Intervention de Luc Rémont

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00
Audition de M. Luc Rémont candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président-directeur général pdg d'électricité de france edf

Luc Rémont :

C'est un honneur de me présenter devant votre commission à la demande du Président de la République qui vous a saisi du projet de me nommer comme PDG d'EDF, si le conseil d'administration d'EDF le propose et si le Parlement l'approuve.

Par l'importance de sa mission et grâce aux succès qui ont émaillé son histoire, EDF est une fierté nationale dont nos concitoyens attendent légitimement beaucoup. Les générations de femmes et d'hommes qui ont façonné cette entreprise peuvent être fiers de leur contribution au développement de notre pays depuis 1946. Et c'est convaincu du rôle essentiel, stratégique, qu'EDF joue et aura à jouer dans les prochaines décennies et de l'ampleur de la responsabilité de diriger cette entreprise unique, que je me présente devant vous.

Je dois surmonter ma réticence à parler de moi pour vous dire d'abord deux choses, l'une générale, l'autre plus personnelle, avant de vous décrire brièvement mon parcours.

La première, c'est que je vois ce rôle de PDG d'EDF moins comme une fonction que comme une mission. L'énergie, la transition énergétique, l'électricité et son prix pour la société, le nucléaire, les énergies renouvelables et les réseaux et, englobant tout cela, l'avenir d'EDF dans les temps que nous traversons, ceci suppose la mobilisation de toutes les énergies, à commencer par la mienne. Je voudrais simplement vous dire que j'y suis prêt et aussi que je suis convaincu que tous les personnels de l'entreprise le sont également.

Le second point est plus personnel. Si je suis prêt à assumer cette mission que la présidente a qualifié de « difficile », c'est parce que j'y trouve l'occasion de porter à leur aboutissement les idéaux de ma jeunesse. Je crois avoir servi l'intérêt général dans tous les postes que j'ai occupés, y compris ceux du secteur privé. Mais EDF, pour le dire familièrement, c'est autre chose. C'est peut-être la mission d'une vie pour un homme qui, au moment des études et des concours républicains, a rêvé d'être ingénieur, de servir l'industrie française, et pour qui vient le moment de rendre à son pays tout ce qu'il a pu donner à un jeune français comme les autres, élevé dans les valeurs du mérite et du travail.

Ingénieur de formation, je n'ai jamais cessé d'apprendre au long de bientôt 30 ans d'une vie professionnelle, dédiée pour moitié au service de l'État puis pour moitié à la vie d'entreprise. Dans les différents métiers qui m'ont offert la chance d'une expérience diversifiée, mon parcours a toujours été focalisé sur le développement de l'industrie française, et très largement au monde de l'énergie.

De mes années au service de l'État, j'ai appris le développement d'une filière technologique appliquée aux grands programmes spatiaux à la DGA, puis celui des grands projets d'infrastructures associés aux banques de développement au Trésor. J'ai participé aux négociations du protocole de Kyoto sur le changement climatique et au suivi de la mise en sureté des centrales nucléaires issues du bloc de l'Est à la fin des années 1990. Au début des années 2000, au sein du ministère des finances, j'ai soutenu le développement et la transformation des entreprises dont l'État est actionnaire, dans une période d'évolution rapide du cadre européen pour l'ensemble des services publics. J'y ai connu de nombreuses négociations communautaires. C'est à cette période que j'ai appris à connaître le secteur de l'énergie, qui vivait l'une de ses premières mutations à l'échelle européenne, il y en a eu bien beaucoup d'autres depuis.

J'ai souhaité ensuite apprendre davantage en exerçant une activité opérationnelle dans le monde de l'entreprise. J'ai commencé dans le secteur financier, au moment de la crise financière. J'y ai appris la conduite d'une activité en crise alors que le monde financier s'écroulait, l'importance de rester proche de ses clients en toute circonstance, et j'ai continué de développer ma connaissance de l'industrie française et internationale en accompagnant le développement stratégique et le financement de nombreux groupes.

Enfin, depuis bientôt 9 ans, c'est avec beaucoup de bonheur que je sers le groupe Schneider Electric, un autre fleuron de notre industrie française, leader technologique mondial engagé dans la décarbonation de la planète grâce à l'électrification de nos usages et à l'utilisation des technologies digitales pour améliorer l'efficacité énergétique et opérationnelle de tout type d'infrastructures. Je dirige, depuis bientôt 6 ans, l'activité du groupe dans une soixantaine de pays, principalement les pays émergents, qui représentent environ un quart du chiffre d'affaires du groupe avec une présence opérationnelle, industrielle et humaine très forte. Je dirige des équipes pluridisciplinaires et de cultures différentes, je développe leurs compétences au service de nos clients, de notre technologie et de notre capacité industrielle. Cette expérience m'a conduit à travailler avec la plupart des opérateurs électriques pour leur modernisation technique et numérique et à connaitre l'évolution de marchés de l'électricité très variés. Enfin, pendant cette période, à la demande de l'État, j'ai été pendant 5 ans membre du conseil d'administration de Naval Group, me donnant l'occasion de suivre de près, comme président du comité d'audit de ce groupe, le déroulement du seul programme français actuel de production en série de chaufferies nucléaires pour les sous-marins d'attaque Barracuda.

C'est nourri de ces expériences diversifiées, et conscient qu'il me faut encore beaucoup apprendre, que j'aborde cette nouvelle phase de ma vie professionnelle. Au-delà des compétences et de l'expérience accumulée, je sais que la réussite de la mission suppose d'abord de mobiliser toute l'entreprise et l'ensemble de ses parties prenantes autour d'un projet d'avenir pour l'électricité et dans lequel EDF jouera pleinement son rôle. J'y trouve une très grande motivation et je voudrais partager avec vous quelques idées initiales, qui ne sont à ce stade que celles d'un observateur extérieur à l'entreprise, sur la façon dont je perçois les priorités stratégiques pour EDF.

Tout d'abord, comme la présidente et le rapporteur l'ont indiqué, nous sommes dans un contexte critique à court terme, qui rappelle le rôle essentiel joué par l'énergie et en particulier par l'électricité dans nos sociétés. Alors que l'Europe a bénéficié d'une grande sécurité énergétique pendant les dernières décennies, l'énergie est devenue aujourd'hui une arme dont la Russie use pour affaiblir nos sociétés et tenter de diviser l'Union européenne.

Avant même de parler de prix de l'énergie, c'est notre capacité à disposer de suffisamment d'énergie pour répondre à nos besoins qui est en jeu avec l'arrêt de l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe notamment. Malheureusement, dans ce contexte de crise énergétique, EDF traverse elle-même une crise sérieuse d'ordre technique et industriel, qui accentue la tension sur l'offre d'énergie.

Le phénomène inattendu de corrosion sous contrainte sur certains réacteurs nucléaires est venu soudainement aggraver la tendance baissière de la production nucléaire observée depuis plusieurs années, liée au vieillissement du parc et à la nécessité de son entretien. Je n'ai pas une connaissance suffisante de la situation pour vous livrer un diagnostic. Je constate que l'entreprise, en liaison avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a appliqué d'emblée des mesures mettant la sûreté au premier plan, qui est une condition essentielle du pacte de confiance qui lie EDF à la Nation. En lien avec les entreprises de la filière nucléaire et l'ASN, l'entreprise a immédiatement mis en place un plan pour mettre en oeuvre les solutions adaptées dans les dans les meilleurs délais pour permettre la reprise de la production en toute sûreté. J'ai été confronté plus d'une fois à des difficultés de production soit au sein de Schneider Electric soit chez nos clients, et je sais que cela nécessite la mobilisation de toute l'entreprise et de tout le secteur, ce qui est le cas aujourd'hui ; je consacrerai totalement dès les premières heures de mon mandat, à la tête et aux cotés des équipes d'EDF et avec les entreprises de la filière, à tenir les engagements de l'entreprise pour la reprise de la production des réacteurs à l'arrêt.

Au-delà de la production électrique nucléaire, la situation de tension énergétique dans toute l'Europe liée au gaz et à l'hydroélectricité - imputable sur ce second point à la sécheresse estivale - nous impose de nous préparer collectivement au passage de l'hiver, par un effort de réduction de notre consommation. Convaincu de très longue date de la nécessité de la sobriété et de l'efficacité énergétiques, je soutiens totalement les initiatives permettant à chacun d'agir en citoyen. Cet effort collectif est indispensable pour alléger la demande et diminuer les risques de délestage cet hiver et les suivants.

Le prix de l'électricité est bien sur la résultante de toutes ces tensions, sur le gaz, le nucléaire, mais aussi l'hydraulique, à l'échelle européenne. À court terme, les clients français bénéficient d'une meilleure protection que leurs voisins européens. Le prix de l'électricité en Europe est en moyenne deux fois plus élevé qu'en France aujourd'hui. Il existe pourtant des situations difficiles, qui ne sont guère satisfaisantes : je travaillerai avec les clients d'EDF et avec le Gouvernement pour trouver des solutions adaptées, chaque fois que c'est possible.

Dans ce contexte, la situation financière d'EDF se tend, sous l'effet conjugué de la baisse de la production et des mesures de régulation destinées à limiter les hausses de prix de l'électricité. Cette situation nécessite de la vigilance à court terme, pour ne pas devoir réduire les investissements et compromettre l'avenir. Elle devrait s'améliorer avec la reprise progressive de l'activité du parc nucléaire, mais elle nécessite impérativement de trouver un équilibre et une visibilité de long terme de la régulation, permettant de nous engager dans un nouveau cycle d'investissements devenu indispensable.

J'évoquerai les priorités et perspectives de moyen terme d'EDF.

Tous les experts internationaux confirment le rôle grandissant de l'électricité décarbonée, dont toutes les formes devront être mobilisées : nucléaire, hydraulique, éolien, solaire, thermique décarboné, stockage, flexibilité, smart grids... Je constate dans mes fonctions actuelles à quel point ce mouvement est mondial, et à quel point la croissance des besoins en électricité nécessite une intelligence de système, de la production aux clients en passant par les réseaux. Je suis convaincu que nous sommes au début d'une nouvelle révolution industrielle, fondée sur l'électricité et le numérique, et de l'importance de l'électricité pour atteindre l'ambition de la France d'être neutre en carbone en 2050.

De manière générale, EDF est attendu comme un acteur majeur de cette transition. EDF a connu une mue importante : du grand service public de l'électricité engagé dans la production électrique, dans les réseaux et la commercialisation d'un tarif unique, il s'est transformé, en l'espace de deux décennies, en un acteur d'un marché européen concurrentiel, producteur d'électricité aussi bien nucléaire que renouvelable, développant et construisant des installations de production d'électricité décarbonée en France, en Europe et dans le monde. Son offre commerciale s'est considérablement diversifiée, pour satisfaire les attentes du marché. Les réseaux se sont adaptés à la décentralisation et à la numérisation. C'est aujourd'hui un grand énergéticien mondial, qui doit continuer à tenir ce rang.

Grâce à l'étendue et à la qualité des compétences dont elle dispose, et par la nature même de sa raison d'être, EDF est bien placé pour jouer un rôle de premier plan de ce nouveau monde électrique.

Je voudrais détailler un certain nombre de piliers stratégiques essentiels pour le succès de cette mission.

J'ai observé bien des opérateurs électriques dans le monde et je crois que le succès de leur mission repose sur la capacité de développer de façon optimale trois piliers d'activité, qui constituent un ensemble, comme pour toute industrie : les solutions permettant aux clients d'optimiser leur consommation énergétique, une production compétitive et résiliente de diverses sources d'électricité, et des réseaux assurant la fourniture et l'équilibre partout et à tout moment, dans le respect de leur gouvernance spécifique.

Je commencerai par les clients, sans qui aucune entreprise n'existe, encore plus pour EDF, dont le rôle est premier dans la satisfaction des besoins collectifs.

Les difficultés de court terme sur le prix de l'électricité doivent conduire à accélérer les solutions permettant aux clients, entreprises, particuliers, collectivités, de mieux gérer leur énergie. Il y a d'ores et déjà une accélération massive en France des raccordements d'autoconsommation, qui est un rattrapage par rapport à d'autres pays. EDF doit continuer à accompagner ses clients dans leur transition énergétique. Cela concerne les entreprises et collectivités dans leurs installations industrielles ou tertiaires, ou pour développer des outils intelligents pour les aider à piloter leur consommation. Cela concerne également les particuliers souhaitant réduire leur consommation, électrifier leur véhicule, installer une pompe à chaleur ou devenir auto-consommateurs. Ces évolutions, ainsi que le développement de capacités de stockage, permettront d'introduire davantage de flexibilité dans le système électrique qui en a grandement besoin, et d'accompagner l'électrification des usages, en limitant les volumes d'investissements en moyen de production centralisés. La priorité d'EDF est d'apporter ces solutions innovantes à tous ses clients.

Sur les enjeux de production électrique, nous sommes à la croisée des chemins et les analyses publiées par RTE sur les scénarios de production et d'investissements d'ici 2050 offrent une perspective très éclairante sur l'avenir. Sans entrer dans le commentaire de chaque scénario, et en me limitant à commenter ce qu'il convient d'engager sans attendre pour répondre à la demande électrique, il me paraît raisonnable de dire que le problème est moins de piloter finement la part à terme de chaque mode de production, que de se mettre en mesure d'investir et de construire autant que possible pour chaque mode production, pour s'assurer une production suffisante et diversifiée à terme.

Je commencerai par le nucléaire. Il n'y a pas de stratégie bas-carbone possible sans production nucléaire. C'est évidemment l'approche de la France depuis très longtemps. De plus en plus de pays parviennent à cette conclusion, constatant que le nucléaire est la seule technologie fournissant une électricité de base non carbonée. Nous avons la chance que nos anciens aient réussi la performance inouïe de développer une filière industrielle et de déployer 58 réacteurs en moins de 20 ans, qui nous permettent de bénéficier depuis d'une électricité compétitive et abondante.

Entretenir et prolonger la durée de vie de ce parc est naturellement la première priorité d'investissement d'EDF avec le programme du « Grand carénage ». Mais il nous faut également être prêt lorsque la performance de nos anciens nous rattrapera, face à l'effet « falaise », quand le parc construit en peu d'années ne pourra plus être prolongé et quand il nous faudra trouver une source de renouvellement. C'est la raison pour laquelle le nouveau programme nucléaire français doit maintenant être rapidement lancé, pour que nous disposions durablement d'une électricité de base suffisante. C'est le cap fixé par le Président de la République, dans son discours de Belfort.

Ce défi est d'abord humain. Je suis convaincu que disposer des compétences les plus pointues dans l'ensemble de la filière nucléaire est crucial pour parvenir à relever le niveau de la production et pour sécuriser aussi le grand programme industriel qui s'annonce, avec la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France.

J'ai conscience du rôle singulier d'EDF à la tête de la filière nucléaire qu'elle recompose activement avec l'intégration de Framatome en 2018 et demain des activités nucléaires de General Electric. Il nous faudra structurer et amplifier le travail mené depuis quelques années, pour attirer à nouveau les talents dans ces métiers, dans l'industrie française. J'aurai à coeur de garantir que la filière dispose durablement des compétences nécessaires, pour relever le grand défi qui se présente à elle.

Naturellement il y a de nombreuses autres dimensions, techniques, financières et industrielles, à ce défi. Ce n'est pas seulement celui de l'entreprise mais celui de la Nation. Je m'attacherai à définir avec les pouvoirs publics l'ensemble des modalités nécessaires au succès de ce programme, avec l'obsession de fournir aux Français une électricité abondante, sûre, compétitive et durable, dans les meilleurs délais.

Nous devrons aussi retrouver le chemin du développement dans l'hydraulique. L'eau est une ressource dont les usages sont multiples, absolument majeurs, que ce soit pour l'énergie, l'agriculture, le tourisme, et nous devons exploiter tout son potentiel. Le rôle d'EDF auprès des collectivités est d'assurer la cohérence de la ressource le long des cours d'eau et de conjuguer une production hydroélectrique durable et les autres usages, tout en préservant la biodiversité. Les projets d'investissements ne se réalisent pas aujourd'hui par manque de visibilité sur le cadre de long terme. Je sais que des discussions, mentionnées par le rapporteur, sont en cours pour fournir un tel cadre à EDF, et je m'attacherai à ce qu'elles aboutissent pour permettre de relancer ce secteur.

Le développement des énergies renouvelables, qui occupe beaucoup votre commission en ce moment, est également une composante essentielle d'une production diversifiée pour EDF, en tant qu'opérateur de système électrique. EDF s'y est largement engagé avec des partenaires financiers permettant de partager les besoins d'investissements. La France n'est pas en reste dans le développement d'EDF dans les énergies renouvelables puisque le groupe est leader de l'éolien terrestre, leader de l'éolien maritime en France et sur le podium pour le solaire. Mais nous savons qu'il faut accélérer. EDF ne sera durablement performant en France qu'en restant un grand acteur mondial, dont la taille critique lui permet de bénéficier des effets d'échelle, de disposer de conditions d'achat optimale, en partageant avec des partenaires les investissements nécessaires, pour ne pas peser excessivement sur la capacité de financement du groupe.

Troisième pilier indispensable du système électrique : la performance des réseaux. Les réseaux de transport et de distribution sont eux-mêmes en pleine mutation, pour faciliter la transition énergétique, et l'importance de l'électricité dans notre quotidien conduit à une très grande exigence de qualité. Le métier de la distribution électrique est très fortement ancré dans le territoire, et accompagne les changements profonds associés à la production renouvelable décentralisée. La flexibilité accrue de l'offre et de la demande d'électricité locale changent profondément la nature du métier de gestionnaire de réseaux et nécessite des investissements importants en raccordements et en systèmes numériques. Nous passons d'un réseau unidirectionnel acheminant l'électricité à partir de grands centres de production vers les consommateurs, à un réseau bidirectionnel, qui maille le territoire en permettant la flexibilité et l'échange d'électricité. C'est une révolution, en cours dans tous les pays du monde. La priorité pour EDF, dans le respect de la gouvernance spécifique aux réseaux, est de soutenir ces transformations, dans un cadre de régulation adapté.

Je voudrais ajouter un point simple mais essentiel, pour répondre à une question du rapporteur : répondre à ces enjeux stratégiques du système électrique ne sera possible que si nous réformons en profondeur nos règles de marché à l'échelle européenne bien sûr, mais aussi à l'échelle nationale en partie, pour permettre l'investissement et donner à EDF un cadre stable à moyen terme.

Comme indiqué par la présidente, la crise énergétique actuelle met en lumière un certain nombre de faiblesses de nos règles de marché européennes. Les gouvernements européens ont adopté des mesures d'urgence pour faire face aux défis les plus immédiats et protéger les consommateurs des hausses exorbitantes du prix de gros, en agissant sur le gaz électrogène et sur les prix de production de l'électricité.

Au-delà de la crise actuelle, il est nécessaire de réfléchir au futur cadre de marché européen, pour compenser les défaillances des règles de marché européennes mis en lumière par la crise. Notre cadre de marché est trop exclusivement orienté vers l'équilibre à court terme, son mécanisme de formation de prix associé à celui du gaz, a des conséquences lourdes - alors même que sa part tend à diminuer dans le mix électrique -, et les besoins de flexibilité du marché ne sont pas suffisamment pris en compte - notamment sous forme de contrats de long terme et de pilotage de la demande.

Je suis heureux que le Sommet européen de la semaine dernière ait engagé le travail communautaire pour repenser le cadre de marché, EDF apportera ses idées et son expertise aux autorités françaises et européennes, à qui il revient de fixer ce cadre.

Le mécanisme de l'Arenh est à bout de souffle. S'il a permis de protéger les clients de prix de marché trop élevés, y compris en ce moment, il n'a pas conduit à développer de véritables investissements concurrents, tout en affaiblissant sérieusement ceux d'EDF. Son échéance est fixée à 2025 et je m'attacherai à créer avec l'État et la Commission européenne l'indispensable visibilité de moyen terme nécessaire pour sécuriser la trajectoire d'investissements d'EDF pour le pays.

Comme ingénieur, je suis convaincu que l'évolution technologique va continuer de nous apporter des solutions nouvelles pour l'électricité. C'est le rôle d'EDF d'y contribuer dans le domaine de la recherche et du développement (R&D). C'est aussi la raison d'une présence à l'international, destinée à connaître et pratiquer des environnements électriques différents.

Sur tous ces aspects stratégiques, qui s'inscrivent dans la continuité de la raison d'être d'EDF, définie sous l'égide de l'actuel PDG Jean-Bernard Levy, avec une très large participation au sein de l'entreprise, j'engagerai un travail en profondeur avec les équipes d'EDF dans les premiers mois, destiné à proposer une feuille de route, d'ici le printemps.

Pour terminer, je veux partager quelques convictions fortes, qui guident mon action en tant que dirigeant d'entreprise.

Je crois que la satisfaction des clients est le premier objectif de toute entreprise ; que la réussite de l'entreprise passe par l'engagement et le développement des compétences et des talents des personnes qui la composent ; que la diversité des origines et des savoirs et la mixité sont indispensables à la réussite d'une équipe ; que le dialogue entre les parties prenantes de l'entreprise et le dialogue social créent la confiance nécessaire à son progrès ; que la concurrence et la compétition sont bénéfiques à l'entreprise, en la poussant à faire mieux sans cesse ; que la culture de l'engagement et de la performance est indispensable à la réussite d'un projet d'entreprise ; que la responsabilité sociale d'entreprise est un engagement, pas une contrainte ; qu'il est possible de concilier préservation de la planète, développement et bien-être ; et, enfin, que l'électricité décarbonée est un atout majeur de progrès et d'industrialisation.

EDF n'est certes pas une entreprise comme les autres. Dépositaire du modèle du service public et animée par l'intérêt général, l'entreprise doit relever en même temps de nombreux défis. Au-delà des défis du moment, je crois qu'elle est en mesure de renouer avec l'excellence et l'exemplarité industrielles, qui font notre fierté partout dans le monde, et de jouer un rôle majeur dans l'avenir électrique.

L'actionnariat d'EDF est appelé à évoluer dans le cadre du projet de l'État de détenir 100 % du capital en tant qu'actionnaire de long terme. En plein accord avec l'État actionnaire, EDF restera gérée comme une entreprise industrielle, avec son intérêt social et sa personnalité morale propres. Ce seront ma mission et ma façon de travailler.

Je souhaite aborder cette mission en bâtissant une vision d'avenir et une relation de confiance avec les pouvoirs publics, indispensable pour réussir à relever les défis d'ampleur nationale qui sont devant nous. EDF ne peut réussir à servir le pays qu'avec cette relation de confiance. Je m'attacherai à ce qu'elle soit nourrie de contacts réguliers avec votre commission et avec l'ensemble des élus dans les territoires. Et je serais naturellement ravi de revenir devant vous dans quelques mois, si vous confirmez ma nomination et si vous me le permettez.

Je souhaite commencer par essayer de répondre à certaines questions du rapporteur que je n'aurais pas d'ores-et-déjà couvertes.

Sur Alstom, le groupe avait acquis l'activité de production électrique de turbines à gaz du groupe ABB, au tout début des années 2000. Cette acquisition avait amené le groupe au bord de la faillite, à l'été 2003, car les turbines en question n'étaient pas de qualité, ce qui avait conduit l'ensemble des clients à réclamer 4 milliards d'euros. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque, Francis Mer, que j'avais l'honneur de servir, a pris la décision courageuse de ne pas laisser Alstom partir à la faillite et de mettre en oeuvre un plan permettant de pérenniser l'ensemble de ses activités. Alstom a donc poursuivi son chemin sur une décennie et s'est redressé, traversant d'autres défis : la crise financière et l'accélération de la transition énergétique. Au début des années 2010, le secteur des turbines à gaz était en crise mondiale car plus aucune turbine de ce type n'était fabriquée où que ce soit, ce métier ne vivant plus que de la maintenance des turbines installées.

Asltom était convalescent dans ce monde-là, les leaders mondiaux étant General Electric, Siemens et Mitsubishi. Il s'est donc retrouvé dans une situation où ces métiers, qui souffraient énormément, risquaient à nouveau d'amener l'ensemble du groupe dans des difficultés. Les dirigeants d'Alstom de l'époque ont recherché les évolutions stratégiques indispensables pour préserver cette activité et la compétitivité de l'ensemble du groupe. C'est dans ce cadre, qu'en tant que banquier d'affaires, j'ai été amené à participer simplement à la prise de contact initiale avec General Electric. Il s'agit d'un grand groupe industriel, partenaire de Safran depuis 50 ans, devenu avec lui le leader mondial d'un des plus grands segments des moteurs aéronautiques. Parti par la suite rejoindre Schneider Electric, je n'ai pas suivi le reste de cette transformation.

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