrie française, et pour qui vient le moment de rendre à son pays tout ce qu'il a pu donner à un jeune français comme les autres, élevé dans les valeurs du mérite et du travail.

Ingénieur de formation, je n'ai jamais cessé d'apprendre au long de bientôt 30 ans d'une vie professionnelle, dédiée pour moitié au service de l'État puis pour moitié à la vie d'entreprise. Dans les différents métiers qui m'ont offert la chance d'une expérience diversifiée, mon parcours a toujours été focalisé sur le développement de l'industrie française, et très largement au monde de l'énergie.

De mes années au service de l'État, j'ai appris le développement d'une filière technologique appliquée aux grands programmes spatiaux à la DGA, puis celui des grands projets d'infrastructures associés aux banques de développement au Trésor. J'ai participé aux négociations du protocole de Kyoto sur le changement climatique et au suivi de la mise en sureté des centrales nucléaires issues du bloc de l'Est à la fin des années 1990. Au début des années 2000, au sein du ministère des finances, j'ai soutenu le développement et la transformation des entreprises dont l'État est actionnaire, dans une période d'évolution rapide du cadre européen pour l'ensemble des services publics. J'y ai connu de nombreuses négociations communautaires. C'est à cette période que j'ai appris à connaître le secteur de l'énergie, qui vivait l'une de ses premières mutations à l'échelle européenne, il y en a eu bien beaucoup d'autres depuis.

J'ai souhaité ensuite apprendre davantage en exerçant une activité opérationnelle dans le monde de l'entreprise. J'ai commencé dans le secteur financier, au moment de la crise financière. J'y ai appris la conduite d'une activité en crise alors que le monde financier s'écroulait, l'importance de rester proche de ses clients en toute circonstance, et j'ai continué de développer ma connaissance de l'industrie française et internationale en accompagnant le développement stratégique et le financement de nombreux groupes.

Enfin, depuis bientôt 9 ans, c'est avec beaucoup de bonheur que je sers le groupe Schneider Electric, un autre fleuron de notre industrie française, leader technologique mondial engagé dans la décarbonation de la planète grâce à l'électrification de nos usages et à l'utilisation des technologies digitales pour améliorer l'efficacité énergétique et opérationnelle de tout type d'infrastructures. Je dirige, depuis bientôt 6 ans, l'activité du groupe dans une soixantaine de pays, principalement les pays émergents, qui représentent environ un quart du chiffre d'affaires du groupe avec une présence opérationnelle, industrielle et humaine très forte. Je dirige des équipes pluridisciplinaires et de cultures différentes, je développe leurs compétences au service de nos clients, de notre technologie et de notre capacité industrielle. Cette expérience m'a conduit à travailler avec la plupart des opérateurs électriques pour leur modernisation technique et numérique et à connaitre l'évolution de marchés de l'électricité très variés. Enfin, pendant cette période, à la demande de l'État, j'ai été pendant 5 ans membre du conseil d'administration de Naval Group, me donnant l'occasion de suivre de près, comme président du comité d'audit de ce groupe, le déroulement du seul programme français actuel de production en série de chaufferies nucléaires pour les sous-marins d'attaque Barracuda.

C'est nourri de ces expériences diversifiées, et conscient qu'il me faut encore beaucoup apprendre, que j'aborde cette nouvelle phase de ma vie professionnelle. Au-delà des compétences et de l'expérience accumulée, je sais que la réussite de la mission suppose d'abord de mobiliser toute l'entreprise et l'ensemble de ses parties prenantes autour d'un projet d'avenir pour l'électricité et dans lequel EDF jouera pleinement son rôle. J'y trouve une très grande motivation et je voudrais partager avec vous quelques idées initiales, qui ne sont à ce stade que celles d'un observateur extérieur à l'entreprise, sur la façon dont je perçois les priorités stratégiques pour EDF.

Tout d'abord, comme la présidente et le rapporteur l'ont indiqué, nous sommes dans un contexte critique à court terme, qui rappelle le rôle essentiel joué par l'énergie et en particulier par l'électricité dans nos sociétés. Alors que l'Europe a bénéficié d'une grande sécurité énergétique pendant les dernières décennies, l'énergie est devenue aujourd'hui une arme dont la Russie use pour affaiblir nos sociétés et tenter de diviser l'Union européenne.

Avant même de parler de prix de l'énergie, c'est notre capacité à disposer de suffisamment d'énergie pour répondre à nos besoins qui est en jeu avec l'arrêt de l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe notamment. Malheureusement, dans ce contexte de crise énergétique, EDF traverse elle-même une crise sérieuse d'ordre technique et industriel, qui accentue la tension sur l'offre d'énergie.

Le phénomène inattendu de corrosion sous contrainte sur certains réacteurs nucléaires est venu soudainement aggraver la tendance baissière de la production nucléaire observée depuis plusieurs années, liée au vieillissement du parc et à la nécessité de son entretien. Je n'ai pas une connaissance suffisante de la situation pour vous livrer un diagnostic. Je constate que l'entreprise, en liaison avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a appliqué d'emblée des mesures mettant la sûreté au premier plan, qui est une condition essentielle du pacte de confiance qui lie EDF à la Nation. En lien avec les entreprises de la filière nucléaire et l'ASN, l'entreprise a immédiatement mis en place un plan pour mettre en oeuvre les solutions adaptées dans les dans les meilleurs délais pour permettre la reprise de la production en toute sûreté. J'ai été confronté plus d'une fois à des difficultés de production soit au sein de Schneider Electric soit chez nos clients, et je sais que cela nécessite la mobilisation de toute l'entreprise et de tout le secteur, ce qui est le cas aujourd'hui ; je consacrerai totalement dès les premières heures de mon mandat, à la tête et aux cotés des équipes d'EDF et avec les entreprises de la filière, à tenir les engagements de l'entreprise pour la reprise de la production des réacteurs à l'arrêt.

Au-delà de la production électrique nucléaire, la situation de tension énergétique dans toute l'Europe liée au gaz et à l'hydroélectricité - imputable sur ce second point à la sécheresse estivale - nous impose de nous préparer collectivement au passage de l'hiver, par un effort de réduction de notre consommation. Convaincu de très longue date de la nécessité de la sobriété et de l'efficacité énergétiques, je soutiens totalement les initiatives permettant à chacun d'agir en citoyen. Cet effort collectif est indispensable pour alléger la demande et diminuer les risques de délestage cet hiver et les suivants.

Le prix de l'électricité est bien sur la résultante de toutes ces tensions, sur le gaz, le nucléaire, mais aussi l'hydraulique, à l'échelle européenne. À court terme, les clients français bénéficient d'une meilleure protection que leurs voisins européens. Le prix de l'électricité en Europe est en moyenne deux fois plus élevé qu'en France aujourd'hui. Il existe pourtant des situations difficiles, qui ne sont guère satisfaisantes : je travaillerai avec les clients d'EDF et avec le Gouvernement pour trouver des solutions adaptées, chaque fois que c'est possible.

Dans ce contexte, la situation financière d'EDF se tend, sous l'effet conjugué de la baisse de la production et des mesures de régulation destinées à limiter les hausses de prix de l'électricité. Cette situation nécessite de la vigilance à court terme, pour ne pas devoir réduire les investissements et compromettre l'avenir. Elle devrait s'améliorer avec la reprise progressive de l'activité du parc nucléaire, mais elle nécessite impérativement de trouver un équilibre et une visibilité de long terme de la régulation, permettant de nous engager dans un nouveau cycle d'investissements devenu indispensable.

J'évoquerai les priorités et perspectives de moyen terme d'EDF.

Tous les experts internationaux confirment le rôle grandissant de l'électricité décarbonée, dont toutes les formes devront être mobilisées : nucléaire, hydraulique, éolien, solaire, thermique décarboné, stockage, flexibilité, smart grids... Je constate dans mes fonctions actuelles à quel point ce mouvement est mondial, et à quel point la croissance des besoins en électricité nécessite une intelligence de système, de la production aux clients en passant par les réseaux. Je suis convaincu que nous sommes au début d'une nouvelle révolution industrielle, fondée sur l'électricité et le numérique, et de l'importance de l'électricité pour atteindre l'ambition de la France d'être neutre en carbone en 2050.

De manière générale, EDF est attendu comme un acteur majeur de cette transition. EDF a connu une mue importante : du grand service public de l'électricité engagé dans la production électrique, dans les réseaux et la commercialisation d'un tarif unique, il s'est transformé, en l'espace de deux décennies, en un acteur d'un marché européen concurrentiel, producteur d'électricité aussi bien nucléaire que renouvelable, développant et construisant des installations de production d'électricité décarbonée en France, en Europe et dans le monde. Son offre commerciale s'est considérablement diversifiée, pour satisfaire les attentes du marché. Les réseaux se sont adaptés à la décentralisation et à la numérisation. C'est aujourd'hui un grand énergéticien mondial, qui doit continuer à tenir ce rang.

Grâce à l'étendue et à la qualité des compétences dont elle dispose, et par la nature même de sa raison d'être, EDF est bien placé pour jouer un rôle de premier plan de ce nouveau monde électrique.

Je voudrais détailler un certain nombre de piliers stratégiques essentiels pour le succès de cette mission.

J'ai observé bien des opérateurs électriques dans le monde et je crois que le succès de leur mission repose sur la capacité de développer de façon optimale trois piliers d'activité, qui constituent un ensemble, comme pour toute industrie : les solutions permettant aux clients d'optimiser leur consommation énergétique, une production compétitive et résiliente de diverses sources d'électricité, et des réseaux assurant la fourniture et l'équilibre partout et à tout moment, dans le respect de leur gouvernance spécifique.

Je commencerai par les clients, sans qui aucune entreprise n'existe, encore plus pour EDF, dont le rôle est premier dans la satisfaction des besoins collectifs.

Les difficultés de court terme sur le prix de l'électricité doivent conduire à accélérer les solutions permettant aux clients, entreprises, particuliers, collectivités, de mieux gérer leur énergie. Il y a d'ores et déjà une accélération massive en France des raccordements d'autoconsommation, qui est un rattrapage par rapport à d'autres pays. EDF doit continuer à accompagner ses clients dans leur transition énergétique. Cela concerne les entreprises et collectivités dans leurs installations industrielles ou tertiaires, ou pour développer des outils intelligents pour les aider à piloter leur consommation. Cela concerne également les particuliers souhaitant réduire leur consommation, électrifier leur véhicule, installer une pompe à chaleur ou devenir auto-consommateurs. Ces évolutions, ainsi que le développement de capacités de stockage, permettront d'introduire davantage de flexibilité dans le système électrique qui en a grandement besoin, et d'accompagner l'électrification des usages, en limitant les volumes d'investissements en moyen de production centralisés. La priorité d'EDF est d'apporter ces solutions innovantes à tous ses clients.

Sur les enjeux de production électrique, nous sommes à la croisée des chemins et les analyses publiées par RTE sur les scénarios de production et d'investissements d'ici 2050 offrent une perspective très éclairante sur l'avenir. Sans entrer dans le commentaire de chaque scénario, et en me limitant à commenter ce qu'il convient d'engager sans attendre pour répondre à la demande électrique, il me paraît raisonnable de dire que le problème est moins de piloter finement la part à terme de chaque mode de production, que de se mettre en mesure d'investir et de construire autant que possible pour chaque mode production, pour s'assurer une production suffisante et diversifiée à terme.

Je commencerai par le nucléaire. Il n'y a pas de stratégie bas-carbone possible sans production nucléaire. C'est évidemment l'approche de la France depuis très longtemps. De plus en plus de pays parviennent à cette conclusion, constatant que le nucléaire est la seule technologie fournissant une électricité de base non carbonée. Nous avons la chance que nos anciens aient réussi la performance inouïe de développer une filière industrielle et de déployer 58 réacteurs en moins de 20 ans, qui nous permettent de bénéficier depuis d'une électricité compétitive et abondante.

Entretenir et prolonger la durée de vie de ce parc est naturellement la première priorité d'investissement d'EDF avec le programme du « Grand carénage ». Mais il nous faut également être prêt lorsque la performance de nos anciens nous rattrapera, face à l'effet « falaise », quand le parc construit en peu d'années ne pourra plus être prolongé et quand il nous faudra trouver une source de renouvellement. C'est la raison pour laquelle le nouveau programme nucléaire français doit maintenant être rapidement lancé, pour que nous disposions durablement d'une électricité de base suffisante. C'est le cap fixé par le Président de la République, dans son discours de Belfort.

Ce défi est d'abord humain. Je suis convaincu que disposer des compétences les plus pointues dans l'ensemble de la filière nucléaire est crucial pour parvenir à relever le niveau de la production et pour sécuriser aussi le grand programme industriel qui s'annonce, avec la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France.

J'ai conscience du rôle singulier d'EDF à la tête de la filière nucléaire qu'elle recompose activement avec l'intégration de Framatome en 2018 et demain des activités nucléaires de General Electric. Il nous faudra structurer et amplifier le travail mené depuis quelques années, pour attirer à nouveau les talents dans ces métiers, dans l'industrie française. J'aurai à coeur de garantir que la filière dispose durablement des compétences nécessaires, pour relever le grand défi qui se présente à elle.

Naturellement il y a de nombreuses autres dimensions, techniques, financières et industrielles, à ce défi. Ce n'est pas seulement celui de l'entreprise mais celui de la Nation. Je m'attacherai à définir avec les pouvoirs publics l'ensemble des modalités nécessaires au succès de ce programme, avec l'obsession de fournir aux Français une électricité abondante, sûre, compétitive et durable, dans les meilleurs délais.

Nous devrons aussi retrouver le chemin du développement dans l'hydraulique. L'eau est une ressource dont les usages sont multiples, absolument majeurs, que ce soit pour l'énergie, l'agriculture, le tourisme, et nous devons exploiter tout son potentiel. Le rôle d'EDF auprès des collectivités est d'assurer la cohérence de la ressource le long des cours d'eau et de conjuguer une production hydroélectrique durable et les autres usages, tout en préservant la biodiversité. Les projets d'investissements ne se réalisent pas aujourd'hui par manque de visibilité sur le cadre de long terme. Je sais que des discussions, mentionnées par le rapporteur, sont en cours pour fournir un tel cadre à EDF, et je m'attacherai à ce qu'elles aboutissent pour permettre de relancer ce secteur.

Le développement des énergies renouvelables, qui occupe beaucoup votre commission en ce moment, est également une composante essentielle d'une production diversifiée pour EDF, en tant qu'opérateur de système électrique. EDF s'y est largement engagé avec des partenaires financiers permettant de partager les besoins d'investissements. La France n'est pas en reste dans le développement d'EDF dans les énergies renouvelables puisque le groupe est leader de l'éolien terrestre, leader de l'éolien maritime en France et sur le podium pour le solaire. Mais nous savons qu'il faut accélérer. EDF ne sera durablement performant en France qu'en restant un grand acteur mondial, dont la taille critique lui permet de bénéficier des effets d'échelle, de disposer de conditions d'achat optimale, en partageant avec des partenaires les investissements nécessaires, pour ne pas peser excessivement sur la capacité de financement du groupe.

Troisième pilier indispensable du système électrique : la performance des réseaux. Les réseaux de transport et de distribution sont eux-mêmes en pleine mutation, pour faciliter la transition énergétique, et l'importance de l'électricité dans notre quotidien conduit à une très grande exigence de qualité. Le métier de la distribution électrique est très fortement ancré dans le territoire, et accompagne les changements profonds associés à la production renouvelable décentralisée. La flexibilité accrue de l'offre et de la demande d'électricité locale changent profondément la nature du métier de gestionnaire de réseaux et nécessite des investissements importants en raccordements et en systèmes numériques. Nous passons d'un réseau unidirectionnel acheminant l'électricité à partir de grands centres de production vers les consommateurs, à un réseau bidirectionnel, qui maille le territoire en permettant la flexibilité et l'échange d'électricité. C'est une révolution, en cours dans tous les pays du monde. La priorité pour EDF, dans le respect de la gouvernance spécifique aux réseaux, est de soutenir ces transformations, dans un cadre de régulation adapté.

Je voudrais ajouter un point simple mais essentiel, pour répondre à une question du rapporteur : répondre à ces enjeux stratégiques du système électrique ne sera possible que si nous réformons en profondeur nos règles de marché à l'échelle européenne bien sûr, mais aussi à l'échelle nationale en partie, pour permettre l'investissement et donner à EDF un cadre stable à moyen terme.

Comme indiqué par la présidente, la crise énergétique actuelle met en lumière un certain nombre de faiblesses de nos règles de marché européennes. Les gouvernements européens ont adopté des mesures d'urgence pour faire face aux défis les plus immédiats et protéger les consommateurs des hausses exorbitantes du prix de gros, en agissant sur le gaz électrogène et sur les prix de production de l'électricité.

Au-delà de la crise actuelle, il est nécessaire de réfléchir au futur cadre de marché européen, pour compenser les défaillances des règles de marché européennes mis en lumière par la crise. Notre cadre de marché est trop exclusivement orienté vers l'équilibre à court terme, son mécanisme de formation de prix associé à celui du gaz, a des conséquences lourdes - alors même que sa part tend à diminuer dans le mix électrique -, et les besoins de flexibilité du marché ne sont pas suffisamment pris en compte - notamment sous forme de contrats de long terme et de pilotage de la demande.

Je suis heureux que le Sommet européen de la semaine dernière ait engagé le travail communautaire pour repenser le cadre de marché, EDF apportera ses idées et son expertise aux autorités françaises et européennes, à qui il revient de fixer ce cadre.

Le mécanisme de l'Arenh est à bout de souffle. S'il a permis de protéger les clients de prix de marché trop élevés, y compris en ce moment, il n'a pas conduit à développer de véritables investissements concurrents, tout en affaiblissant sérieusement ceux d'EDF. Son échéance est fixée à 2025 et je m'attacherai à créer avec l'État et la Commission européenne l'indispensable visibilité de moyen terme nécessaire pour sécuriser la trajectoire d'investissements d'EDF pour le pays.

Comme ingénieur, je suis convaincu que l'évolution technologique va continuer de nous apporter des solutions nouvelles pour l'électricité. C'est le rôle d'EDF d'y contribuer dans le domaine de la recherche et du développement (R&D). C'est aussi la raison d'une présence à l'international, destinée à connaître et pratiquer des environnements électriques différents.

Sur tous ces aspects stratégiques, qui s'inscrivent dans la continuité de la raison d'être d'EDF, définie sous l'égide de l'actuel PDG Jean-Bernard Levy, avec une très large participation au sein de l'entreprise, j'engagerai un travail en profondeur avec les équipes d'EDF dans les premiers mois, destiné à proposer une feuille de route, d'ici le printemps.

Pour terminer, je veux partager quelques convictions fortes, qui guident mon action en tant que dirigeant d'entreprise.

Je crois que la satisfaction des clients est le premier objectif de toute entreprise ; que la réussite de l'entreprise passe par l'engagement et le développement des compétences et des talents des personnes qui la composent ; que la diversité des origines et des savoirs et la mixité sont indispensables à la réussite d'une équipe ; que le dialogue entre les parties prenantes de l'entreprise et le dialogue social créent la confiance nécessaire à son progrès ; que la concurrence et la compétition sont bénéfiques à l'entreprise, en la poussant à faire mieux sans cesse ; que la culture de l'engagement et de la performance est indispensable à la réussite d'un projet d'entreprise ; que la responsabilité sociale d'entreprise est un engagement, pas une contrainte ; qu'il est possible de concilier préservation de la planète, développement et bien-être ; et, enfin, que l'électricité décarbonée est un atout majeur de progrès et d'industrialisation.

EDF n'est certes pas une entreprise comme les autres. Dépositaire du modèle du service public et animée par l'intérêt général, l'entreprise doit relever en même temps de nombreux défis. Au-delà des défis du moment, je crois qu'elle est en mesure de renouer avec l'excellence et l'exemplarité industrielles, qui font notre fierté partout dans le monde, et de jouer un rôle majeur dans l'avenir électrique.

L'actionnariat d'EDF est appelé à évoluer dans le cadre du projet de l'État de détenir 100 % du capital en tant qu'actionnaire de long terme. En plein accord avec l'État actionnaire, EDF restera gérée comme une entreprise industrielle, avec son intérêt social et sa personnalité morale propres. Ce seront ma mission et ma façon de travailler.

Je souhaite aborder cette mission en bâtissant une vision d'avenir et une relation de confiance avec les pouvoirs publics, indispensable pour réussir à relever les défis d'ampleur nationale qui sont devant nous. EDF ne peut réussir à servir le pays qu'avec cette relation de confiance. Je m'attacherai à ce qu'elle soit nourrie de contacts réguliers avec votre commission et avec l'ensemble des élus dans les territoires. Et je serais naturellement ravi de revenir devant vous dans quelques mois, si vous confirmez ma nomination et si vous me le permettez.

Je souhaite commencer par essayer de répondre à certaines questions du rapporteur que je n'aurais pas d'ores-et-déjà couvertes.

Sur Alstom, le groupe avait acquis l'activité de production électrique de turbines à gaz du groupe ABB, au tout début des années 2000. Cette acquisition avait amené le groupe au bord de la faillite, à l'été 2003, car les turbines en question n'étaient pas de qualité, ce qui avait conduit l'ensemble des clients à réclamer 4 milliards d'euros. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque, Francis Mer, que j'avais l'honneur de servir, a pris la décision courageuse de ne pas laisser Alstom partir à la faillite et de mettre en oeuvre un plan permettant de pérenniser l'ensemble de ses activités. Alstom a donc poursuivi son chemin sur une décennie et s'est redressé, traversant d'autres défis : la crise financière et l'accélération de la transition énergétique. Au début des années 2010, le secteur des turbines à gaz était en crise mondiale car plus aucune turbine de ce type n'était fabriquée où que ce soit, ce métier ne vivant plus que de la maintenance des turbines installées.

Asltom était convalescent dans ce monde-là, les leaders mondiaux étant General Electric, Siemens et Mitsubishi. Il s'est donc retrouvé dans une situation où ces métiers, qui souffraient énormément, risquaient à nouveau d'amener l'ensemble du groupe dans des difficultés. Les dirigeants d'Alstom de l'époque ont recherché les évolutions stratégiques indispensables pour préserver cette activité et la compétitivité de l'ensemble du groupe. C'est dans ce cadre, qu'en tant que banquier d'affaires, j'ai été amené à participer simplement à la prise de contact initiale avec General Electric. Il s'agit d'un grand groupe industriel, partenaire de Safran depuis 50 ans, devenu avec lui le leader mondial d'un des plus grands segments des moteurs aéronautiques. Parti par la suite rejoindre Schneider Electric, je n'ai pas suivi le reste de cette transformation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Nous avons besoin d'y voir plus clair sur vos objectifs. Après avoir suivi la privatisation des autoroutes et de la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), après avoir participé à la libéralisation du marché de l'énergie et à la privatisation de Gaz de France (GDF), après avoir travaillé pour la l'introduction en Bourse d'EDF, lors de vos passages dans les cabinets ministériels de Bercy, après avoir supervisé la vente d'Alstom à General Electric lors de votre passage dans une banque d'investissement, comment l'expert de la privatisation et de la libéralisation que vous êtes, compte-t-il agir pour participer à la renationalisation d'EDF ? Votre nomination n'est-elle pas un aveu que le projet « Hercule » est de retour, avec la privatisation prochaine des actifs intéressants et la nationalisation de la seule production nucléaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Quelle stratégie envisagez-vous de porter pour fabriquer, développer et commercialiser les SMR, ces petits réacteurs nucléaires modulaires que nous utilisons déjà en particulier pour la chaufferie des sous-marins nucléaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Que pensez-vous de l'Arenh, qui est en réalité une spoliation d'EDF ? Ensuite, quelle est votre feuille de route ? Nous assistons au retour de l'État, mais sans débat parlementaire, EDF demeurant une société anonyme : avec vos 70 milliards de dettes, vous demande-t-on de vendre des actifs, céder des activités et vous séparer de salariés, comme Dalkia, avec un projet « Hercule 2.0 », ou bien allez-vous bâtir un grand service public de l'énergie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Qu'est-ce que le passage à 100 % du capital public vous permet-il de faire, par rapport à la situation actuelle d'un capital détenu par l'État à 84 % ? Et quels sont vos projets s'agissant des barrages hydroélectriques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Vous avez participé à l'introduction en bourse d'EDF en 2005, vous voici maintenant promis à la tête d'une entreprise renationalisée : dans quel esprit abordez-vous cette nouvelle étape ? Quelles sont vos priorités sur la relance du nucléaire ? La relance du parc nucléaire est aujourd'hui retardée en raison d'une pénurie de main d'oeuvre qualifiée ; or, EDF s'est engagé à redémarrer tous les réacteurs à l'arrêt pour cet hiver. Les annonces de la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher sur ce sujet, en septembre dernier, vous paraissent-elles tenables ? Quelle mesure comptez-vous prendre pour réussir ce défi ? Enfin, l'élu drômois que je suis verrait bien l'installation d'un troisième EPR sur son territoire : où en est-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Avez-vous une feuille route sur de nouveaux développements de l'énergie hydraulique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

Comment comptez-vous expliquer aux Français que l'électricité va coûter de plus en plus cher, ceci dans un contexte de baisse généralisée du pouvoir d'achat ? Vous dites, ensuite, devoir renouveler le parc nucléaire, mais que comptez-vous faire des déchets nucléaires à longue durée de vie - quelle est votre vision sur leur traitement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Le Gouvernement a lancé une concertation pour que le grand public puisse s'exprimer sur l'avenir du bouquet énergétique français avec, bien sûr, le nucléaire au centre de cette concertation, en posant trois grandes questions et avec comme objectif la neutralité carbone en 2050 : comment adapter notre consommation ? Comment satisfaire nos besoins énergétiques, tout en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles ? Enfin, comment planifier et financer notre transition énergétique ? Je suis certes attachée à la concertation, mais comment comptez-vous prendre en compte les résultats de celle-ci ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

La façon dont vous dites ce que vous voulez faire m'incite à vous donner ma voix, alors que ce n'était pas mon intention a priori. Cependant, le travail à faire reste entier, comme le montre cet exemple d'un jeune qui vient de reprendre une scierie sur mon territoire : EDF lui dit que ses charges d'électricité vont passer de 8 000 à 69 000 euros, et quand il demande une solution, l'entreprise lui répond que, s'il veut un tarif préférentiel, il n'a qu'à scier entre 21 heures et 5 heures du matin - comment en finir avec cet aveuglement technocratique absurde, qui nous tue à petit feu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Comment voyez-vous le déploiement territorial du nouveau parc nucléaire évoqué par le président de la République : quelle articulation avec les sites actuels et allez-vous rouvrir la concertation territoriale ? Quel calendrier pour le projet Cigéo en Haute-Marne ? Enfin, quelle complémentarité entre les EPR et les SMR ?

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Comment envisagez-vous la coopération européenne et internationale d'EDF ? En particulier, où en est le chantier d'EPR britannique d'Hinkley Point C ? EDF coopère sur ce chantier avec l'entreprise chinoise China General Nuclear Power Corporation (CGNP), qui est ailleurs une concurrente : n'y voyez-vous pas un problème ? Enfin, quels vous paraissent être les axes de coopération avec l'Allemagne, et ses industriels, dont la politique énergétique a pu sembler divergente avec la nôtre depuis sa décision d'arrêter la production nucléaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Merillou

Notre rapporteur Daniel Gremillet souligne qu'il faut donner un cap à EDF : quel est le vôtre ? Comptez-vous poursuivre la dérive ultralibérale de cette belle maison qui a fait la fierté de celles et ceux qui l'ont façonnée ? Ou bien serez-vous mandaté pour en faire un outil stratégique au service de notre souveraineté énergétique car capable de se positionner sur des enjeux de moyen et long termes ? Votre passé de dirigeant très libéral ne plaide pas pour vous...

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Je n'ai pas compris sur quel mandat du Gouvernement repose votre candidature. Quel est votre projet organisationnel : comptez-vous conserver un groupe intégré, ou plutôt filialiser le nouveau nucléaire ? Que comptez-vous faire du projet « Hercule », devenu « Grand EDF » ? Et pour redresser les comptes de l'entreprise ? Si l'Arenh n'était pas supprimé, comment vous adapteriez-vous ? Allez-vous vers une prise en compte des coûts de production complets du mix énergétique national ? Pour la gouvernance elle-même, allez-vous vers un modèle dual, avec un président et un directeur général ? Enfin, comment comptez-vous financer le développement du nouveau nucléaire : par des sociétés de projet, au risque de remettre en cause l'intégrité du groupe, ou bien au sein même du groupe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Le Gouvernement a levé l'interdiction de publicité pour les offres vendues au tarif réglementé de vente d'électricité (TRVE), comme l'offre « Tempo » d'EDF : jusqu'à quand cette mesure exceptionnelle est-elle en vigueur et quelles sont vos projections de souscriptions d'abonnés dans les prochains mois ? La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a lancé une enquête sur des fraudes à l'Arenh de certains fournisseurs qui gonflent leur portefeuille clients pour bénéficier de plus larges quotas d'électricité nucléaire à prix cassé : comment le groupe EDF entend-il faire valoir ses droits devant la justice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Alors qu'EDF est très endetté et que l'Arenh est montré du doigt, à combien évaluez-vous le coût réel du MWh de nucléaire historique ? La filière nucléaire comporte de nombreux maillons faibles, par exemple les piscines qui sont aujourd'hui remplies à ras-bord : où en est-on sur ce point ? L'électricien italien Enel prévoit de construire une giga usine photovoltaïque : comptez-vous faire de même avec EDF, en intégrant une filière française qui aujourd'hui se meurt, à l'exemple de l'entreprise Photowatt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Vous n'évoquez pas l'énergie à partir d'hydrogène qui semble pourtant constituer une filière d'avenir, si elle est produite à partir d'énergies renouvelables : qu'en pensez-vous ? Quels moyens comptez-vous engager dans la recherche ? Vous ne parlez pas, non plus, de sobriété énergétique - mais c'est probablement que la sobriété énergétique ne fait pas vos affaires de vendeur d'énergie... J'aurais aimé vous entendre parler d'usagers, et pas seulement de clients.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Nous nous retrouvons sur les constats, mais nous restons sur notre faim quant à la stratégie : comment ne pas retomber dans les écueils qui nous ont conduits où nous en sommes aujourd'hui ? Deux questions plus ciblées : comment comptez-vous faire face aux difficultés de recrutement de main d'oeuvre qualifiée dans le secteur ? Quels moyens envisagez-vous pour parer à la vulnérabilité du pilotage numérique de l'énergie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

EDF subit et peut subir toujours plus de cyberattaques : comptez-vous la faire bénéficier des techniques de protection que vous avez utilisées chez Schneider Electric ? La ministre de la transition énergétique nous a dit vouloir développer la géothermie : que pensez-vous pouvoir faire en la matière, notamment via Dalkia ?

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Dans les territoires ultramarins où l'énergie solaire est prédominante, le Gouvernement a décidé de revoir à la baisse le coût de rachat de l'énergie injectée dans le réseau, occasionnant un ralentissement du développement du photovoltaïque, compte tenu des frais d'approche du matériel et de l'étroitesse du marché.

À Saint Barthélemy, un projet d'installation d'une turbine de production d'électricité, couplée à une usine d'incinération des ordures, tarde à se réaliser. Lors de sa visite le 16 octobre dernier, le ministre des outre-mer, Jean-François Carenco, a annoncé qu'il plaiderait pour un coût de rachat de l'énergie par EDF autour de 350 euros par MWh : qu'en pensez-vous et allez-vous défendre ce tarif devant la CRE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Quels engagements pouvez-vous prendre pour aider les collectivités territoriales face à la hausse des prix de l'électricité ? Quelles sont les perspectives pour la Direction des systèmes énergétiques insulaires (EDF-SEI), qui fournit de l'électricité aux zones non interconnectées au réseau dit métropolitain continental : comptez-vous y déployer davantage d'énergies renouvelables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Que pensez-vous de la stratégie de l'État, avec la facture de 24 milliards d'euros, comprenant 10 milliards de manque à gagner sur les recettes fiscales pour l'électricité, 6 milliards de dépenses pour le gaz et 5 milliards de remise à la pompe pour le carburant - quelle est l'efficacité d'une politique qui aide autant un couple retraité à chauffer sa piscine qu'un travailleur modeste à maintenir la température de son salon à 19 degrés pour le début de l'hiver ? Qui plus est, le bouclier tarifaire ne protège pas bien des petites entreprises et les collectivités territoriales, qui n'ont plus accès aux tarifs réglementés du fait de l'application des règles européennes de la concurrence... Quelle est donc votre feuille de route sur ce bouclier tarifaire et que proposez-vous pour redresser la barre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

En tant qu'observateur extérieur à EDF, quels conseils stratégiques avez-vous donné au Gouvernement sur la régulation des prix qui permettent à l'entreprise de continuer à investir ?

Debut de section - Permalien
Luc Rémont

Merci pour ces questions très nombreuses et précises, je vais essayer d'y répondre sans en oublier, et j'espère avoir l'occasion de compléter ce que je vous dis aujourd'hui, en revenant devant vous.

Mon passé détermine-t-il mon avenir, Monsieur Tissot ? J'ai fait beaucoup de choses, pas toujours bonnes comme tout le monde - mais j'ai toujours eu pour objectif de trouver les voies et moyens de développer l'activité des entreprises pour lesquelles j'ai travaillé. J'ai été formé pour cela avec des mentors comme le ministre Francis Mer, qui m'ont appris à développer l'activité, à me placer dans cette perspective. Dans certaines circonstances, cela passe par l'ouverture du capital à des actionnaires diversifiées ; dans d'autres, il vaut mieux se recentrer sur un seul actionnaire : c'est le cas ici, l'État est un actionnaire de long terme, c'est favorable pour réaliser des investissements de long terme.

L'articulation entre les EPR2 et les SMR mériterait un long développement, Monsieur Moga. Nous tirons les leçons de deux décennies passées - à Flamanville, Olkiluoto et Hinkley Point C - à fabriquer les premiers EPR - avec des difficultés industrielles et organisationnelles - pour réussir l'industrialisation. Je crois qu'il est souhaitable, dans cette filière comme dans d'autres, de disposer d'un portefeuille de solutions qui permettent de s'adapter aux besoins des clients et des pays. Même si les SMR ne sont pas au même niveau de développement que les EPR2, pour la France comme pour l'étranger, il est souhaitable de proposer des SMR, où la France bénéficie de son expérience tirée en particulier de la propulsion nucléaire navale, pour servir le pays mais aussi les exportations : nous allons pouvoir présenter différents types de réacteur, et différents types de puissance, c'est un atout.

Monsieur Gay, l'Arenh est à bout de souffle, il a préservé les clients français d'une hausse excessive de prix, mais il n'a pas créé de concurrence réelle puisqu'il n'y a pas d'investissements en dehors de ceux d'EDF. Il faut donc réformer le système. Comment faire ? N'étant pas dans l'entreprise, je n'ai pas tous les éléments, mais c'est un travail à réaliser avec les équipes d'EDF. C'est bien l'orientation que je prendrai dans mes discussions avec les pouvoirs publics.

Madame Berthet, vous me demandez quel est l'avantage de passer de 84 % à 100 % du capital détenu par l'État : c'est plus favorable pour qu'EDF dépasse les difficultés opérationnelles du moment, reprenne un niveau de production élevé et se projette à long terme. Avoir un seul actionnaire simplifie la capacité de regarder à long terme. Sur l'hydroélectricité, je n'ai pas tous les éléments, la pérennisation est nécessaire, je travaillerai sur les modalités techniques pour qu'EDF trouve un accord, poursuive ses projets et se projette à long terme, en lien avec les collectivités territoriales, qui sont un partenaire essentiel de cette activité.

Comment passer de l'introduction d'EDF en bourse à sa renationalisation ? Monsieur Buis, en toute chose il faut être souple, dans l'intérêt de l'entreprise, et l'on mûrit avec l'âge... Nous sommes effectivement face à une pénurie de main d'oeuvre, il faut des ingénieurs mais aussi des soudeurs nucléaires - or un soudeur nucléaire, il faut trois ans pour le former. Nous parlons de métiers industriels, j'en connais les difficultés de recrutement - et à Schneider Electric, nous formons une dizaine de milliers d'électriciens pour que les métiers de l'électricité perdurent. L'industrie navale a fait cela à tous les niveaux - ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs -, il en va de même pour le nucléaire - au travers du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) notamment. Je soutiendrai activement la formation, le monde professionnel a besoin de voir le président d'EDF très actif sur cet enjeu, c'est décisif pour l'activité qui, sans renouvellement des professionnels, perd toujours plus de temps dans son développement.

Madame Artigalas, les concessions hydroélectriques sont un élément clé du programme stratégique d'EDF, je vous en préciserai l'actualité lorsque j'aurai travaillé sur le sujet avec les équipes d'EDF.

Madame Gacquerre, le tarif de l'électricité pour les ménages est un sujet très délicat car, depuis vingt à trente ans, les 58 réacteurs nucléaires ont fourni une énergie très compétitive. Nous entrons dans un nouveau cycle et, pour préparer l'avenir, chacun doit mettre du sien : l'entreprise, en restant performante, c'est mon travail ; la Nation, en renouvelant ses capacités de production ; les clients ou les usagers, selon le vocable que vous préférez, à travers le tarif. Notre parc de 58 réacteurs a été construit pratiquement sans financement public, il a été financé par les clients, et on l'a fait en évitant les fluctuations exagérées des prix. Les clients financent le cycle complet, y compris l'aval du traitement des déchets nucléaires, c'est une nécessité pour la filière. Sur les déchets nucléaires, je ne connais pas encore tous les éléments des projets, mais c'est une mission très importante et je compte bien travailler sur l'ensemble du cycle du nucléaire, avec les entreprises ou organismes extérieurs pour nous assurer de la cohérence de la filière nucléaire sur ce sujet.

Madame Férat, la concertation que vous citez embrasse des questions qui concernent les pouvoirs publics au-delà de l'entreprise - et les résultats de cette concertation seront à prendre en compte par le Gouvernement, ils feront partie de la négociation qu'EDF aura avec le Gouvernement. Ils ne peuvent pas être uniquement pris en compte par l'entreprise.

Monsieur Duplomb, merci d'avoir l'intention de me donner votre voix. L'exemple que vous citez est saisissant, je n'ai pas de solution dans l'immédiat à proposer à ce repreneur d'une scierie, vous le comprendrez bien - ce qui ne m'empêche pas de considérer que la situation n'est pas satisfaisante... Je n'ai pas de baguette magique, mais j'entends trouver des solutions à ce type de problème même si EDF doit travailler dans les règles de marché fixées ; j'en ai une certaine habitude, les PME étant nombreuses parmi les clients de Schneider Electric.

Monsieur Menonville, le déploiement des EPR relève de la concertation, avec le Gouvernement et les collectivités territoriales, elle prend du temps. Il faut prendre en compte les problématiques d'autorisations. Nous avons su construire 58 réacteurs nucléaires en 20 ans, je ne crois pas que nous soyons capables en tant que Nation de recommencer, ceci pour des raisons industrielles qui regardent EDF et la filière nucléaire mais aussi parce que nous n'avons plus cette capacité nationale à construire - nous en aurons pourtant besoin. Nous aurons besoin de tout le monde pour répondre à l'exigence de nouvelles capacités nécessaires pour accompagner électrification et le renouvellement du parc. Les travaux d'accélération en cours sur les énergies nucléaires doivent aussi concerner l'énergie nucléaire. Je ne connais pas le détail de Cigéo, je ne manquerai pas de revenir vers vous lorsque j'aurai travaillé sur ce sujet avec les équipes.

Madame Blatrix-Contat, le projet d'EPR à Hinkley Point C, au Royaume-Uni, est important pour EDF, qui est un acteur important du marché britannique, et il est important aussi pour le développement de notre filière, qui connaît actuellement un creux - car quand vous n'avez pas d'activité, vous détruisez la filière ; je me rendrai donc sur place et suivrai ce dossier de très près. S'il existe des aléas et des difficultés, comme tous les projets, alors nous y ferons face et nous les relèverons. La relation avec l'Allemagne, ensuite, est très importante, nous devons construire un nouveau consensus énergétique, il y a des divergences claires à exprimer et à aplanir, pour construire le consensus européen, sur l'électricité mais aussi sur l'énergie plus généralement.

Vous qualifiez mon profil d'« ultralibéral », Monsieur Mérillou ? L'un de mes collègues me disait que j'étais surtout un « ultra humaniste »... En réalité, je crois à la réussite de l'entreprise, elle se développe par ses projets et par sa capacité à les accomplir. Voilà ce à quoi je crois. Je n'arrive pas avec un plan prédéfini. Mon mandat, c'est de faire réussir EDF.

Monsieur Montaugé, je n'ai pas l'habitude de raisonner sur l'organisation avant d'avoir défini les objectifs, car cela me semblerait raisonner à l'envers. J'ai résumé mon projet d'un opérateur qui réussit dans ses trois métiers fondamentaux : trouver des solutions pour les clients, maintenir une production diversifiée et développer des réseaux - et c'est par leur fonctionnement en synergie que je pense fonder la réussite d'EDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Vous ne répondez guère sur la suppression de l'Arenh, ni sur le financement...

Debut de section - Permalien
Luc Rémont

J'ai répondu à M. Gay sur l'Arenh. Quant au financement du nouveau nucléaire notamment, je ne saurais vous répondre sur ce sujet - qui concerne EDF mais aussi le cycle du nucléaire dans son ensemble - avant d'avoir travaillé sur ce sujet avec les équipes, mais aussi le Gouvernement et la Commission européenne d'ailleurs. Je reviendrai vous voir une fois ce travail accompli.

Madame Estrosi Sassone, je ne sais pas jusqu'à quand la publicité pour le tarif « Tempo » est autorisée, j'ai moi-même reçu cette proposition et vais m'empresser de l'accepter. Les fraudes sur l'Arenh m'interpellent autant que vous. C'est un des signes qui montrent que l'Arenh ne fournit fondamentalement qu'une option gratuite à des commercialisateurs qui peuvent, le cas échéant, en abuser. Nous suivrons de très près les enquêtes de la CRE.

Je ne connais pas le coût réel du MWh nucléaire, Monsieur Salmon, mais je m'en assurerai si je suis nommé à la tête d'EDF. Je travaillerai également sur l'aval, mais je n'ai pas aujourd'hui d'éléments pour vous répondre sur le remplissage des piscines des réacteurs. L'électricien italien Enel annonce une giga usine photovoltaïque, cela donne effectivement à réfléchir. L'Europe s'organise, comme elle le fait aussi pour les semi-conducteurs, c'est une bonne chose et je compte bien participer au mouvement. Il est souhaitable qu'une réflexion équivalente existe, par seulement sur les panneaux photovoltaïques mais aussi sur les composants critiques de la chaîne électrique : les batteries, l'électronique, etc.

La production d'hydrogène est effectivement une filière d'avenir, Monsieur Labbé, mais pas encore à un stade de maturité, c'est pourquoi EDF y travaille. La finalité industrielle paraît à ce stade plus accessible que l'électricité vers l'hydrogène puis vers l'électricité, qui en est à la R&D compte tenu de son rendement, mais je suivrai de très près le développement de la filière hydrogène.

J'ai parlé de sobriété énergétique dans mon propos liminaire, j'en fais même le plaidoyer - l'efficacité énergétique est l'un des credo de Schneider Electric et j'ai toujours tenu à ce que les entreprises puissent choisir leur matériel pour être sobres. Pour connaître les installations électriques sur le plan technique - industrielles, tertiaires comme résidentielles -, je sais qu'on peut réaliser 10 à 15 % d'économies sans effet sur le bien-être, les études statistiques le montrent. Et dans le domaine professionnel, un objectif de 30 à 50 % n'est pas hors de portée, et c'est d'autant plus intéressant qu'en général, on améliore dans le même mouvement la performance économique de l'entreprise. Les conseils d'EDF en région mais aussi Dalkia doivent oeuvrer dans ce domaine.

Comment ne pas retomber dans les écueils qui nous ont conduits où nous en sommes aujourd'hui ? Votre question, Madame Loisier, montre que je vais avoir beaucoup de travail et besoin de beaucoup d'aide. Vous avez raison : le problème de la main d'oeuvre qualifiée est l'un des plus redoutables, il faut commencer dès le collège à promouvoir les métiers industriels, qui sont des métiers nobles, bien payés, où l'on se réalise. Le pilotage numérique me tient à coeur, j'ai équipé des réseaux électriques dans le monde entier, la vulnérabilité numérique est l'un des premiers soucis des électriciens. Il y a des solutions mais la menace change de nature, il faut s'adapter constamment, tous les opérateurs y travaillent pour que l'indispensable flexibilité soit robuste.

La géothermie comporte plusieurs volets, Madame Renaud-Garabedian, elle est sous-exploitée, en particulier le potentiel de production électrique en autoconsommation par pompe à chaleur, à moindre coût collectif : c'est un axe de capacités potentielles en GW, des pays l'ont fait. De même l'exploitation géothermique, qui varie selon la densité de la population.

Madame Jacques, je n'ai pas la réponse sur le coût de rachat de l'énergie et les retards des projets de cogénération dans les Outre-mer, ni sur le projet que vous citez - je reviendrai vers vous lorsque j'aurai les éléments de réponse. J'ai travaillé sur les particularités du contexte insulaire, je connais les défis particuliers de cette géographie en matière d'énergie, ses inconvénients et ses avantages, je compte y travailler et suivre les choses de près.

Madame Schillinger, je suis très sensible au coût de l'électricité pour les collectivités, les situations varient fortement et le Gouvernement vient de relever les seuils d'éligibilité au TRVE au-dessus de 36 kilovoltampères (kVA). Depuis hier, les collectivités de moins de 250 personnes peuvent bénéficier d'un soutien gouvernemental, dont je ne connais pas tout le détail. EDF est à disposition des collectivités pour trouver des solutions dans le cadre des règles de marché.

Monsieur Cardon, j'ai l'impression que votre question, portant sur la politique énergétique en général, s'adressait au Gouvernement plutôt qu'au candidat que je suis à la présidence d'EDF. L'énergie a un coût global, et mon rôle, à EDF, sera de veiller à ce que les choix de court terme n'obèrent pas l'avenir de l'entreprise - le reste dépend du Gouvernement.

Je resterai prudent sur le nombre de réacteurs nécessaires, Monsieur Somon, car le défi en tant qu'entreprise n'est pas de fixer un nombre, mais de créer une filière avec un coût récurrent et un délai de construction par réacteur les plus faibles possible. Une fois cette filière sur pieds, ce qui est le défi de l'EPR2, nous adapterons le nombre de réacteurs sur la durée aux besoins du pays. Plutôt que formuler le problème sur 6 ou 14 EPR2, il faut donc se lancer dans ce chantier, avec une vision industrielle pour en assurer le succès, qui est financier, industriel et humain. Pour cela, il faut assurer la réalisation de l'EPR2 récurrent - ou même du tandem d'EPR2 récurrents car il y a des bénéfices à en faire plusieurs sur un même site - pour faire en sorte que cela soit compétitif.

Sur la tarification, la régulation est de niveau européen et nos règles actuelles sont trop liées au court terme et à la dernière unité produite au gaz ; nous travaillerons avec la Commission européenne, et notre rôle sera, en la matière, de conseiller le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci pour toutes ces réponses. Une fois que vous serez sorti de notre réunion, nous procéderons au vote à bulletin secret, que nous dépouillerons seulement après votre audition par l'Assemblée nationale, le dépouillement devant être simultané.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons procédé à l'audition de M. Luc Rémont, dont la nomination par le Président de la République est envisagée pour exercer les fonctions de président-directeur général d'EDF.

Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition de nomination.

Ce vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance du 7 novembre 1958, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Le dépouillement aura lieu à 14 h 20, de manière simultanée avec l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourra pas procéder à la nomination de Luc Rémont si les votes négatifs au sein des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Il est procédé au vote.

La réunion, suspendue à 10 h 45, est reprise à 14 h 20.

La commission procède au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Luc Rémont, aux fonctions de président-directeur général d'Électricité de France (EDF).

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale :

Nombre de votants : 45

Bulletins blancs : 0

Bulletin nul : 0

Nombre de suffrages exprimés : 45

Pour : 26

Contre : 19

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 45.